Du 29/01/2008
Arrêt no
CR/DB/IM
Dossier no07/00517
Société AUBERT ET DUVAL
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CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME, D.R.A.S.S. D'AUVERGNE, FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
Arrêt rendu ce VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE HUIT par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
Mme SONOKPON, Conseiller Président suppléant, nommée par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d'appel de RIOM en date du 4 décembre 2007 en remplacement de Monsieur RANCOULE, président titulaire empêché
M. THOMAS, Conseiller
M. RUIN, Conseiller
En présence de Madame BRESLE, Greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Société AUBERT ET DUVAL
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
Site des Ancizes
B.P. 1
63770 LES ANCIZES
Représentée et plaidant par Me PLICHON avocat au barreau de PARIS
( SCP PLICHON - DE BUSSY - PLICHON )
APPELANTE
ET :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
Cité Administrative
Rue Pélissier
63000 CLERMONT - FERRAND
Représentée par Madame Annie LAGNIER munie d'un pouvoir en date du 12 décembre 2007
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
TOUR GALLIENI II
...
93175 BAGNOLET CEDEX
Représenté par Monsieur SOULAS
D.R.A.S.S. D'AUVERGNE
...Union Soviétique
63057 CLERMONT-FERRAND CEDEX 1
Non comparante ni représentée - Convoquée par lettre recommandée en date du 25 septembre 2007 - Accusé de réception signé le 28 septembre 2007
INTIMES
Madame SONOKPON et Monsieur RUIN, le rapport ayant été présenté par Monsieur RUIN, après avoir entendu, à l'audience publique du 08 Janvier 2008, tenue en application de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l'audience publique de ce jour indiquée par le magistrat rapporteur, a été lu par le Président, le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit conformément à l'article 452 du nouveau code de procédure civile :
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Jean-Claude Y..., né le 27 juillet 1946, a été salarié de la Société AUBERT et DUVAL (site des Ancizes) à compter du 3 octobre 1960 et jusqu'à son départ en préretraite le 13 janvier 2003.
Le 25 février 2003, Monsieur Jean-Claude Y... a souscrit auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme une déclaration de maladie professionnelle.
Le 3 juillet 2003, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie notifiait aux parties que le caractère professionnel de l'affection invoquée par Monsieur Y... était admis, à effet du 13 février 2003, au titre de la maladie professionnelle du tableau no 30 (plaques pleurales).
Le 21 juillet 2003, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie notifiait à Monsieur Y... l'attribution d'un capital de 1.657, 73 euros basé sur un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %.
Après acceptation le 16 février 2004 de l'offre du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (F.I.V.A.), M. Y... a perçu une indemnité de 21.818,50 € en réparation de ses préjudices.
Par lettre recommandée du 23 juin 2005, le F.I.V.A., agissant en qualité de subrogé dans les droits de M. Y..., a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Par jugement rendu en date du 11 janvier 2007, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CLERMONT-FERRAND a :
- Dit que la maladie professionnelle no 30 dont est atteint Monsieur Jean-Claude Y... procède de la faute inexcusable de son employeur, la Société AUBERT et DUVAL ;
- Fixé au maximum la majoration de capital à laquelle peut prétendre Monsieur Jean-Claude Y... et dit que la majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle et produira intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy-de-Dôme réglera au F.I.V.A. les sommes suivantes :
- 1.652,73 € au titre de la majoration de capital,
- 16.700 € au titre des préjudices personnels ;
- Déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur Jean-Claude Y... opposable à la Société AUBERT et DUVAL ;
- Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy-de-Dôme récupérera la majoration et la réparation des préjudices extrapatrimoniaux auprès de la Société AUBERT et DUVAL ;
- Condamné la Société AUBERT et DUVAL à payer au F.I.V.A. une somme de 700 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société AUBERT et DUVAL a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Société AUBERT et DUVAL conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de toutes les demandes du F.I.V.A.
Elle fait valoir que l'on ne saurait lui reprocher une faute inexcusable alors qu'elle n'avait pas conscience du danger auquel était exposé le salarié puisque jusque dans les années 70/80, cette connaissance n'existait pas chez les pouvoirs publics, les médecins et au Ministère du Travail. Elle relève qu'il faudra attendre la fin les années 1980 pour que le terme « amiante» apparaisse, que la lecture du Tableau 30, ou plutôt le constat de son évolution à partir de 1947, dans la désignation des métiers à risque, confirme que les métiers de la métallurgie n'apparaîtront que très tardivement et indirectement à l'occasion du visa des opérations de maintenance dans une version issue du Décret du 19 juin 1985.
Elle expose que seules les conclusions d'une expertise indépendante doivent permettre de faire la lumière, d'assurer l'égalité des armes et un procès équitable. Elle ajoute que l'expertise s'impose d'autant plus que les plaques pleurales, si elles sont reconnues comme maladie par les états européens, ne sont par contre pas indemnisées en l'absence de toute séquelle corporelle.
La Société AUBERT ET DUVAL demande à la Cour de dire et juger que n'est pas rapportée, par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme, la preuve qui lui incombe, et que dès lors, doit être regardée comme inopposable à l'employeur la décision de prise en charge adoptée par celle-ci. Elle critique, à ce titre, l'absence de communication des pièces médicales, afin que soit respecté le principe du contradictoire, mais afin, également, que soit rapportée, par la Caisse, la preuve qui lui incombe.
Elle fait ainsi valoir que la caisse aurait du lui communiquer les clichés tomodensitométriques et radiologiques d'autre part, qui sont stockés au cabinet du radiologue, alors que le certificat médical initial et le compte rendu de l'examen tomodensitométrique ou radiologique ne sont pas en harmonie avec les termes du tableau 30.
Subsidiairement, elle sollicite la mise en œuvre une mesure d'expertise qui permettra à la Cour de statuer en pleine connaissance de cause des séquelles des plaques pleurales invoquées.
Le FIVA conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la société AUBERT ET DUVAL à lui verser une somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il relève qu'il est parfaitement recevable en son recours subrogatoire.
Il expose que Monsieur Y... a été exposé de façon habituelle aux poussières d'amiante dans le cadre de son emploi au sein des aciéries AUBERT ET DUVAL.
Il fait valoir que la société AUBERT ET DUVAL, au regard de la réglementation alors en vigueur relative à la protection contre les poussières, de l'inscription des affections respiratoires liées à l'amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945, des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l'époque de l'exposition du salarié, aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé Monsieur Y... et n'a pas pris les mesures de protection nécessaire.
Il indique qu'il ne s'agit pas de reprocher à la société AUBERT et DUVAL d'avoir utilisé des produits à base d'amiante puisque ceux-ci n'étaient pas interdits, mais de ne pas avoir efficacement préservé Monsieur Y... contre un danger grave pour sa santé, parfaitement identifié depuis fort longtemps.
Le FIVA fait valoir que, subrogé dans les droits de Monsieur Y... qui aurait pu percevoir la majoration de la rente s'il avait engagé lui-même cette procédure pour faute inexcusable, il est en droit de solliciter que la somme correspondante de 1.652,73 € lui soit versée intégralement par la Caisse. Il sollicite la confirmation de l'évaluation des préjudices personnels à la somme de 16.700 €.
La C.P.A.M. du Puy de Dôme conclut à la confirmation du jugement entrepris. Elle relève que ni les textes ni la jurisprudence n'imposent que l'avis du médecin conseil soit motivé et que cet avis lie la caisse.
La DRASS D'AUVERGNE, bien que régulièrement convoquée n'est ni présente ni représentée à l'audience.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.
DISCUSSION
Sur la recevabilité
La décision contestée ayant été notifiée le 1er février 2007, l'appel régularisé le 26 février 2007 est recevable au regard du délai d'un mois prévu par l'article 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'article R 142-28 du Code de la Sécurité Sociale.
Sur le fond
- Sur la reconnaissance de la maladie professionnelle -
- La déclaration -
Le 25 février 2003, Monsieur Y... a souscrit une déclaration de maladie professionnelle assortie d'un certificat médical du Dr Z..., daté du 13 février 2003, faisant état de : " Scanner thoracique en date du 10 mai 2004 :petites plaques pleurales postérieures à prédominance gauche. Aucune autre anomalie." et d'un certificat du 15 janvier 2003 du radiologue, le Docteur de A..., indiquant : " On retrouve de petites plaques pleurales postérieures, notamment visibles à la partie postérieure des deux champs pulmonaires et notamment du côté gauche. L'élément le plus individualisé mesure environ 2 cm de large et 3 mm d'épaisseur. II n'existe pas d'atteinte de la plèvre antérieure ou antéro-latérale, pas d'atteinte évidente de la plèvre médiastinale ou diaphragmatique. Par ailleurs, il n'existe pas d'atteinte parenchymateuse évocatrice d'asbestose ".
- L'instruction de la demande et les suites données -
Une enquête administrative a été diligentée par la caisse.
Le rapport d'enquête signé par l'inspecteur A.T. est en date du 7 février 2003. Monsieur Y... et Monsieur B... ont été entendus dans ce cadre.
Selon l'employeur, Monsieur Y... a été employé au sein de la société Aubert et Duval en qualité d'électricien puis de technicien de maintenance au service Maintenance de l'Aciérie, hors sa période de service national du 1er septembre 1965 au 12 janvier 1967.
Monsieur B..., entendu le 6 mai 2003 en tant que représentant de l'employeur, a indiqué que Monsieur Y... avait été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante d'août 1963 à décembre 1970, quand le salarié intervenait sur les électro-aimants. Il estimait que le salarié avait été exposé à l'amiante de façon faible (échelle 2 sur 5), sachant que des équipements de protections individuelles respiratoires étaient mis à disposition des salariés.
Monsieur Y..., entendu le 6 mai 2003, indiquait qu'il avait été exposé à l'amiante de 1963 à la fin des années 80, notamment lors de :
- la réparation des électro-aimants isolés par des plaques et des cordons d'amiante qui se délitaient,
- la remise en état des câbles électriques des fours, isolés avec des bandes d'amiante soumises à des températures très élevées ;
- découpages à la scie de plaques d'amiante servant à isoler l'alimentation des pinces de fours.
L'enquêteur conclut que l'exposition de Monsieur Y... aux poussières d'amiante est établie d'août 1963 à décembre 1970.
Le 22 mai 2003, la caisse informait l'employeur qu'un délai d'instruction complémentaire était nécessaire.
Le 19 juin 2003, la caisse informait l'employeur que l'instruction du dossier était terminée et que, préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie, il pouvait consulter les pièces constitutives du dossier dans un délai de dix jours.
Le 3 juillet 2003, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie notifiait à l'employeur que le caractère professionnel de l'affection invoquée par Monsieur Y... était admis, à effet du 13 février 2003, au titre de la maladie professionnelle du tableau no 30 (plaques pleurales).
- Les recours -
Toute réclamation contre une décision relevant du contentieux général, prise par un organisme de sécurité sociale, doit être portée devant la commission de recours amiable. La juridiction contentieuse ne peut en être valablement saisie avant qu'il ait été satisfait à cette formalité substantielle
Après notification de la décision de la Commission de Recours Amiable, le requérant a la faculté de saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 142-18 du Code de la sécurité sociale. En l'absence de recours devant le tribunal dans le délai imparti, la décision de la commission de recours amiable devient définitive et revêt l'autorité de la chose décidée.
Au regard des éléments versés aux débats, la Société AUBERT et DUVAL n'a pas saisi la Commission de Recours Amiable d'un recours. La notification par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme de sa décision de reconnaissance de la maladie professionnelle, faite par courrier du 11 août 2004, n'explicite pas les délais et modalités de recours mais la Société AUBERT et DUVAL n'en tire pas argument. En outre, ce défaut d'information sur les modalités de recours n'est pas de nature à voir déclarer inopposable à l'employeur la décision de la caisse mais à permettre seulement à la Société AUBERT et DUVAL de contester devant la Cour le caractère professionnel de la maladie invoquée par le salarié.
- Le respect du contradictoire -
La Société AUBERT et DUVAL fait valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté à son égard et que la reconnaissance de la maladie professionnelle par la caisse ne lui est pas opposable aux motifs que :
- toutes les pièces médicales ne lui ont pas été communiquées, notamment les planches ou clichés tomodensitométriques ;
- la caisse n'a pas rapporté la preuve qui lui incombe et n'a pas mené une véritable enquête ;
- la décision de prise en charge, sur avis conforme du Médecin Conseil de la Caisse, pose problème car ce dernier n'est pas un expert indépendant.
L'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale pose le respect du principe du contradictoire dans la procédure de reconnaissance par la caisse primaire du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, hors les cas de reconnaissance implicite.
Il ressort de ce principe que les caisses primaires sont tenues, préalablement à leur décision, d'assurer l'information de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de leur faire grief (CSS, art. R. 441-11). Cette obligation d'information existe même en l'absence de réserves émises par l'employeur sur le caractère professionnel de l'accident.
L'information de l'employeur intervient à différents stade :
- La caisse primaire doit informer l'employeur de la déclaration de maladie professionnelle faite par la victime (CSS, art. R. 441-11) en lui faisant notamment parvenir un double de celle-ci. La caisse primaire doit interroger l'employeur sur les circonstances ou la cause de la maladie, ou procéder à une enquête administrative (obligatoire en cas de décès) avec participation de la victime et de l'employeur. L'employeur peut émettre des réserves sur le caractère professionnel de la maladie et faire connaître toutes observations ou informations complémentaires, éventuellement directement à l'enquêteur de la caisse (art. R. 441-12) ;
- Sur la demande de l'employeur, le dossier constitué par la caisse peut lui être communiqué (CSS, art. R. 441-13). Le refus de la caisse de le lui communiquer rend la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à l'employeur, de même lorsque le dossier est adressé à l'employeur par la caisse, postérieurement à la décision de celle-ci. Mais la caisse n'a aucune obligation préalable de communication des pièces du dossier sans une demande en ce sens formulée par l'employeur ;
- A la clôture de l'instruction, la caisse est tenue d'informer l'employeur de la fin de la procédure, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier, de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
La caisse est tenu de communiquer à l'employeur les éléments en sa possession sur demande de ce dernier. S'agissant de l'examen tomodensitométrique réalisé par le Docteur de A..., la caisse était bien en possession du compte rendu du scanner mais non des clichés ou du contenu des images. En outre, la caisse n'avait pas l'obligation de communiquer préalablement et spontanément les pièces du dossier sans une demande en ce sens formulée par l'employeur. Les clichés appartiennent et sont en principe en possession du patient, ils relèvent du secret médical. L'employeur aurait pu éventuellement solliciter leur communication mais celle-ci aurait relevé d'un accord entre le médecin du salarié et le médecin désigné par l'employeur.
Avant qu'une décision définitive soit prise, la caisse a mis l'employeur en mesure de solliciter la communication de toutes les pièces du dossier et de formuler toutes les observations utiles. La Société AUBERT et DUVAL n'a formulé aucune demande ou observation à ce titre. L'employeur ne peut donc tirer argument du fait qu'elle n'a pas eu en sa possession les clichés tomodensitométriques alors que la caisse n'est tenue de communiquer que les seuls éléments en sa possession et figurant au dossier, dans le respect du principe de secret médical, et alors que l'employeur n'a pas réclamé la consultation des pièces du dossier lors de l'instruction.
L'enquête menée par la caisse et le dossier constitué dans ce cadre apparaissent tout à fait conformes aux dispositions des articles R. 441-12, R. 441-13 et D. 461-9 du Code de la Sécurité Sociale. Comme l'a relevé justement le premier juge, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie n'est pas tenue de recueillir l'avis de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie ni de le faire figurer dès lors au dossier communiqué à l'employeur. La Société AUBERT et DUVAL n'explicite d'ailleurs nullement sa conception de ce que devrait être une enquête complète et probante de la caisse en l'espèce.
Le médecin conseil de la caisse a été interrogé par la caisse et a donné son avis. Ce médecin, désigné effectivement par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, n'est nullement un expert mais le conseil de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie. Toutefois, nonobstant l'autorité qui le nomme et le sollicite, le médecin conseil reste un médecin totalement indépendant dans le cadre de sa pratique médicale, de ses diagnostics et avis médicaux. Il donne un avis considéré comme déterminant par la caisse, qui n'est soumis à aucune condition particulière de forme ou motivation puisqu'il ne s'agit pas d'un expert, après avoir reçu communication des résultats de l'enquête de la caisse et avoir éventuellement sollicité l'avis d'un médecin spécialiste. La Société AUBERT et DUVAL, qui a reçu communication de cet avis avant la décision définitive de la caisse, n'a pas contesté cet avis du médecin conseil, n'a pas présenté d'observations ou sollicité d'autres avis médicaux dans ce cadre. L'intervention du médecin conseil, tout à fait conforme en l'espèce aux dispositions légales, ne constitue donc pas une violation du principe du contradictoire.
Ainsi, l'employeur a été avisé par la caisse de la demande de prise en charge, a participé à l'enquête administrative au cours de laquelle il a été interrogé et a répondu, a été informé à tous les stades de la procédure de l'évolution de l'instruction et des éléments pouvant lui faire grief, a reçu communication de l'entier dossier constitué par la caisse, a pu formuler des réserves et présenter des observations avant toute décision définitive de la caisse.
Le respect du contradictoire implique, au cours de la procédure et avant toute décision au fond, une information des intéressés, une communication éventuelle du dossier, la possibilité de participer à l'enquête et de présenter des observations, mais n'implique pas que la caisse défère à toutes les demandes ou observations des parties.
En outre, au cours de l'instruction, si la Société AUBERT et DUVAL a demandé une communication générale des pièces du dossier, qui a d'ailleurs été satisfaite, elle n'a présenté aucune observation ou demande complémentaire de communication de pièces ou d'investigation.
En l'espèce, au regard des principes et observations susvisés, il apparaît que le principe du contradictoire a été parfaitement respecté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme à l'égard de l'employeur.
La décisions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme concernant la reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur Y... est donc parfaitement opposable à l'employeur.
- L'exposition du salarié et le lien de causalité -
Le tableau numéro 30 B des affections professionnelles désigne, avec ou sans modification des explorations fonctionnelles respiratoires, les lésions pleurales bénignes suivantes comme des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante :
- les plaques, calcifiées ou non, péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique ;
- la pleurésie exsudative ;
- l'épaississement de la plèvre viscérale, soit diffus soit localisé lorsqu'il est associé à des bandes parenchymateuses ou à une atélectasie par enroulement. Ces anomalies constatées en l'absence d'antécédents de pleurésie de topographie concordante de cause non abestosique devront être confirmées par un examen tomodensitométrique.
Ce tableau numéro 30 B prévoit un délai de prise en charge de 40 ans pour les plaques, de 35 ans (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans) pour les autres lésions, mais ne donne qu'une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette maladies, liste qui est d'ailleurs commune à l'ensemble des affections. Cette liste comprend tous les travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, et notamment:
- la manipulation et l'utilisation de l'amiante dans les opérations de fabrication ;
- l'application, la destruction l'élimination de produits à base d'amiante ;
- la pose et la dépose de calorifugeage contenant de l'amiante;
- l'équipement, l'entretien ou la maintenance effectués sur des matériels, ou dans des locaux, revêtus ou contenant des matériaux à base d‘amiante ;
- le port habituel de vêtements contenant de l'amiante.
Les modifications et adjonctions apportées aux tableaux aux cours du temps sont applicables aux victimes dont la maladie a fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau, en application de l'article L. 461-2, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale.
La présomption d'imputabilité entre la maladie et le travail décrit par le tableau s'applique si le salarié atteint a été exposé de façon habituelle, au cours de son activité professionnelle, à l'action d'agents nocifs, en l'espèce l'amiante ou les poussières d'amiante en ce qui concerne le tableau numéro 30.
A partir de la date à laquelle un salarié a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux, les maladies correspondant à ces travaux peuvent être prises en charge si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau (art. L. 461-2, al.5 du Code de la Sécurité Sociale). C'est la cessation de l'exposition au risque qui marque le point de départ du délai de prise en charge.
En l'espèce, l'employeur fait valoir que les pièces médicales existantes sont insuffisantes pour caractériser une pathologie relevant du tableau 30 et que la reconnaissance des lésions pleurales bénignes comme maladie professionnelle de l'amiante est une spécificité Française.
Au regard des pièces médicales susvisées, il n'est pas contestable que Monsieur Y... est atteint depuis janvier 2003 de plaques pleurales. Les conclusions du médecin qui a rédigé le certificat médical et du radiologue sont tout à fait concordantes sur ce point. Il s'agit bien d'un constat médical de plaques pleurales confirmé par un examen tomodensitométrique et relevant du tableau numéro 30 B.
Le FIVA expose que :
- les différentes activités au sein des aciéries AUBERT ET DUVAL ont conduit Monsieur Y... à effectuer tous les travaux de maintenance électrique nécessaires au sein de l'aciérie ;
- Monsieur Y... devait, pour cela, procéder à l'isolement et au remplacement de tout le matériel électrique sur les fours à arc et les ponts roulants. Ce matériel électrique était composé de câbles, tuyaux et isolants divers en amiante ou recouvert d'amiante.
- comme tous les ouvriers de l'aciérie AUBERT ET DUVAL, disposait, afin de mener à bien les différents travaux entrepris, de gants, vestes et guêtres de protection contenant de l'amiante ;
- Monsieur Y... était amené, en outre, à manipuler des flexibles de refroidissement enrobés d'amiante, des bandes et cordons d'amiante de différentes largeurs ainsi que des plaques rigides, destinées à l'isolement, contenant de l'amiante.
Le FIVA produit les attestation suivantes :
- Monsieur Y... (12.7.05) indique qu'il a été exposé aux poussières d'amiante pendant son travail qui consistait à isoler, réparer, remplacer sur les fours à arc et les ponts roulants tout le matériel électrique, cables-tuyaux-isolants de toute sorte qui contenaient de l'amiante, ceci sans protection ou mise en garde contre la dangerosité de l'amiante ;
- Monsieur C... et Monsieur D... (15.7.05) indiquent qu'il ont travaillé avec Monsieur Y... et qu'ils devaient manipuler tous les jours des matériels à base d'amiante, pour de multiples utilisations.
Un courrier adressé le 21 février 2005 par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie Auvergne à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme indique, concernant la présence d'amiante dans les locaux de l'Acierie Aubert et Duval située aux Ancizes : " A notre connaissance, l'amiante a été utilisé, en particulier pour ses propriétés d'isolant thermique, au moins jusqu'en 1996 dans différents bâtiments ou unités. Les salariés affectés dans ces différents secteurs ont pu être exposés à l'occasion de leur travail au quotidien et plus particulièrement 1ors des opérations de maintenance pratiquées sur les différents outils de production et leur environnement. Ce courrier pointait la présence d'amiante dans les secteurs suivants : Laminoir - Service Traitement Thermique - Aciérie - Forge - Fonderie - Elaboration spéciale - Magasin général - Usinage - Laboratoires - Service métallurgique - Qualité.
Ainsi, au regard des seuls véritables éléments d'appréciations versés au dossier, il apparaît que Monsieur Y... a été affecté par l'employeur à des travaux l'exposant de façon habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, au sein de la Société AUBERT et DUVAL, au moins de 1963 à 1970, voire au delà. La maladie est apparue dans le délai de prise en charge de 40 ans à compter de la fin de l'exposition professionnelle à l'amiante.
Le caractère professionnel de la maladie est admis dès lors que le travail habituel du salarié victime en a été une des causes directes, peu important par ailleurs qu'il n'en ait pas été la cause unique ou essentielle, condition que n'exige pas l'article L 461-1, alinéa 3 du Code de la sécurité sociale.
L'employeur qui n'apporte pas la preuve que le travail au sein de son entreprise n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie ne peut s'exonérer de la présomption d'imputabilité. Ainsi, l'argument, d'ailleurs non étayé, d'une multi-exposition du salarié à l'amiante, est donc inopérant.
En conséquence, les lésions pleurales affectant Monsieur Y... constituent bien une maladie d'origine professionnelle, en relation avec l'activité professionnelle du salarié au sein de la Société AUBERT et DUVAL. Cette reconnaissance de maladie professionnelle est opposable à l'employeur.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
- L'indemnisation du salarié par le FIVA et la subrogation dans les droits de Monsieur Y... -
- Les principes -
L'article 53 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 a instauré un fonds spécifique chargé de l‘indemnisation des victimes de l'amiante, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), lequel est fondé sur le principe de la réparation intégrale des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis.
Aux termes de l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA doit présenter au demandeur une offre d'indemnisation en indiquant l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, une offre est présentée dans les mêmes conditions si une indemnisation complémentaire est susceptible d'être accordée dans le cadre d'une procédure pour faute inexcusable.
Aux termes de l'article 53 VI 1er alinéa de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes.
Aux termes de l'article 53 VI 2ème alinéa de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d'appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi.
- L'espèce -
Monsieur Y... a saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA), le 12 juillet 2003.
Le FIVA lui a notifié, par lettre recommandée avec AR, datée du 12 février 2004, une offre d'indemnisation se décomposant comme suit :
Préjudice patrimonial :
- Rente annuelle / taux d'I.P.P. évalué à 5 % : 406 € ( arriérés du 17 janvier 2003 au 31 décembre 2003 : 389,32 €)
- Rente capitalisée : 6381,91 €
- Indemnisation du préjudice patrimonial : 6.771,23€, soit une somme de1.652,73€ après déduction de la rente versée par la CPAM
Préjudice extra patrimonial : 16.700 € dont :
- Préjudice moral : 15.900 €
- Préjudice physique : 200 €
- Préjudice d'agrément : 600 €
Monsieur Y... a accepté cette offre d'indemnisation le 16 février 2004.
- L'analyse -
En l'espèce, le FIVA est donc recevable, au titre de sa subrogation dans les droits de Monsieur Y..., en son action afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, voir fixer les prestations complémentaires et préjudices prévus par le code de la sécurité sociale, et voir condamner l'employeur à rembourser les sommes versées à Monsieur Y....
- Sur la faute inexcusable de l'employeur -
- Les principes -
Aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime a le droit de demander, lorsque la faute inexcusable de l'employeur est retenue, outre la majoration de la rente, la réparation des préjudices causés par les souffrances endurées, des préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
En vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu, envers le salarié, d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.
Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La conjonction chez l'employeur de la connaissance des facteurs de risque - appréciée objectivement par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, l'employeur conscient de ses devoirs et obligations - et de l'absence de mesures pour l'empêcher, caractérise à elle seule la faute inexcusable.
Cette définition n'implique aucune présomption de faute inexcusable (sous réserve des présomptions légales de faute inexcusable instituées par les articles L. 231-8 et L. 231-8-1 du Code du travail : salariés en CDD, travailleurs temporaires et salariés victimes d'un risque qu'eux-mêmes ou le comité d'hygiène le de sécurité avait signalé). II appartient donc à la victime de démontrer la conscience du danger que devait avoir l'employeur.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie professionnelle affectant le salarié, il suffit qu'elle ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. Le délai de prescription en matière de faute inexcusable ne peut commencer à courir qu'à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.
- La conscience du danger au regard des éléments d'information extérieurs à l'entreprise -
Les dangers relatifs à l'inhalation de poussières étaient déjà connus depuis la fin du XIXo siècle (Loi du 12 juin 1893 et décret du 11 mars 1894), ceux relatifs à l'exposition aux poussières d'amiante dès le début du XXo siècle :
- 1906 : dépôt du rapport AURIBAULT relatif aux décès consécutifs à l'inhalation de poussières d'amiante qui est publié au bulletin de l'inspection du travail ;
- 1930 : rapport du professeur E... sur l'amiante et l'asbestose publié dans la revue Médecine du Travail ;
- 1945 : les silicoses et leurs complications causées par les manipulations de l'amiante sont indemnisées au titre du tableau no25 des maladies professionnelles par l'ordonnance du 3 août 1945 ;
- 1950 : le décret du 31 août 1950 crée le tableau no30 des maladies professionnelles reconnaissant l'asbestose comme maladie professionnelle consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante ;
- 1954: rapport du professeur F... à la société de Médecine et d'Hygiène du Travail, publié dans les archives des maladies professionnelles, qui range l'amiante dans la liste des substances chimiques, agents de cancers professionnels ;
- 1956: les travaux de DOLL, puis en 1960 ceux de WAGNER, établissent le rôle cancérigène de l'amiante confirmé par les études du docteur G... en 1965: ce dernier souligne l'obstruction opposée par les industriels de la chambre syndicale de l'amiante aux recherches destinées à préciser l'importance du risque ;
- 1964 : conférence internationale de New York sur les risques liés à l'amiante ; Dans un rapport du congrès international qui s'est tenu à CAEN sur l'abestose pulmonaire les 29 et 30 mai 1964 :
- il est indiqué que le premier cas d'asbesthose a été décrit en 1900 et qu'il s'agit d'une agression physico chimique des poumons dont la description faite en 1938 était toujours valable en 1964 ;
- il est mis en évidence que l'empoussiérage est un facteur ethiologique de l'asbestose ;
- il est recommandé notamment de l'intérêt d'un appareil de mesure de la concentration en poussière d'amiante alors que la concentration en poussière d'amiante permise dans les ateliers était encore discutée ;
- 1973: dépôt du rapport sur l'amiante et ses risques pour la santé lors d'une réunion d'experts tenu sous l'égide du Bureau International du Travail. Le document émanant du BIT de 1973 est intitulé: " L'AMIANTE: ses risques pour la santé et leur prévention" avec notamment un chapitre " Prévention technique des risques dus a l'amiante" ; L'utilisation d'amiante en France atteint son maximum avec 170 000 tonnes par an ;
- 1975 : Loi du 11Juillet 1975 interdisant d'occuper les travailleurs de moins de 18 ans aux travaux de cardage, de filature et de tissage de l'amiante ; Les chercheurs de la faculté de Jussieu à Paris découvrent que leur faculté est en grande partie isolée à l'amiante ;
- 1976 : Procès-verbal groupe de travail chargé d'étudier les problèmes posés par l'amiante ; Le Conseil Supérieur D'hygiène Publique de FRANCE alerte sur la prévention d'une maladie aussi grave que le mésothéliome provoqué notamment par l'amiante ; Le cancer bronchopulmonaire (s'il est associé à une asbestose) et le mésothéliome primitif sont désormais pris en charge au titre du tableau no 30 ;
- 1977 : Première réglementation Française relative à la protection des travailleurs contre l'amiante : le décret du 17 août 1977:
- réduit la concentration d'amiante à laquelle les salariés peuvent être exposés dans les entreprises où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère, notamment dans les travaux de transport, de manipulation, de traitement, de transformation, d'application et d'élimination de l'amiante et de tous produits ou objets susceptibles d'être à l'origine d'émission de fibres d'amiante ( la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ne doit pas dépasser deux fibres par centimètre cube),
- et impose des mesures de prévention et d'information (vêtements de protection et équipements de protection individuelle à la disposition du personnel que l'employeur doit veiller à faire utiliser ; information régulière du CHS, des délégués du personnel et des salariés sur les travaux susceptibles de conduire à l'inhalation de poussières d'amiante, les risques et précautions à prendre ; contrôle régulier de l'atmosphère de travail ; conditionnement et traitement de tous les déchets susceptibles de dégager des poussières d'amiante etc...) ;
- 1978 : Résolution du Parlement Européen (9 janvier) sur les risques sanitaires de l'amiante ( « l'amiante est un produit cancérigène et toutes les variétés utilisées dans le marché commun présentent un danger pour la santé humaine» ) ; décret du 20 mars 1978 interdisant les flocages contenant plus de 1 % d'amiante pour l'ensemble des bâtiments ;
- 1982 : Fondation en France du comité permanent amiante (CPA) regroupant notamment des représentants des industriels de l'amiante ;
- 1983 : La Directive No 83/477CEE : Le Conseil des Communautés Européennes reconnaît « que les connaissances scientifiques actuellement disponibles ne permettent pas d'établir un niveau en dessous duquel les risques pour la santé n'existent plus, mais qu'en réduisant l'exposition à l'amiante, on diminuera le risque de produire des maladies liées à l'amiante» ; La directive européenne demande aux Etats membres d'abaisser les valeurs limites en matière d'amiante et de mettre en place un registre national du mésothéliome avant le 1er janvier 1987 ;
- 1985 : Arrêté du 19 février 1985 fixant la liste des travaux pour lesquels il ne peut être fait appel aux salariés des entreprises de travail temporaire (travaux de déflocage et de démolition exposant aux poussières d'amiante) ; décret du 19 juin 1985 : le cancer broncho-pulmonaire primitif, même s'il n'est pas associé à une asbestose, ainsi que les plaques pleurales sont désormais pris en charge au titre du tableau no 30 ;
- 1987 : Le décret du 27 mars 1987 transpose la Directive no 83/477/CEE ;
- 1989 : Le CPA attire le 6 février l'attention du Premier ministre sur les risques liés à la présence de flocages dans de nombreux bâtiments ;
- 1992 : Le décret du 6 juillet 1992 transpose la directive européenne no 91/382/CEE en abaissant les seuils d'exposition en matière d'amiante ;
- 1994 : Les veuves de six professeurs d'un lycée professionnel de Gérardmer (Vosges), morts de cancers, portent plainte en Juin ; Création en octobre du Comité anti-amiante à Jussieu ;
- 1995 : publication en mars dans la revue "The Lancet" de l'étude réalisée par Julian H..., épidémiologiste britannique. Elle révèle que le nombre de mésothéliomes est très élevé en Grande-Bretagne (" 3000 morts par an au Royaume Uni et probablement autant en France") mais aussi qu'il s'est répandu bien au-delà des seuls ouvriers des usines de transformation ; Le ministère du Travail demande à l'INSERM de mener une expertise collective sur l'amiante ;
- 1996 : La synthèse du rapport de l'INSERM « Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante» est rendue publique lors d'une conférence de presse (2 Juillet 1996) ; Le 14 juillet, le président de la République annonce que Jussieu sera désamiantée à la fin de l'année 1996 ; En France, création en février de L'ANDEVA (Association nationale des victimes de l'amiante) ; Un décret du 7 février oblige les propriétaires de bâtiments à réaliser un diagnostic sur la présence d‘amiante ; 3 juillet: Jacques I..., ministre du Travail et des Affaires sociales, et Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé, annoncent l‘interdiction de la fabrication, l'importation et la mise en vente de produits contenant de l'amiante à partir du 1er janvier 1997 ;
- 1er janvier 1997 : Interdiction de l'utilisation de l'amiante en France - Décrets no 96-97 (santé-logement) sur le repérage des flocages et calorifugeages dans les bâtiments, no 96-98 (travail/agriculture) sur la protection des travailleurs, et 96-1133 ; Cette réglementation s'applique aux activités de fabrication et de transformation de matériaux contenant de l'amiante, dits travaux de secteur 1, aux activités de confinement (encoffrement, revêtement, imprégnation) et de retrait de l'amiante ou de matériaux en contenant, dits travaux de secteur 2, ainsi qu'aux activités et interventions sur des matériaux ou des appareils susceptibles de libérer des fibres d'amiante, dits travaux de secteur 3 ; La France devient le huitième pays des 15 de l'Union Européenne à bannir totalement l'amiante.
Le tableau no 25 des maladies professionnelles décrit les maladies consécutives à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante depuis 1945 avec notamment, par textes en date du 3 août 1945 et du 31 décembre 1946, la silicose qui est décrite comme une fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de la silice libre ou de l'amiante.
Le tableau no 30 des maladies professionnelles décrit les maladies consécutives à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante depuis 1950 avec notamment :
- en 1950 : l'asbestose est décrite comme une fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre de travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante ; notamment dès 1951 les travaux de calorifugeage au moyen d'amiante;
- en 1976 : le mésothéliome primitif, pleural, péricardique ou péritonéal et le cancer bronco-pulmonaire comme complication de l'abestose sont décrits comme engendrés par les poussières d'amiante dans le cadre de travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante
- en 1985 : les lésions pleurales bénignes, plaques pleurales, plaques péricardiques, les tumeurs pleurales primitives et le cancer bronco-pulmonaire primitif en relation avec l'amiante sont décrits comme engendrés par les poussières d'amiante dans le cadre de travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante ;
- en 1996 : les délais de prise en charge sont allongés ;
- en 2000 : le décret du 14 avril 2000 a modifié la désignation des maladies portant sur la rubrique « B.- Lésions pleurales bénignes...» et des délais de prise en charge, introduit des durées minimales d'exposition et modifié la rédaction de la colonne de la liste des travaux, sans modification de la liste elle- même.
Dès 1950, le caractère indicatif des travaux susceptibles de provoquer ces maladies de l'amiante est patent avec l'utilisation du terme "notamment" dans ce cadre. Dès 1951, le tableau numéro 30 attire l'attention sur le fait que le calorifugeage au moyen d'amiante, les ciments, joints, cartons et papiers, contenant de l'amiante sont des sources de ces maladies professionnelles. Le fait que les travaux d'entretien ou de maintenance sur des matériels revêtus ou contenant des matériaux composés d'amiante n'ont été intégrés qu'en 1996 à la liste des travaux visés au tableau 30 des maladies professionnelles est indifférent.
- La conscience du danger au regard des éléments d'information internes à l'entreprise -
La société Aubert & Duval est une entreprise spécialisée qui conçoit, produit, transforme et commercialise des aciers spéciaux, superalliages, alliages d'aluminium et alliages de titane, destinés aux industries. Elle est également présente sur les aciers d'outillage. Son effectif serait de 3752 personnes. Elle fait, désormais, partie du groupe métallurgique et minier Eramet, leader mondial dans ses activités alliages, manganèse et nickel. La société Aubert & Duval est implanté sur 7 sites industriels en France dont celui des Ancizes.
Le site industriel des ANCIZES de la société AUBERT et DUVAL est spécialisé dans la production d'aciers spéciaux destinés aux secteurs de l'aéronautique, de l'outillage, du nucléaire et de l'armée. Au 28 septembre 2007, l'effectif du site des Ancizes se composait de 1386 personnes plus 13 apprentis, plus 174 intérimaires. L'effectif a évolué au cours des années, de 2700 environ en 1970 à 2351 en 1980.
A la lecture des pièces produites par les parties, on peut constater les éléments qui suivent concernant l'amiante.
Les rapports de l'AIF (Association des Industriels de France contre les accidents du travail) qui a visité le site des Ancizes en juillet 1978, juillet 1980 et janvier 1981 contiennent des observations visant à prévenir les accidents du travail mais n'abordent nullement la prévention des maladies professionnelles et notamment la question de l'amiante.
Les procès-verbaux des réunions trimestrielles du CHS, produits sur la période 1976-1983 et pour l'année1990, ne mentionnent aucune observation quant à l'amiante, sauf en avril 1977 l'observation suivante : " Atelier B.G. Electrique - machines-outils . - Travail de l'amiante: découpe de joints et bordures des fours H.F. - Recherche d'un matériau de remplacement". Ce silence est particulièrement étonnant à une époque où est promulgué le décret du 17 août 1977. Seul le procès-verbal de la réunion du 18 avril 1990 fera état d'une prochaine réunion sur la prévention des risques pulmonaires.
Une note du Docteur J..., du service médecine du travail de la société AUBERT et DUVAL, en date du 26 décembre 1990, adressée notamment à la direction, fait état d'un dossier amiante réalisé par le service médical en décembre 1990 et propose une réunion de concertation avec les principaux services utilisateurs, fixée au 30 janvier 1991, " afin d'envisager concrètement les solutions de substitution". Ce rapport du Dr. J..., intitulé " AMIANTE & Fibres de Céramique " a fait le point sur les risques de ces produits concernant leur utilisation dans l'entreprise et a alerté l'entreprise sur les dangers de l'amiante et la nécessité de mettre en place des systèmes de protection. Après avoir rappelé la toxicité de l'amiante et les risques de ce produit pour la santé, le Dr. J... a souligné la nécessité de réaliser au plus vite le remplacement des matériaux à base d'amiante ainsi que la collecte des déchets. Il recommandait, en outre, de proscrire tout « découpage ou utilisation sauvage» de l'amiante. Ce rapport souligne également l'utilisation massive de l'amiante au sein de l'entreprise ainsi que l'absence de dispositif de protection à la disposition des travailleurs.
Une note de la direction du site des Ancizes, en date du 1er mars 1991, adressée à tous les chefs de services, indique : "Une enquête récente fait ressortir que, dans l'usine, l'amiante est encore utilisé pour certaines applications particulières. Afin de nous affranchir de tout risque de maladie professionnelle inhérente à cette matière, nous vous demandons que son emploi soit supprimé avant fin décembre 1992".
Le Dr. J..., médecin du travail, a adressé à Messieurs K..., L... et M..., le 28 décembre 1996, une note résumant les dispositions résultant du décret du 7 février 1996 et de ses arrêtés d'application relatifs à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante et préconisant des mesures précises de prévention, d'information et de protection des salariés en concluant " on pourrait faire moins mais au prix d'un risque que je ne prendrais pas moi même pour ma santé ".
Des notes internes des 19 octobre 1998 et 28 mars 2000 signalent la présence d'amiante dans les services ACIERIE - ES - FONDERIE - LAMINOIR- TRAITEMENT THERMIQUE site des Ancizes, ce dans de nombreux éléments, tels que : Fours - Tuyaux de refroidissement - Protection par bandes d'amiante de câbles électriques et de puissance - Plaques de protection amiante dans le chemin de câble sous le four - Joints d'étanchéité des plaques coté fumée en cordon d'amiante - Manchettes de raccordements des brûleurs - Câbles - Isolation amiante - Plaque Klingérite derrière les écrans - Freins - Cales briques - Murs et parois des fours - Chariots Transbordeurs - Cabines - Ponts etc...
Les rapports annuels du CHSCT, de 1999 à 2004, concernant le personnel formé à la sécurité, ne font mention d'aucune formation des salariés au risque amiante.
Une note de la direction de l'entreprise en date du 24 mars 2004, adressée aux chef d'établissement, chefs de département, chefs de ligne, chefs d'unité, correspondants sécurité, secrétaire du CHSCT, indique que " dans l'attente de la rédaction d'une Consigne Générale de Sécurité applicable à l'ensemble du site, les dispositions provisoires suivantes devront être mis en œuvre à dater de ce jour:
l) Tous les travaux d'entretien ou de maintenance au cours desquels un doute existerait sur la nature des matériaux rencontrés (amiante ou autres matériaux réfractaires contenant de l'amiante) devront être obligatoirement stoppés.
2 ) Tous les travaux de retrait ou de confinement d'amiante ou de matériaux contenant de l'a de l'amiante devront obligatoirement ètre sous-traités à des entreprises ou personnes certifiées."
Le procès-verbal d'une réunion extraordinaire du CHSCT en date du 1er avril 2004 énonce :
- L'Ingénieur Sécurité informe le CHSCT que depuis 1987, ADA a enregistré 18 déclarations de maladies professionnelles amiante dont, à ce jour, 8 ont été reconnues. Le Secrétaire du C.H.S.C.T déclare connaître 13 cas recensés à ce jour depuis 2003 ;
- A la demande que soient listés tous les endroits ou réside encore de l'amiante dans les différents services ou secteurs, l'Ingénieur Sécurité propose que cet inventaire soit réalisé avec la participation du C.H.S.C.T. et d'un organisme extérieur. En fonction des disponibilités de ce dernier le délai est fixé au 30/06/2004 ;
- Le Médecin du Travail fait l'historique des actions menées sur l'utilisation de l'amiante depuis 1977 :
- Repérage et identification des lieux et des postes pouvant avoir donné lieu à une exposition à compter de 1977,
- Recherche des moyens pour diminution l'exposition,
- Depuis 1990 cessation d'approvisionnement d'amiante, mais à ce jour présence de stocks résiduels et d'installations contenant de l'amiante,
- Un nouvel état a été fait en 1996 pour continuer l'élimination des produits susceptibles de libérer des fibres d'amiante,
- A partir de 2000 remplacement de tous les produits de substitution à l'amiante employés entre 90 et 2000 par des laines minérales réfractaires exonérés de la classification vis à vis du risque cancérigène. Cette substitution est faite non seulement au magasin général mais également dans les approvisionnement directs des ateliers de production et des satellites de maintenance ;
- L'ingénieur Sécurité confirme qu'un diagnostic complémentaire, concernant les bâtiments va être effectué en 2004 par un organisme extérieur.
Un plan de désamiantage du 18 juin 2004 mentionne la présence d'amiante sur les bavettes, joints et manchettes afférents au four LL20, il prévoit le démarrage des travaux en juillet 2004.
Au cours de l'année 2004 a éclaté, sur un plan médiatique au moins, l'affaire de l'amiante au sein du site des Ancizes. Plusieurs salariés ont décidé de passer un contrôle médical et certains ont découvert qu'ils étaient atteints notamment de lésions pleurales.
Un rapport d'enquête de la Direction Régionale du travail, en date du 8 octobre 2004, concernant le site des Ancizes de la Société AUBERT et DUVAL, suite à une demande formulée par le syndicat CGT des Ancizes, expose que l'amiante a été utilisée sous différentes formes sur tout le site, les secteurs les plus concernés par l'amiante étant la fonderie, l'aciérie et la maintenance de ces deux secteurs. Ce rapport conclut que l'on peut estimer qu'on a utilisé de l'amiante jusqu'en 1992 même si certains services avaient commencé à substituer dés le début des années1980.
Un courrier adressé le 21 février 2005 par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie AUVERGNE Auvergne à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme indique, concernant la présence d'amiante dans les locaux de l'Acierie Aubert et Duval située aux Ancizes : " A notre connaissance, l'amiante a été utilisé, en particulier pour ses propriétés d'isolant thermique, au moins jusqu'en 1996 dans différents bâtiments ou unités. Les salariés affectés dans ces différents secteurs ont pu être exposés à l'occasion de leur travail au quotidien et plus particulièrement 1ors des opérations de maintenance pratiquées sur les différents outils de production et leur environnement. Ce courrier pointait la présence d'amiante dans les secteurs suivants : Laminoir - Service Traitement Thermique - Aciérie - Forge - Fonderie - Elaboration spéciale - Magasin général - Usinage - Laboratoires - Service métallurgique - Qualité.
Les attestations et témoignages des salariés RICHARD, ELEDO, PEAN, SORBIAN, COUCHARD, ANDRIEU, GIRAUD, BREROT, ANGELIER, MOGILKA, TOURRET, JOUHET, PORTE, POURTIER, D..., GIDEL, SAUVAGNAT, RENOUX, TRIPHON, LEMONT, LONGCHAMBON, REDONDO... font état d'une exposition régulière, ininterrompue depuis les années 60 sur le site des Ancizes, des salariés aux poussières d'amiante, sans que les personnes exposées n'aient bénéficié de formation, d'information ou de mesures de protection.
- Les mesures prises -
Dans le cadre des informations professionnelles et scientifiques déjà publiées à l'époque des faits de l'espèce et auxquelles la Société AUBERT et DUVAL devait s'intéresser, il était clairement indiqué que la meilleur méthode de suppression du risque consiste radicalement au remplacement de l'amiante par des matières moins toxiques et, à défaut, il était préconisé les mesures suivantes :
- sur le plan du poste de travail : la suppression des poussières par l'humidification de l'amiante de manière qu'il n'y ait aucun dégagement de poussières, protections par feuilles de matière plastique, encoffrement partiel du poste de travail sous aspiration, et à défaut collecteurs et hottes aspirantes placés le plus à proximité du point de formation des poussières, de dimensions, de puissances capable de détourner les poussières ;
- Sur le plan du nettoyage des locaux : appareil central d'aspiration, de filtrage et de décantation relié par des conduites aux parties du bâtiment qu'il faut dépoussiérer. Au Royaume Uni, il était préconisé depuis 1969 que les installations de filtrage devaient être inspectées au moins une fois tous les sept jours ;
- Sur le plan de la protection personnelle : un équipement de protection respiratoire, masque ou même lorsque les concentrations sont élevées, appareils respiratoires à adduction d'air ou des respirateurs à pression, des vêtements de protection dans un tissu particulier qui ne retienne pas facilement la poussière, bien ajustés au cou, aux chevilles et aux poignets, avec bonnet assorti, parfois bottes en caoutchouc et tablier en matière plastique.
Or au regard des éléments d'appréciation figurant au dossier, notamment les témoignages des salariés du site des Ancizes précités et les documents internes de l'époque, il apparaît que les salariés exposés à l'amiante en général, Monsieur Y... en particulier, n'ont jamais bénéficié de mesures de protection contre les poussières d'amiante, d'information ou de formation contre les risques, avant les années 2000, pas de masque, pas d'aspiration des poussières etc...
- L'analyse au regard des principes et de l'espèce -
Les réglementations Françaises contraignantes en matière d'amiante datent essentiellement de 1977 et 1996. Mais l'absence de réglementation nationale à l'époque des faits n'est pas une cause exonératoire car une entreprise industrielle de l'importance et de la dimension de la Société AUBERT et DUVAL doit nécessairement se tenir au courant des informations professionnelles et scientifiques, concernant les dangers afférents tant au processus de fabrication qu'aux conditions de travail.
Le fait que l'Etat n'a pas interdit ou pas réglementé de façon contraignante ne dispense pas un employeur de s'interroger et de s'informer sur les dangers en matière de santé que son activité peut faire courir à ses salariés.
La présence aux réunions du CHS du médecin du travail, de l'inspecteur du travail, des ingénieurs conseils de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie et de l'AIF, de représentants des salariés, n'exonère de même en rien l'employeur dont le représentant est d'ailleurs le président du CHS.
Il apparaît qu'il a donc fallu attendre le début des années 90, voire le début des années 2000 en matière de mesures concrètes, pour que la société AUBERT le DUVAL envisage enfin le remplacement des matériaux à base d'amiante et une protection réelle de ses salariés contre l'inhalation de poussières d'amiante. Aucune mesure de protection efficace des ouvriers de l'aciérie ne semble avoir été mise en place auparavant, bien que les éléments contenant de l'amiante aient été omniprésents au sein des aciéries de la société AUBERT ET DUVAL.
Au regard des éléments susvisés, tant extérieurs qu'internes à l'entreprise, la Société AUBERT et DUVAL pouvait raisonnablement prendre conscience, de façon générale, dès les années 60/70, en tout cas bien avant les années 90 ou 2000, des dangers encourus par les salariés effectuant des travaux ou manipulant de façon habituelle des matériels revêtus ou contenant de l'amiante, et évoluant régulièrement dans une atmosphère de travail imprégnée fortement de poussières d'amiante.
Le fait que les lésions pleurales bénignes et plaques pleurales n'apparaissent qu'en 1985, avec des précisions ou modifications apportées en 1996 et 2000 dans le tableau des maladies professionnelles de l'amiante est sans incidence, s'agissant de la conscience d'un danger pour la santé des salariés et non de la conscience concernant une maladie particulièrement identifiée ou nécessairement grave ou létale. En outre, il échet de constater que la silicose est apparue dans le cadre ce tableau dès 1945/46 et l'abestose dès 1950.
La définition ci-dessus rappelée de la faute inexcusable apparaît tout à fait conforme à la législation Européenne, notamment à la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 qui stipule que l'employeur est obligé d'assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail. Cette disposition se borne à consacrer l'obligation générale de sécurité pesant sur l'employeur et la responsabilité de celui-ci en cas d'accidents du travail ou de maladie professionnelle. La directive ne se prononce pas de façon précise sur la forme de cette responsabilité, elle n'impose pas aux Etats membres l'obligation de prévoir un régime de responsabilité sans faute des employeurs. Mais elle ne proscrit nullement une définition de la faute inexcusable de l'employeur fondée sur l'appréhension de la conscience du danger auquel était exposé le salarié et la carence quant à la diligence des mesures nécessaires pour l'en préserver.
La fait que la société AUBERT ET DUVAL n'était pas un transformateur de l'amiante mais un utilisateur de cette matière est inopérant
En l'espèce, il donc établi que la Société AUBERT et DUVAL avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé Monsieur Y..., concernant la santé du salarié et les maladies professionnelles du fait des matériaux amiantés utilisés par l'entreprise, et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Les premiers juges ont donc fait une exacte analyse des éléments de la cause, et par des motifs pertinents, ont caractérisé l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur et en ont tiré les justes conséquences.
- Sur les préjudices -
- Les principes -
La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur entraîne de façon cumulative :
1) La majoration des indemnités allouées à la victime (L. 452-2 du code du travail)
Si une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration de peut dépasser le montant de ladite indemnité. La majoration est payée directement à la victime par la caisse qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire dont le taux et la durée sont fixés par la caisse régionale d'assurance maladie en application des dispositions de l'article R. 452-1 du code du travail).
2) La réparation des préjudice personnels de la victime (L. 452-3 du code du travail) :
- préjudice esthétique,
- préjudice causé par les souffrances physiques et morales,
- préjudice d'agrément,
- préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
La réparation de ces préjudices est payée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
Le Fiva est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus d'en assurer la réparation totale ou partielle.
- L'espèce -
Les plaques pleurales sont des lésions asymptomatiques de la plèvre pariétale qui apparaissent en général plus de 15 ans après la première exposition à l'amiante. Il arrive qu'elles entraînent des douleurs, voire une légère diminution de la capacité respiratoire. Il n'existe pas actuellement de traitement susceptible de faire régresser ces anomalies pleurales.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé au maximum la majoration du capital à laquelle peut prétendre Monsieur Y... et dit que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité partielle. La cour dispose des éléments d'appréciation nécessaires et suffisants quant à l'évaluation des préjudices personnels subis par Monsieur Y....
Au regard des éléments produits aux débats et des observations susvisées, il convient de confirmer le jugement entrepris en qu'il a fixé à la somme globale de 16.700 euros l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur Y....
La reconnaissance de la maladie professionnelle et l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur étant parfaitement opposables à ce dernier en l'espèce, la société AUBERT ET DUVAL sera tenue de régler à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme les sommes versées au FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur Y..., au titre des préjudices susvisés.
Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal, à compter de la date du jugement de première instance pour la majoration du capital et de la date du présent arrêt pour les dommages-intérêts en réparation des souffrances physiques, des souffrances morales et du préjudice d'agrément.
Le jugement sera donc confirmé.
- Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile -
La Société AUBERT et DUVAL, qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamnée à verser au FIVA une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens d'appel. Les dispositions du jugement entrepris concernant l'application en première instance des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile seront confirmées.
- Sur les dépens -
La procédure devant les juridictions de la sécurité sociale étant, en vertu des dispositions de l'article R.144-10 du Code de la sécurité sociale, gratuite et sans frais, il n'y a pas matière à dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
En la forme,
DÉCLARE l'appel recevable.
Au fond,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, CONDAMNE la Société AUBERT et DUVAL à payer une somme de 1.000 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au FIVA, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et au titre des frais exposés par ceux-ci en cause d'appel ;
DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
DIT n'y avoir lieu à paiement de droits en application de l'article R.144-10 du Code de la sécurité sociale.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
D. N... C. O...
Le présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de notification de cette décision aux parties.
Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.