N° 03/2334
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Vu le jugement rendu le 4 septembre 2003 par le Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand qui a rejeté la demande formée par la SA COUTOT ROEHRIG contre M. X... et Mme Y... au motif qu'un généalogiste ne pouvait prétendre, en l'absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux, sur le fondement de la gestion d'affaires, que s'il avait rendu service à l'héritier et qu'en l'espèce, preuve n'était pas rapportée d'un tel service ;
Vu les conclusions d'appel signifiées par la SA COUTOT ROEHRIG le 2 mars 2004 tendant à faire juger que son intervention était inévitable et qu'elle a droit, dès lors, à sa rémunération, arrêtée envers chacun des héritiers à la somme de 10.896,44 ä TTC, l'opposition et la saisie conservatoire formées entre les mains du notaire étant, par ailleurs, validées ;
Vu les conclusions signifiées le 16 mars 2004 par M. X... et Mme Y... tendant à la confirmation intégrale de la décision entreprise, le généalogiste ne justifiant pas de son rôle indispensable et ne pouvant, dès lors, prétendre à une rémunération ; La Cour
Attendu que le 23 août 2000, la SA COUTOT ROEHRIG, généalogiste, a été saisie par la SCP OLIVET DUBOIS, notaires associés à Aubière, afin de procéder à une étude généalogique dans la succession de Mme Z..., décédée le 3 août 2000 à Effiat ; que, par acte du 11 janvier 2002, elle a fait assigner M. X... et Mme Y... en paiement de ses honoraires, sur le fondement juridique de la gestion d'affaires et de l'article 1372 du Code Civil, exposant que ses recherches avaient permis de les localiser, alors qu'ils étaient successibles, chacun, pour 1/6ème de la succession et lui étaient, dès lors, redevables, à
titre d'honoraires, chacun, d'une somme de 10.896,44 ä, l'opposition et la saisie conservatoire par elle formée entre les mains du notaire étant validées ; qu'elle a affirmé que son intervention était indispensable aux défendeurs, qui n'avaient eu connaissance de leurs qualités héréditaires que grâce à l'étude généalogique, alors qu'ils étaient incapables d'établir leur lien de parenté exact avec la défunte et ne connaissaient, en tout état de cause, ni la quotité de leurs droits, ni le nombre d'héritiers ;
Attendu que la SA COUTOT ROEHRIG souligne tout particulièrement, en cause d'appel, que ni Mme Y..., ni M.X ne se sentaient concernés par la succession de la défunte, estimant être primés par d'autres héritiers et n'avaient même pas été présents à ses obsèques, que par ailleurs, ils n'avaient pas connaissance de leur lien de parenté exact, non plus que connaissance de la quotité de leurs droits dans la succession et du nombre exact d'héritiers ; qu'elle ajoute que c'est bien grâce à l'étude généalogique que les défendeurs avaient eu connaissance de leurs qualités héréditaires, la révélation, profitable, leur ayant permis de recevoir, chacun, plus de 36.435 ä, nets de droits ; que s'il est exact que les intimés connaissaient la défunte, cela n'entraîne aucunement la connaissance de leurs qualités héréditaires et qu'en tout état de cause, la dévolution successorale nécessitait la reconstitution complète de la famille, ce qui n'a été possible que par son intervention ; qu'en conséquence, elle s'estime fondée à percevoir, au moins, des honoraires, comme dans le cas d'une simple justification de droit (25 %) alors même que le tarif de la révélation serait justifié (40 %) ;
Attendu qu'il convient de rappeler que, par courrier du 19 septembre 2000, la SA COUTOT ROEHRIG a pris contact avec Mme Y..., lui proposant un contrat ayant pour objet la révélation de ses droits dans une succession ; que le 6 octobre 2000, après un premier entretien, elle
se déclarait prête à abaisser le taux du contrat à 25 %, démontrant ainsi que la prétendue révélation héréditaire, qu'elle se proposait de faire, n'en était pas une, mais justifiant ses nouveaux honoraires par l'établissement de la preuve de la qualité héréditaire, envers le notaire, qui était censé l'ignorer ; que, refusant l'offre, Mme Y..., suivie par son frère, prenait directement contact avec la SCP OLIVET DUBOIS, en lui fournissant, à l'occasion de courriers multiples, l'extrait du livret de famille de ses parents, et des extraits de décès, le notaire répondant, toutefois, que seul le livret de famille de ses grands-parents lui permettrait d'établir la filiation ; que le notaire a, ultérieurement, précisé qu'au vu des pièces et renseignements fournis par M. X... et Mme Y..., il ne lui était pas possible de déterminer la filiation de ces derniers avec la défunte, ce qui est peu crédible mais souligné, de manière plus vraisemblable, que compte tenu de la complexité des règles relatives à la dévolution des successions, à ce degré de parenté, les intimés auraient pu être évincés par un héritier plus proche en degré et qu'ils ne lui avaient, à aucun moment, apporté la preuve de la présence ou de l'absence d'héritiers au même degré qu'eux, les recherches du généalogiste révélant même les droits de l'une de leurs cousines germaines ;
Attendu que si le premier juge a justement énoncé que M. X... et Mme Y... connaissaient l'existence de leur cousine ainsi que leur capacité éventuelle à lui succéder, de même que la date de son décès et le nom du notaire chargé de la succession, et qu'ils avaient été à même, par la production de différents actes d'état civil, d'établir leurs liens de filiation à son égard, il apparaît à la Cour que ces seuls éléments auraient été insuffisants pour permettre de régler intégralement la dévolution successorale ; que la réclamation du livret de famille des grands-parents maternels par le notaire, livret
de famille que M. X... et Mme Y... ont été dans l'incapacité de produire mais qui possédait l'avantage précieux de mentionner tous les enfants du couple, était indispensable, non point tant pour établir le lien successoral et le degré de filiation que pour déterminer la présence éventuelle d'autres héritiers, capables ou non de venir à la succession et de disputer aux intimés, en tout ou partie, leurs droits à en recueillir les fruits ; que le tableau généalogique reconstitué par la SA COUTOT ROEHRIG et fourni à la Cour démontre que les deux lignées paternelles et maternelles étaient représentées et que la ligne maternelle a des ramifications en Italie, d'où la difficulté, pour le notaire, d'établir la dévolution successorale exacte de la défunte, à défaut de recherches pointues ; qu'il convient de souligner, encore, que le notaire aurait gravement engagé sa responsabilité professionnelle, s'il avait procédé à une répartition des fonds provenant de la succession sans avoir exactement déterminé, d'abord, qui était apte à en recueillir les fruits ou qui venait en concours, ce dont les intimés étaient dans l'ignorance exacte en raison du degré de parenté relativement éloigné avec la défunte ; que manifestement, M.X et Mme Y... méconnaissaient l'existence de la branche maternelle et que, dès lors, la SA COUTOT ROEHRIG a joué un rôle décisif dans la liquidation globale de la succession et la détermination des droits susceptibles de leur revenir ; qu'à cet égard, est révélateur, le courrier adressé au notaire le 13 février 2001 par le conciliateur du Tribunal d'Instance de Saint-Gaudens, précisant qu'à la vue du dossier qui lui était présenté, la parenté de Mme Y... avec sa défunte ne faisait aucun doute mais lui réclamant de bien vouloir lui communiquer "le nombre d'ayants droit sur cette succession, de manière à pouvoir avoir une idée sur la part qui, éventuellement, pourrait revenir à Mme Y..." ;
Attendu, ainsi, qu'il convient de réformer la décision entreprise, le
Tribunal n'ayant pas suffisamment établi la distinction entre la seule qualité d'héritiers éventuels de la défunte que possédaient, incontestablement, M. X... et Mme Y... et dont ils étaient parfaitement informés et la détermination exacte de leurs droits dans la succession à recueillir, dont ils étaient dans l'ignorance et qui n'a pu être établie, avec la précision suffisante pour permettre la dévolution successorale, que grâce au travail du généalogiste ; que, dès lors, ce dernier est bien fondé à réclamer, non point tant des honoraires de révélation, auxquels d'ailleurs il renonce, que des honoraires de justification de droits ; qu'il convient bien d'allouer à la SA COUTOT ROEHRIG, au titre de ses honoraires, envers chacun des héritiers, la somme de 10.896,44 ä TTC et de valider l'opposition et la saisie conservatoire formée entre les mains de la SCP OLIVET DUBOIS ; que l'équité commande aussi de lui accorder, pour les frais non taxables exposés par ses soins dans la procédure, une somme de 1.500 ä sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel ;
Au fond, le dit justifié ;
Réformant, met à néant en totalité la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme Y... et M. X... à payer, chacun, à la SA COUTOT ROEHRIG la somme de 10.896,44 äuros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Condamne M. X... et Mme Y..., in solidum, à payer à la SA COUTOT ROEHRIG une somme de 1.500 äuros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne M. X... et Mme Y..., in solidum, aux dépens de première instance
et d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.