13/02/2007
Arrêt no
JLT/DB/IM
Dossier no06/01903
S.A. WAVIN venant aux droits de la S.A. CLIMASOL
/
Jacky X..., ASSEDIC
Arrêt rendu ce treize Février deux mille sept par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Louis GAYAT DE WECKER, Président de chambre
Mme C. SONOKPON, Conseiller
M. J.L. THOMAS, Conseiller
En présence de Madame Dominique BRESLE greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.A. WAVIN venant aux droits de la S.A. CLIMASOL
anciennement dénommée AFEN S.A.
prise en la personne de son représentant légal
domiciliée en cette qualité au siège social sis
BP 15 - ZI LA FEUILLOUSE - 03150 VARENNES SUR ALLIER
ayant un établissement
Z.I. de la Louée 44115 HAUTE GOULAINE
Représentée et plaidant par Me Sandrine MILON avocat au barreau de PARIS (Cabinet YMFL MILON et associés )
APPELANTE
ET :
M. Jacky X...
Chemin du Mur
63115 MEZEL
Représenté et plaidant par Me Geneviève PILLIE-VEZINE avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
ASSEDIC
91 Avenue Edouard Michelin
63055 CLERMONT FERRAND CEDEX 9
Convoquée par lettre recommandée en date du 19 octobre 2006
Accusé de réception signé le 23 octobre 2006
INTIMES
Après avoir entendu Monsieur THOMAS Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 22 Janvier 2007, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par M. le président, à laquelle ce dernier a lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du nouveau code de procédure civile :
FAITS ET PROCÉDURE
M. Jacky X... a été embauché en qualité de V.R.P. multicartes par la S.A. CLIMASOL, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 1er octobre 1991.
Saisi par le salarié d'une demande en paiement de ses indemnités de rupture, le Conseil des Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, par jugement du 16 février 2004, a :
1/ dit que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur,
2/ condamné la société à payer à M. X... les sommes de :
- 5.328,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 10.656,84 € à titre d'indemnité de clientèle,
- 28.418,24 € à titre d'indemnité compensatrice de non concurrence,
- 10.656,84 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 700,00 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
3/ condamné la Société à remboursement des indemnités chômage versées par les organismes sociaux dans la limité de 6 mois.
La S.A. WAVIN venant aux droits de la S.A. CLIMASOL a régulièrement interjeté appel de cette décision le 26 février 2004.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S.A. WAVIN venant aux droits de la S.A. CLIMASOL, concluant à la réformation, estime avoir respecté ses obligations contractuelles à l'égard de M. X....
L'employeur conteste l'existence de faits fautifs de sa part justifiant de la rupture de son contrat de travail par le salarié et soutient que le recrutement de M. A... ne constitue pas une violation de ses obligations contractuelles dans la mesure où l'accord de M. X... avait été préalablement recueilli. Il ajoute que l'intervention de deux nouveaux représentants sur le secteur de l'intimé se justifiait par la nécessité d'anticiper son départ à la retraite annoncé dès le début de l'année 2000.
Il conteste que M. B... aurait prospecté dans le secteur de X... et que des ventes auraient été générées pour des produits GEOTHERMIE qui n'auraient pas donné lieu au paiement de commissions, faisant valoir que le salarié ne justifie pas ses dires.
La société soutient que le salarié a décidé unilatéralement de cesser toute activité et toute visite de ses clients à compter du 15 mai 2001, qu'elle a pris acte de la rupture du fait du salarié et estime que celle-ci doit être requalifiée en démission dès lors qu'il y a absence de faute de la part de l'employeur.
Elle demande, en conséquence, de débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes.
Elle sollicite à titre subsidiaire de la Cour qu'elle prenne acte de la cessation de son activité par M. X... à compter de son départ à la retraite, soit au 31 mars 2002 et de son engagement à lui verser l'indemnité légale de départ à la retraite de 196,82 €.
Elle réclame en tout état de cause la condamnation du salarié à lui rembourser la somme de 15.985,26 € indûment versée au titre de l'exécution provisoire et à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. X..., concluant à la confirmation, soutient que la rupture du contrat résulte du manquement par son employeur à ses obligations contractuelles, dans la mesure où le recrutement de 2 représentants de commerce durant les années 1999 et 2001 constituaient une violation de sa clause d'exclusivité.
Il explique que le nom de M. B... figurait sur les relevés d'analyse clients situés sur son secteur et que M. A... exerçait son activité en concurrence directe avec lui dans la mesure où il intervenait auprès de la même clientèle.
Il prétend que ses commissions ne lui ont pas été intégralement réglées pour les années 1999, 2000 et 2001 et sollicite l'indemnisation de ses commissions sur les produits GEOTHERMIE.
Il sollicite, à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise comptable avant dire droit, afin de chiffrer et évaluer son droit à indemnisation concernant les commissions effectuées sur son secteur géographique pendant les années 1999, 2000 et 2001.
Il demande de condamner l'employeur au paiement des sommes de :
- 54.881,65 € à titre d'indemnité de clientèle,
- 6.860,21 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 36.587,84 € à titre d'indemnité compensatrice de non concurrence,
- 27.440,82 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 27.440,82 € à titre rappel de salaires sur commissions de retour sur échantillonnage,
- 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ASSEDIC, régulièrement convoquée ne comparait pas ni personne pour elle.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.
DISCUSSION
Sur la recevabilité
La décision contestée ayant été notifiée le 23 février 2004, l'appel régularisé le 26 février 2004, est recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et R.517-7 du Code du Travail.
Sur la rupture du contrat de travail
En droit, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
En l'espèce, pour soutenir que la rupture serait imputable à l'employeur, M. X... fait valoir, principalement, que l'employeur a recruté un tiers, M. A..., sur son secteur, qu'un autre représentant, M. B..., est également intervenu sur son secteur et qu'il n'aurait pas été intégralement rémunéré de ses commissions.
Il résulte du contrat de travail de M. X... et d'un avenant ultérieur que celui-ci s'était vu confier, par la société CLIMASOL, la représentation commerciale de l'entreprise dans le secteur géographique constitué par les départements 87-23-03-63-15-43 et 48 portant sur des systèmes de planchers chauffants. Selon l'article 2 du contrat de travail, M. X... bénéficiait de l'exclusivité de la représentation de la société.
Le salarié justifie avoir adressé à l'employeur, le 5 avril 2001, une lettre recommandée avec avis de réception par laquelle il dit avoir appris le recrutement au 1er février 2001 d'un représentant exclusif sur son secteur.
Estimant que l'employeur a ainsi commis une faute grave à son encontre, il précisait: "Ce courrier vaut sommation de faire cesser cet état de fait. Je considérerais une rupture de contrat abusive à votre initiative entraînant toutes les indemnités légales qui me sont dues dans ce cas là".
Or, il est établi que la société CLIMASOL a embauché M. David A..., selon contrat de travail du 8 janvier 2001 avec effet à compter du 1er février suivant, en qualité de délégué commercial sur le secteur 03-07-15-19-23-42-48-63-87 qui correspond, pour sa plus grande partie, au secteur de M. X....
Pour soutenir que cette embauche se serait faite avec l'accord de M. X..., l'employeur produit les attestations de M. A... lui-même et de M. C..., directeur commercial de la société, qui confirment que M. A... a été embauché dans le but de remplacer M. X... en raison de son prochain départ en retraite, qu'il a été présenté à ce dernier et aux clients comme son successeur et qu'il s'est rendu avec lui chez plusieurs clients.
Cependant, si ces attestations établissent l'accord de M. X... pour accueillir, former et présenter son successeur à sa clientèle, ce qui n'est pas contesté, il n'en ressort nullement que M. X... aurait exprimé son accord d'une quelconque manière pour que M. A... exerce une activité de prospection pour son propre compte sur le secteur qui lui était attribué.
Or, M. X... produit l'état statistique du chiffre d'affaire réalisé par M. A... au mois de mars 2001 faisant apparaître un chiffre de 82312,90 F (12.548,52 €) auprès des sociétés ANCONETTI, AUVERGNE, SODOMEC et ENERGECO dont il n'est pas contesté qu'elles se trouvent dans son secteur.
Le fait de permettre ainsi à un autre salarié de prospecter sur le secteur dont M. X... avait l'exclusivité, ce qui avait une incidence certaine sur la rémunération de ce dernier, constitue une violation grave de l'employeur à ses obligations contractuelles.
Il est, par ailleurs, établi qu'un autre représentant de la société CLIMASOL, M. B..., qui avait en charge le secteur limitrophe, est également intervenu sur le secteur de M. X... et que des marchés ont été signés à la suite de ses démarches avec deux clients, les sociétés ENERGECO et BONNET.
M. X... justifie, par une attestation du dirigeant de la société BONNET que, contrairement à ce que soutient M. B... dans une attestation, ce client est démarché régulièrement par M. X... depuis 1992.
Par ailleurs, M. X... justifie, par la production d'attestations, de commandes, de courriers, que des commandes ont été passées, au cours des années 1999 à 2001, avec divers clients sans que l'employeur qui se borne à verser aux débats les bulletins de paie du salarié, justifie que les commissions correspondantes ont été versées.
Il est ainsi suffisamment établi que l'employeur n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles et que les manquements commis, en raison de leur gravité, justifiaient la rupture du contrat de travail à ses torts.
La rupture du contrat de travail dont le salarié a pris l'initiative doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes d'indemnités
Les éléments versés aux débats par M. X... établissent, en l'absence de toute preuve contraire de l'employeur, qu'il n'a pas été rémunéré de l'intégralité des commissions qui lui étaient dues sur les ventes générées par ses activités de représentation.
L'attestation établie par le commissaire aux comptes fait apparaître qu'en 1999, la société CLIMASOL a réalisé, sur le secteur de M. X..., un chiffre d'affaire de 69.555,17 € (456.252,14 F) en 1999, de 82.935,19 € (544.019,24 F) en 2000 et de 17.327,98 € (113.664,16 F) en janvier 2001.
En l'absence de tout élément de nature à remettre en cause les chiffres ainsi fournis, ces évaluations permettent, sans qu'il y ait lieu à expertise, de déterminer le montant des commissions dues au salarié.
En appliquant le taux de commission de 5,60 % prévu par le contrat de travail, la rémunération mensuelle de M. X... s'établit ainsi à 324,59 € en moyenne en 1999, à 387,03 € en moyenne en 2000 et à 970,36 € en janvier 2001.
Le jugement qui a fixé les indemnités dues en fonction d'un montant de commission supérieur par référence à des rémunérations exprimées en euros alors qu'il s'agissait de francs, doit être infirmé.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Compte tenu que l'ancienneté de M. X... est supérieure à 2 ans, l'indemnité compensatrice de préavis correspond à 3 mois de commissions mensuelles moyennes par application de l'article 12 de l'accord interprofessionnel du 30 octobre 1975, soit la somme de 1.306,92 €.
- Sur l'indemnité de clientèle
Eu égard à la durée de la présence du salarié dans l'entreprise et faute pour l'employeur de justifier d'une clientèle préexistante, il y a lieu de considérer que M. X... a apporté la totalité de la clientèle de l'entreprise dans son secteur. L'indemnité de clientèle doit, en conséquence, être fixée à la somme de 10.455,38 € correspondant à deux années de commissions.
- Sur l'indemnité compensatrice de non concurrence
Par application de l'article 17 de l'accord national interprofessionnel et de l'article 13 du contrat de travail par lequel M. X... s'est interdit pendant deux ans toute activité susceptible de concurrencer les produits de l'employeur, le salarié est bien fondé à solliciter une indemnité compensatrice de non concurrence égale au deux tiers des commissions dues pendant 24 mois, soit la somme de 6.970,25€
- Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Compte tenu de la durée de la présence de M. X... dans l'entreprise, de son salaire et des pièces justificatives produites, le préjudice résultant du licenciement sera réparé en lui allouant la somme de 5.227,69 € à titre de dommages-intérêts.
- Sur les commissions de retour sur échantillonnage
Il ne résulte d'aucun des éléments versés aux débats que des commandes ont pu être passées après le départ de M. X... qui auraient pour origine ses actions de prospection.
Le jugement qui a débouté le salarié de sa demande à ce titre doit être confirmé.
Sur l'ASSEDIC
Compte tenu que le licenciement sans cause réelle et sérieuse est intervenu dans une entreprise comptant plus de 10 salariés et qu'il a été prononcé à l'encontre d'un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à rembourser à l'ASSEDIC, par application des dispositions de l'article L 122-14-4 alinéa 2 du Code du Travail, les indemnités chômage versées à M. X... pendant six mois.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
En application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'employeur doit payer au salarié, en plus de la somme allouée en première instance sur le même fondement, la somme de 1.000,00 € au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire
En la forme,
Déclare l'appel recevable,
Au fond,
Confirme le jugement sauf en ce qui concerne les montants alloués au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, au titre de l'indemnité de clientèle, de l'indemnité compensatrice de non concurrence et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Infirmant sur ces points et statuant à nouveau,
Dit que la S.A. WAVIN doit payer à M. Jacky X... les sommes de:
* 1.306,92 € (MILLE TROIS CENT SIX EUROS ET QUATRE VINGT DOUZE CENTIMES) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 10.455,38 € (DIX MILLE QUATRE CENT CINQUANTE CINQ EUROS ET TRENTE HUIT CENTIMES) au titre de l'indemnité de clientèle,
* 6.970,25 € (SIX MILLE NEUF CENT SOIXANTE DIX EUROS ET VINGT CINQ CENTIMES) au titre de l'indemnité compensatrice de non concurrence,
* 5.227,69 € (CINQ MILLE DEUX CENT VINGT SEPT EUROS ET SOIXANTE NEUF CENTIMES) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Dit que la S.A. WAVIN doit payer à M. Jacky X... la somme de 1.000,00 € (MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Dit que la S.A. WAVIN doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
D. D... L. GAYAT DE WECKER
Le présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de notification de cette décision aux parties.
Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.