COUR D'APPEL
DE RIOM
Chambre Commerciale
ARRET No
DU : 24 Octobre 2007
N : 06 / 02359
CB
Arrêt rendu le vingt quatre Octobre deux mille sept
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente
M. Vincent NICOLAS, Conseiller
Mme Chantal JAVION, Conseillère
lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière
Sur APPEL d'une décision rendue le 3. 10. 2006
par le Tribunal de commerce d'AURILLAC
A l'audience publique du 12 Septembre 2007Mme BRESSOULALY a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du NCPC
ENTRE :
Société Anonyme LA FERMIERE 303 Avenue des Poilus Traverse de Malvina
13011 MARSEILLE-Représentant : la SCP GOUTET-ARNAUD (avoués à la Cour)
représentant Me COUECOU avocat plaidant barreau de Marseille
APPELANT
ET :
S. A. R. L. LES BUFFLONES DU SUD Le Vert 15600 MAURS
Représentante : Me Barbara GUTTON-PERRIN (avouée à la Cour)-Représentant : Me Henri AIMONETTI (avocat plaidant au barreau de MILLAU)
INTIME
DEBATS :
A l'audience publique du 12 Septembre 2007,
la Cour a mis l'affaire en délibéré au 24 Octobre 2007
l'arrêt a été prononcé publiquement conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :
FAITS, PROCÉDURE et DEMANDES DES PARTIES
Le 16 novembre 2004 un contrat commercial de fourniture de lait de bufflonnes pasteurisé a été conclu entre la SARL Les Bufflonnes du Sud et la société LA FERMIERE avec effet à compter du 01. 01. 2005 pour un durée de quatre ans, avec possibilité de tacite reconduction d'une année à défaut de dénonciation quatre mois avant l'échéance du 31. 12. 2008.
La FERMIERE devait prendre livraison de volumes de lait fixé à 120. 000 Litres en 2005,180. 000 L en 2006,220. 000 L en 2007 et 220. 000 L en 2008.
Par lettre en date du 28 mai 2005 la société LA FERMIERE a rompu les relations contractuelles.
Par acte en date du 09. 09. 2005, la SARL Les Bufflonnes du Sud a assigné la société LA FERMIERE aux fins de voir reconnaître la résiliation abusive du contrat et d'obtenir le paiement de la somme de 220. 540,74 € HT de dommages-intérêts pour rupture abusive ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement en date du 03. 10. 2006 le tribunal de commerce d'AURILLAC a condamné la société LA FERMIERE à payer à la SARL Les Bufflonnes du Sud la somme de 113. 724,07 € de dommages-intérêts, et ce avec exécution provisoire, et la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le 20. 10. 2006, la société LA FERMIERE a interjeté appel du jugement.
Vu les dernières conclusions signifiées le 19. 02. 2007 aux termes desquelles la société LA FERMIERE demande de :
-déclarer son appel recevable
-prononcer la nullité du contrat liant les parties pour erreur sur la substance
-subsidiairement,
-prononcer la résolution du contrat signé entre les parties
-condamner la SARL Les Bufflonnes du Sud à rembourser à la société LA FERMIERE la somme de 113. 724,07 € versée au titre de l'exécution provisoire, outre la somme de 35. 000 € à titre de dommages-intérêts correspondant aux investissements de recherches de la société LA FERMIERE.
-très subsidiairement, ordonner une expertise pour procéder au contrôle des qualités micro-biologiques et organoleptiques du lait vendu par la SARL Les Bufflonnes du Sud et apprécier les demandes des parties au regard du cahier des charges des 15 et 18 mars 2005.
-condamner la SARL Les Bufflonnes du Sud à lui payer la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées le 06. 04. 2007 aux termes desquelles la SARL Les Bufflonnes du Sud demande de :
-débouter la société LA FERMIERE de son appel et de faire droit à l'appel incident de la SARL Les Bufflonnes du Sud
-condamner la société LA FERMIERE à lui payer les sommes de :
* 220. 540,74 € de dommages-intérêts pour rupture abusive
* 5. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 28. 06. 2007.
MOTIFS ET DÉCISION
1-sur la l'action en nullité du contrat du 16. 11. 2004
Attendu que le tribunal de commerce d'AURILLAC a parfaitement analysé les pièces du dossier, significatives des conditions dans lesquelles se sont nouées les relations contractuelles pour aboutir à l'accord signé le 16. 11. 2004 auquel devait être annexé un cahier des charges. Que ce dernier ne sera signé que le 18 mars 2005, le long laps de temps qui s'est écoulé entre la signature du contrat et l'élaboration du cahier des charges ayant permis à la société LA FERMIERE de s'entourer de tous renseignements souhaités, notamment sur la qualité du lait fourni par la SARL Les Bufflonnes du Sud ;
que le tribunal a écarté à bon droit l'action en nullité présentée par la société LA FERMIERE par des motifs que la Cour adopte ; qu'en effet la société LA FERMIERE ne justifie nullement de l'erreur alléguée sur les qualités substantielles du produit lors de la formation du contrat ;
Que les récriminations de la société LA FERMIERE, contestées par la SARL Les Bufflonnes du Sud, concernent des griefs ponctuels, émis postérieurement à la conclusion du contrat sur la base d'analyses ou de vérifications n'ayant aucun caractère contradictoire ; qu'il semble bien que pour la plupart d'entre elles, les livraisons de lait n'aient pas donné lieu à critique ; que c'est seulement après l'apparition des difficultés rencontrées par la société LA FERMIERE avec ses clients, non satisfaits du produit élaboré par ses soins à partir du lait de bufflonnes, que cette dernière incriminera la qualité du lait livré par la SARL Les Bufflonnes du Sud ;
Qu'au demeurant, la SARL Les Bufflonnes du Sud rétorque que les propres écrits de la société LA FERMIERE montrent que les conditions sanitaires et d'exploitation étaient jugées conformes par cette société ainsi qu'en atteste la lettre de Mme C... du 22. 07. 2004 faisant état du résultat de ses vérifications chez les producteurs, décrits comme motivés et très coopératifs, ayant un lait de qualité globalement correcte, voire de bonne qualité, quelques améliorations étant à apporter concernant les conditions de production, de stockage et de collecte ; que les e-mails de Mme Florence D... des 18 et 25 mai 2005 témoignent presqu'un an plus tard de sa satisfaction, de l'existence de très bons résultats bactériologiques ;
Que rien ne prouve que la qualité du produit livré n'aurait pas été celle prévue lors de la signature du contrat ; que la demande en nullité du contrat présentée par la société LA FERMIERE n'est pas justifiée ;
-sur la résiliation du contrat
Attendu qu'il est évident que la clause résolutoire prévue à l'article 9 du contrat n'a pas été valablement mise en oeuvre par la société LA FERMIERE ; que le tribunal a estimé à juste titre que le courrier du 10 mai 2005 ne constituait pas une mise en demeure au sens des stipulations du contrat, la société LA FERMIERE ayant en définitive rompu unilatéralement le contrat sans se conformer à la procédure conventionnelle ;
Attendu que de plus, aucun élément probant ne vient étayer les motifs invoqués liés à la qualité irrégulière du lait de bufflonnes livré par la SARL Les Bufflonnes du Sud ; que la société LA FERMIERE ne saurait sérieusement se prévaloir des résultats de prélèvements opérés le 21 mars 2006,10 mois après la rupture du contrat, sans aucune garantie quant aux conditions dans lesquelles les échantillons ont été prélevés et amenés au laboratoire Départementales des analyses des Bouches du Rhône, lequel a pris soin d'indiquer dans son rapport d'analyse du 24. 03. 2006 que l'échantillon avait été livré et que l'origine du prélèvement était la société LA FERMIERE ;
Attendu qu'en fait, la rupture du contrat a été opérée par la société LA FERMIERE dans des conditions particulièrement brutales, sans qu'aucun manquement ne puisse être imputé à la SARL Les Bufflonnes du Sud dans le respect de ses obligations ;
Que la rupture abusive du contrat d'une durée quatre ans, quelques mois seulement après son entrée en vigueur, engage la responsabilité de la société LA FERMIERE, tenue de réparer toutes les conséquences dommageables de la décision de résiliation anticipée ;
Q ue le préjudice financier subi par la SARL Les Bufflonnes du Sud ne peut pas être assimilé à la perte de chiffre d'affaires qu'elle pouvait espérer réaliser avec la société LA FERMIERE pendant quatre ans sans tenir compte des économies de charges corrélatives et des résultats du bilan ;
Que la SARL Les Bufflonnes du Sud ne peut pas non plus inclure dans son préjudice des dommages subis non pas par elle mais par les producteurs directement affectés par la commercialisation du lait produit à un prix moins élevé ;
Qu'elle ne peut revendiquer que le préjudice qu'elle subit personnellement en lien direct de causalité avec la rupture abusive du contrat imputable à la société LA FERMIERE ;
Attendu que les documents contractuels et les échanges de correspondances entre les parties montrent bien que le rapprochement entre les deux sociétés était né du projet de développement et de valorisation de la production de lait de race bufflonnes grâce à l'élaboration de nouveaux produits par la société LA FERMIERE ; que l'échec commercial immédiat de ces produits, qu'il soit ou non imputable à la qualité du lait livré par la SARL Les Bufflonnes du Sud, aurait nécessairement eu des répercussions sur l'évolution des relations entre les deux sociétés ;
Qu'il ressort du dossier que la SARL Les Bufflonnes du Sud a pu continuer d'écouler la production mais à moindre prix ; qu'elle prétend sans le démontrer ne plus avoir l'usage du matériel de pasteurisation ; que s'agissant cependant d'un matériel couramment utilisé pour les besoins d'activités comparables à la sienne, qu'elle n'indique pas avoir cherché à revendre, ce préjudice n'apparaît pas certain ;
Attendu que le rapport non contradictoire de M. CONDAMINE en date du 14. 03. 2007 n'éclaire pas la Cour sur la réalité de la perte d'ordre purement financier que la SARL Les Bufflonnes du Sud a pu souffrir, à défaut de production d'un quelconque bilan de la société permettant de comparer les résultats de l'exercice comptable annuel couvrant les cinq premiers mois de l'année 2005 avec ceux des années précédentes et ceux de l'année suivante ;
Qu'il demeure que la rupture abusive du contrat a inévitablement généré divers préjudices, notamment une gêne d'exploitation, des difficultés de gestion, la nécessité de reconsidérer les conditions d'écoulement de la production qui seront justement réparés par l'allocation d'une indemnité de 50. 000 € ;
Attendu que la société LA FERMIERE qui succombe sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées par la société LA FERMIERE au titre de l'exécution provisoire dès lors que l'article 31 al. 2 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que l'exécution provisoire est poursuivie aux risques du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
-débouté la société LA FERMIERE de sa demande en nullité du contrat signé le 16. 11. 2004 entre les parties.
-déclaré abusive la rupture du contrat du 16. 11. 2004 par la société LA FERMIERE suivant courrier en date du 28. 05. 2005.
-condamné la société LA FERMIERE à payer à la SARL Les Bufflonnes du Sud la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-condamné la société LA FERMIERE aux entiers dépens.
Infirmant le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société LA FERMIERE à porter et payer à la SARL Les Bufflonnes du Sud la somme de 50. 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.
Déboute la société LA FERMIERE de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Condamne la société LA FERMIERE à porter et payer à la SARL Les Bufflonnes du Sud la somme de 1. 500 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Condamne la société LA FERMIERE aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La greffière La présidente
C. Gozard C. Bressoulaly