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26/03/2008 | FRANCE | N°07/01290CB

France | France, Cour d'appel de riom, Chambre commerciale, 26 mars 2008, 07/01290CB


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RESP PROFESSIONNELLE

RESPONSABILITE PROFESSIONNELLE

- resp. Du docteur vétérinaire -

- obligation de moyens -

- devoir de conseil

arretu 26.3.2008 (fichier 26mar08 071290.wpd

ARRET No-

DU : 26 Mars 2008

N : 07/01290

CB

Arrêt rendu le vingt six Mars deux mille huit

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré de :

Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente

M. Vincent NICOLAS, Conseiller

Mme Chantal JAVION, Conseillère

lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière
>Sur APPEL d'une décision rendue le 30.04.2007

par le Tribunal DE grande instance de CUSSET

ENTRE :

M. Daniel Y... La Verrerie 03220 ST LEON

Représentante ...

4

RESP PROFESSIONNELLE

RESPONSABILITE PROFESSIONNELLE

- resp. Du docteur vétérinaire -

- obligation de moyens -

- devoir de conseil

arretu 26.3.2008 (fichier 26mar08 071290.wpd

ARRET No-

DU : 26 Mars 2008

N : 07/01290

CB

Arrêt rendu le vingt six Mars deux mille huit

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré de :

Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente

M. Vincent NICOLAS, Conseiller

Mme Chantal JAVION, Conseillère

lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière

Sur APPEL d'une décision rendue le 30.04.2007

par le Tribunal DE grande instance de CUSSET

ENTRE :

M. Daniel Y... La Verrerie 03220 ST LEON

Représentante : Me Martine-Marie Z... (avouée à la Cour) - Représentant : la SCP PORTEJOIE BERNARD FRANCOIS (avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND) avocat plaidant maître A... (barreau de CLERMONT FD)

APPELANT

ET :

M. Hervé B... ... ...

03130 LE DONJON

Représentant : la SCP J-P et A. LECOCQ (avoués à la Cour) - Représentant : Me Christian C... (avocat plaidant au barreau de CUSSET)

INTIME

DEBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, à l'audience publique du 21 Février 2008, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Mme BRESSOULALY Magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l'audience publique de ce jour, indiquée par le magistrat rapporteur, l'arrêt suivant a été prononcé publiquement conformément aux dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile

grosse délivrée le

à Me Z... et scp Lecocq

FAITS, PROCÉDURE et DEMANDES DES PARTIES

M.DUMONT, éleveur d'un troupeau Charolais inscrit au Herd Bock Charolais, adhérent au syndicat de Contrôle des Naissances et des Performances, demandait au Docteur-vétérinaire B... d'effectuer la vasectomie d'un taureau limousin dénommé Nectar. Il avait l'intention d'introduire le taureau dans son troupeau de 58 vaches allaitantes.

L'opération était effectuée en février 1998 et le taureau Nectar utilisé au printemps 1999. En novembre 1999 une vache donnait naissance à un veau de couleur marron, puis sept autres veaux de même couleur naissaient au cours de l'hiver 1999-2000, tous issus du mâle Nectar. Le contrôle d'aptitude confirmait l'aptitude de Nectar à la reproduction.

Le 29 août 2002, l'assureur protection juridique de Monsieur Y... saisissait le cabinet d'assurance du Docteur B... en alléguant d'un préjudice estimé à 8.314,37 €. L'assureur du Docteur NAVETAT refusait la prise en charge du sinistre.

Par acte en date du 30 juillet 2004, Monsieur Y... assignait le Docteur NAVETAT en responsabilité et indemnisation de ses préjudices qu'il chiffrait sur le plan financier à la somme de 45.260 € et sur le plan moral à la somme de 80.000 €.

Par jugement en date du 10.10.2005, le tribunal de grande instance de CUSSET, avant dire droit, ordonnait une expertise.

Le Docteur Gilles D..., expert désigné, déposait son rapport le 20.07.2006. Il indiquait que le préjudice s'élevait à un montant de 8.315,37 € et était la conséquence directe de l'échec de l'opération. Mais il ne relevait pas de faute technique ni même l'embryon d'une preuve qui puisse l'établir. Il soulignait un seul point litigieux concernant la question de savoir si, dans le cadre de son obligation de conseil, le Docteur NAVETAT aurait dû évoquer le risque d'échec et la pratique d'un test de fertilité juste avant l'introduction du taureau opéré dans le troupeau. Ce contrôle était devenu courant en 2006. Le Docteur D... précisait qu'en 1999 la vasectomie était beaucoup moins répandue, les risques moins connus et sans doute le Docteur NAVETAT était-il confiant (trop confiant?)dans sa nouvelle technique. Il pratiquait l'épididymectomie qui consistait à enlever plusieurs mètres de "tubulure" au lieu de quelques centimètres dans la technique de la vasectomie proprement dite, mais n'échappait pas au risque d'anastomose.

Par jugement en date du 30.04.2007, le tribunal de grande instance de CUSSET déboutait Monsieur Daniel Y... de l'ensemble de ses prétentions et déboutait les autres parties de leurs demandes.

Le 23 mai 2007, Monsieur Y... interjetait appel du jugement.

*

* *

Vu les dernières conclusions signifiées le 19.11.2007 aux termes desquelles Monsieur Daniel Y... demande de :

-réformer le jugement entrepris

-condamner le Docteur NAVETAT sur le fondement de l'article 1147 du code civil à payer à Monsieur Y... à titre de dommages-intérêts les sommes de :

*51.260 € au titre des préjudices financiers

*80.000 € au titre des préjudices économiques et moraux

*10.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Vu les dernières conclusions signifiées le 08.11.2007 aux termes desquelles le Docteur NAVETAT demande de :

- vu le jugement du 10.10.2005, non frappé d'appel, devenu définitif,

-constater qu'il n'avait pas d'obligation de résultat

-constaté qu'il n'a commis aucune faute dans la réalisation de l'opération et des suites de l'opération

-en conséquence, confirmer le jugement entrepris

-condamner Monsieur Y... à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- subsidiairement, pour le cas où la Cour admettrait qu'il est établi une faute à l'encontre du Docteur NAVETAT, limiter l'indemnisation à la somme de 8.086,69 €

-débouter Monsieur Y... du surplus de ses demandes

-dans cette hypothèse, dire que les dépens seront partagés par moitié.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 24.01.2008.

MOTIFS ET DÉCISION

1-sur la nature juridique de l'obligation pesant sur le docteur-vétérinaire pratiquant une vasectomie

Attendu que M.DUMONT soutient à tort que le vétérinaire pratiquant une vasectomie serait tenu à une obligation de résultat, quelle que soit la technique utilisée pour rendre un taureau stérile ; qu'il prétend que le vétérinaire devait garantir la stérilité du taureau sauf à dire ou à écrire clairement à son client qu'il n'existe pas de garantie de stérilité et qu'il fallait faire procéder à des contrôles ;

Attendu qu'en droit la vasectomie qui relève de l'exercice courant de la pratique vétérinaire, a été réalisée dans le cadre d'une relation contractuelle née entre le Docteur Vétérinaire NAVETAT et son client, M.DUMONT, qui comportait pour le praticien l'engagement de donner, moyennant des honoraires, des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science vétérinaire ; que la violation de cette obligation est sanctionnée par une responsabilité contractuelle dans la mesure où elle procède d'une faute qu'il appartient au client de prouver ;

Attendu qu'il ne suffit donc pas d'établir l'échec de l'intervention pour engager la responsabilité du vétérinaire ;

Attendu qu'en l'espèce le rapport d'expertise du Docteur D... ne met en évidence aucune faute technique à l'encontre du Docteur NAVETAT ;

que le Docteur NAVETAT a pratiqué une épididymectomie, décrite par le Docteur D... comme ayant l'avantage d'un abord chirurgical moins méticuleux dans les conditions précaires de la chirurgie rurale; que le Docteur NAVETAT a lui-même opéré le 1er testicule, son assistant étant intervenu sur le second sous son contrôle ; que l'expert judiciaire n'a pas ignoré l'avis du Docteur MARTIN qui avait indiqué qu'il semblait évident que la résection de l'épididyme avait été incomplètement effectuée ; qu'il a nettement écarté cette appréciation en expliquant que le Docteur F... ne rapportait pas la preuve de ses dires et commettait une inexactitude en ce sens que c'était uniquement la tête de l'épididyme qui était ôtée lors de l'opération ; que cela correspondait à 35-40 m de circonvolutions du canal déférent juste à la sortie du testicule, alors que la vasectomie classique correspondait à une résection portant sur environ 2 cms du canal déférent qui conduit le sperme vers le pénis ;

Attendu que le Docteur D... a souligné que des échecs étaient observés dans les deux techniques ; qu'il n'a pas non plus relevé de faute dans le choix de la méthode retenue ;

Attendu que M.DUMONT, à l'évidence conscient des difficultés de preuve auxquelles il se heurte, voudrait voir écarter l'obligation de moyens, pourtant seule applicable en l'espèce, au profit d'une obligation de résultat qui le dispenserait de la charge de la preuve de la faute reprochée au vétérinaire, non établie en l'espèce ;

-sur le manquement à l'obligation de conseil

Attendu que M.DUMONT reproche également au Docteur NAVETAT de ne pas l'avoir prévenu de la nécessité de recourir à un contrôle de fertilité sur le taureau vasectomisé avant son introduction dans le troupeau de vaches ;

Attendu que les avis de professionnels recueillis dans le dossier confirment les conclusions du M.DUMONT selon lesquelles le Docteur NAVETAT, Président de la société Française de Buiatrie, est l'auteur de nombreux travaux qui constituent une référence en matière de connaissance actuelle de la Médecine Vétérinaire Bovine ; que M.DUMONT qui n'était pas un client habituel du Docteur NAVETAT, précise avoir fait appel à lui en raison de sa notoriété et de la méthode utilisée par ce praticien pour effectuer la vasectomie, intervention moins complexe et qui lui paraissait sûre dès lors que la tête de l'épididyme était enlevée ;

que M.DUMONT, éleveur compétent qui pratiquait la vasectomie dans son élevage depuis une quinzaine d'années, ne pouvait ignorer les risques d'échecs de la méthode classique ;

qu'il est certain que cet éleveur, même éclairé, ne disposait pas d'une compétence qui lui donnait les moyens d'apprécier les avantages et les inconvénients de la nouvelle méthode d'intervention de manière aussi avertie que le vétérinaire expérimenté, spécialement choisi pour pratiquer l'épididymectomie ;

Que ce type d'intervention que l'expert judiciaire a décrit comme plus conforme à des interventions en milieu rural et évitant tout risque d'erreur dans la caractérisation de l'organe à amputer tout en permettant une résection d'une plus grande longueur du canal déférent, a pu apparaître plus sûre à l'éleveur ; que M.HODENCQ souligne le fait que le Docteur NAVETAT a sans doute était confiant, voire trop confiant, précisant qu'avec le recul, il n'était pas évident que le taux d'échec soit plus satisfaisant ;

qu'à l'époque de l'opération, il n'était pas dans les usages pour les vétérinaires de conseiller de faire tester les reproducteurs opérés avant de les introduire dans les troupeaux ; que compte tenu des éventualités d'échec, il appartenait à tout éleveur normalement avisé et diligent de faire procéder à un test de fertilité du taureau avant de l'introduire dans le troupeau s'il voulait garantir tout risque d'échec ;

Attendu qu'en l'occurrence il semble bien que M.DUMONT n'ait jamais pris cette précaution durant les quinze années précédentes ; que l'intervention du Docteur NAVETAT n'a donc pas modifié une pratique d'élevage à risque ; que le fait que le vétérinaire comme l'éleveur aient pu penser avoir recours à une technique plus sûre que la vasectomie classique n'éliminait pas la nécessité d'effectuer un test de contrôle pour s'assurer d'une efficacité totale que le Docteur NAVETAT n'a jamais présentée comme acquise , l'éventualité d'échec restant en tout état de cause une donnée que l'éleveur se devait de prendre en considération ;

que dans ces conditions, et alors que la méthode mise en oeuvre n'aggravait pas le risque d'une fertilité impossible à exclure totalement, le Docteur NAVETAT, qui s'est conformé aux usages professionnels en vigueur à l'époque, ne peut se voir reprocher un manquement à son devoir de conseil ;

Attendu qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Condamne M.DUMONT aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La greffière La présidente

C. Gozard C. Bressoulaly


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07/01290CB
Date de la décision : 26/03/2008
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Cusset


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2008-03-26;07.01290cb ?
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