COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 25 Mai 2022
N° RG 20/01922 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQJB
VTD
Arrêt rendu le vingt cinq Mai deux mille vingt deux
Sur APPEL d'une décision rendue le 30 novembre 20202 par le Tribunal judiciaire d'AURILLAC (RG n° 19/00115)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé
ENTRE :
M. [W] [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentants : Me Fanny GOY, avocat au barreau d'AURILLAC (postulant) et la SELARL CABINET GARNIER-GUILLAUMEAU, avocats au barreau de BORDEAUX (plaidant)
Mme [Y] [T] [M] épouse [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentants : Me Fanny GOY, avocat au barreau d'AURILLAC (postulant) et la SELARL CABINET GARNIER-GUILLAUMEAU, avocats au barreau de BORDEAUX (plaidant)
APPELANTS
ET :
La société LDG GESTION
SARL immatriculée au RCS d'Aurillac sous le n° 501 300 313 00019
[C]
[Localité 3]
Représentant : Me Jacques VERDIER, avocat au barreau d'AURILLAC
INTIMÉE
DEBATS : A l'audience publique du 23 Mars 2022 Madame [B] a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 25 Mai 2022.
ARRET :
Prononcé publiquement le 25 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Rémédios GLUCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société LDG Développement a acquis en 2008 divers biens immobiliers du site touristique du Lac des Graves sur la commune de [Localité 3] (15), qu'elle a ensuite revendus à des investisseurs privés dans le cadre d'opérations de défiscalisation.
La SARL LDG Gestion assure quant à elle, l'exploitation des installations du site du Lac des Graves et loue à bail commercial en qualité de preneuse les hébergements qui lui sont confiés par les propriétaires investisseurs.
C'est dans le cadre de ce dispositif que M. et Mme [I] ont acquis par acte authentique du 8 octobre 2008, la propriété exclusive du lot n°14 composé d'une chambre équipée et d'une salle d'eau au sein de la copropriété hôtelière moyennant la somme de 59 805 euros auprès de la société LDG Développement. Les époux [I] sont également copropriétaires des parties communes de la copropriété du [Adresse 4].
Suivant acte sous seing privé du 7 mai 2008, les époux [I] ont donné le bien à bail commercial à la SARL LDG Gestion.
Par acte d'huissier du 25 février 2019, M. [W] [I] et Mme [Y] [T] [M] épouse [I] ont fait assigner la SARL LDG Gestion devant le tribunal de grande instance d'Aurillac, au visa des articles 145-9 du code de commerce, 1147 ancien, 1231-1 nouveau, 1134 ancien, 1104 nouveau, 1383 ancien, 1241 nouveau et 1760 du code civil, aux fins de voir :
- à titre principal, juger nul ou inopposable le congé délivré par courrier recommandé le 6 mars 2017, juger nuls ou inopposables les congés délivrés le 9 janvier 2018, condamner la SARL LDG Gestion à leur verser la somme de 50 000 euros au titre de l'abus de droit, la somme de 2 253,51 euros au titre des loyers impayés de janvier 2018 à septembre 2018, et la somme mensuelle de 250,39 euros à compter d'octobre 2018 jusqu'à ce jour ;
- à titre subsidiaire, si le congé était considéré comme valable, condamner la SARL LDG Gestion à leur verser la somme mensuelle de 250,39 euros d'indemnité d'occupation à compter d'octobre 2018 jusqu'à ce jour et remise des clés, la somme de 50 000 euros au titre de l'abus de droit, et la somme de 27 042,12 euros pour le temps de la relocation.
Par jugement du 30 novembre 2020, le tribunal judiciaire d'Aurillac a :
- débouté M. et Mme [I] de leurs demandes principales de condamnation de la SARL LDG Gestion à payer la somme de 50 000 euros à titre d'abus de droit, les loyers impayés à compter d'octobre 2018 jusqu'à remise des clés ;
- débouté M. et Mme [I] de leur demande subsidiaire de condamnation de la SARL LDG Gestion à payer la somme de 27 042,12 euros pour le temps de la relocation aux consorts [I] ;
- condamné la SARL LDG Gestion à payer à M. et Mme [I] la somme mensuelle de 250,39 euros à compter d'octobre 2018 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à titre d'indemnité mensuelle d'occupation ;
- rejeté la demande de condamnation de la SARL LDG Gestion à verser à M. et Mme [I] la somme de 50 000 euros au titre de l'abus de droit ;
- condamné la SARL LDG Gestion à payer à M. et Mme [I] la somme 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes demandes autres ou plus amples formulées par les parties ;
- condamné la SARL LDG Gestion aux dépens.
Le tribunal a considéré :
- que le courrier recommandé du 6 mars 2017 était un simple courrier d'information, ne correspondant pas à la délivrance d'un congé et que la demande de reconnaître ce congé comme nul était sans objet ;
- que l'erreur de date figurant dans l'acte de congé du 9 janvier 2018 ne pouvait que caractériser une nullité de forme et que les époux [I] ne rapportaient pas la preuve d'un grief ;
- qu'en application de l'article L.145-9 du code de commerce, les époux [I], bailleurs, ne pouvaient se prévaloir du défaut de motifs dans le congé délivré par le preneur, et que la nullité du congé qui ne mentionnait pas le délai de deux ans était une nullité relative destinée à assurer la protection du preneur qui aurait subi un préjudice du fait de cette omission, moyen en tout état de cause inefficient, le congé portant mention de ce délai ;
- que M. et Mme [I] ne rapportaient pas la preuve que le congé leur avait été délivré dans des conditions vexatoires, celui-ci n'ayant pas été réitéré trois fois, le courrier du 6 mars 2017 et la mention dactylographiée non datée et jointe à une facture de loyer 2ème trimestre 2013 selon laquelle 'avec nos félicitations. Pour mémoire, votre bail s'arrête dans quatre ans et quelques jours. Il ne sera pas reconduit' ne pouvant être assimilés à des congés ou des prémisses de congés ;
- que le contrat de bail commercial signé le 7 mai 2008 n'avait pu produire effet qu'à compter de la date où M. et Mme [I] étaient devenus propriétaires, soit le 8 octobre 2008 ; que le bail s'achevait le 8 octobre 2017 ; qu'il s'était prolongé tacitement et que dans ce cadre, le congé devait être donné au moins six mois à l'avance pour le dernier jour du trimestre civil, ce qui était le cas puisque le congé avait été délivré le 9 janvier 2018 pour le 30 septembre 2008 ;
- que le fait pour le preneur de ne pas avoir remis les clés aux bailleurs ne pouvait être analysé en une renonciation tacite au congé, mais en un maintien dans les lieux par le preneur sans droit, le congé étant valable, induisant le paiement d'une indemnité d'occupation ;
- que les congés du 9 janvier 2018 étant valables, les demandes principales aux fins de condamnation à payer la somme de 50 000 euros à titre d'abus de droit et à payer les loyers impayés, les demandes subséquentes de la nullité du congé seraient rejetées ;
- que la SARL LDG Gestion avait régularisé la somme de 2 253,31 euros au titre des trois premiers trimestres 2018 ;
- que l'article 1760 du code civil ne s'appliquait pas en cas de congé donné par le preneur et que la demande de ce chef devait être rejetée ;
- enfin sur la demande en condamnation au titre de l'abus de droit, que M. et Mme [I] ne rapportaient pas la preuve que la demande aux fins de baisser le loyer constituait un abus de droit par le locataire, et que le fait pour eux de demander au preneur de justifier cette demande constituait un renversement de la charge de la preuve qui leur incombait ; que le fait d'écrire trois ans avant la fin du bail qu'elle ne renouvellerait pas le contrat ne pouvait constituer un abus de droit de délivrer congé en bonne et due forme à la date prévue légalement ; que la mention dactylographiée citée ci-dessus ne pouvait être considérée comme un courrier vengeur traduisant la volonté de nuire aux bailleurs dès 2013 et ne portait pas de menace directe ; qu'ils ne rapportaient pas la preuve non plus d'avoir été trompés sur les termes du bail ; que preuve n'était pas rapportée que la SARL LDG Gestion ne respectait pas ses obligations de comptabilité comme société gestionnaire, seule la société LDG Développement étant mentionnée dans l'acte comme société gestionnaire, que la SARL LDG Gestion se comporterait comme un syndic de fait et occuperait sans contrepartie les parties communes qu'elle exploitait sans rendre compte de sa gestion ; qu'en l'absence de preuve de l'abus de droit, la demande serait rejetée.
Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 22 décembre 2020, M. [W] [I] et Mme [Y] [T] [M] épouse [I] ont interjeté appel du jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 27 janvier 2022, les appelants demandent à la cour, au visa des articles L.145-9 du code de commerce, 1147 ancien, 1231-1 nouveau, 1134 ancien, 1104 nouveau, 1383 ancien, 1241 nouveau et 1760 du code civil, d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. et Mme [I] de leur demande principale de condamnation de la SARL LDG Gestion à la somme de 50 000 euros à titre d'abus de droit, et à payer les loyers impayés d'octobre 2018, soit 250,39 euros mensuels jusqu'à la remise des clés ;
- débouté M. et Mme [I] de leur demande subsidiaire à la somme de 27 042,12 euros pour le temps de la relocation ;
- débouté M. et Mme [I] également de leur demande subsidiaire de condamnation de la SARL LDG Gestion à verser 50 000 euros au titre de l'abus de droit.
Statuant à nouveau, il est demandé de :
à titre principal :
- prononcer la nullité ou à défaut l'inopposabilité des congés délivrés le '9 juillet 2018 et ou le 9 juillet 2017" ;
- condamner la SARL LDG Gestion à régler les loyers impayés à compter d'octobre 2018 jusqu'à remise effective des clés et libération effective des lieux ;
à titre subsidiaire, si un congé était considéré comme valable :
- condamner la SARL LDG Gestion à régler à M. et Mme [I] 250,39 euros d'indemnité d'occupation mensuelle à compter d'octobre 2018 jusqu'au départ effectif et attesté des lieux par constat d'huissier ;
- condamner la SARL LDG à régler la somme de 9 014,04 euros pour le temps de relocation aux consorts [I] ;
dans tous les cas :
- ordonner l'irrecevabilité de la nouvelle demande de la SARL LDG Gestion dans ses écritures du 25 janvier 2022, par lesquelles elle sollicite notamment de 'réduire et limiter le montant de l'indemnité d'occupation' ;
- à défaut la rejeter en raison de son mal fondé ;
- condamner la SARL LDG Gestion à verser la somme de 47 000 euros aux consorts [I] au titre de l'abus de droit commis ;
- condamner la SARL LDG Gestion à régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Dans ses dernières écritures déposée et notifiées le 25 janvier 2022, la SARL LDG Gestion demande à la cour, au visa des articles L.145-9 du code de commerce et 114 du code de procédure civile, de :
- débouter les époux [I] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en sens contraire ;
- faire droit à l'appel incident de la SARL LDG Gestion et réformer le jugement en ce qu'il a :
$gt; condamné à payer aux époux [I] la somme mensuelle de 250,39 euros à compter d'octobre 2018 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés à titre d'indemnité mensuelle d'occupation ;
$gt; condamné à payer aux époux [I] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- en conséquence, confirmer le surplus des dispositions ayant constaté :
$gt; la validité du congé délivré par acte d'huissier le 9 janvier 2018 par la SARL LDG Gestion aux époux [I] et débouter consécutivement M. et Mme [I] de leurs demandes ;
$gt; condamner les époux [I] à verser la somme de 3 000 euros à la SARL LDG Gestion au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- subsidiairement, et dans l'hypothèse où la cour confirmerait le principe de l'indemnité d'occupation, réduire et limiter le montant de l'indemnité à la saison estivale, soit à quatre mois.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.
La procédure a été clôturée le 24 février 2022.
MOTIFS
- Sur la demande en nullité ou à défaut, en inopposabilité des congés
A titre liminaire, il sera constaté que les époux [I] ont pris acte devant la cour que le courrier recommandé du 6 mars 2017 n'est pas juridiquement un congé et n'en demandent plus l'annulation.
Ils sollicitent la nullité ou l'inopposabilité des deux congés délivrés par exploits d'huissier datés des 9 janvier 2017 et 9 janvier 2018.
Selon l'article L.145-9 du code de commerce, par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. [...]
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Par ailleurs, il résulte des articles 114 et 648 du code de procédure civile que la nullité sanctionnant l'absence de date sur un acte d'huissier de justice est une nullité de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.
Les appelants soutiennent que l'avis de signification du congé adressé le 9 janvier 2018 uniquement à Mme [I] mentionne un congé qui aurait été délivré le 9 janvier 2017 : dès lors les congés exigeant un formalisme d'ordre public de ce fait même, ils sont nuls et non avenus car ils mentionnent la date du 9 janvier 2017 alors qu'ils ont été délivrés le 9 janvier 2018.
Ils font valoir que 'après une missive de 2013 annonçant une résiliation, en suivant un courrier recommandé en 2017 mentionne qu'il est donné congé et vu les termes ambiguës, les époux [I] ont été mis dans une situation juridique incompréhensible et inextricable : en raison des multiples missives suivies de l'erreur dans l'exploit d'huissier, la situation juridique était pour les consorts [I], profanes, difficilement compréhensible'.
Ils ajoutent que la mention du délai de deux ans devant figurer dans le congé est a fortiori affectée par l'erreur comportée dans les actes de la mention d'une date en 2017 et non en 2018.
Il ressort des pièces versées aux débats que le congé délivré à personne à M. [I] mentionne la date du 9 janvier 2018, alors que celui délivré à domicile à Mme [I] (et laissé à M. [I]) mentionne la date du 9 janvier 2017.
Toutefois, la délivrance du congé est intervenue de façon certaine pour les deux époux le 9 janvier 2018. En page 3 des conclusions des époux [I], il est écrit : 'La simple lecture du courrier adressé au client permet de constater qu'alors que l'huissier rédacteur mentionne copie pour information précisant la date en entête de délivrance au 9 janvier 2018 qui est la date exacte des congés, l'original comporte par erreur la date du 9 janvier 2017".
Ainsi que l'a retenu le tribunal, M. et Mme [I] ne rapportent pas la preuve que cette erreur de date leur a causé un grief dans la mesure où M. [I] a reçu en personne la copie de l'acte d'huissier le 9 janvier 2018, que l'erreur sur la date ne réduit pas leurs droits et que les conditions prétendument vexatoires dans lesquelles le congé a été délivré ne sauraient rapporter la preuve d'un grief.
Ils se prévalent d'une erreur de forme alors même qu'ils n'ignorent pas la date à laquelle le congé a été délivré.
Le délai de deux ans mentionné dans l'article L.145-9 du code de commerce, est le délai dans lequel le preneur peut contester le congé ou solliciter une indemnité d'éviction. L'erreur de date n'a donc eu aucune incidence sur ce délai de deux ans qui concerne le preneur et non le bailleur.
Il sera en outre constaté que les époux [I] n'invoquent plus la nullité du congé en raison de l'absence de motifs figurant dans l'acte.
Toutefois, ils maintiennent leur demande en nullité du congé en raison de l'intention de nuire de la SARL LDG Gestion. Ils soutiennent que cette dernière l'a effectué de façon vexatoire volontairement, en représailles au refus légitime des consorts [I] d'accepter une baisse de loyer non justifiée et à la condamnation obtenue par ordonnance de référé à son encontre. Ils font valoir que dès après la procédure de référé, la SARL LDG Gestion les a informés quatre ans avant qu'elle résilierait le bail en des termes volontairement cyniques ; que l'acte extrajudiciaire du 9 janvier 2018 n'est qu'une réitération du congé indiqué dès 2013, puis en mars 2017. Or, ils exposent que la jurisprudence écarte la validité d'un congé délivré et annoncé trop en avance lorsque cela traduit une intention de nuire et une volonté malicieuse du cocontractant le délivrant.
Il est établi que la SARL LDG Gestion a sollicité en janvier 2013 une baisse de loyer en communiquant aux époux [I] un projet d'avenant dans lequel il était fait état d'une situation financière dégradée de l'exploitation du site, et ce, dans un contexte de crise économique persistante de l'hôtellerie-restauration dans le Cantal.
N'ayant pas obtenu paiement des loyers contractuels, les bailleurs avaient initié une procédure en référé par acte d'huissier du 14 août 2013.
Ils produisent en pièce n°6 un document établi par la SARL LDG Gestion récapitulant les sommes dues en 2013, accompagné d'un chèque et d'un petit document dactylographié sans date sur lequel il est inscrit : 'Avec nos félicitations, pour mémoire, votre bail s'arrête dans 4 ans et quelques jours. Il ne sera pas reconduit'.
Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mars 2017, la SARL LDG Gestion a écrit aux époux [I] pour les informer de son intention de mettre fin au bail à l'approche de son échéance afin de leur permettre de prendre leurs dispositions. Il était rappelé dans cette lettre les difficultés financières rencontrées en 2013, leur refus de baisser le loyer contrairement aux autres bailleurs, et l'impossibilité de maintenir le contrat de bail dans ces circonstances.
Puis, le congé a finalement été délivré le 9 janvier 2018 par acte d'huissier.
Le rappel de cette chronologie des faits ne permet nullement de conclure au caractère vexatoire du congé de 2018, les courriers de 2013 et 2017 n'étant que des courriers d'information. Le preneur n'a fait qu'exercer une simple prérogative estimant que son loyer était trop élevé.
Les époux [I] soulèvent ensuite une autre cause de nullité du congé : ils sont devenus propriétaires du bien litigieux par acte authentique du 8 octobre 2008, le contrat de bail n'a pu avoir effet qu'à compter du 8 octobre 2008, il s'achevait neuf ans après soit le 8 octobre 2017 et le congé aurait dû être délivré pour être valable en avril 2017 et non en janvier 2018. Ils en concluent que le délai nécessaire pour délivrer congé n'a pas été respecté et que de ce fait, le congé est nul ou inopposable. Ils considèrent que le congé devait viser très exactement le terme du 8 octobre 2017, ce qu'il ne fait pas.
Le congé délivré par acte d'huissier le 9 janvier 2018 est rédigé dans les termes suivants :
'Que suivant acte sous signatures privées établi à [Localité 5] en date du 07.05.2008 contenant bail commercial, les époux [I] ci-dessus dénommés ont donné à bail à loyer à la SARL LDG Gestion un local commercial sur la commune de [Localité 3] ([Localité 3]), dans un immeuble dénommé '[Adresse 4]', lot n°14, type de lot : T1 dont la présente location a été consentie meublée.
Que ledit bail a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir le 07.05.2008 pour se terminer le 06.05.2017. Il s'est depuis cette date tacitement prolongé dans les conditions prévues à l'article L.145-9 alinéa 2 du code de commerce.
Que conformément à l'article L.145-9 du code de commerce, le preneur a la faculté de donner congé à tout moment au cours de la tacite prolongation, en respectant un délai de préavis de six mois, ledit congé devant être donné pour le dernier jour du trimestre civil.
En conséquence, la société requérante entend par le présent acte, mettre fin à la location en cours et vous donner congé pour le 30 septembre 2018.'
Le contrat de bail signé le 7 mai 2008 entre les parties n'a pu en réalité produire ses effets qu'à compter du moment où les époux [I] sont devenus propriétaires du bien objet du bail, soit le 8 octobre 2008. Le bail ayant une durée de neuf ans devait s'achever dans ces circonstances le 8 octobre 2017. A partir de cette date, à défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail s'est prolongé tacitement.
En vertu de l'article L.145-9 du code de commerce, au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. En l'espèce, le congé a été délivré le 9 janvier 2018 pour le 30 septembre 2018. Il a donc été délivré conformément aux conditions édictées par l'article L.145-9. Le premier juge n'a pas statué ultra petita en procédant à cette analyse, et l'erreur figurant dans l'acte d'huissier concernant la date de fin de la période de neuf ans n'a aucune incidence sur la validité du congé.
Enfin, les époux [I] soutiennent que le preneur s'est maintenu dans les lieux et continue à exploiter leur propriété, renonçant ainsi tacitement au congé : la SARL LDG Gestion n'a jamais remis les clés. Ils ajoutent que le congé est nul et à défaut inopposable car la SARL LDG Gestion n'en respecte pas les termes dans la mesure où le congé mentionne : 'à cette date, le preneur restituera effectivement les lieux au bailleur, remettra les clés et justifiera des obligations mises à sa charge par la loi, les usages et la convention liant les parties', et qu'à aucun moment il n'a été effectué une remise effective des lieux aux époux [I].
Toutefois, le tribunal a, à juste titre, énoncé que le fait pour le preneur de ne pas avoir remis les clés aux bailleurs ne peut être analysé en une renonciation tacite au congé, mais en un maintien dans les lieux par le preneur sans droit, le congé étant valable, induisant le paiement d'une indemnité d'occupation.
Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que les congés délivrés par actes d'huissier du 9 janvier 2018 étaient valables, en ce qu'il a rejeté la demande en nullité desdits congés ou à défaut en inopposabilité, et en ce qu'il a rejeté la demande en condamnation de la SARL LDG Gestion à régler les loyers impayés à compter d'octobre 2018 jusqu'à remise effective des clés et libération effective des lieux.
- Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de droit
L'exercice d'un droit peut constituer une faute lorsque le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.
Les époux [I] soutiennent que même si le congé délivré par la SARL LDG Gestion était considéré comme valable, le preneur professionnel en raison du montage et des conditions particulières, à savoir une impossibilité pour les époux [I] d'utiliser leurs biens sans bail commercial, a commis un abus de droit en délivrant congé, et le dommage ainsi causé au preneur doit entraîner réparation. Ils estiment que l'utilisation du congé par la SARL LDG Gestion est uniquement dans l'objectif de les contraindre à accepter une demande de baisse de loyer et, a été utilisé pour punir les bailleurs profanes. Ils font valoir qu'ils sont propriétaires d'une chambre qu'ils ne peuvent mettre en vente sans bail commercial, sur laquelle aucun bail n'est possible vu que tous les autres lots sont l'objet de baux commerciaux dont la SARL LDG Gestion est preneur, alors même que LDG est également prétendument syndic bénévole.
Il sera au préalable rappelé les conditions dans lesquelles le bail commercial a été souscrit : la société LDG Développement a acquis divers biens immobiliers du site touristique du Lac des Graves sur la commune de [Localité 3], qu'elle a ensuite revendus à des investisseurs privés dans le cadre d'opérations de défiscalisation. Elle a ainsi vendu par acte authentique du 8 octobre 2008, aux époux [I] la propriété exclusive du lot n°14 composé d'une chambre équipée et d'une salle d'eau, au sein de la copropriété hôtelière. Ces derniers sont également copropriétaires des parties communes de la copropriété du [Adresse 4].
La SARL LDG Gestion assure quant à elle, l'exploitation des installations du site du Lac des Graves et loue à bail commercial en qualité de preneuse les hébergements qui lui sont confiés par les propriétaires investisseurs : elle assure la promotion, la commercialisation et la sous-location à une clientèle à vocation touristique. Le bail commercial litigieux est établi entre la SARL LDG Gestion et les époux [I].
La SARL LDG Gestion verse un loyer aux propriétaires, les époux [I] et, parallèlement loue à sa clientèle touristique.
Il est certain qu'au moment de l'acquisition du bien, les époux [I] connaissaient le fonctionnement du système ci-dessus décrit, à savoir que le bien serait exploité par une société distincte de la société LDG Développement qui le leur a vendu. Il est mentionné dans l'acte authentique de vente que le lot acquis par M. et Mme [I] est loué à la SARL LDG Gestion, et ce, en conformité avec le contrat de bail commercial signé entre eux le 7 mai 2008.
Il a également été précisé dans la partie relative à l'examen de la validité du congé, que la SARL LDG Gestion avait sollicité en janvier 2013 une baisse de loyer en communiquant aux époux [I] un projet d'avenant dans lequel il était fait état d'une situation financière dégradée de l'exploitation du site, et ce, dans un contexte de crise économique persistante de l'hôtellerie-restauration dans le Cantal ; que n'ayant pas obtenu paiement des loyers contractuels, les bailleurs avaient initié une procédure en référé par acte d'huissier du 14 août 2013 ; que le preneur avait accompagné le document récapitulant les sommes dues en 2013, d'un petit mot dactylographié sans date sur lequel il était inscrit : 'Avec nos félicitations, pour mémoire, votre bail s'arrête dans 4 ans et quelques jours. Il ne sera pas reconduit'.
Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mars 2017, la société LDG Gestion avait écrit aux époux [I] pour leur indiquer qu'elle les informait de son intention de mettre fin au bail à l'approche de son échéance afin de leur permettre de prendre leurs dispositions. Il était rappelé dans cette lettre les difficultés financières rencontrées en 2013, leur refus de baisser le loyer contrairement aux autres bailleurs, et l'impossibilité de maintenir le contrat de bail dans ces circonstances.
Enfin, le congé avait été délivré le 9 janvier 2018 par acte d'huissier.
Le preneur n'a sollicité une baisse du montant du loyer qu'au cours de l'année 2013 et non dès la signature du contrat en 2008, et ce, en invoquant des loyers trop élevés au regard du taux de remplissage des chambres et des charges. Elle a fait cette demande auprès de l'ensemble des propriétaires et a informé en 2013 et en 2017 M. et Mme [I] qui refusaient cette baisse, qu'elle serait contrainte de mettre fin au bail lors de son échéance afin de pouvoir poursuivre son activité.
Il ne s'agit nullement de l'exercice d'une menace contrairement à ce que soutiennent les époux [I], mais de l'exercice d'une prérogative du preneur de mettre fin au contrat s'il estime que le loyer est trop élevé, dès lors qu'il respecte les règles légales du congé.
Le tribunal a, à juste titre, considéré que M. et Mme [I] ne rapportaient pas la preuve que la demande de baisse de loyer constituait un abus de droit par le preneur ; que le fait pour les époux [I] de demander une justification de sa demande de baisse de loyer par la SARL LDG Gestion constituait un renversement de la charge de la preuve qui leur incombait de l'abus de droit ; que le fait d'écrire aux bailleurs trois ans avant la fin du bail qu'elle ne renouvellerait pas le contrat ne pouvait constituer un abus de droit de délivrer congé en bonne et due forme à la date prévue légalement ; que le courrier de 2013 ne pouvait être considéré comme un courrier vengeur traduisant la volonté de nuire et ne portant pas de menace directe ; que M. et Mme [I] ne rapportaient pas la preuve non plus d'avoir été trompés et dans quelle mesure sur les termes du bail commercial.
La cour adopte également les motifs du tribunal selon lesquels les époux [I] ne démontrent pas que la SARL LDG Gestion ne respecte pas ses obligations de comptabilité comme société gestionnaire, la société LDG Développement étant indiquée comme seule gestionnaire, que la SARL LDG Gestion se comporterait comme syndic de fait et occuperait sans contrepartie les parties communes qu'elle exploite sans rendre compte de la gestion.
En outre, le préjudice invoqué, à savoir la possession d'un lot meublé inaccessible et invendable n'est nullement démontré. Il n'est pas établi que le bien ne puisse être vendu, y compris sans bail, un nouveau contrat de bail pouvant parfaitement être négocié et signé entre le nouveau propriétaire et la société de gestion.
La demande de dommages et intérêts pour abus de droit formée par les époux [I] doit dans ces circonstances être rejetée, et le jugement confirmé.
- Sur l'indemnité d'occupation, la restitution des lieux et la demande formée au titre de l'article 1760 du code civil
Le jugement sera tout d'abord confirmé en ce qu'il a condamné la SARL LDG Gestion à payer à M. et Mme [I] la somme mensuelle de 250,39 euros à compter d'octobre 2018 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à titre d'indemnité mensuelle d'occupation.
En effet, il a été jugé que le congé a été valablement délivré pour le 30 septembre 2018, et les clés n'avaient pas été restituées au jour du jugement, le simple fait de les laisser à la disposition des bailleurs à la réception ne pouvant suffire à caractériser la restitution des lieux.
Il n'y a pas lieu de diminuer le montant de cette indemnité qui a été fixée en fonction du montant du loyer. Le fait que la saison estivale ne dure que quatre mois dans l'année est totalement indifférent puisqu'il s'agit d'une information connue dès la signature du bail. Sans que cette demande ne puisse être qualifiée de nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, elle sera rejetée.
Il est par ailleurs établi que la SARL LDG Gestion a réglé postérieurement au jugement la somme de 6 760 euros au titre de l'indemnité d'occupation d'octobre 2018 à décembre 2020, et que les clés ont été restituées par courrier recommandé avec accusé de réception en décembre 2020 du conseil de la SARL LDG Gestion.
Les époux [I] soutiennent qu'ils n'ont aucune certitude qu'il s'agisse des clés permettant l'accès à leur bien et qu'il convenait en l'absence d'état des lieux, de faire constater par huissier de justice que les clés envoyées correspondaient à celles permettant l'accès aux parties communes pour accéder à la chambre. Ils soutiennent également que la société LDG Gestion a conservé un exemplaire des clés. Enfin, ils font valoir que la SARL LDG Gestion continue d'utiliser les 38/1000 de la propriété du sol des parties communes générales qui leur sont attribuées par leur acte de propriété.
Les époux [I] sont les bailleurs. Ils ont reçu par le biais du conseil de la SARL LDG Gestion par LRAR un trousseau de clés. Il leur appartient de démontrer que les clés remises ne sont pas celles de leur propriété, et ne peuvent se contenter de procéder par affirmation. S'ils craignent qu'une copie des clés a été conservée par le preneur, il leur incombe de faire changer les serrures. Enfin, s'agissant de l'utilisation des parties communes qui par définition sont communes, il s'agit d'un moyen dilatoire visant à faire obstacle de mauvaise foi à la restitution des lieux.
Il sera donc considéré que les clés ont été restituées et que l'indemnité d'occupation a été réglée jusqu'au jour de la restitution des lieux.
L'article 1760 du code civil dispose qu'en cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l'abus.
Les époux [I] sollicitent une indemnisation égale au minimum à trois ans, soit 36 mois de loyers, soit la somme de 9 014,04 euros.
Toutefois, dès lors qu'il a été jugé que la résiliation du bail par la SARL LDG Gestion n'avait rien de fautive, il doit être conclu que l'article 1760 n'a pas vocation à s'appliquer. Le jugement sera confirmé sur ce point également, mais par motifs substitués.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Succombant à l'instance, M. et Mme [I] seront condamnés aux dépens d'appel. Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Confirme par motifs en partie substitués, le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déclare recevable la demande de la SARL LDG Gestion aux fins de réduire et limiter le montant de l'indemnité d'éviction ;
Déboute la SARL LDG Gestion de sa demande aux fins de réduire et limiter le montant de l'indemnité d'éviction ;
Déboute M. [W] [I] et Mme [Y] [T] [M] épouse [I] de leur demande visant à ce que l'indemnité d'occupation soit due jusqu'au départ attesté des lieux par constat d'huissier, la SARL LDG établissant avoir adressé les clés aux bailleurs en décembre 2020 ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne M. [W] [I] et Mme [Y] [T] [M] épouse [I] aux dépens d'appel.
Le greffierLa Présidente