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20/10/2004 | FRANCE | N°03/02814

France | France, Cour d'appel de riom, 20 octobre 2004, 03/02814


COUR D'APPEL DE RIOM Chambre Commerciale ARRET N° DU : 20 Octobre 2004 N : 03/02814 TF Arrêt rendu le vingt Octobre deux mille quatre Sur APPEL d'une décision rendue le 14.10.2003 par le Tribunal Commerce de Riom ENTRE : S.A.R.L. AUDIO IMAGES Représenté Me Jean-Claude X..., ès-qualités de représentant des créanciers de la SARL AUDIO IMAGES Représenté APPELANTS ET : S.A. BANQUE NUGER ET CIE Représenté INTIME DEBATS : A l'audience publique du 30 Septembre 2004, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour. A cette audience, M. le

conseiller faisant fonction de Président, a prononcé publiquement...

COUR D'APPEL DE RIOM Chambre Commerciale ARRET N° DU : 20 Octobre 2004 N : 03/02814 TF Arrêt rendu le vingt Octobre deux mille quatre Sur APPEL d'une décision rendue le 14.10.2003 par le Tribunal Commerce de Riom ENTRE : S.A.R.L. AUDIO IMAGES Représenté Me Jean-Claude X..., ès-qualités de représentant des créanciers de la SARL AUDIO IMAGES Représenté APPELANTS ET : S.A. BANQUE NUGER ET CIE Représenté INTIME DEBATS : A l'audience publique du 30 Septembre 2004, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour. A cette audience, M. le conseiller faisant fonction de Président, a prononcé publiquement l'arrêt suivant conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Par jugement contradictoire en date du 14 octobre (ou 17 octobre, selon les mentions dudit jugement) 2003, le Tribunal de commerce de RIOM a débouté la S.A.R.L. AUDIO IMAGES de la demande de 259.000 ä de dommages et intérêts qu'elle avait faite contre la S.A. BANQUE NUGER pour rupture abusive de concours financiers. Ce jugement a en outre débouté la Banque NUGER de la demande de paiement, après compte entre les parties, qu'elle formulait et l'a invitée à se pourvoir auprès des organes compétents de la procédure collective dont la S.A.R.L. demanderesse fait maintenant l'objet.

Par acte de son avoué en date du 20 novembre 2003, la S.A.R.L. AUDIO IMAGES et Maître X.., son commissaire à l'exécution du plan de redressement, ont interjeté appel principal et général de la décision intervenue. Devant la Cour, les appelants ont déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du Nouveau Code de Procédure Civile, dont les dernières en date sont du 19 mars 2004, et dans lesquelles il est demandé à la Cour de retenir la rupture brutale des concours bancaires par l'intimée et de la condamner en conséquence à payer 259.000 ä de dommages et intérêts. Subsidiairement, les

appelants sollicitent une expertise comptable, avec paiement d'une provision de 150.000 ä à la SARL AUDIO IMAGES. Les appelants réclament en outre 2000ä pour frais irrépétibles de procédure. A l'appui de ce recours, la SARL AUDIO IMAGES et Maître X... exposent que cette société Audio Images développe une activité innovante dans le domaine de l'éclairage, et dispose de brevets ; qu'elle a pour banque exclusive l'établissement intimé, avec qui les relations ont été bonnes ; que victime d'une traite non provisionnée de 100.000 francs en avril 2001, la SARL AUDIO IMAGES a obtenu en mai 2001 un avenant à sa convention de compte courant, autorisant un découvert de 75.000 francs, moyennant la caution personnelle du dirigeant ; que d'autres découverts plus importants étaient ensuite consentis tacitement par la banque, la position débitrice moyenne s'établissant autour de 30.000 euros pendant le milieu de l'année 2001 ; que pourtant cette dernière, dès octobre de la même année et par le moyen très brutal d'un rejet de chèque émis par AUDIO IMAGES sans provision suffisante, rompait ses concours, au mépris des conditions de fond et de forme de l'article L 313-12 alinéa 1 du Code Monétaire Financier . Les appelants estiment que cette rupture a occasionné une interdiction bancaire, qui a empêché AUDIO IMAGES de conclure un marché de 87.500 euros HT avec le Théâtre de Barcelone, dont elle avait pourtant obtenu verbalement la confiance. De même AUDIO IMAGES a dû cesser de fournir un gros client, dénommé FLUX (5 pour cent de l'activité de l'appelante), en générateurs de lumière. Par la suite, une opération de recapitalisation envisagée n'a pas pu se faire, les apporteurs de fonds ayant pris peur, tandis que la cote de santé tenue à la Banque de France s'effritait.

L'intimé(e), la société anonyme BANQUE NUGER, a constitué avoué. Dans des conclusions récapitulatives du 3 mai 2004, il est conclu à la confirmation du premier jugement en ce qu'il a débouté AUDIO IMAGES

et Maître X.... Faisant appel incident, la banque réclame que sa créance contre AUDIO IMAGES soit fixée, précisément à 44.422,84 euros, dont à déduire par compensation 7622,45 euros de retenue de garantie à la disposition de la banque. La Banque NUGER demande en outre à la Cour de retenir une créance de 1930,35 euros correspondant à un cautionnement donné au profit du Ministère de l'Agriculture. Enfin, l'intimée réclame 5000 euros pour frais de procédure. La banque rappelle que pour la période litigieuse de ses relations avec la société AUDIO IMAGES, une convention précise de découvert en compte était en vigueur, à compter du 11 mai 2001, plafonnant ledit découvert expressément à 75.000 francs après un incident de paiement grave dont l'appelant fait lui-même état ; que ce découvert ne devait pas être dépassé, sinon de manière exceptionnelle et au prix d'une régularisation immédiate par AUDIO IMAGES ; que le cautionnement exigé du dirigeant était d'ailleurs plafonné à 75000 francs outre 30 pour cent forfaitaires pour les frais ; qu'en application de ce qui précède, la banque a toléré cinq découverts volumineux (1/5, 10/6, 20/6, 30/6 et 10/10/01), les quatre premiers devant être couverts rapidement par des ventes et le cinquième par une recapitalisation ; que ces tolérances ponctuelles ont été marquées par des courriers explicites, imposant à AUDIO IMAGES de combler le solde débiteur très vite ; qu'ayant finalement appris que l'augmentation de capital ne serait pas libérée rapidement et qu'une perte de 126.000 francs apparaissait au bilan d'octobre 2001, la banque a résolu d'appliquer l'article L 313-12 al. 2 du Code Monétaire Financier, c'est-à-dire de ne pas observer de préavis, le comportement d'AUDIO IMAGES étant gravement répréhensible et sa situation s'avérant irrémédiablement compromise. Subsidiairement, la banque dénie l'existence du préjudice énorme qu'invoquent les appelants, et en tout cas la relation de cause à effet entre la rupture des concours bancaires et ce prétendu

préjudice. SUR QUOI LA COUR, Recevabilité

Attendu que l'appel, interjeté dans les forme et délai légaux, est régulier et recevable ; Au fond 1° - Demandes d'AUDIO IMAGES et Maître X...

Attendu qu'aux termes de l'article L 313-12 du Code monétaire et financier, tout concours à durée indéterminée qu'un établissement bancaire consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un préavis ; que cette double exigence cède, selon l'alinéa deux du même article, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ; que la conjonction "ou" montre que l'une des deux constatations suffit pour que la banque cesse ses concours sans forme ni délai, et pour que les juges refusent toute indemnisation à l'entrepreneur ;

Qu'est répréhensible le comportement de l'entrepreneur qui altère notablement la confiance de la banque, même en dehors de tout acte pénalement punissable et même si l'unité économique reste viable ; que réciproquement, le client ne doit pas perdre de vue que le banquier engagerait sa responsabilité en accordant des concours inconsidérés ; que le dépassement de découvert autorisé est indéniablement de nature à perturber la relation entre une banque et l'entreprise ; qu'il altère profondément la confiance lorsque la convention des parties est toute récente, a été mise au point à la suite de premières difficultés et est immédiatement et plusieurs fois violée par l'entrepreneur ;

Attendu qu'il résulte de l'exposé des faits proposé par les parties, et des pièces qu'elles ont fournies aux débats, qu'en mai 2001, AUDIO IMAGES, ayant été hors d'état de faire face à une traite non provisionnée, a obtenu un découvert plafonné à 75.000 francs ; que le

débit en compte était largement supérieur (505.233 francs), pas seulement du fait du montant élevé de la traite (100.000 francs) ; qu'il faut en déduire qu'AUDIO IMAGES s'est sans aucun doute engagée à revenir rapidement à une position créditrice, ou en tout cas meilleure que moins-75.000 francs ; que la banque, confiante dans ce prompt rétablissement, n'a exigé qu'un cautionnement de 75.000 francs, plus accessoires ; que loin d'honorer cette confiance et de donner force à sa signature, AUDIO SERVICES a été trois fois en position débitrice de plus de 300.000 francs dans le mois et demi qui a suivi l'établissement de la convention ; que la banque, loin de donner son accord tacite comme le prétend l'appelant, ou de proposer un réaménagement de l'écrit qui faisait la loi des parties, a exigé que la convention du 11 mai 2001 soit rigoureusement respectée (courrier du 3 juillet, numéroté 3 au dossier de l'intimée) ;

Attendu par conséquent que dès le début de juillet 2001, AUDIO SERVICES savait avoir perdu, et avoir mérité de perdre, la confiance de la Banque NUGER, par suite de violations immédiates, répétées et massives de la convention établie le 11 mai ; qu'elle ne peut prétendre qu'au contraire, des concours financiers inconditionnels ou illimités étaient à nouveau à sa disposition ; qu'il aurait à tout le moins fallu que la position du compte redevienne très vite et durablement conforme aux exigences de la convention de découvert, pour qu'AUDIO SERVICES puisse prétendre avoir retrouvé cette confiance ;

Attendu que dans ce contexte, il était permis à la Banque NUGER de rompre à tout moment ses concours, ayant perdu confiance en son client et celui-ci sachant qu'il n'inspirait plus confiance ;

Attendu que les événements de l'été 2001 n'ont pas permis de modifier l'état des relations entre les parties ; que AUDIO IMAGES a reçu 250.000 francs à la mi-juillet d'un client se substituant à

l'émetteur de la traite non provisionnée, mais n'a pas pu ramener sa position débitrice aux 75.000 francs convenus ; qu'au contraire, son dirigeant admettait dans un compte-rendu de réunion du 1er août 2001 un manque préoccupant de trésorerie ; qu'une augmentation de capital était rendue nécessaire, ce qui n'était pas de nature à rassurer la banque dans le contexte financier d'AUDIO IMAGES ; que les apporteurs de fonds demeuraient finalement discrets, plusieurs mois s'écoulant sans aucune nouvelle après la date annoncée par le dirigeant d'AUDIO IMAGES à la Banque NUGER pour la libération des parts ;

Qu'en somme, et sans avoir à développer la litanie des incidents et des écrits qui ont marqué cette période, la S.A.R.L. AUDIO IMAGES se révèle hors d'état de donner à la Cour le moindre élément qui aurait pu ou dû conduire la banque à restaurer la confiance perdue ;

Attendu par conséquent que c'est librement, sans être tenue à d'autres formes ni à aucun délai supplémentaire, que la Banque NUGER a pu, dès le premier chèque émis sans provision par AUDIO IMAGES, mettre fin à son soutien financier ;

Que n'ayant commis aucune faute, comme l'a justement apprécié le premier juge, elle n'est à l'origine d'aucun préjudice, notamment pas de la perte de marchés ou d'acheteurs par AUDIO SERVICES ; 2° - Demandes principales et accessoires de la Banque NUGER

Attendu que la S.A.R.L. AUDIO IMAGES et Maître X... ont fait appel général, n'ont donc pas excepté de la réformation le chef du premier jugement qui déboutait la Banque NUGER, ne concluent pas non plus contre les demandes de cette dernière formulée devant la Cour par voie d'appel incident ;

Que les appelants sont donc réputés acquiescer aux demandes de la banque, demandes par ailleurs conformes aux pièces versées aux débats ; que notamment, la société AUDIO IMAGES n'a jamais soldé le débit de son compte après sa rupture d'avec la banque NUGER ;

Attendu que, succombant au principal, les appelants supporteront la charge les dépens du présent appel ;

Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 NCPC la somme de deux mille euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, RECOIT la S.A.R.L. AUDIO IMAGES et Maître X... en leur appel principal et la S.A.BANQUE NUGER en son appel incident ;

Au fond, CONFIRME, en ce qu'il a débouté AUDIO IMAGES et Maître X..., et les a condamnés aux dépens, le jugement rendu le 14 ou 17 octobre 2003 par le Tribunal de commerce de RIOM ;

RÉFORME le même jugement en ce qu'il a débouté la Banque NUGER ;

En conséquence, fixe la créance à titre chirographaire de la S.A. BANQUE NUGER dans le redressement judiciaire AUDIO IMAGES à 36.800,39 euros (trente six mille huit cents euros trente neuf centimes d'euros), compensation faite ;

FIXE encore une seconde créance de la S.A. BANQUE NUGER dans le redressement judiciaire AUDIO IMAGES à 1930,35 euros (mille neuf cent trente euros trente cinq centimes d'euros), l'exécution des présentes sur ce point étant différée jusqu'à l'exécution de la caution donnée par la Banque NUGER à la demande du Ministère de l'Agriculture (ENITA de Marmilhat) ;

CONDAMNE Maître SUDRE ès qualités et la S.A.R.L. AUDIO IMAGES à payer les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC outre la somme de 2000 (deux mille) euros par application de l'article 700 NCPC Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : 03/02814
Date de la décision : 20/10/2004

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute - Brusque rupture de crédit - Conditions

Aux termes de l'article L 313-12 du Code monétaire et financier, tout concours à durée indéterminée qu'un établissement bancaire consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un préavis ; cette double exigence cède, selon l'alinéa deux du même article, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ; la conjonction "ou" montre que l'une des deux constatations suffit pour que la banque cesse ses concours sans forme ni délai, et pour que les juges refusent toute indemnisation à l'entrepreneur. Est répréhensible le comportement de l'entrepreneur qui altère notablement la confiance de la banque, même en dehors de tout acte pénalement punissable et même si l'unité économique reste viable ; le dépassement de découvert autorisé est indéniablement de nature à perturber la relation entre une banque et l'entreprise ; il altère profondément la confiance surtout lorsque la convention des parties est toute récente, a été mise au point à la suite de premières difficultés et est immédiatement et plusieurs fois violée par l'entrepreneur


Références :

Code monétaire et financier, article L 313-12

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2004-10-20;03.02814 ?
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