COUR D'APPEL
DE RIOM
Chambre Commerciale
Pourvoi F 08 18184
ARRET No-
DU : 26 Mars 2008
N : 07 / 02284
CB
Arrêt rendu le vingt six Mars deux mille huit
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente
M. Vincent NICOLAS, Conseiller
Mme Chantal JAVION, Conseillère
lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière
Sur APPEL d'une décision rendue le 25. 7. 2007
par le Tribunal de commerce de THIERS
A l'audience publique du 20 Février 2008 Mme BRESSOULALY a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du NCPC
ENTRE :
ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE DE LA VIANDE-ADIV-10 rue Jacqueline Auriol ZAC Parc Industriel des Gravanches
63039 CLERMONT FERRAND CEDEX 2
Représentante : Me Barbara GUTTON-PERRIN (avouée à la Cour)- Représentant : la SCP COLLET-DE ROCQUIGNY-CHANTELOT-ROMENVILLE ET ASSOCIES (avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND)
APPELANT
ET :
SAS SOCIETE D'ABATTAGE DE PROXIMITE ET D'ESSAI DE LEZOUX-SAPEL-Route de Ravel63190 LEZOUX
Me Jean Claude A..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SAPEL.
11 bd Lafayette 63000 CLERMON-FERRAND
Représentant : Me Martine-Marie B... (avoué à la Cour)
M. William C... Les Halles du Massif Central 63000 CLERMON-FERRAND
Représentante : Me Martine-Marie B... (avouée à la Cour)- Représentant : Me Jean-Jacques D... (avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND)
INTIMES
grosse délivrée le
à Me Gutton-P et
Me B...
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Février 2008,
la Cour a mis l'affaire en délibéré au 26 Mars 2008
l'arrêt a été prononcé publiquement conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :
FAITS, PROCÉDURE et DEMANDES DES PARTIES
Par acte sous seing privé en date du 20. 12. 2005, l'ADIV a donné à bail à la SAS SAPEL, selon contrat soumis au statut des baux commerciaux, des locaux comprenant un bâtiment abattoir-découpe avec ses annexes techniques et un bâtiment bureau-habitation. Le bail conclu pour une durée de 9 ans a pris effet au 17 janvier 2005.
Par jugement en date du 30 août 2006 le tribunal de commerce de THIERS ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS SAPEL, convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 25. 10. 2006, Maître A... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre recommandée en date du 23. 11. 2006, l'ADIV mettait en demeure Maître A... de faire connaître ses intentions quant à la poursuite du bail au-delà du 24. 11. 2006, insistant pour voir les locaux dégagés de tout contrat d'approvisionnement en énergie et fluide.
Par ordonnance en date du 21. 12. 2006, Maître A..., ès qualités, obtenait la prorogation du délai d'option pour une durée de deux mois.
Le 27. 02. 2007 l'ADIV demandait à Maître A... ès qualités la remise des clés sans délai en raison de la résiliation de plein droit du bail à défaut de réponse sur la poursuite ou non du contrat de bail, l'absence de réponse valant renonciation.
Maître A... ès qualités s'opposait à cette demande en indiquant à l'ADIV par courrier en date du 1er mars 2007 que par ordonnance en date du 23. 12. 2006 avait été autorisée la cession du fonds de commerce de la société SAPEL en cours de régularisation.
Le 7 mars 2007 l'ADIV demandait au Juge Commissaire de constater la résiliation du bail.
Par ordonnance en date du 16 mai 2007, le Juge Commissaire rejetait la demande présentée par l'ADIV.
Le 1er juin 2007 le conseil de l'ADIV formait opposition à l'encontre de l'ordonnance du 16. 05. 2007.
Par jugement en date du 25. 07. 2007, qualifié de jugement en dernier ressort, le tribunal de commerce de THIERS confirmait l'ordonnance frappée d'opposition en considérant que le Juge Commissaire avait parfaitement motivé sa décision.
Le 28. 08. 2007 l'ADIV interjetait appel du jugement.
Vu les dernières conclusions signifiées le 22. 10. 2007 aux termes desquelles l'ADIV demande de :
- déclarer son appel recevable
-infirmer le jugement entrepris
-constater la résiliation de plein droit du bail commercial conclu le 20. 12. 2005 avec toutes les conséquences qui en découlent
-condamner Maître A... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAPEL ainsi que Monsieur C... au paiement d'une indemnité de 1. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Sur la recevabilité de l'appel, l'ADIV fait valoir que le jugement a été qualifié à tort de décision en dernier ressort. Elle souligne que les articles L. 642-18 et L. 642-19 du code de commerce qui concernent les décisions rendues en dernier ressort par le Juge Commissaire visent exclusivement les ventes d'immeubles et de biens mobiliers dépendant de procédure collective. En l'espèce elle fait observer que ce n'est pas la décision autorisant la vente de gré à gré qui a été frappée d'appel, mais la décision statuant sur la requête de l'ADIV qui visait simplement à faire constater la résiliation de plein droit du bail.
Vu les dernières conclusions signifiées le 09. 01. 2008 aux termes desquelles M. C... demande de :
- déclarer irrecevable l'ADIV tant en sa requête qu'en son recours en appel.
- subsidiairement confirmer le jugement entrepris
et y ajoutant, condamner l'ADIV à payer toutes les charges et frais afférents à l'exploitation des abattoirs jusqu'à l'entrée en jouissance de M. C...
-condamner l'ADIV à payer la somme de 10. 000 € en raison du caractère abusif de ses procédures et la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
-débouter l'ADIV de toutes ses demandes
-constater que Maître A... ne peut pas procéder à la résiliation du bail ni à la restitution des clés dans la mesure où la cession est intervenue par ordonnance en date du 23. 12. 2006
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er février 2008 aux termes desquelles Maître A... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAPEL déclare qu'il s'en rapporte à droit.
MOTIFS ET DÉCISION
1- sur la recevabilité de l'appel
Attendu que la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 a modifié le régime antérieur concernant l'appel des jugements statuant sur le recours formé contre des ordonnances du Juge Commissaire ;
que par exception au principe désormais clair de recevabilité de l'appel des jugements rendus sur recours formés contre les ordonnances du juge commissaire, la loi prévoit (article L. 661-5 du code de commerce) que ne sont pas susceptibles d'appel ni de pourvoi en cassation les jugements statuant sur le recours formé à l'encontre des ordonnances statuant en matière de réalisation d'actif du débiteur en liquidation judiciaire (articles L. 642-18 et L. 642-19 du code de commerce) sauf appel du Ministère Public ;
Attendu qu'en l'occurrence, le juge commissaire ayant statué sur le fondement des articles L. 622-13 et L. 622-14 du code de commerce, l'appel formé par L'ADIV est recevable, le jugement ayant été qualifié à tort de décision rendue en dernier ressort par les premiers juges ;
2- sur le fond
Attendu que le tribunal de commerce de THIERS a confirmé l'ordonnance du juge commissaire par adoption de motifs en considérant que dès lors que la vente à M. C... des différents actifs dépendant de la liquidation judiciaire de la société SAPEL était parfaite, Maître A... n'avait plus qualité pour se prononcer sur la poursuite du contrat de bail ;
Attendu que chronologiquement la lettre adressée par l'ADIV le 24. 11. 2006 à Maître A... ès qualités, parfaitement explicite, a fait courir le délai d'un mois durant lequel il appartenait au liquidateur de se prononcer sur la poursuite du contrat de bail en cours ;
que Maître A... ne s'est d'ailleurs pas trompé sur le sens qu'il convenait de donner à ce courrier puisqu'il l'a qualifié de mise en demeure dans la requête déposée le 11. 12. 2006 auprès du Juge Commissaire aux fins d'obtenir précisément la prorogation du délai pour prendre parti sur la poursuite ou la résiliation du contrat de bail souscrit entre l'ADIV et la SAS SAPEL ;
que par ordonnance en date du 21. 12. 2006, le juge commissaire prorogeait de deux mois le délai accordé au liquidateur judiciaire pour prendre parti sur la poursuite du contrat de bail ; qu'il est constant que ce délai s'est écoulé sans que Maître A... n'ait fait connaître sa décision quant à la poursuite du contrat de bail ; que L'ADIV est donc en droit de revendiquer le constat de la résiliation du bail, sanction encourue en application de l'article L622-13 du code de commerce ;
Attendu que pour échapper à cette mesure, Maître A... invoquait
l'ordonnance en date du 23. 12. 2006 aux termes de laquelle le Juge Commissaire autorisait la cession du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire moyennant la somme de 20. 000 € comprenant le droit au bail valorisé à hauteur de 6. 000 €, les éléments mobiliers selon inventaire de Maître E... en date du 21. 09. 2006 valorisés à 13. 800 € et le stock estimé à 200 € ;
que le juge commissaire et le tribunal de commerce adoptaient le moyen tiré de la cession des éléments d'actifs intégrant le droit au bail pour débouter l'ADIV de sa demande visant à voir constater la résiliation de plein droit du bail ;
Attendu que l'ADIV, bailleresse, fait valoir à juste titre que la requête visant à être autorisée à vendre ne constitue pas la réponse prévue par l'article L. 622-13 du code de commerce ;
qu'elle souligne en outre, sans être démentie, que cette requête ne lui a pas été notifiée et l'ordonnance autorisant la vente prise sans convocation préalable de l'ADIV, ne lui a pas été notifiée ;
Attendu certes qu'en droit cette procédure pouvait se dérouler en l'absence du bailleur ; qu'au demeurant, la bailleresse n'en ayant pas été informée, cette procédure ne peut être alléguée par M. C... comme l'a fait Maître A... en première instance pour soutenir qu'elle serait significative d'une prise de position tacite en faveur de la poursuite du bail et pouvoir échapper ainsi au dispositif légal qui impose au liquidateur judiciaire de faire connaître au bailleur sa décision quant à la poursuite du contrat de bail dans les délais impartis ;
Attendu qu'en retenant le motif selon lequel Maître A... n'aurait plus eu qualité pour prendre position sur la poursuite du bail du jour du prononcé de l'ordonnance autorisant la cession des éléments d'actifs, les premiers juges ont également méconnu le régime juridique issu de l'article L. 642-19 du code de commerce ; qu'en effet l'autorisation de cession de gré à gré des actifs du débiteur ne vaut pas vente ; que le transfert des droits est subordonné à la réalisation des actes que doit passer le liquidateur judiciaire ; qu'or en l'espèce il ressort des pièces communiquées que ces actes n'étaient pas accomplis lorsque le délai prorogé accordé au liquidateur pour prendre position sur la poursuite du bail est venu à expiration ;
Attendu que les courriers échangés en janvier 2007 auxquels se réfèrent M. C... sont seulement révélateurs de négociations en cours mais nullement significatifs de la réalisation effective de la cession et par la même de la volonté certaine de poursuivre le bail cédé ;
que le législateur a instauré des délais stricts assortis de sanction, nécessaires pour limiter les effets néfastes d'une liquidation judiciaire à l'égard d'un bailleur exposé au risque d'être privé à la fois des loyers et de la disposition de son bien immobilier ; qu'en l'occurrence ce dispositif ayant été méconnu, force est d'en tirer les conséquences légales en infirmant en toutes ses dispositions le jugement entrepris et en constatant la résiliation de plein droit du bail ;
Attendu que M. C... qui succombe sera débouté de toutes ses demandes ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Déclare L'ADIV recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes.
Constate la résiliation de plein droit du bail liant l'ADIV à la société SAPEL suivant contrat en date du 20. 12. 2005, et ce, à la date d'expiration du délai de deux mois imparti par ordonnance du juge commissaire du 21. 12. 2006.
Déboute M. C... de toutes ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile
La greffièreLa présidente
C. GozardC. Bressoulaly