COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 30 avril 2009
Arrêt no-BG / SP / MO-
Dossier n : 08 / 02405
Thierry X..., Sandrine Y... épouse X... / Georges Z..., Françoise A... épouse Z..., Anne-Marie B...
Arrêt rendu le JEUDI TRENTE AVRIL DEUX MILLE NEUF
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Gérard BAUDRON, Président
M. Claude BILLY, Conseiller
M. Bruno GAUTIER, Conseiller
En présence de :
Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
Jugement Au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT-FLOUR, décision attaquée en date du 20 Octobre 2008, enregistrée sous le no 51-07-15
ENTRE :
M. Thierry X...
Mme Sandrine Y... épouse X...
...
15110 MAURINES
assistés de Me Philippe FORESTIER, avocat au barreau D'AURILLAC
APPELANTS
ET :
M. Georges Z...
Mme Françoise A... épouse Z...
...
15100 SAINT-FLOUR
Mme Anne-Marie B...
...
48310 ALBARET LE COMTAL
assistés de Me J. A. MOINS de la SCP MOINS, avocats au barreau D'AURILLAC
INTIMES
Après avoir entendu à l'audience publique du 26 mars 2009 les représentants des parties, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle a été lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du code de procédure civile :
Attendu que, par jugement du 20 octobre 2008, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Flour a constaté l'existence d'un bail rural entre M. X..., d'une part et les époux Z... puis Mme B..., d'autre part, rejetant la demande en résiliation du bail formée par les propriétaires, tout comme la demande en nullité de la donation intervenue entre les époux Z... et Mme B... ; qu'estimant que le bail à ferme avait débuté le 1er janvier 1982 et s'était renouvelé, tous les 9 ans, jusqu'au 31 décembre 2008, le premier juge a, encore, considéré valable le congé pour reprise délivré le 22 février 2007 par Mme B..., pour le 31 décembre 2008 ;
Attendu que M. X... et son épouse ont interjeté appel, rappelant que les époux Z..., sans descendants directs et ne souhaitant pas conserver leurs parcelles à usage agricole, avaient décidé de se défaire progressivement de leurs biens, au moyen de ventes successives au profit des agriculteurs exploitant leurs parcelles, à savoir eux-mêmes et Mme B... mais qu'un conflit est intervenu, devant l'exigence des propriétaires d'un prix fixé sur la base du terrain à bâtir et que c'est dans ces conditions que les époux Z... ont finalement décidé de vendre les parcelles affermées, non au preneur mais à Mme B... ; qu'ils estiment que, pour contourner le droit de préemption du fermier en place, les époux Z... et Mme B... ont conçu le stratagème d'une donation, qui doit être annulée, comme opérée en fraude de leurs droits ; qu'ils soutiennent que le tribunal a justement reconnu la qualité de fermier de M. X..., exploitant de façon continue et répétée des parcelles rurales à titre onéreux depuis 1997 ; qu'ils estiment, cependant, que le point de départ du bail doit être fixé au 1er janvier 1997, les parents de M. X... ne pouvant lui céder un droit qui ne leur avait pas été reconnu avant leur retraite, en sorte que le bail ne vient à expiration que le 1er janvier 2015 ; qu'ils soutiennent, encore, que le congé délivré par Mme B... est une reprise partielle d'exploitation et invoquent l'article L. 411 – 62 du code rural, la reprise d'une superficie approximative de 6 ha ayant pour eux de graves répercussions économiques ;
Attendu que les époux Z... et Mme B... prétendent que l'épouse de M. X... s'est considérée, de manière officielle valant aveu judiciaire, co-titulaire du bail de son mari, associée à l'exploitation depuis 1999 et que, sans autorisation préalable des bailleurs, cette opération justifie la résiliation du bail, en sorte que les appelants n'ont aucune qualité pour invoquer la nullité de la donation ; qu'ils estiment que la cession à titre gratuit se trouve justifiée par des liens de parenté et que preuve n'est pas démontrée d'une fraude sous-tendant l'opération, par une contrepartie onéreuse dissimulée ; que Mme B... rappelle avoir fait délivrer congé sur l'intégralité des parcelles dont elle est devenue propriétaire et que preuve n'est pas rapportée d'une prétendue grave atteinte à l'équilibre économique de l'exploitation des appelants et souligne que le bail à ferme existe bien depuis 1982 ;
Attendu qu'au regard des éléments du dossier et d'une mise à disposition à titre onéreux de parcelles agricoles en vue de leur exploitation, c'est à juste titre et de manière non vraiment contestée que le premier juge a retenu l'existence d'un bail rural entre M. X..., d'une part et les époux Z..., de l'autre ; qu'il ressort d'un courrier adressé au notaire habituel des époux Z..., le 17 janvier 2007, par M. X..., que l'exploitation des terrains en cause se faisait depuis 1982, au niveau familial et que lui-même avait repris cette exploitation de ses parents, en 1997 ; que, compte tenu de ces déclarations non équivoques de l'intéressé lui-même, le tribunal a retenu, à bon droit, que le bail à ferme dont s'agit avait débuté le 1er janvier 1982 et s'était renouvelé tous les neuf ans, la dernière échéance étant le 31 décembre 2008 ; que c'est de manière fantaisiste qu'il est soutenu que l'épouse de M. X... serait devenue co-titulaire du bail, par le biais d'une cession prohibée justifiant la résiliation, alors que cette qualité ne ressort que d'une énonciation maladroite des fermiers dans leur
acte introductif d'instance et que les éléments du dossier démontrent qu'elle a seulement le statut de conjoint collaborateur de son époux, depuis le 1er janvier 1999, ainsi que cela résulte de l'attestation d'affiliation à la MSA ;
Attendu que, le 17 janvier 2007, par courrier précité, M. X... avait averti qu'il se considérait comme fermier en place, demandant au notaire des bailleurs de le tenir informé en cas de mise en vente du bien exploité ; qu'il avait déjà demandé à la SAFER une mise en surveillance des terrains le concernant, début octobre 2006 ; que, le 10 novembre 2006, cet organisme lui faisait savoir qu'il venait d'être informé d'un projet de vente susceptible de correspondre à sa demande ; que, le 28 novembre 2006, le notaire F... écrivait à la SAFER que, par courrier recommandé du 2 novembre 2006, il lui avait notifié le projet d'acte de vente, valant offre de vente, des époux Z... à Mme B... mais que, finalement, les époux Z... retiraient leur offre de vente sur les parcelles 589 et 596 ; que, le 1er février 2007, est intervenue une donation entre les époux Z... et Mme B... sur diverses parcelles, dont les parcelles 589 et 596 ; qu'il ressort, ainsi, du dossier que dès l'été 2006, M. X... s'était soucié de faire jouer son droit de préemption et en avait averti officiellement les propriétaires et les organismes concernés ; qu'également, à cette même époque, les époux Z... s'apprêtaient à vendre le bien en cause à Mme B... ; qu'au regard des événements intervenus et des dates respectives, il est patent que la cession à titre gratuit intervenue le 1er février 2007, en lieu et place de la vente initialement projetée, avait pour seul but d'éviter le droit de préemption du fermier, sous couvert de favoriser une parente fort éloignée ; qu'il convient donc de prononcer l'annulation de la donation consentie par les époux Z... à Mme B..., selon acte passé par-devant Me F..., notaire à SAINT CHELY, en date du 1er février 2007 ; que le congé pour reprise délivré par Mme B..., selon exploit en date du 22 février 2007, ne peut produire effet, pour défaut de qualité de cette dernière ; que l'équité commande d'allouer à M. X..., pour les frais non taxables exposés en justice par ses soins, 1. 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'à défaut de démonstration, à son dossier, d'un préjudice correspondant à l'attitude fautive imputée à ses adversaires, il n'y a lieu à dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme en totalité la décision déférée ;
Prononce l'annulation de la donation consentie par les époux Z... à Mme B..., selon acte passé devant Me F..., notaire à SAINT CHELY, en date du 1er février 2007, publié à la conservation des hypothèques d'AURILLAC, le 7 mars 2007, volume ... ;
Constate que M. X... est titulaire d'un bail rural sur diverses parcelles rurales sises à MAURINES, d'une contenance totale de 6 ha 91 ares 30 centiares, ledit bail ayant pris effet le 1er janvier 1982 et s'étant renouvelé régulièrement tous les neuf ans ;
Annule le congé délivré par Mme B..., selon exploit du 22 février 2007, pour défaut de qualité ;
Dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts ;
Condamne in solidum les époux Z... et Mme B... à verser à M. X... 1. 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les époux Z... et Mme B... aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé.
Le greffier Le président
Le présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de signification de cette décision aux parties.
Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.