1-
3 LOTERIE -
- compétence territoriale
- Droit International Privé,
- Règlement du 22.12.2000 no44/2001
-CJCE, jurisprudence,
- action de nature contractuelle
ARRET No-
DU : 09 Avril 2008
N : 07/02163
CB
Arrêt rendu le neuf Avril deux mille huit
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré de :
Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente
Mme Chantal JAVION, Conseillère
M. J. DESPIERRES, Conseiller,
lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière
Sur APPEL d'une décision rendue le 04.07.2007
par le Tribunal de grande instance de Montluçon
ENTRE :
Mme Martine Y... épouse Z... ...
Représentant : Me Bernard A... (avocat au barreau de MONTLUCON) qui a fait déposer son dossier par maître B... avouée
CONTREDISANTE
ET :
SA D. DUCHESNE, exerçant sous l'enseigne commerciale TV DIRECT DISTRIBUTION ...
Représentant : Me Marcel C... (avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND)
DEFENDERESSE AU CONTREDIT
DEBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, à l'audience publique du 06 Mars 2008, sans opposition de sa part, l'avocat de la défenderesse, Mme Bressoulaly et Mme Javion Magistrats chargés du rapport en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l'audience publique de ce jour, indiquée par les magistrats rapporteurs, l'arrêt suivant a été prononcé publiquement conformément aux dispositions de l'article 452 du Code de Procédure Civile :
arrêt notifié par LR+AR
le
- expédition arrêt +
dossier renvoyés à TGI
Montluçon
FAITS, PROCÉDURE et DEMANDES DES PARTIES
Martine Y... épouse Z... demeurant à HURIEL (03) en FRANCE a assigné le 24 novembre 2006 la SA D. DUCHESNE, exerçant sous l'enseigne commerciale TV DIRECT DISTRIBUTION, et ayant son siège social à NIVELLES en BELGIQUE devant le Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON, tribunal du lieu de son domicile. Elle sollicite le paiement, sur le fondement de l'article 1371 du Code civil, et subsidiairement, des articles 1134 et 1147 dudit code, premièrement, de la somme de 30 000 euros équivalente au gain dont l'envoi lui avait été annoncé par trois courriers de cette société, deuxièment, de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi pour refus de paiement des gains promis et, troisièment, de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
In limine litis, la SA D. DUCHESNE a soulevé l'incompétence de cette juridiction au profit du Tribunal de première instance de NIVELLES, tribunal dans le ressort duquel se trouve son siège social sur le fondement, d'une part, de la jurisprudence de la Cour de cassation qui énonce qu'une action fondée sur une obligation quasi-contractuelle, comme en l'espèce, ne rentre pas dans le cadre des dispositions de l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile régissant les obligations contractuelle et délictuelle, et d'autre part, de l'article 2 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.
Par ordonnance du 04 juillet 2007, le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON a déclaré cette juridiction territorialement incompétente, au bénéfice de la juridiction civile Belge compétente territorialement, retenant que le règlement no 44/2001 du 22 décembre 2000, relatif à la compétence judiciaire et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ,d'une part, dans son article 3 § 2 exclut l'invocation, des règles de compétence nationale figurant à l'annexe 1, et donc pour la France les articles 14 et 15 du Code civil, à l'encontre des personnes domiciliés dans un état-membre; et d'autre part, ledit règlement, ni dans son article 2-1 qui pose le principe général de la compétence du défendeur ni dans son article 3-1 qui édicte les règles de compétences spéciales et dérogatoires notamment en matières contractuelle et délictuelle, ne peut s'appliquer à l'action introduite par Martine Y... sur le fondement quasi-contractuel, notion juridique autonome.
Le 17 juillet 2007, Martine Y... a formé contredit à l'encontre de l'ordonnance du 04 juillet 2007.
A l'appui de sa demande de compétence du Tribunal de Grande instance de MONTLUÇON, la contredisante soutient, comme devant le juge de la mise en état, d'abord que le privilège de juridiction de l'article 14 du Code civil, lui permet d'attraire, en sa qualité de demanderesse française, devant les juridictions du lieu de son domicile; ensuite qu'en vertu de l'article 16 du règlement no 44/2001 fixant des règles dérogatoires de compétence en présence d'un contrat entre un professionnel et un consommateur, et eu égard au fondement contractuel subsidiaire de sa demande, elle peut saisir la juridiction du lieu de son domicile; enfin qu' à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, l'action en paiement intentée en matière de loteries publicitaires est de nature contractuelle au sens de l'article 5 § 1 dudit règlement .
Elle réclame, outre la condamnation de la SA D. DUCHESNE aux entiers dépens, d'une part, l'infirmation de l'ordonnance et la déclaration de compétence du Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON; d'autre part, la condamnation de la SA D. DUCHESNE à lui payer 30 000 euros au titre du gain promis en l'assortissant du paiement d'intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2002, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et défaut d'exécution de bonne foi et, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité de 2 000 euros.
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La SA D. DUCHESNE, défenderesse au contredit, demande, en premier lieu, la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle déclare le Tribunal de Grande instance de MONTLUÇON incompétente, en second lieu, la déclaration de la compétence du Tribunal de première instance de NIVELLES et en dernier lieu, la condamnation de la contredisante au payement des entiers dépens et de la somme 2 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle relève qu'en vertu de sa qualité de défenderesse résidant dans un autre État membre de la communauté européenne, les privilèges de juridictions des articles 14 et 15 du Code civil doivent être écartés en application de l'article 3 § 2 du règlement no 44/2001 applicable à la cause.
Elle précise que l'action sur le fond de Martine Y... est fondée sur la responsabilité quasi-contractuelle à titre principal; ce qui, en matière de compétence, exclut, d'une part, la prise en compte du fondement contractuel subsidiaire de sa demande, et d'autre part, l'application des options de compétences territoriales ouvertes au demandeur par l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile .
Elle ajoute, pour finir, que l'article 5 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ne peut s'appliquer en matière quasi-contractuelle et que l'article 16 du règlement no 44/2001 évoqué par la contredisante n'est applicable qu'aux relations entre professionnel et consommateur ayant conclu un contrat.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que Martine Y..., de nationalité française et domiciliée en France, a assigné le, 24 novembre 2006, en justice, la SA D. DUCHESNE, sise à NIVELLES en BELGIQUE, sur le fondement d'une succession de promesses non tenues de gains par correspondances; que l'élément d'extranéité tenant de la nationalité du défendeur à l'acte introductif d'instance caractérise un litige international; que le règlement no 44/2001, du 22 décembre 2000, relatif à la compétence judiciaire et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, est entré en vigueur depuis le 1er mars 2002 en France et en Belgique ; qu'en vertu de l'article 66 de ce règlement, ses dispositions sont applicables aux actions judiciaires intentées postérieurement à son entrée en vigueur;
qu'en vertu de l'article 2 dudit règlement, le litige ressortit bien à la compétence générale des tribunaux d'un État membre de la Communauté européenne;
Attendu que ledit règlement prévoit, aux articles 5 à 21, et plus spécialement en matière contractuelle aux articles 5 et 13, des règles de compétences spéciales dérogatoires à la compétence générale de principe du Tribunal du lieu du domicile du défendeur édictée dans son article 2 ;
Attendu que les notions employées par ledit règlement, relatif à la compétence judiciaire et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, notamment celles figurant aux articles 5 paragraphes 1 et 3, et 13, doivent être interprétées de façon autonome, en se référant principalement au système et aux objectifs du dit règlement, en vue d'assurer l'application uniforme de celui-ci dans tous les États contractants;
Attendu qu'il convient à cet égard de se référer à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui se prononce dans le cadre de sa mission d'interprétation uniforme des règles communautaires;
Que le règlement no44/2001 reprend à l'article 5 paragraphes 1 et 3, sans modification substantielle mais simplement en apportant avec quelques rajouts, des présomptions notamment en présence de contrats de vente et de prestations de service, ainsi qu' à l'article 15 les dispositions du modèle que lui a fourni la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; qu'il convient pour leur interprétation de s'aligner, lorsque les règles sont identiques, sur les solutions élaborées sous l'empire de la convention par la Cour de Justice des Communautés européennes ainsi que par la Cour de cassation;
Attendu que la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, notamment l'arrêt du 11 juillet 2002 invoqué par Martine Y... est transposable en l'espèce dans la mesure où il s'agit de déterminer si les règles de compétence énoncées par le règlement no 44/2001 doivent être interprétées en ce sens que l'action juridictionnelle, par laquelle un consommateur vise à faire condamner, dans l'État membre de la communauté européenne sur le territoire duquel il est domicilié et en application de la législation de cet État, une société de vente par correspondance, établie dans un autre État membre, à la remise d'un gain, lorsque celle-ci lui avait adressé personnellement un envoi de nature à donner l'impression qu'un prix lui sera attribué à la condition qu'il commande des marchandises et que ce consommateur passe effectivement une telle commande dans l'État de son domicile sans cependant obtenir le versement dudit gain, est de nature contractuelle au sens de l'article 15 dudit règlement ou de l'article 5 § 1 ou de nature délictuelle ou quasi-délictuelle au sens de l'article 5 § 3 du même règlement ou bien d'une autre nature;
Attendu qu'il ressort du dossier que, en premier lieu, Martine Y... a commandé des marchandises proposées par la SA D. DUCHESNE pour son usage personnel, sans que cette opération présente un lien quelconque avec son activité professionnelle; qu'en deuxième lieu, Martine Y... et la SA D. DUCHESNE sont incontestablement liées par un rapport de nature contractuelle dès lors que Martine Y... a commandé en envoyant son bon de commande le 16 décembre 2002 et en respectant scrupuleusement les conditions fixées par l'expéditeur; que la commande des marchandises offertes par la SA D. DUCHESNE a été traitée le 10 janvier 2003 ; cette société manifestant ainsi son acceptation de la proposition, y compris toutes les conditions afférentes à celle-ci, qu'elle lui avait personnellement adressée ; qu' au surplus cet accord de volonté a donné naissance à des obligations réciproques et interdépendantes dans le cadre d'un contrat qui est une vente par correspondance, d'objets mobiliers corporels commandés par la consommatrice sur la base d'une proposition faite et moyennant un prix stipulé par la vendeuse ; qu'en troisième lieu, d'une part, la SA D. DUCHESNE s'est adressée à Martine Y... dans l'État membre du domicile de cette dernière en lui envoyant plusieurs courriers personnalisés, auxquels étaient joints un catalogue de vente et un bon de commande, en vue de l'amener à contracter sur la base de ces propositions et des conditions y afférentes et, d'autre part, à la suite de ces envois, Martine Y... a effectué dans cet État les démarches nécessaires à la conclusion du contrat en procédant à la commande exigée par cette société et en expédiant à celle-ci le bon de commande et la "carte de confirmation gagnante du chèque bancaire";
Attendu, ainsi qu'au vu des pièces communiquées il s'avère, que, d'une part, le droit d'action de Martine Y... est intimement lié au contrat conclu entre les parties, dans la mesure ou, dans une situation telle que celle au principal, la correspondance que la SA D. DUCHESNE a envoyée à cette consommatrice établit un rapport indissociable entre la promesse de gain et la commande de marchandises, cette dernière étant présentée par la vendeuse comme constituant le préalable exigé pour l'octroi du gain promis, précisément dans le but d'amener la consommatrice à contracter ; que, d'autre part, cette dernière a conclu le contrat d'achat essentiellement, voire exclusivement, en raison de la proposition de la vendeuse comportant une promesse de gain d'une valeur largement supérieure au montant de la commande et la consommatrice a, par ailleurs, satisfait à toutes les conditions stipulées par le professionnel, acceptant ainsi la proposition de celui-ci dans son ensemble;
Attendu que toutes les conditions de l'article 15 du règlement no 44/2001 sont remplies, l'action par laquelle Martine Y... revendique en justice à l'encontre de la SA D. DUCHESNE la remise de prix gagnés en apparence constitue une action qui doit être intentée devant la même juridiction que celle qui est compétente pour connaître du contrat conclu par ladite consommatrice, l'action présente avec ce contrat des liens à ce point étroits qu'elle en est indissociable; que l'action juridictionnelle est relative à un contrat conclu par un consommateur au sens de l'article 15 dudit règlement; que ladite action juridictionnelle intentée par Martine Y... peut être, en application de l'article 16 dudit règlement, portée, soit devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel elle est domiciliée, soit devant les tribunaux de l'État membre où est domiciliée la SA D. DUCHESNE;
Attendu, par suite, que le tribunal du lieu du domicile du consommateur était compétent, soit en l'espèce le Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel est inclus HURIEL (03), à savoir le Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON ;
Attendu qu'il convient, en infirmant l'ordonnance déférée , de déclarer le Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON territorialement compétent;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré,
INFIRME l'ordonnance entreprise,
ET STATUANT à NOUVEAU,
DÉCLARE le Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON territorialement compétent,
RENVOIE l'affaire et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON
Condamne la SA D. DUCHESNE à payer à Madame Y... épouse Z... la somme de 1.000,00 € (mille euros) en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNE la SA D.DUCHESNE aux entiers dépens de première instance du contredit.
La greffière La présidente
C. Gozard C. D...