ENTRE : Mme X... M.X APPELANTS Y... : M. PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE RIOM Mme Y INTIMES Z... :
Après avoir entendu à l'audience du 17 Mai 2004 tenue hors la présence du public, les représentants des parties en leurs plaidoiries ou explications, le Ministère Public en ses réquisitions, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, audience à laquelle le Conseiller, a lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur est la suivante, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par jugement contradictoire en date du 7 août 2003, le Tribunal de Grande Instance de a :
- rappelé que Marie est née le 13 septembre 1990 de l'union hors mariage de Z et Y ; que les parents se sont séparés ; que le Juge aux Affaires Familiales a organisé le 4 février 1999 l'exercice de l'autorité parentale, l'enfant résidant principalement auprès de sa mère ; que ce même juge a, par une décision du 24 octobre 2001, transféré la résidence habituelle de l'enfant Marie auprès de son père et statué en conséquence sur les droits de la mère, de manière classique ;
- pris acte de ce que Z était décédé le 28 janvier 2003 et de ce que l'enfant avait été recueillie alors par les époux X..., ses oncle et tante paternels, Y disposant d'un droit de visite et d'hébergement tous les samedis, consacré par un jugement du 11 mars 2003 ;
- rejeté la demande formée par les époux X... sur la saisine du Tribunal de Grande Instance par le Procureur de la République, visant à ce que Marie leur soit confiée, et rappelé que l'autorité parentale était transférée de plein droit et exclusivement à la mère du fait du décès du père.
Par acte de leur avoué en date du 12 août 2003, enrôlé le 25 du même
mois, Mme X... et X... ont interjeté appel principal et général de la décision intervenue.
Devant la Cour, les appelants ont déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du Nouveau Code de Procédure Civile, dont les dernières en date sont du 11 décembre 2003, et dans lesquelles ils demandent à la Cour de leur confier l'enfant Marie, la maman disposant alors d'un large droit de visite et d'hébergement. Subsidiairement, les appelants demandent un droit de visite tous les soirs de semaine, une fin de semaine sur deux et la deuxième moitié des vacances scolaires.
A l'appui de ce recours, les époux X... font valoir que depuis la décision de 2001, Marie a pris ses habitudes dans la famille paternelle, qui est très unie ; que son souhait personnel est de demeurer, maintenant que son père est mort, auprès des frères et soeurs du défunt et de leurs familles ; que Marie a exprimé ce souhait auprès du juge des enfants et des instances socio- scolaires et plus tard, d'un psychiatre commis par le Juge aux Affaires Familiales ; que les résultats scolaires de l'enfant ont été remarquables pendant le temps de résidence auprès de son père et même dans les mois qui ont suivi le décès pendant lesquels Marie n'a pas habité chez sa mère ; qu'il en était de même d'ailleurs des relations entre la mère et l'enfant ; que depuis le déménagement de Marie chez sa mère en août 2003, la dégradation sur ces deux plans est manifeste, d'autant que Y interdit à Marie tout contact avec M. et Mme X... ; que les capacités éducatives de la mère sont d'ailleurs fortement mises en cause par les mesures d'examen psychologique ou psychiatrique ou encore d'investigation éducative qui figurent au dossier.
L'intimée, Y, demande la confirmation pure et simple de la décision critiquée. Elle n'entend pas que la famille du défunt dispose d'un
droit de visite. Elle réclame 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle rappelle qu'au moment de son décès, Z répondait devant la Cour d'Assises d'une accusation de viol sur la fille aînée de Y, demi-soeur de l'enfant Marie ; que les relations parentales étaient alors très mauvaises, le père s'acharnant à priver Marie de contacts, même téléphoniques, avec sa mère ; qu'aucune des conditions de transfert de l'autorité parentale telles qu'édictées par l'article 373-3 al. 2 du Code Civil n'est satisfaite, de sorte que la dévolution de cette autorité à la mère après décès du père est un droit intangible ; que le prétendu souhait de Marie de ne pas vivre chez sa mère n'est que le résultat d'une habitude qui peut évoluer, et d'une théorie du complot brandie par la famille d'un accusé contre celle de la victime du viol supposé.
Monsieur le Procureur Général conclut à la confirmation.
SUR QUOI LA COUR,
Recevabilité
Attendu que l'appel, interjeté dans les forme et délai légaux, est régulier et recevable ;
Au fond
1° - Sur la résidence de l'enfant Marie
Attendu que par application cumulée des articles 373-1 et 373-3 du Code Civil, le décès d'un des parents en état de séparation d'avec l'autre, confère l'autorité parentale intégralement au survivant ;
Qu'un tiers peut se voir confier l'enfant, à titre exceptionnel et si l'intérêt de l'enfant l'exige, notamment lorsqu'un des parents est privé de l'exercice de l'autorité parentale ;
Attendu que s'il ne se confond pas avec une délégation forcée d'autorité parentale pour cause de désintérêt manifeste, -dont les
appelants ont apparemment et à juste titre fait leur deuil en cours d'instance d'appel-, et laisse subsister cette autorité, le dispositif de désignation d'un tiers de confiance demeure quand même un procédé très gravement attentatoire aux prérogatives normales que le géniteur ou la génitrice tiennent de la nature et de la loi ; qu'une telle atteinte est d'autant plus décisive pour l'enfant, qu'elle survient par postulat à un moment où l'enfant a perdu l'un de ses deux repères fondamentaux ;
Qu'autrement dit, loin de constituer une reconduite aménagée de la résidence principale d'un enfant du temps de la séparation de ses parents vivants, la désignation d'un tiers de confiance est sauf exception un mécanisme de stigmatisation, symbolique et matérielle, du survivant ; qu'aux yeux de l'enfant notamment, il s'agit de disqualifier ce qui reste de son ascendance de premier degré en ligne directe, et non pas seulement d'organiser les suites d'une discorde entre adultes ;
Que d'ailleurs la loi prend l'exemple, non exhaustif mais significatif, de la privation de l'autorité parentale, montrant ainsi que les juges doivent caractériser des circonstances lourdes et précises pour procéder à la désignation d'un tiers de confiance ;
Attendu qu'en l'espèce, à laquelle doivent être appliqués les principes solennels évoqués plus haut, le dossier produit à la Cour ne recèle aucun élément qui conduirait à douter sérieusement des capacités de Y d'achever l'éducation d'une adolescente, qu'elle a mise au monde;
Que notamment, ni le fait que cette mère ait été privée du droit d'hébergement principal de Marie, -par un juge d'octobre 2001 à janvier 2003, puis en contravention à l'article 373-1 de janvier 2003 à août 2003-, ni le fait qu'elle ait participé en bonne et dûe place à un procès pénal dirigé contre le père de Marie, ne la disqualifient
pour les tâches éducatives ; que pas davantage, et à le supposer persistant et authentique plutôt que partiellement construit par les circonstances ou l'entourage, le souhait de l'enfant n'est suffisant pour faire exception à une disposition légale de toute première importance ;
Attendu que par conséquent, la confirmation s'impose ;
2° - Sur les droits des époux X...
Attendu que les habitudes prises par Marie du vivant de son père et tout de suite après son décès, auprès de la famille de celui-ci, rendent vaine et même dangereuse la tentative de rompre brutalement avec la famille X... ;
Que le pragmatisme au profit de l'enfant doit ici l'emporter sur l'évaluation des conduites passées ou présentes et des stratégies, licites ou critiquables, des adultes et que le lien, repère second mais important, de Marie avec les épouxX doit être respecté, sous forme d'un droit de visite et d'hébergement ;
Qu'il faut néanmoins prévoir que Marie va faire l'objet, selon ce qui a été annoncé à la Cour, X..., la Cour estimant dès à présent et à toutes fins utiles que tout enfant a le droit et le besoin de passer au moins une fin de semaine sur deux auprès de sa mère;
Que le choix de fins de semaine doit être fait, plutôt que celui de soirs de semaine, le soutien scolaire à Marie paraissant pouvoir être apporté -ou organisé- par sa mère autant que par les époux A..., quoi que ceux-ci prétendent l'inverse ;
3° - Sur les accessoires
Attendu que, selon ce que recommande la matière familiale, et ce qu'indiquent les circonstances de l'espèce, chaque partie conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés ou qu'elle exposera pour les besoins du présent appel ;
Que pour les mêmes raisons, il ne sera pas fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que les dépens de première instance, en ce compris les frais d'une expertise psychiatrique, ont été à juste titre délaissés aux époux X..., succombant.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement après débats hors la présence du public par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, EN LA FORME, Reçoit M. et Mme X... en leur appel ; ACCORDE à M. et Mme X... un droit de visite et d'hébergement sur Marie le 1er dimanche de chaque mois ( sauf vacances scolaires) de 10 h à 18 h. AU FOND, Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement rendu le 7 août 2003 par le Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand; Laisse à chaque partie la charge des dépens d'appel qu'elle aura exposés qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.