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20/10/2004 | FRANCE | N°03/01660

France | France, Cour d'appel de riom, 20 octobre 2004, 03/01660


COUR D'APPEL DE RIOM Chambre Commerciale ARRET N° DU : 20 Octobre 2004 N : 03/01660 TF Arrêt rendu le vingt Octobre deux mille quatre Sur APPEL d'une décision rendue le 16.05.2003 par le Tribunal de commerce de THIERS ENTRE : S.N.C. LIDL Représentée APPELANTE ET :

S.A. THIERS DISTRIBUTION Représentée INTIMÉE DEBATS : A l'audience publique du 29 Septembre 2004, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour. A cette audience, M. le Conseiller faisant fonction de Président, a prononcé publiquement l'arrêt suivant conformément

à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Par jugement c...

COUR D'APPEL DE RIOM Chambre Commerciale ARRET N° DU : 20 Octobre 2004 N : 03/01660 TF Arrêt rendu le vingt Octobre deux mille quatre Sur APPEL d'une décision rendue le 16.05.2003 par le Tribunal de commerce de THIERS ENTRE : S.N.C. LIDL Représentée APPELANTE ET :

S.A. THIERS DISTRIBUTION Représentée INTIMÉE DEBATS : A l'audience publique du 29 Septembre 2004, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour. A cette audience, M. le Conseiller faisant fonction de Président, a prononcé publiquement l'arrêt suivant conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Par jugement contradictoire en date du 16 mai 2003, le Tribunal de commerce de THIERS a débouté la société en nom collectif LIDL de sa demande de dommages et intérêts pour publicité comparative illicite et déloyale, demande dirigée contre la société anonyme THIERS DISTRIBUTION exerçant le commerce de détail à l'enseigne LECLERC. La société LIDL a été condamnée à payer 1000 euros pour frais irrépétibles de procédure à son adversaire.

Par acte de son avoué en date du 6 juin 2003, la Société LIDL a interjeté appel principal et général de la décision intervenue. Devant la Cour, l'appelant(e) a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du Nouveau Code de Procédure Civile, dont les dernières en date sont du 26 mars 2004, et dans lesquelles il est demandé à la Cour de constater l'illicéité d'une publicité comparative faite par Thiers Distribution en décembre 2001 et janvier 2002 ; de condamner l'intimé à payer à ce titre une somme de cent mille euros, avec intérêts légaux à compter d'une mise en demeure faite le 1er février 2002, outre cinq mille euros pour frais, et les dépens. A l'appui de ce recours, indique qu'à la date susdite, soit à l'occasion des fêtes de fin d'année, le magasin Leclerc de Thiers a exposé dans sa vitrine deux tableaux jaunes fluorescents, intitulés

"Comparez !", mettant en regard 39 produits proposés par les deux concurrents, mais n'indiquant que les prix relevés dans chacun des deux magasins, sans aucune précision sur les conditionnements ni sur les qualités ou les marques. L'appelante en déduit, en suivant les termes de l'article 121-8 du Code de la consommation, que la comparaison était destinée à tromper le consommateur, par l'imprécision des tableaux affichés ; que la publicité a porté sur des produits qui n'étaient pas forcément de même nature ou ne répondaient pas toujours aux mêmes besoins, la qualité et la destination d'un produit alimentaire étant variables ; que la comparaison n'a pas porté sur les caractéristiques essentielles des produits, ce qui aurait imposé une équivalence des poids ou contenances, outre la mention des dates de disponibilité des marchandises. Enfin, invoquant les dispositions des articles 121-9 et 121-12 du Code de la consommation, LIDL estime que LECLERC a voulu tirer indûment profit de la marque concurrente, notoirement spécialiste du "hard-discount", et capter ainsi la clientèle de LIDL,; et n'a pas été en mesure de justifier à bref délai de ses assertions ou prétendus relevés de prix. L'ensemble de ces considérations conduit l'appelante à poursuivre son adversaire pour contrefaçon de la marque LIDL, et pour concurrence déloyale, fautes volontaires ayant occasionné un dommage considérable à LIDL.

L'intimé(e), la société THIERS DISTRIBUTION, a constitué avoué. Dans des conclusions récapitulatives du 25 février 2004, il est conclu à la confirmation pure et simple du jugement critiqué, et ce par adoption littérale des motifs des premiers juges. Thiers Distribution réclame trois mille euros pour ses frais de procédure devant la Cour. SUR QUOI LA COUR Recevabilité

Attendu que l'appel, interjeté dans les forme et délai légaux, est régulier et recevable ; Au fond 1 - Sur le caractère illicite de la

publicité comparative de décembre 2001

Attendu qu'aux termes de l'article L 121-8 du Code de la consommation, 2° et 3°, toute publicité qui met en comparaison des biens ou des services en identifiant un concurrent, n'est licite que si elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, et si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ;

Attendu que la première condition, relative à l'identité des besoins satisfaits par le produit, implique que n'est pas licite une publicité qui ne fait pas référence à l'origine ou à la qualité du produit ; que notamment, un produit alimentaire d'un certain type peut couvrir des besoins très divers selon qu'il est de qualité simple ou au contraire remarquable ;

Qu'à titre interprétatif, la directive européenne n° 97-55, qui est à l'origine de l'article L 121-8 du Code de la consommation, indique dans son deuxième considérant, que la publicité doit mettre en évidence d'une manière objective les avantages de différents produits comparables ;

Qu'en l'espèce, les tableaux litigieux visent "l'huile d'olive", le "ma's", le "thon listao", le "café déca moulu", les "croquettes viande", la "bière blonde", le "cassoulet", la "pâte à tartiner", le "camembert", le "champagne", sans autres précisions, alors que la comestibilité de chacun de ces produits, en tout cas le plaisir qu'on a à les consommer, varient du tout au tout selon les conditions et le lieu de leur fabrication, selon les ingrédients mis en oeuvre, selon l'expérience du fabricant ;

Qu'il ne suffit pas sur ce plan à LECLERC d'affirmer qu'il s'agissait nécessairement des premiers prix de chacun des deux magasins, motif pris de ce que LIDL ne propose de toute façon à sa clientèle que des

produits de ce type sommaire ; qu'il eût au moins fallu, si tel était le cas, que les tableaux litigieux annonçassent qu'ils portaient sur la plus médiocre qualité pour chacune des marchandises ;

Attendu que la seconde condition, relative au caractère objectif, représentatif et vérifiable de la comparaison, n'est pas davantage remplie que la précédente, lorsque la publicité ne porte pas sur des conditionnements identiques, ou vise des produits de faible intérêt pour la consommation quotidienne, ou procède d'affirmations non probantes du publicitaire ;

Qu'en l'espèce, le premier en date des deux panneaux (du 17 décembre 2001) fait état de prix bruts, sans les ramener à un poids ou un volume pour chacun des produits considérés ; que cette façon de procéder a manqué, de la part de LECLERC, d'objectivité ;

Que les deux panneaux pris ensemble, ne visent en tout qu'une seule viande de consommation humaine ("barquette de lapin"), un seul plat cuisiné ("cassoulet"), quatre conserves de légumes (haricots, macédoine, pois et ma's), et trois fromages(camembert, brie, coulommiers) ; que le surplus des marchandises englobées dans la publicité litigieuse sont des condiments, assaisonnements, conserves d'usage plutôt rare, et boissons, notamment mais non exclusivement alcoolisées ; que ne figurent dans la liste ni les fruits ou légumes frais, ni les produits habituellement exigés par les enfants, ni les desserts lactés, ni l'eau plate, ni les produits frais de la mer, et moins encore les produits recherchés par les familles à l'approche des fêtes de fin d'année ; qu'ainsi, il n'est pas permis de dire que la liste comparative soit "représentative" au sens de la loi ;

Qu'enfin, LECLERC est hors d'état d'établir que ses relevés de prix, dans son propre magasin comme dans le magasin concurrent de LIDL, a été fait de manière probante et qu'il remplisse donc la condition d'être vérifiable, au sens de l'article L 121-8 du Code de la

consommation ; qu'en effet, les tickets de caisse que l'intimé produit ne font pas preuve, ayant pu être précédés d'un ajustement provisoire de certains prix et ne décrivant d'ailleurs pas avec assez de précision les produits achetés ;

Attendu qu'en somme, et sans qu'il soit besoin de rechercher d'autres manquements de LECLERC, la publicité faite par cette enseigne à Thiers à la fin de l'année 2001 apparaît contraire à la loi ; 2 - Sur les fautes commerciales résultant de l'illicéité de la publicité et sur le préjudice

Attendu que si l'exagération ou l'illégalité de la publicité n'enfreignent pas en elles-mêmes les règles de la concurrence, la publicité comparative a quant à elle nécessairement pour objectif de dénigrer le concurrent sur lequel porte la comparaison, dans laquelle le commerçant ne se lancerait pas s'il n'avait pas l'intention de capter la clientèle de son homologue ; que ce dénigrement devient dolosif et fautif dès que la publicité comparative est, comme en l'espèce, faite au rebours des exigences de la loi ;

Attendu en outre que l'utilisation de la marque d'autrui à des fins publicitaires est, comme le souligne l'intimé, naturellement permise pour pratiquer une publicité comparative, mais à la condition que cette dernière ne soit pas illicite, comme elle l'a été dans l'espèce ; que dans le cas où la publicité comparative est fautive, elle constitue en jurisprudence le délit civil d'usage de marque contrefaite ; qu'il est même permis en pareille hypothèse, de faire mettre en oeuvre une responsabilité pénale du publicitaire contrefacteur, comme l'énonce l'article L 121-14 du Code de la consommation, lequel renvoie aux articles L 713-2 et L 716-9 du Code de la.Propriété Intellectuelle ;

Attendu que la même jurisprudence considère que le dénigrement dolosif et la contrefaçon de marque ne peuvent pas manquer

d'occasionner un préjudice au commerçant qui subit ces deux comportements anticoncurrentiels ;

Attendu cependant que LIDL ne démontre pas un quelconque fléchissement de son chiffre d'affaires à la fin de 2001, moins encore le lien entre un éventuel manque-à-gagner pour LIDL et un surcroît de succès pour le magasin concurrent LECLERC ;

Que faute de pièces sur ce point, LIDL ne peut prétendre à davantage qu'une réparation symbolique, que la Cour évalue au vu des éléments de la cause, à cinq mille euros ;

Attendu que, succombant au principal, THIERS DISTRIBUTION supportera la charge les dépens de première instance et du présent appel ;

Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile la somme de deux mille cinq cents (2500) euros;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, REOEOIT la S.N.C. LIDL en son appel ;

Au fond, RÉFORME le jugement rendu le 16 mai 2003 par le Tribunal de commerce de THIERS ;

CONSTATE l'illicéité de la publicité comparative faite par Thiers Distribution en décembre 2001 ;

CONDAMNE THIERS DISTRIBUTION à payer à ce titre une somme de cinq mille (5000) euros, avec intérêts légaux à compter d'une mise en demeure faite le 1er février 2002, outre deux mille cinq cents (2500) euros pour frais, et les dépens de première instance et d'appel qui

seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : 03/01660
Date de la décision : 20/10/2004

Analyses

PUBLICITE COMMERCIALE - Publicité comparative - Comparaison des prix de produits identiques - Publicité illicite - Condition.

Il résulte de l'article L. 121-8, 2° et 3°du code de la consommation que n'est pas licite une publicité comparative qui, d'une part, ne fait pas référence à l'origine ou à la qualité du produit et, d'autre part, ne porte pas sur des condi- tionnements identiques, vise des produits de faible intérêt pour la consommation quotidienne, ou procède d'affirmations non probantes du publicitaire

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale - Faute - Dénigrement - Cas.

L'utilisation de la marque d'autrui à des fins publicitaires est permise pour pra- tiquer une publicité comparative, mais à la condition que cette dernière ne soit pas illicite, auquel cas la publicité constitue le délit civil d'usage de marque contrefaite. Il appartient cependant au commerçant victime de ces pratiques de démontrer le lien entre un éventuel manque-à-gagner pour lui et un surcroît de succès pour le concurrent


Références :

Code de la consommation, articles L. 121-8 et L. 121-14

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2004-10-20;03.01660 ?
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