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25/05/2022 | FRANCE | N°20/01499

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 25 mai 2022, 20/01499


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale











ARRET N°



DU : 25 Mai 2022



N° RG 20/01499 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FPHP

VTD

Arrêt rendu le vingt cinq Mai deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une décision rendue le 01 octobre 2020 par le Tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2018 008612



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller<

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Madame Virginie DUFAYET, Conseiller



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé



ENTRE :



La société A...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 25 Mai 2022

N° RG 20/01499 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FPHP

VTD

Arrêt rendu le vingt cinq Mai deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 01 octobre 2020 par le Tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2018 008612

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé

ENTRE :

La société ASTIER PLOMBERIE INGENIERIE CLIMATIQUE sous le sigle ASPIC

SARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 493 166 383 00049

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

La société dénommée 'SAS BOUDRET'

SAS immatriculée au RCS d'Albi sous le n° 389 934 423 00010

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentants : Me Christine ROGER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL MOISAND BOUTIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMÉE

La SELARL AJ UP représentée par Me Grégory WAUTOT

immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 820 120 657 00144

[Adresse 3]

[Localité 5]

agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de la société ASTIER PLOMBERIE INGENIERIE CLIMATIQUE sous le sigle ASPIC, SARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 493 166 383 00049, dont le siège social est sis [Adresse 4]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société MANDATUM prise en la personne de Maître [Z] [V]

SELARL immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° 804 860 344 00014

[Adresse 1]

[Localité 6]

agissant ès qualités de mandataire judiciaire au redressement de la société ASTIER PLOMBERIE INGENIERIE CLIMATIQUE sous le sigle ASPIC, SARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 493 166 383 00049, dont le siège social est sis [Adresse 4]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTERVENANTES VOLONTAIRES

DEBATS : A l'audience publique du 23 Mars 2022 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 25 Mai 2022.

ARRET :

Prononcé publiquement le 25 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Rémédios GLUCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Astier Plomberie Ingénierie Climatique (ASPIC) a une activité de plomberie, sanitaire, climatisation, couverture, zinguerie.

La SAS Process Management System Energy (PMSE) est un intermédiaire spécialisé dans le conseil, études et tout service relatif aux Certificats d'Economie d'Energie (CEE).

La SAS Boudret est une société spécialisée dans le transport et la livraison de fioul et de combustibles.

En vertu de la loi du Programme d'Orientation et de la Politique Energétique du 13 juillet 2005 (loi POPE) qui a mis en place le dispositif des CEE, la SAS Boudret est qualifiée d'obligé en tant que vendeur d'énergie. Elle a l'obligation de réaliser et d'inciter à la réalisation d'opérations d'économies d'énergie ou de s'acquitter de pénalités.

Pour justifier de l'accomplissement de ses obligations, l'obligé doit obtenir des CEE en contrepartie des travaux ayant permis de réaliser effectivement des économies d'énergie. Pour obtenir les CEE, l'obligé peut, soit réaliser lui-même des travaux d'économies d'énergie, soit entreprendre des actions afin d'inciter ses clients à réaliser des investissements ou des travaux permettant la réalisation effective d'économie d'énergie.

Les sociétés ASPIC, Boudret et PMSE ont ainsi conclu ensemble en 2014 et 2015 une série de dix protocoles dits 'Eco-primes', correspondant à dix chantiers afin de réaliser des travaux de calorifugeage dans des résidences appartenant ou exploitées par Logehab Immobilier ou par le CROUS.

Suivant dispositions contractuelles du protocole, la SARL ASPIC devait percevoir le montant de prime indiqué à l'article 7 du protocole, payé à 60 jours date de facture, une fois les travaux réalisés, les sociétés PMSE et Boudret faisant ensuite leur affaire pour obtenir les CEE.

La SARL ASPIC n'ayant pas été réglée de l'intégralité des primes, a engagé une procédure à l'encontre de la SAS PMSE.

Par arrêt du 30 mai 2018, la cour d'appel de Riom a condamné la SAS PMSE à payer à la SARL ASPIC la somme de 503 894,11 euros.

Par jugement du 4 juillet 2018, le tribunal de commerce de Narbonne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS PMSE.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 24 juillet 2018, la SARL ASPIC a demandé à la SAS Boudret de régler les sommes dues résultant de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 30 mai 2018.

Par courrier du 3 août 2018, le conseil de la SAS Boudret a refusé de donner suite à la demande.

Par acte d'huissier du 6 novembre 2018, la SARL ASPIC a fait assigner la SAS Boudret devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, au visa des articles 1134 ancien, 1104, 1105, 1193 actuels du code civil, aux fins de voir condamner la SAS Boudret au paiement de la somme de 503 894,11 euros, outre une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal a débouté la SARL ASPIC de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le tribunal a considéré :

- que la SAS Boudret et la SAS PMSE sont deux entités distinctes ; que l'arrêt de la cour d'appel de Riom n'est pas opposable à la SAS Boudret qui n'a pas été mise en cause dans cette procédure;

- que les protocoles définissent clairement les obligations contractuelles de chacune des parties ; que l'article 2 stipule que la société PMSE s'engage à reverser à l'installateur une prime financière suivant le tarif en vigueur que lui-même s'engage à consacrer à la promotion des économies d'énergie à l'égard de ses clients par différents supports ; que seule la SAS PMSE avait une obligation de paiement des primes ;

- qu'il n'est nulle part fait mention que la SAS Boudret agirait en qualité de donneur d'ordres ou d'un partenariat PMSE/Boudret, entité morale qui n'existe pas, serait tenu à l'obligation de paiement ;

- que les seules obligations de la SAS Boudret sont de faire la promotion des actions d'économies d'énergie auprès des non-obligés et des utilisateurs finaux et à veiller avec eux à la communication et à la promotion des actions d'économie d'énergie ;

- qu'il ressort de l'analyse des contrats qu'à aucun moment la SAS Boudret, en tant qu'obligé, n'est débitrice d'une obligation de paiement envers l'installateur ;

- qu'en outre, la SARL ASPIC ne rapporte pas la preuve que la SAS Boudret aurait perçu les CEE ; que si les CEE ont été obtenus par la SAS Boudret sur les opérations réalisées par la SARL ASPIC, il n'est pas démontré que la SAS Boudret les a obtenus gracieusement et n'a pas rémunéré la SAS PMSE pour les CEE et le travail qu'elle a fourni ; que rien ne démontre qu'il existe un enrichissement sans cause au détriment de la SARL ASPIC.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 29 octobre 2020, la SARL ASPIC a interjeté appel du jugement.

Par jugement du 8 avril 2021 du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, la SARL ASPIC a été placée en liquidation judiciaire après un jugement du 3 décembre 2020 ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire .

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 8 juin 2021, la SARL ASPIC, la SELARL AJ UP ès qualités d'administrateur judiciaire, et la SELARL Mandatum ès qualités de liquidateur demandent à la cour, au visa des articles 1134 ancien, 1275 ancien, 1104, 1105, 1193 actuels du code civil, subsidiairement les articles 1303 et suivants du code civil, de réformer en tout point le jugement, et statuant à nouveau de :

- condamner la SAS Boudet au paiement de la somme de 503 894,11 euros correspondant aux factures impayées de la SARL ASPIC au titre de l'engagement de la SAS Boudret co-signataire des protocoles ;

- subsidiairement, condamner la SAS Boudret au paiement de la somme de 503 894,44 euros au titre de l'enrichissement sans cause ou enrichissement injustifié ;

- condamner la SAS Boudret au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elles soutiennent que conformément aux protocoles 'Eco-primes' qui sont signés, les sociétés PMSE et Boudret se sont toutes deux engagées envers la SARL ASPIC. La SAS Boudret aurait dû être mise en cause dans la précédente procédure, au même titre que PMSE, pour mise en paiement des sommes dues : un paiement solidaire aurait alors été prononcé.

Elles font valoir que la SAS Boudret tente d'opposer au fond les arguments qui ont déjà été rejetés par la cour d'appel de Riom : celle-ci a retenu que les accords conclus entre la SARL ASPIC et la SAS PMSE comportaient un engagement ferme de cette dernière au paiement des primes stipulées dans chacun des actes contractuels, établies au montant des factures de la SARL ASPIC, cet engagement étant dépourvu de condition suspensive.

Par ailleurs, elles soutiennent que l'éco-prime Boudret/PMSE est due à la SARL ASPIC suivant protocoles, éco-prime qui est du montant de sa facture sur chaque chantier et doit être déduite de celle-ci, la ramenant à zéro pour le client final.

Elles exposent en outre sur le fondement de l'article 1275 ancien du code civil, que les protocoles emportent délégation de paiement : via cette délégation, la SAS Boudret a donné à la SARL ASPIC un autre débiteur en la personne de la SAS PMSE ; que cependant lesdits protocoles ne prévoient pas expressément que la SARL ASPIC décharge son débiteur originel, la SAS Boudret.

A titre subsidiaire, elles invoquent le fondement de l'enrichissement sans cause. La SAS PMSE n'est qu'un intermédiaire, le seul obligé qui a intérêt aux opérations pour ne pas payer les surtaxes environnementales est la SAS Boudret. Celle-ci ayant reçu les CEE, a vu son patrimoine augmenter par économie de paiement des taxes, et ce, au détriment de la SARL ASPIC dont le patrimoine s'est appauvri des factures qu'elle n'a pu encaisser. Elles indiquent justifier par un courrier du 1er février 2021 du responsable de la Cellule Développement Durable que toutes les opérations mentionnées dans le courrier du 7 avril 2016 ont fait l'objet d'une délivrance de CEE à la SAS Boudret à l'exception très relative de la résidence [9].

Dans ses dernières écritures déposée et notifiées le 20 avril 2021, la SAS Boudret demande à la cour, au visa des articles 9 et 108 du code de procédure civile, 1134, 1275 et 1371 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, L.441-3 du code de commerce, de :

à titre principal :

- rejeter les demandes de la SARL ASPIC aussi bien principale que subsidiaire tendant à voir condamner la SAS Boudret à lui payer la somme de 503 894,11 euros au titre de l'exécution des conventions conclues entre les sociétés ASPIC, PMSE et Boudret, et de l'enrichissement sans cause ;

- débouter la SARL ASPIC de son appel ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

à titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement :

- dire et juger que la SARL ASPIC ne rapporte pas la preuve d'une quelconque délivrance des CEE à la SAS Boudret ;

- rejeter les demandes de la SARL ASPIC tendant à voir condamner la SAS Boudret à lui payer la somme de 503 894,11 euros au titre de l'exécution des conventions conclues entre les sociétés ASPIC, PMSE et Boudret ;

- débouter la SARL ASPIC en son appel ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

en tout état de cause :

- condamner la SARL ASPIC à payer la somme de 10 000 euros à la SAS Boudret au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que la motivation de la demande de la SARL ASPIC se limite à se prévaloir de son propre choix de ne pas mettre en cause la SAS Boudret dans une précédente instance et à spéculer sur la décision qu'aurait pu prendre la juridiction saisie à l'encontre de la SAS Boudret. La SARL ASPIC ne peut se contenter de se référer à une autre décision qui lui est inopposable.

Elle estime ensuite qu'aucune obligation de paiement n'est à la charge de la SAS Boudret : elle demande de confirmer l'analyse du tribunal sur ce point dans la mesure où aux termes de conventions 'Eco-primes', les sociétés Boudret et PMSE ont un rôle distinct et chacune a des obligations distinctes vis-à-vis de la SARL ASPIC. La lettre de ses termes sont clairs et précis, la SARL ASPIC fait de la dénaturation, le partenariat PMSE Boudret n'est pas une personne morale, et les éco-primes n'équivalent pas aux factures de la SARL ASPIC.

Elle ajoute que la délégation ne se présume pas.

Elle fait valoir également que le comportement procédural de la SARL ASPIC démontre l'absence d'obligation de paiement à sa charge : elle ne l'a assignée que lorsque la SAS PMSE a fait l'objet d'une procédure collective.

Elle expose en second lieu que les conditions de l'enrichissement sans cause ne sont pas réunies. Elle ne s'est nullement enrichie : les travaux réalisés par la SARL ASPIC n'ont pas généré à son profit les CEE que la SARL ASPIC dit avoir été émis. Les CEE qui avaient été initialement attribués en vertu des travaux d'économie d'énergie réalisés par ASPIC ont été annulés à la suite d'un contrôle a posteriori du Pôle National des CEE ayant constaté que des faux avaient été fournis par ASPIC pour le chantier des Chèvrefeuilles.

Elle ajoute que la SAS Boudret ne s'est pas enrichie sans cause : les CEE n'ont aucune vocation à revenir à ASPIC qui n'est pas un obligé au sens de la loi, mais bien à la seule Boudret, et cette attribution est le résultat des actions de promotion de Boudret et de l'application de la loi. En outre, ASPIC devait reverser tout ou partie de l'éco-prime à son client utilisateur final, ce qu'elle n'a jamais justifié.

Enfin, la SARL ASPIC ne s'est pas appauvrie du fait de Boudret : la faute de l'appauvri exclut qu'il puisse se prévaloir de l'enrichissement sans cause. Or, la SARL ASPIC a tenté de tromper la SAS Boudret en produisant une fausse attestation de fin de travaux pour le chantier des Chèvrefeuilles ce qui a eu pour conséquence la non-délivrance des CEE.

A titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement et considérait que la SAS Boudret était tenue à une obligation de paiement vis-à-vis de la SARL ASPIC, il sera jugé qu'aucun paiement n'est dû en exécution des conventions 'Eco-primes' en raison du refus des dossiers par le Pôle National des CEE.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

La procédure a été clôturée le 24 février 2022.

MOTIFS

La cour n'ayant pas autorisé la communication de notes en délibéré, cette autorisation de communication n'ayant d'ailleurs pas été sollicitée par les parties, la note établie pour le compte de la SARL ASPIC ainsi que les deux nouvelles pièces qui y sont jointes seront écartées des débats.

- Sur l'obligation contractuelle de la SAS Boudret

Selon l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

La SARL ASPIC soutient que conformément aux protocoles 'Eco-primes' signés, les sociétés PMSE et Boudret se sont toutes deux engagées envers la SARL ASPIC ; que la société Boudret est le cocontractant de la SARL ASPIC au même titre que la société PMSE et qu'elle doit répondre du paiement des travaux qu'elle lui a commandés. Elle estime que les engagements des deux parties ne sont pas dissociables.

Les protocoles établis pour chaque chantier sur formulaires à en-tête de la société PMSE portent la signature des trois parties, les sociétés ASPIC, PMSE et Boudret.

Ces protocoles définissent les obligations de chacune des parties.

L'article 2 intitulé 'Coordination des actions sur le marché d'échange par PMSE avec les obligés' est rédigé dans les termes suivants :

'La société PMSE s'engage avec l'obligé la société Boudret inscrite au Registre National des Certificats d'Energie, agréée par la DIREM BP SUPERFIOUL, à promouvoir les actions d'économies d'énergie auprès des non obligés et des utilisateurs finaux et à veiller avec eux à la communication et à la promotion des certificats d'économies d'énergie. Les entreprises bénéficiant des éco-primes s'engagent à promouvoir celles-ci auprès de leurs clients, par des actions publicitaires, salons, foire, expo, conseil, DPE, remises intégrales ou partielles de l'éco-prime sur la facture de l'utilisateur final. La démarche de l'installateur devra faire ressortir qu'il a incité et mis en avant les avantages des CEE afin d'encourager ses clients à faire des économies d'énergie.

Le partenariat 'PMSE Boudret' s'engage à fournir un panel publicitaire et promotionnel pour accompagner l'artisan dans ces démarches d'incitation aux économies d'énergie auprès des utilisateurs finaux [...].

En contrepartie, la société PMSE s'engage à reverser à l'installateur une prime financière suivant le tarif en vigueur que lui-même s'engage à consacrer à la promotion des économies d'énergie à l'égard de ses clients par différents supports [...]'.

L'article 8 relatif aux délais de paiement des primes stipule :

'La société PMSE s'engage à régler les primes selon :

que les actions déposées fassent partie de la liste agréée par le plan d'actions. Dans ce cas le paiement des primes s'effectuera à compter du 90ème jour après prise en charge (soit à la date de l'expédition du dossier avec AR au Pôle National des CEE) à votre demande.

après validation du Pôle National des CEE pour toutes les actions non répertoriées sur la liste agréée par le plan d'actions. Dans ce cas le paiement s'effectuera après validation du Pôle National des CEE (délai moyen de 6 mois).

Autre : 60 jours.'

Ainsi, les sociétés Boudret et PMSE avaient un rôle distinct et chacune avait des obligations distinctes vis-à-vis de la SARL ASPIC. Cette dernière ne peut ainsi reprocher indifféremment à l'une ou à l'autre la violation de la même obligation sans tenir compte des dispositions claires et précises du contrat : la société Boudret n'était pas tenue à une obligation de paiement à l'égard de la SARL ASPIC, seule la société PMSE était débitrice d'une telle obligation.

La société PMSE était la seule société qui animait le partenariat en ce qu'elle assurait la relation avec les non-obligés, elle validait les devis, factures, attestations et documentations reçus des installateurs ou artisans, constituait les dossiers à envoyer au Pôle National des CEE, et assurait la mise en place et l'animation d'une assistance téléphonique.

La seule obligation contractuelle de la SAS Boudret était de faire la promotion des actions d'économies d'énergie auprès des non-obligés et des utilisateurs finaux, et de veiller avec eux à la communication et à la promotion des actions d'économies d'énergie.

Le partenariat PMSE Boudret visé par la SARL ASPIC n'est pas une personne morale autonome, il s'agit de deux entités morales distinctes. Et le seul fait de libeller ses factures au nom du partenariat PMSE Boudret ne saurait faire de cette facture une créance réelle et exigible de la SARL ASPIC sur la SAS Boudret. Le tribunal a justement relevé qu'il n'était nulle part fait mention que la SAS Boudret agirait en qualité de donneur d'ordres ou qu'un partenariat PMSE Boudret entité morale qui n'existe pas, serait tenu à l'obligation de paiement.

Devant la cour, la SARL ASPIC invoque en outre les dispositions de l'article 1275 ancien du code civil relatives à la délégation, et soutient que les protocoles emportent délégation de paiement : via cette délégation, la SAS Boudret (débiteur/délégant) a donné à la SARL ASPIC (son créancier/délégataire) un autre débiteur en la personne de PMSE (délégué). Elle expose que lesdits protocoles ne prévoient pas expressément que la SARL ASPIC décharge son débiteur originel la SAS Boudret. Elle conclut que sa créance contractuelle à l'égard de la SAS Boudret est indiscutable.

L'article 1275 dans sa version applicable aux dates de signature des protocoles énonce que la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation.

La délégation ne se présume pas et suppose que le délégant (la SAS Boudret selon la SARL ASPIC) soit effectivement débiteur avant de consentir la délégation et que le délégué (la société PMSE selon la SARL ASPIC) s'oblige envers le délégataire. Or, il résulte des protocoles que la SAS Boudret n'a jamais été débitrice d'une obligation de paiement et que la société PMSE est tenue au paiement par le contrat. Aucun élément figurant au contrat ne permet de conclure à l'existence d'une délégation, les deux sociétés PMSE et Boudret avaient simplement des obligations distinctes.

La SARL ASPIC sera ainsi déboutée de sa demande visant à dire que la SAS Boudret est débitrice d'une obligation contractuelle de paiement à son égard. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

- Sur l'enrichissement sans cause de la SAS Boudret

Subsidiairement, la SARL ASPIC fonde sa demande en condamnation de la SAS Boudret sur la théorie de l'enrichissement sans cause résultant de l'article 1371 ancien du code civil, faisant valoir que la société PMSE n'était qu'un intermédiaire ou un prestataire et que le seul obligé qui avait intérêt aux opérations pour ne pas payer les surtaxes environnementales, était la SAS Boudret.

Elle soutient que la SAS Boudret ne démontre pas que les CEE relatifs aux travaux exécutés par la SARL ASPIC n'ont finalement pas été obtenus, la seule lettre produite par la SAS Boudret étant le courrier du Pôle National des CEE (PNCEE) du 7 avril 2016 au terme duquel les protocoles étaient en cours d'instruction. Elle expose en outre avoir interrogé officiellement le PNCEE le 29 janvier 2021, et qu'il lui a été répondu que toutes les opérations mentionnées dans le courrier du 7 avril 2016 ont fait l'objet d'une délivrance de CEE à la SAS Boudret à l'exception de celle relative à la résidence les [9]. Du fait des travaux réalisés par la SARL ASPIC, la SAS Boudret ayant reçu les CEE, a vu son patrimoine augmenter par économies du paiement des taxes, et ce, au détriment de celui de la SARL ASPIC, dont le patrimoine s'est appauvri des factures qu'elle n'a pas pu encaisser.

La SARL ASPIC verse aux débats un courrier électronique en date du 1er février 2021 émanant de M. [X], responsable de la Cellule Développement Durable (chargé de mission au PNCEE) adressé à son avocat, courrier rédigé dans les termes suivants :

'[...] En réponse à votre interrogation, toutes les opérations mentionnées dans le courrier du 7 avril 2016 - estampillé 'Pièce N°38" - ont fait l'objet d'une délivrance de certificats d'économies d'énergie à la SAS Boudret Henri, à l'exception de deux d'entre elles dans le dossier 0009OB/20811 : il s'agit des 2 opérations dont le site des travaux est 'RÉSIDENCE [9]' [...].'

Il ne peut être contesté par la SAS Boudret que le courrier du 7 avril 2016 est celui de la Chef du Pôle National des CEE adressé à la SAS Boudret le 7 avril 2016 produit par la SAS Boudret elle-même en pièce n°11, dans lequel il était indiqué que les dossiers étaient en cours d'instruction et qu'aucun CEE n'avait été délivré pour les opérations (pour les dossiers cités dans la suite du courrier et qui concernent les dossiers objets du litige).

Néanmoins, ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort de l'analyse de la relation commerciale entre les sociétés Boudret, ASPIC et PMSE issue du mécanisme des CEE, que les travaux réalisés par la SARL ASPIC étaient rémunérés par le versement par la société PMSE d'une prime correspondant à 70 % du montant des CEE obtenus, que la société PMSE avait en charge la gestion des relations avec les artisans, la constitution et le montage des dossiers pour l'obtention des CEE auprès du Pôle National des CEE, et que la SAS Boudret acquérait les CEE auprès de la société PMSE en lui versant une rémunération convenue entre elles, dont la juridiction ne pouvait connaître le montant au vu des pièces versées.

Le tribunal a, à juste titre, considéré que si les CEE avaient été obtenus par la SAS Boudret sur les opérations réalisées par la SARL ASPIC (ce que la SARL ASPIC établit désormais en appel), il n'était pas démontré que la SAS Boudret les avait obtenus gracieusement et n'avait pas rémunéré la société PMSE pour les CEE et le travail qu'elle avait fourni. Ainsi, les conditions de l'enrichissement sans cause au détriment de la SARL ASPIC n'étaient pas réunies.

Par ailleurs, la SAS Boudret produit aux débats un courrier électronique émanant du liquidateur de la société PMSE mentionnant que la créance de la SARL ASPIC avait une chance de désintéressement partiel, l'actif disponible étant d'un montant de 599 000 euros et le passif étant de 689 340 euros outre les frais de justice de 85 462 euros. La condamnation résultant de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 30 mai 2018 au bénéfice de la SARL ASPIC est d'un montant de 503 894,11 euros, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aussi, la condamnation de la SAS Boudret au profit de la SARL ASPIC est d'autant moins justifiée, la SARL ASPIC ne devant pas être payée deux fois.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant à l'instance, la SARL ASPIC sera condamnée aux dépens d'appel.

Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Ecarte des débats la note en délibéré établie pour le compte de la SARL ASPIC ainsi que les deux nouvelles pièces qui y étaient jointes ;

Confirme le jugement déféré ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SARL ASPIC représentée par la SELARL Mandatum mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société, aux dépens d'appel.

Le greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/01499
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;20.01499 ?
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