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18/05/2022 | FRANCE | N°21/02246

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 18 mai 2022, 21/02246


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N° 276



DU : 18 Mai 2022



N° RG 21/02246 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FWI6

ALC

Arrêt rendu le dix huit Mai deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 19 octobre 2021 par le Président du tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 21/00490 ch6)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virg

inie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé

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COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N° 276

DU : 18 Mai 2022

N° RG 21/02246 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FWI6

ALC

Arrêt rendu le dix huit Mai deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 19 octobre 2021 par le Président du tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 21/00490 ch6)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé

ENTRE :

M. [M] [V] [W] [I]

Directeur de la CAF, demeurant en cette qualité

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

Mme [E] [U] [J] [L]

Chargée de contrôle prestations familiales, demeurant en cette qualité

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

La CAF 63 prise en la personne de son Directeur, M. [I]

Régime général de la sécurité sociale inscrite au répertoire SIRET sous le n° 775 634 264 00045

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTS

ET :

M. [N] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : la SCP PORTEJOIE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011286 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

INTIMÉ

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 09 Mars 2022, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame CHALBOS et Monsieur KHEITMI, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 18 Mai 2022 après prorogation du 11 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Rémédios GLUCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les 18 et 21 mai 2021, Maître [T], huissier de justice, requis par la caisse d'allocations familiales du Puy-de-Dôme, constatait la diffusion, depuis le 11 mai 2021 à 14h44, sur le compte Facebook de M. [N] [G], d'une vidéo intitulée 'Alerte méfiez-vous de la CAF de [Localité 3]', mettant en cause M. [M] [I], Mme [E] [L] et la CAF.

Suivant acte d'huissier en date du 14 juin 2021, M. [I], Mme [L] et la CAF 63 ont délivré assignation à M. [N] [G] d'avoir à comparaître devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins de le voir juger responsable de diffamation à titre principal, d'injures à titre subsidiaire, et de menaces à titre infiniment subsidiaire, au sens de loi du 29 juillet 1881, d'ordonner le retrait de la vidéo litigieuse et de le voir condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Suivant ordonnance de référé en date du 19 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

- annulé l'assignation délivrée le 14 juin 2021 par M. [M] [I], Mme [E] [L] et la CAF 63 à l'encontre de M. [N] [G],

- dit n'y avoir lieu à référé,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de M. [M] [I], de Mme [E] [L] et de la CAF 63.

Le juge des référés a retenu à cet effet :

- que M. [M] [I] et Mme [E] [L] invoquaient dans l'acte introductif d'instance du 14 juin 2021 les mêmes passages et propos qu'ils qualifiaient alternativement de diffamatoires et d'injurieux, de sorte que les propos reprochés à M. [N] [G] avaient été visés sous la double qualification de diffamation et d'injure, que la CAF 63 avait agi de la même façon pour les quatre premiers passages cités la concernant, à l'exception d'un passage évoqué exclusivement au soutien de l'injure, sans qu'il soit possible d'opérer une véritable distinction entre les passages incriminés, qu'il importait peu que les qualifications litigieuses soient visées à titre principal pour la diffamation et à titre subsidiaire pour l'injure dès lors que ces incriminations visées de manières alternative entretenaient une équivoque sur la qualification des faits incriminés,

- que l'assignation encourait en conséquence la nullité en raison de son imprécision, au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et de la jurisprudence constante,

- que la nullité de l'assignation affectait l'acte dans son intégralité, de sorte que le juge des référés, non valablement saisi, n'était pas compétent pour statuer sur les demandes contenues dans ladite assignation et fondées sur la menace.

M. [M] [I], Mme [E] [L] et la CAF 63 ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 28 octobre 2021.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 23 février 2022, M. [M] [I] et la CAF 63 demandent à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance de référé rendue par Mme le président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 19 octobre 2021 en ce qu'elle a :

- annulé l'assignation délivrée le 14 juin 2021 par M. [M] [I], Mme [E] [L] et la CAF 63 à l'encontre de M. [G],

- dit n'y avoir lieu à référé

- laissé les dépens à la charge de M. [M] [I], de Mme [E] [L] et de la CAF 63,

Vu les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,

- dire et juger que M. [M] [I] et la caisse d'allocations familiales du Puy-de-Dôme sont recevables et bien fondés en leur action,

- dire et juger que M. [G] est responsable de diffamations au sens des dispositions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,

À titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,

- dire et juger que M. [G] est responsable d'injures au sens des dispositions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,

À titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause,

Vu l'article 222-17 du code pénal,

- dire et juger que M. [G] est responsable de menaces,

- dire et juger que M. [G] en sa qualité d'auteur des propos diffamatoires, injurieux et menaçants, est responsable des préjudices de M. [I] et de la Caisse d'Allocations Familiales du Puy-de-Dôme,

En conséquence,

- ordonner le retrait de la vidéo litigieuse dans un délai maximal de 24 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner M. [G] à verser à chacun des demandeurs, à titre provisionnelle, la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- condamner M. [G] à payer et porter chacun des demandeurs la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même au paiement des entiers dépens comprenant le constat d'huissier établi par Maître [A] [T] en date du 21 mai 2021.

Ils font valoir :

- que l'assignation respecte les dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881,

- que les propos suivants constituent des faits de diffamation à l'encontre :

- de M. [I] :

- 'Il est honnête M. [I]; il te la met dans le cul et il s'octroie tous les droits mais voilà'

- 'Vous...et M. [I] vous vous cachez dans vos bureaux', 'Vous harcelez les gens, vous cherchez des histoires, et après vous rentrez dans vos bureaux',

- 'Ils ne sont pas tous pareils mais en tout cas sur [Localité 3] on a deux gros enculés',

- de la CAF :

- 'Si t'as pas envie de bosser, vas faire du tricot chez toi, gratte-toi les couilles et laisse la place à ceux qui ont envie de bosser',

- 'Ces gens considèrent qu'ils ont du pouvoir',

- ' Je suis harcelé par la CAF de [Localité 3] dirigée par M. [I]',

- ' Vous savez comment ça s'appelle ça dans le jargon judiciaire : une tentative d'escroquerie...ils marquent ce qu'ils veulent...ils me réclament deux fois les mêmes dettes'.

- qu'à défaut de relever de la diffamation au sens de l'article 1 de la loi du 29 juillet 1881, ces propos relèvent de l'injure au sens de l'article 2 de cette même loi et que les propos suivants: 'La CAF c'est une administration et nous avons des gens qui ont été nommés par la République et qui sont au top du top. Ils ont fait des grandes études certes ils ont un QI d'huître', relèvent exclusivement de l'injure,

- qu'au regard de l'article 222-17 du code pénal, les propos suivants constituent sans aucun doute des menaces proférées à l'encontre de M. [I] :

- 'Je vous promets M. [I] et M..., on va se revoir', 'Vous allez comprendre Messieurs que plus jamais vous ferez ça',

- 'C'est pas une menace c'est une promesse',

- 'Je vais m'employer à leur déclarer une guerre comme ils ont jamais eu de leur vie...je vais m'employer à les jeter dans la fosse aux lions...je vais m'affairer à ce que M. [I] en paye le prix aussi',

- 'Et croyez-moi on va communier, et pour ça faites-moi confiance j'adore ça', 'et s'il y a un Dieu, faites qu'on se rencontre un jour'.

- que la diffusion de la vidéo litigieuse constitue un trouble manifestement illicite pour les requérants depuis le 14 mai 2021, justifiant la condamnation de M. [G] à retirer la vidéo de son compte Facebook et l'allocation à titre provisionnel d'une indemnité en réparation de leur préjudice moral,

- que l'assignation n'est pas affectée par la nullité, dans la mesure où il était sollicité la qualification de diffamation à titre principal et la qualification d'injure à titre subsidiaire, seulement si la demande principale n'était pas retenue,

- que selon la jurisprudence, lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d'une imputation diffamatoire, le délit d'injure est absorbé par celui de la diffamation et ne peut être relevé seul,

- que la diffamation et l'injure ne comportent pas d'éléments constitutifs inconciliables entre eux, de sorte qu'il n'a pu résulter de cette qualification cumulative aucune incertitude dans l'esprit du défendeur,

- que la nullité de l'assignation ne doit concerner que les propos doublement qualifiés et non pas les menaces proférées à l'encontre de M. [I], dont la réalité n'est pas contestée par M. [G].

Par conclusions déposées et notifiées le 23 février 2022, Mme [E] [L] s'est désistée de son appel.

Par conclusions déposées et notifiées le 30 novembre 2021, M. [N] [G] demande à la cour de :

Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881,

- confirmer l'ordonnance rendue le 19 octobre 2021 par Mme la présidente près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en ce qu'elle a annulé l'assignation délivrée le 14 juin 2021 par M. [I], Mme [L] et la CAF 63 à l'encontre de M. [G],

- débouter M. [I], Mme [L] et la CAF 63 de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [I], Mme [L] et la CAF 63 à payer et porter à M. [N] [G] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir :

- que de jurisprudence constante, l'assignation qui poursuit les mêmes faits sous la double qualification d'injure et de diffamation est nulle en son entier et qu'un même fait ne peut être poursuivi cumulativement ou alternativement sous la double qualification d'injure et de diffamation, ce qui ressort pourtant de l'assignation délivrée par M. [I], Mme [L] et la CAF 63 le 14 juin 2021 à M. [G],

- que la prescription de l'action en diffamation est de 3 mois et court à compter de la date de mise en ligne de la vidéo sur internet, accessible aux utilisateurs ; que ladite vidéo était consultable bien avant le mois de mai 2021, date du procès-verbal de constatation par l'huissier de justice, de sorte que la prescription de l'action était acquise,

- que l'imprécision de l'assignation ne permet pas de déterminer si M. [N] [G] était poursuivi en tant que détenteur du compte Facebook ou en tant qu'auteur des propos,

- qu'il fallait être ami avec lui sur son compte Facebook pour consulter cette vidéo qui n'était donc pas accessible à tous,

- que ladite vidéo avait été retirée et n'est plus consultable depuis le mois de juin 2021,

- que les appelants ne justifient d'aucun préjudice particulier résultant des propos tenus dans cette vidéo.

La procédure a été clôturée le 24 février 2022.

MOTIFS :

L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que 'la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable et la poursuite (...) Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite'.

Il résulte de ces dispositions, applicables à l'assignation délivrée devant la juridiction civile, y compris devant le juge des référés, qu'encourt la nullité l'assignation qui retient pour les mêmes faits la double qualification d'injure et de diffamation.

Après avoir relevé que les demandeurs citaient dans l'assignation des passages et propos qu'ils qualifiaient à titre principal de diffamatoires et à titre subsidiaire d'injurieux, de sorte qu'une grande partie des propos reproduits dans l'assignation étaient visés sous la double qualification de diffamation et d'injure, le premier juge a retenu à juste titre que l'assignation encourait la nullité, au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et de la jurisprudence constante, qu'il importait peu que les qualifications litigieuses soient visées à titre principal pour la diffamation et à titre subsidiaire pour l'injure dès lors que ces incriminations visées de manière alternative entretenaient une équivoque sur la qualification des faits incriminés, et que la nullité de l'assignation affectait l'acte dans son intégralité, de sorte que le juge des référés, non valablement saisi, ne pouvait statuer sur aucune des demandes.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée.

L'équité commande de débouter M. [G] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants seront condamnés aux dépens conformément aux dispositions des articles 399 et 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Donne acte à Mme [E] [L] de son désistement d'appel,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Déboute M. [G] de sa demande d'indemnités pour frais irrépétibles,

Condamne conjointement M. [M] [I], Mme [E] [L] et la CAF 63 aux dépens d'appel, chacun à hauteur d'un tiers.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/02246
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;21.02246 ?
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