ARRET No
DU : 29 Novembre 2006
N : 06 / 00519 CB Arrêt rendu le vingt neuf Novembre deux mille six
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente M. J. DESPIERRES, Conseiller, Mme Chantal JAVION, Conseillère
lors des débats Mme l'Avocat Général LEHUGUER et lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière
Sur APPEL d'une décision rendue le 27. 01. 2006 par le Tribunal de commerce de CLERMONT FERRAND (dossier 05 / 9334)
A l'audience publique du 11 Octobre 2006 Mme BRESSOULALY a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du NCPC
ENTRE :
M. Patrick Y..., pris en son nom personnel qu'ès-qualités de gérant de la SARL FERMADOME.... Représentant : Me Jean-Paul LECOCQ (avoué à la Cour)- Représentant : la SCP LANGLAIS ET BAUMANN ET ASSOCIÉS avocat PLAIDANT (barreau de RIOM) APPELANT
ET :
Me Raphaël A..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL FERMADOME... Représentant : Me Martine-Marie MOTTET (avoué à la Cour)- Représentant : Me Ambroise DE LAMAZE (avocat au barreau de PARIS) arrêt notifié aux parties par le greffe LR AR le.......... + AVIS (PG-PR-TC-TPG-RDI)
MINISTERE PUBLIC-PARQUET GENERAL-cour d'appel de RIOM, BP 35 63201- RIOM CEDEX O1 Représenté par Mme l'Avocat Général LEHUGEUR, conclusions en date du 16. 5. 2006, communiquées aux représentants des parties le 16. 5. 2006, puis nouvelle communication du dossier en date du 28. 9. 2006.
INTIMES
DEBATS :
A l'audience publique du 11 Octobre 2006, la Cour a mis l'affaire en délibéré au 29 Novembre 2006 l'arrêt a été prononcé publiquement conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :
FAITS, PROCÉDURE et DEMANDES DES PARTIES
Par jugement en date du 22. 10. 2004 le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL FERMADOME dont le gérant était M. Y.... Par décision en date du 10. 12. 2004 le redressement judiciaire a été converti en procédure de liquidation judiciaire. La SARL FERMADOME avait en fait cessé ses activités depuis avril 2003.
Par jugement en date du 3 juin 2005, a été prononcée la liquidation personnelle de M. Y..., agissant en nom personnel sous le nom commercial " ABIS ".
Par acte en date du 03. 11. 2005, Maître A... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FERMADOME a assigné M. Patrick Y... en comblement d'insuffisance d'actif d'une part, en faillite personnelle et interdiction de gérer d'autre part.
Par jugement en date du 27. 01. 2006, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a, sur le fondement des articles L. 625-5 et L. 625-8 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 26 juillet 2005, condamné M. Y... ès-qualités de gérant de la SARL FERMADOME en comblement de l'insuffisance d'actifs de la liquidation de la société pour la somme arrêtée à un montant de 27. 580, 16 euros et a prononcé à son encontre l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de dix ans.
Le 02. 03. 2006, M. Y... a interjeté appel du jugement du 27. 01. 2006.
* * * Vu les dernières conclusions signifiées le 29. 08. 2006 aux termes desquelles M. Y... demande :- à titre principal, sous le visa des articles 190 à 192 de la loi de sauvegarde des entreprises du 26. 07. 2005 d'annuler le jugement entrepris.- à titre subsidiaire, vu l'article L. 625-5 du code de commerce et l'article L. 624-3 du code de commerce, *de réformer le jugement entrepris *à tout le moins réduire de manière très substantielle les dettes de la SARL FERMADOME que M. Y... devra supporter *dire n'y avoir lieu à l'application de la sanction prévue par l'article L. 625-5 du code de commerce *à tout le moins de réduire dans d'importantes proportions la durée de l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale-condamner Me A... au paiement de la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées le 06. 09. 2006 aux termes desquelles Maître A... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FERMADOME demande de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et y ajoutant de condamner M. Y... au paiement de la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Madame l'Avocat Général a requis le 15. 05. 2006 la confirmation du jugement entrepris après avoir fait observer que le passif cumulé par les deux activités commerciales, au demeurant strictement identiques exercées par M. Y... à titre personnel et par l'intermédiaire de la société FERMADOME dont il était le gérant s'élevait globalement à la somme de 63. 644, 98 €, que M. Y... avait commis des fautes de gestion dans la mesure où il n'avait fourni aucune pièce comptable, avait tardé à déposer le bilan alors même qu'il faisait l'objet d'une procédure prud'homale et avait fait preuve d'une mauvaise foi totale en fuyant ses responsabilités ;
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 05. 10. 2006.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que sur l'application du droit transitoire défini par la loi de sauvegarde des entreprises du 26. 07. 2006, notamment par les dispositions des articles 190 à 192 de la loi, les parties s'opposent ;
que pour sa part, M. Y... se prévaut du droit transitoire pour solliciter l'annulation du jugement entrepris qu'il estime dépourvu de fondement ; qu'il considère en effet que les anciens articles du code de commerce sur lesquels le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a fondé sa décision ne lui sont pas applicables car la procédure engagée à son encontre par Me A... n'était pas encore ouverte à la date du1er. 01. 2006 correspondant à l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises du 26. 07. 2005 ;
que quant à lui, Maître A..., ès-qualités, indique qu'au jour de la délivrance de l'assignation, les nouveaux textes n'étant pas encore en vigueur, il ne pouvait fonder les actions dirigées contre M. Y... que sur les anciens textes ; qu'il demande d'écarter l'argumentation de M. Y... qui consisterait à faire varier le droit applicable en fonction d'un événement judiciaire qui n'aurait aucun rapport avec la procédure, à savoir la date de délibéré ; qu'a contrario il soutient que la position de M. Y... serait incohérente en ce qu'elle aboutirait à considérer que le mandataire liquidateur aurait dû l'assigner le 3. 11. 2005 sur la base de textes inexistants à cette date ;
Attendu que le Ministère Public n'a pas déposé de nouvelles réquisitions après la deuxième communication du dossier le 29. 09. 2006 suite aux échanges des parties sur l'application de la loi dans le temps ;
Attendu que Me A..., liquidateur judiciaire de la SARL FERMADOME, a assigné M. Y... le 3. 11. 2005 d'une part sur le fondement de l'action en comblement d'insuffisance d'actif prévue par l'article L. 624-3 de l'ancien code de commerce et d'autre part à l'effet de voir prononcer à son encontre sa faillite personnelle ou d'autres sanctions prévues par l'ancien article L. 625-5 du code de commerce ;
Attendu qu'au regard du droit transitoire ces deux actions obéissent au régime défini par les articles 190 et 191 de la loi de sauvegarde des entreprises du 26. 07. 2005, l'article 192 ne les concernant pas ;
Attendu que l'article 191 de la loi est ainsi libellé : " lors de son entrée en vigueur, la présente loi n'est pas applicable aux procédures en cours, à l'exception des dispositions suivantes résultant de la nouvelle rédaction du livre VI du code de commerce : "
Que s'agissant de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, l'article 191 5o de la loi de sauvegarde des entreprises prévoit une exception en ces termes : 5o les chapitres 1er et II du Titre V, à l'exception de l'article L. 651-2. "
Que l'article L. 651-2 du nouveau code de commerce régit désormais l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, autrefois prévue par l'article L. 624-3 de l'ancien code de commerce ; que le nouveau régime apporte des modifications plus douces ; qu'il subordonne notamment la condamnation du dirigeant à la preuve non seulement d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, mais exige de plus, s'agissant du lien de causalité, de prouver que le dirigeant poursuivi a contribué à la faute de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif ;
Attendu que les dispositions transitoires résultant de l'article 191- 5o de la loi du 26. 07. 2005 créent une exception à l'exception en excluant l'application de l'article L. 651-2 nouveau du code de commerce aux procédures en cours alors que les autres mesures prévues par les chapitres 1er et II du Titre V sont immédiatement applicables ;
Attendu que l'article 191 comporte également des exceptions au principe de non applicabilité de la loi nouvelle aux procédures en cours en matière de faillite personnelle et autres sanctions personnelles ; que l'article 191- 6o prévoit l'application immédiate aux procédures en cours de l'article L. 653-7 relatif à diverses modalités notamment d'ordre procédural et l'article 191- 7o prescrit l'application immédiate de l'article L. 653- 11o concernant la durée des mesures et les conditions de rétablissement du dirigeant ;
Attendu que la solution du litige nécessite de se prononcer sur la portée de l'expression " procédure en cours " ; qu'au vu de la jurisprudence de la Cour de Cassation (arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 29. 03. 1989) retenue sous l'empire de la loi ancienne du 25. 01. 1985- article 240- qui comportait également une référence à la notion de procédure en cours pour définir l'application de la loi dans le temps, il y a lieu de rechercher si la procédure est ouverte par une décision de justice au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle pour savoir si la procédure est en cours ; que la loi nouvelle ne s'efface au profit de la loi ancienne que si, au jour de son entrée en vigueur, une procédure est en cours, la date de l'assignation étant indifférente ;
que la combinaison de l'article 190 de la loi de sauvegarde des entreprises qui pose le principe de l'entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 2006 et de l'article 191 qui comporte une exception à l'application du nouveau texte aux procédures en cours, amène à conclure qu'à défaut de procédure en cours, donc en l'espèce de décision ayant ouvert avant le 1er janvier 2006 une procédure de sanction contre le dirigeant, la loi nouvelle doit s'appliquer, peu important que l'assignation aux fins d'ouverture de la procédure ait été délivrée à une date antérieure au 1er janvier 2006 ;
Que M. Y... ne peut donc être sanctionné ni sur le fondement de l'article L. 624-3 ni sur celui de l'article L. 625-5 anciens du code de commerce dès lors qu'aucune procédure n'était ouverte à son encontre de ces chefs au 1er janvier 2006 ;
Attendu qu'il sera observé que la Cour d'Appel n'a été saisie d'aucune demande relative à une éventuelle possibilité de substitution de la nouvelle action en responsabilité pour insuffisance d'actif issue des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce à l'action engagée sur le fondement de l'article L. 624-3 ancien ; qu'elle n'a pas non plus été saisie de demande de substitution des actions pour faillite personnelle et autres mesures d'interdiction prévues par le chapitre III-titre V-du livre VI du code de commerce à l'action engagée sur la base de l'article L. 625-5 de l'ancien code de commerce ; qu'au demeurant cela peut s'expliquer au vu des dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile qui interdit par principe les demandes nouvelles en appel ;
Attendu qu'en définitive il convient de débouter Me A... ès-qualités de ses demandes dirigées contre M. Y... puisqu'elles s'avèrent dépourvues de fondement légal ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déboute Maître A... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FERMADOME de toutes ses demandes en ce qu'elles sont fondées sur les articles L624-3 et L625-5 anciens du code de commerce.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dit qu'une expédition de l'arrêt sera transmisse dans les 8 jours du prononcé au greffier du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand pour l'accomplissement des mesures de publicité légale, conformément à l'article161 du décret du 27. 12. 1985 modifié par l'article 334 du décret du 28. 12. 2005.
Dit que les frais de procédure seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La greffière La présidente
C. Gozard C. Bressoulaly