COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 01 Juin 2022
N° RG 20/01608 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FPQF
FK
Arrêt rendu le un Juin deux mille vingt deux
Sur APPEL d'une décision rendue le 30 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de MONTLUCON (RG n° 17/00856)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé
ENTRE :
La société ETABLISSEMENTS PUIGRENIER
SAS immatriculée au RCS de Montluçon sous le n° 327 852 596 00029
[Adresse 9]
[Localité 1]
Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Françoise LABROUSSE membre de la PARTNERSHIPS JONES DAY, avocats au barreau de PARIS (plaidant)
APPELANTE
ET :
COMMUNE MONTLUCON représentée par son Maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 13]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(postulant) et la SELARL CABANES AVOCATS, avocats au barreau de PARIS (plaidant)
SCP [G] [O] ET MARIE [O], Notaires
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentant : la SELARL PRADILLON AVOCATS ET CONSEILS, avocats au barreau de MONTLUCON
INTIMÉES
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 06 Avril 2022, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame CHALBOS et Madame THEUIL-DIF, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 01 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Rémédios GLUCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant un acte authentique reçu le 5 février 2016 par Me [P] [O], notaire associée à Montluçon, la commune de Montluçon a vendu à la SAS Etablissements Puigrenier (la société Puigrenier) une parcelle de terrain à bâtir située [Adresse 12], et cadastrée section DH n° [Cadastre 10] et [Cadastre 11]. Le bien vendu, pour le prix de 62 470 euros, était destiné à la construction d'un bâtiment de production d'articles de boucherie.
Le 21 décembre 2016, la société Puigrenier a envoyé au maire de [Localité 14] une lettre recommandée pour se plaindre que l'on avait découvert en mars 2016 dans le sol du terrain vendu, lors des travaux de terrassements, des fûts contenant des solvants chlorés, que l'autorité préfectorale avait imposé l'arrêt des travaux, et que la société acquéreuse avait dû exposer des frais importants pour faire enlever les fûts et dépolluer le terrain. Cette société reprochait au maire d'avoir déclaré dans l'acte de vente que le bien vendu était exempt de toute pollution, et demandait à être indemnisée par la commune de ses divers préjudices, qu'elle estimait à 215 000 euros hors taxe.
La commune de Montluçon ayant rejeté cette demande, au motif qu'elle ignorait la pollution de cette parcelle qu'elle n'avait jamais exploité elle-même, la société Puigrenier l'a fait assigner le 9 octobre 2017 devant le tribunal de grande instance de Montluçon, pour obtenir le paiement de dommages et intérêts d'un montant total de 249 574,17 euros. Cette société invoquait notamment l'article L. 514-20 du code de l'environnement, qui oblige le vendeur d'un terrain, lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur ce terrain, à en informer par écrit l'acheteur.
La commune de Montluçon a elle-même assigné'en garantie la SCP [G] [O] et [P] [O], rédactrice de l'acte de vente.
Le tribunal judiciaire de Montluçon, suivant un jugement contradictoire du 30 octobre 2020, a':
- débouté la société Puigrenier de toutes ses demandes à l'encontre de la commune de [Localité 14]';
- débouté la commune de Montluçon de toutes ses demandes contre la SCP notariale';
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné la société Puigrenier aux entiers dépens.
Le tribunal a énoncé, dans les motifs du jugement, qu'il n'était pas établi que la commune de Montluçon ait eu connaissance de la pollution du terrain, et qu'elle n'avait manqué ni à son obligation spécifique prévue à l'article L.'514-20 du code de l'environnement, ni à l'obligation générale d'information du vendeur.
La société Puigrenier, par une déclaration reçue au greffe de la cour le 12 novembre 2020, a interjeté appel de ce jugement, en ses dispositions lui faisant grief.
Elle demande à cour d'infirmer le jugement, et de condamner la commune de Montluçon à lui payer une somme de 269 035,30 euros à titre de dommages et intérêts.
La société Puigrenier expose que la commune venderesse était tenue, en application de l'article L. 514-20 du code de l'environnement et de l'article 1602 du code civil, de l'informer du fait que le terrain avait été occupé par une installation classée pour la protection de l'environnement, fait attesté en 2016 par la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, qui a mentionné une activité de fabrication de produits chimiques de 1977 à 1989, et une activité de fonderie'; que l'identité même des propriétaires successifs, parmi lesquels les entreprises Saint-Gobain et PROCHAL, conduisait à supposer la possibilité du stockage de produits chimiques sur le terrain'; et que la commune ne pouvait ignorer que celui-ci était inclus dans un site industriel plus vaste, qui comportait d'autres installations classées pour la protection de l'environnement. La société appelante ajoute qu'avant même l'entrée en vigueur de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, la législation encadrait les installations classées, déjà soumises à des régimes de déclaration ou d'autorisation.
La société Puigrenier invoque d'autre part un manquement de la commune à son obligation de délivrance de la chose vendue, prévue à l'article 1603 du code civil, en ce qu'elle avait déclaré dans l'acte de vente que le terrain vendu n'était affecté d'aucune pollution pouvant résulter notamment de l'exploitation actuelle ou passée, et qu'aucune activité n'y avait été exercée, entraînant des dangers ou des inconvénients pour la santé ou pour l'environnement. Elle déclare enfin fonder sa demande sur la garantie des vices cachés, et sur le dol (réticence dolosive). Elle détaille les composantes de son préjudice': frais d'excavation et d'élimination des fûts de trichloroéthane et des terres imprégnées par ce produit, frais de conseil technique et juridique, préjudice économique provoqué par le retard dans la mise en service du nouvel atelier.
La commune de Montluçon conclut au principal à la confirmation du jugement. Elle fait valoir que le courriel de 2016 de la Direction régionale de l'environnement, cité par la société Puigrenier, se limite à affirmer que les parcelles où les déchets ont été découverts faisaient partie d'un vaste ensemble industriel, sans énoncer que des installations classées y auraient été implantées'; qu'une'telle information ne figure dans aucun des documents auxquels la commune avait accès, que la commune n'a acquis le terrain qu'en 2014, alors qu'il était à usage de jardins et de terrains de sport, qu'elle n'avait pas connaissance, sur les parcelles vendues, d'une ancienne activité soumise à autorisation ou à exploitation, qu'elle n'a donc manqué ni à l'obligation d'information spécifique édictée à l'article L. 514-20 du code de l'environnement, ni à son obligation de délivrance. La commune de [Localité 14] conteste aussi devoir une garantie pour vice caché, ou devoir répondre d'une prétendue réticence dolosive': elle invoque une clause de l'acte de vente excluant sa garantie des vices cachés, clause qui selon elle doit s'appliquer dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle connaissait la présence de déchets industriels dans le terrain vendu'; elle souligne que la société acquéreuse savait elle-même, aussi bien que la commune, que la zone dont faisait partie le terrain en cause avait été occupée par des établissements industriels, notamment des usines chimiques.
À titre subsidiaire, pour le cas où il serait fait droit à la principale demande de la société Puigrenier, la commune de Montluçon demande à être garantie par la SCP [O] de toute condamnation prononcée contre elle-même. Elle fonde sa demande de garantie sur l'obligation de conseil du notaire rédacteur de l'acte, qui se devait d'attirer son attention sur l'obligation contenue dans l'article L. 514-20 du code de l'environnement.
La SCP [G] [O] et [P] [O] (la SCP [O]) conteste la demande de garantie formée à son encontre. Elle souligne que l'acquisition en cause a été conclue dans l'urgence, qu'elle n'a pas mené les négociations préalables, n'étant pas le notaire habituel de la commune de [Localité 14], mais qu'elle a néanmoins rempli son obligation d'avertir les parties des dispositions de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, dispositions dont la commune avait parfaite connaissance. La SCP notariale rappelle à son tour le passé industriel de ce secteur de la ville, et affirme que ni la commune de Montluçon ni la société Puigrenier ne peuvent prétendre qu'elles l'ignoraient. Elle relève que l'article L. 514-20 du code de l'environnement ouvre, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, une action à l'acquéreur, qui peut demander la résolution de la vente ou la restitution d'une partie du prix, et qu'elle n'avait pas, pour sa part et en sa qualité de rédacteur de l'acte de vente, à effectuer des recherches sur une éventuelle pollution du bien faisant l'objet de la transaction.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le [Cadastre 5] février 2022.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées les 10 septembre et 25 novembre 2021, et le 7 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I ' Le droit :
L'article L. 514-20 du code de l'environnement dispose':
«'Lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation.
Si le vendeur est l'exploitant de l'installation, il indique également par écrit à l'acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L'acte de vente atteste de l'accomplissement de cette formalité.
A défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.'»
Le premier alinéa de cet article, en distinguant deux obligations d'information du vendeur, et assortissant la seconde seulement d'une restriction, tenant à la connaissance même par le vendeur des dangers ou des inconvénients résultant d'une exploitation effectuée sur le terrain, impose au vendeur une obligation plus étendue sur l'existence même de cette exploitation passée': le vendeur est ainsi tenu d'une obligation de résultat, d'informer l'acquéreur potentiel du fait qu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement, a été précédemment exploitée sur le terrain. Il ne peut s'exonérer de cette obligation, au seul motif qu'il ignorait l'exploitation de cette installation': il doit, avant d'affirmer qu'aucune activité de cette nature n'a été effectuée sur le terrain, s'assurer lui-même du bien fondé de cette affirmation.
Les installations soumises à autorisation ou à enregistrement sont actuellement définies et régies par les articles L. 512-1 à L.'512-7-7 du code de l'environnement'; il s'agit, selon les articles L. 512-1 et L. 512-7, des installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1'(«'soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique'»).
L'obligation d'information de l'article L. 514-20 du code de l'environnement s'applique aux installations qui étaient soumises à autorisation, selon la législation en vigueur à la date de leur exploitation (Cass. Civ. 3ème 17 novembre 2004, n° 03-14.038).
L'article L. 514-20 du code de l'environnement a été créé, comme ce code lui-même, par une ordonnance du 18 septembre 2000'; ses dispositions figuraient antérieurement à l'article 8-1 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.
La loi du 19 juillet 1976 soumettait à autorisation préfectorale, selon son article 3, les installations présentant des graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article 1er («'les usines, ateliers, dépôts, chantiers, et de manière générale les installations ['] qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments'»). Ces installations étaient définies dans une nomenclature des installations établies par décret en Conseil d'État, soumettant les installations à autorisation ou à déclaration, suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation (article 2 de la loi du 19 juillet 1976).
L'article 44 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 19 juillet 1976, disposait, dans sa version en vigueur du 8 octobre 1977 au 12 juin 1994, qu'à titre transitoire, la nomenclature des établissements dangereux, insalubres ou incommodes résultant du décret du 20 mai 1953 modifié constituait la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement prévue à l'article 2 de la loi du 19 juillet 1976. Selon la nomenclature créée par le décret du 20 mai 1953, les établissements dangereux, insalubres ou incommodes de la 1ère et de la 2ème classe étaient soumis à autorisation, alors que ceux de la 3ème classe étaient soumis à déclaration. Le décret du 20 mai 1953 faisait suite, comme le rappelle la société Puigrenier, à un tableau créé en application de la loi du 19 décembre 1917 sur les établissements dangereux, incommodes ou insalubres, loi qui soumettait déjà ces établissements à autorisation ou à déclaration.
II ' Les faits :
L'acte de cession litigieux du 5 février 2016 contient, en page 11, un rappel des dispositions de l'article L. 514-20 du code de l'environnement'; il contient ensuite la mention suivante': «'Le vendeur déclare': / - ne pas avoir personnellement exploité une installation soumise à autorisation sur les lieux objet des présentes'; / - ne pas connaître l'existence de déchets considérés comme abandonnés'; / - qu'à sa connaissance': / - l'activité exercée dans l'immeuble objet des présentes n'a pas entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives visées par l'article L. 514-20 du code de l'environnement'; / - le bien n'est frappé d'aucune pollution susceptible de résulter notamment de l'exploitation actuelle ou passée ou de la proximité d'une installation soumise à autorisation'; ['] / - il n'a jamais été exercé sur les lieux dont il s'agit, ou les lieux voisins, d'activités entraînant des dangers ou inconvénients pour la santé ou l'environnement (air, eaux superficielles ou souterraines, sols ou sous-sols par exemple)'; ['] - qu'il ne dispose pas d'information lui permettant de supposer que les lieux ont supporté, à un moment quelconque, une installation classée, ou encore d'une façon générale une installation soumise à déclaration.'»
Il ressort de pièces produites par la société appelante (constat d'huissier du 17 mars 2016, compte rendu de visite d'inspection de la DREAL (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) du 23 mars 2016, audit environnemental de HPC Envirotec du 20 mai 2016), que la SAS Alzin, entreprise de travaux publics que la société Puigrenier chargée des travaux de terrassement sur le terrain en cause, a découvert en mars 2016, en creusant le terrain, la présence de fûts ou bidons et d'autres objets, et que l'analyse du contenu des fûts a révélé qu'il s'agissait notamment d'hydrocarbures, de trichloroéthane et de dichloroéthane, produits qui se sont répandus dans le sol environnant. Au vu de la présence de ces produits, le préfet de l'Allier a pris le [Cadastre 5] mars 2016 un arrêté imposant à la société Puigrenier diverses mesures, parmi lesquelles la réalisation d'un diagnostic des sols et de la qualité des eaux souterraines, et la réalisation de plans de gestion des terres excavées et des déchets dangereux.
Il apparaît que le terrain en cause avait été acquis, avec un plus grand ensemble, le 16 décembre 2014 par la commune de Montluçon à la SA Immobilière d'économie mixte de la ville de Montluçon (SAIEM, devenue SEMM), qui l'avait elle-même acheté le 2 août 1988 à la SA CECA (page 13 de l'acte de cession du 5 février 2016)'; les précédents propriétaires avaient été la SA CEDAL, de 1977 à 1987, et auparavant la SA PROCHAL (Produits chimiques de l'Allier), de 1972 à 1977 (annexe 10 de l'acte du 5 février 2016). Il apparaît que la cession conclue en 1977 entre les sociétés PROCHAL et CEDAL, «'qui comprenait d'autres immeubles'», portait entre autres sur un fonds industriel de fabrication de résines aminoplastes (même annexe 10 de l'acte de vente du 5 février 2016).
Il est établi que la SA CEDAL a exercé, «'sur le site de [Localité 14]'», une activité soumise à autorisation, à laquelle elle a mis fin en décembre 1985 (lettre de cette société au commissaire de la République de l'Allier du 29 janvier 1986, pièce n° 17 de la société Puigrenier). Le terrain s'est trouvé compris, à partir de 1988, dans une zone d'aménagement concerté, dénommée [Adresse 15], décidée suivant une délibération du conseil municipal de [Localité 14] le 21 mars 1988.
Des notes manuscrites figurant sur la pièce n° 11 produite par la SCP [O] (la copie de l'acte de vente du 2 août 1988) confirment que les parcelles cadastrées DH n° [Cadastre 10] et [Cadastre 11], objet du litige, sont résultées de divisions successives (elles constituaient ensemble une précédente parcelle DH n°[Cadastre 8], issue elle-même de la division d'une parcelle DH n° [Cadastre 7], qui constituait une fraction de la parcelle DH n° [Cadastre 5]'; celle-ci était précédemment dénommée AE n° [Cadastre 6], et provenait de la division de la parcelle AE n° [Cadastre 3], qui a été cédée le 2 août 1988 par la SA CECA).
Il résulte de ces éléments que les parcelles acquises en février 2016 par la société Puigrenier, d'une surface totale de 62 ares et 47 centiares, avaient fait partie d'un ensemble plus vaste sur lequel la SA CEDAL avait exercé, jusqu'en décembre 1985, une activité soumise à autorisation ' et avant elle la SA PROCHAL.
Le premier juge a considéré que l'action de la société Puigrenier n'était pas fondée, aux motifs que rien ne permettait de penser que la commune de [Localité 14], qui n'avait été que peu de temps propriétaire des parcelles en cause, avait connaissance de la pollution qui les affectait, que d'autre part l'existence d'une activité soumise à autorisation n'était pas établie précisément sur les parcelles objet de la vente, et que la société acquéreuse avait été parfaitement informée du passé industriel de l'ensemble formé par les dites parcelles et par les terrains environnants.
Il est rappelé cependant que, suivant la distinction figurant dans le premier alinéa de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, la commune cédante était tenue de l'obligation de résultat de vérifier qu'aucune activité'soumise à autorisation n'avait été exercée sur les parcelles vendues'; d'autre part, dès lors que les parcelles objet de la vente avaient auparavant fait partie d'un tènement plus vaste, sur lequel une telle activité avait été pratiquée, il convient de considérer que l'existence de cette activité passée portait sur l'ensemble d'un seul tenant, qui existait à la période de cette activité'(en ce sens Casss. Civ. 3ème 22 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.209) : la commune de [Localité 14] se devait par suite, avant d'affirmer qu''«'à sa connaissance'» l'activité exercée dans le bien vendu n'avait pas entraîné entre autres la manipulation ou le stockage de substances chimiques, de s'assurer que, précisément sur les deux parcelles vendues, une telle activité n'avait pas été pratiquée. La découverte même des fûts renfermant des produits nocifs, enterrés dans le terrain vendu, établit qu'une activité de stockage de tels produits y a été exercée par l'un des précédents propriétaires ou occupants, en lien avec la production ou la transformation réalisées soit sur les deux parcelles objet de la vente, soit sur des parcelles proches, qui faisaient alors partie du même ensemble immobilier.
La commune de [Localité 14] n'était exonérée de cette obligation d'information et de vérification préalable, ni par la brièveté de la période où elle a été propriétaire des parcelles, qui ne portaient plus aucune trace apparente d'activité industrielle, ni par la circonstance que la société acquéreuse connaissant elle-même l'ancienne destination industrielle de cette partie du territoire de la commune, ni par la déclaration faite par la SA CEDAL, dans sa lettre déjà citée du 29 janvier 1986, que les différents produits qu'elle détenait avaient été cédés ou détruits, ou qu'ils devaient l'être': aucune de ces circonstances, qui ne sauraient constituer un cas de force majeure, ne dispensait la commune de vérifier notamment que les parcelles vendues ne recelaient pas des produits nocifs, stockés soit par la SA CEDAL en dépit de sa déclaration, soit par le précédent exploitant la SA PROCHAL, qui avait occupé le site de 1972 à 1977.
La commune de [Localité 14] a manqué à son obligation d'information édictée à l'article L. 514-20 du code de l'environnement'; il convient d'accueillir en son principe l'action de la société Puigrenier, fondée sur cet article qu'elle invoque en premier chef.
La société appelante déclare aussi fonder son action sur le dol, sur l'obligation générale d'information incombant au vendeur, sur son obligation de délivrer la chose vendue, et sur la garantie des vices cachés'(page 29 de ses conclusions) ; il ressort cependant de l'acte d'acquisition du 5 février 2016 que la société acquéreuse prenait le bien vendu dans l'état où il se trouvait, sans recours contre la commune de [Localité 14] pour quelque cause que ce soit et notamment en raison des vices cachés, à moins qu'il ne soit prouvé qu'elle en connaissait l'existence (page 8)'; il résulte des éléments ci-dessus analysés que la commune de [Localité 14], si elle se devait de vérifier que le bien vendu ne recelait aucune pollution, n'était pas informée, de manière certaine, de la présence des fûts enterrés dans le terrain en cause. Il s'ensuit que la commune n'a commis aucune réticence dolosive, et que la clause l'exonérant de la garantie des vices cachés doit recevoir application, cette clause s'étendant d'ailleurs à l'obligation du vendeur d'informer le vendeur, et à son obligation de délivrer une chose conforme à sa destination normale (qui relève dans le cas particulier de la garantie des vices cachés': Cass. Civ. 1ère 8 décembre 1993, pourvoi n°91-19.627).
Il sera donc fait droit à l'action de la société Puigrenier sur le seul fondement de l'article L. 514-20 du code de l'environnement.
III ' Le droit à indemnisation :
Selon cet article, si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, l'acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.
Il apparaît, et il n'est pas contesté par la commune de [Localité 14] que les parcelles en cause, destinées selon l'acte de cession à recevoir un bâtiment de production d'articles de boucherie, sont impropres à leur destination, puisque les travaux nécessaires à leur mise en conformité sont d'un coût supérieur au prix d'achat (cf. les factures produites par la société Puigrenier, pièces n° 21 et 22).
La société acquéreuse ne demande pas la résolution de la vente, mais la réparation de ses divers préjudices, et notamment du coût des travaux.
L'article L. 514-20 du code de l'environnement ne permet cependant à l'acquéreur de demander la réhabilitation du bien que lorsque celle-ci ne paraît pas disproportionnée au prix de vente'; or tel est le cas des frais de remise en état du terrain dont justifie la société Puigrenier, qui s'élèvent, en frais d'études et de travaux, à 57 184,80 + 10 896 + 35 145,60 + 25 883,66 = 129 110,06 euros, soit plus du double du prix d'achat des parcelles': 62 470 euros. La demande principale de la société appelante ne peut donc porter que sur la restitution d'une partie du prix.
Au regard des éléments de fait ci-avant énoncés, et notamment du coût très élevé de la réhabilitation du terrain, par rapport au prix de vente, il convient de faire droit à la principale demande en paiement de la société Puigrenier à hauteur d'une somme de 60 000 euros, en condamnant la commune de Montluçon à lui verser cette somme, en restitution partielle du prix du terrain.
La commune de [Localité 14] demande garantie de l'office notarial, au motif que celui-ci a manqué à son obligation de conseil et d'information, en s'abstenant de rechercher la nature de l'activité antérieurement exercée sur les parcelles vendues, et en se limitant à rappeler les dispositions légales.
En droit': les notaires, professionnels du droit, sont débiteurs de l'obligation d'assurer la sécurité et l'efficacité juridiques des actes qu'ils instrumentent'; la SCI [O] a rappelé, dans l'acte de cession du 5 février 2016, les dispositions de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, et a reçu de la commune de Montluçon les déclarations ci-avant citées et reprises dans l'acte, sur l'absence, «'à sa connaissance'», de pollution ou de stockage de déchets, ou d'information «'lui permettant de supposer que les lieux ont supporté, à un moment quelconque, une installation classée, ou [...] une installation soumise à déclaration'».'
La commune de [Localité 14] ne conteste pas, d'autre part, que la vente a été conclue dans l'urgence à la demande de la société acquéreuse, qui souhaitait construire et mettre en service, dès l'été 2016, un atelier complémentaire d'affinage de viande, en un lieu proche de ses installations existantes'; elle ne conteste pas que la SCI [O], qui n'est pas son notaire habituel, n'a pas prêté son concours aux discussions entre vendeur et acquéreur ayant précédé l'acte de cession, et il apparaît d'ailleurs que cette SCI n'a établi aucun des actes de mutation précédents, portant sur les mêmes parcelles ou sur des tènements plus vastes incluant ces parcelles. La commune cédante ne pouvait quant à elle ignorer la destination ancienne de l'ensemble comprenant ces mêmes parcelles, puisque celles-ci avaient appartenu à la SA Immobilière d'économie mixte de la ville de Montluçon (SAIEM), qui les avait acquises le 2 août 1988 de la SA CECA (pièce n° 11 de la SCI [O])': la commune a donc été l'actionnaire majoritaire d'une société d'économie mixte qui en est restée propriétaire pendant plus de seize ans (de 1988 à 2014), et elle a décidé en mars 1988 la création d'une ZAC, alors que la SA CEDAL avait exercé jusqu'en 1985 une activité soumise à autorisation'; il s'ensuit que la commune, bien qu'elle n'ait pas connu, de manière certaine, la présence des fûts dans les dites parcelles, disposait d'informations qui lui permettaient de supposer que le bien vendu avait supporté à un moment quelconque, avec l'ensemble plus vaste dont il faisait partie, une installation classée.
Il n'apparaît pas que dans ces circonstances, la SCI [O], qui a rappelé les dispositions de l'article L. 514-20 du code de la consommation, et qui a reçu les déclarations précises et détaillées de la commune venderesse, relatives à l'absence de pollution, et de toute activité ancienne relevant d'une exploitation classée, ait manqué à ses obligations': c'est à la commune elle-même, détenant les informations utiles, qu'il incombait de vérifier la véracité de ses affirmations, et notamment l'absence de pollution du bien vendu, telle qu'elle l'avait déclarée. L'action en garantie formée contre la SCI notariale n'est pas fondée et sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau,
Condamne la commune de Montluçon et à payer à la SAS Etablissements Puigrenier une somme de 60 000 euros en restitution d'une partie du prix de vente des deux parcelles indiquées ci-dessus';
Rejette la demande de garantie formée par la commune de Montluçon contre la SCI [O]';
Condamne la commune de Montluçon à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 3 000 euros à la SAS Etablissements Puigrenier, et une somme de 2 000 euros à la SCI [O]';
Condamne la commune de Montluçon aux entiers dépens de première instance et d'appel';
Rejette le surplus des demandes.
Le greffierLa Présidente