La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2004 | FRANCE | N°03/00423

France | France, Cour d'appel de riom, 21 janvier 2004, 03/00423


DOSSIER N 03/00423

TF/SB ARRÊT DU 21 JANVIER 2004 N°

COUR D'APPEL DE RIOM

Prononcé publiquement le MERCREDI 21 JANVIER 2004, par la Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE RIOM du 27 MAI 2003. PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X... Y... de nationalité française, concubin Gérant de société Prévenu, appelant , comparant, assisté de son avocate du barreau de PARIS, LE MINISTÈRE PUBLIC : appelant, EN PRESENCE DU MINISTÈRE PUBLIC RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Le Tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X...

Y... coupable d'ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SARL PAR UN GERANT A DES FINS PERSO...

DOSSIER N 03/00423

TF/SB ARRÊT DU 21 JANVIER 2004 N°

COUR D'APPEL DE RIOM

Prononcé publiquement le MERCREDI 21 JANVIER 2004, par la Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE RIOM du 27 MAI 2003. PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X... Y... de nationalité française, concubin Gérant de société Prévenu, appelant , comparant, assisté de son avocate du barreau de PARIS, LE MINISTÈRE PUBLIC : appelant, EN PRESENCE DU MINISTÈRE PUBLIC RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Le Tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X... Y... coupable d'ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SARL PAR UN GERANT A DES FINS PERSONNELLES, courant octobre 2000 et courant /02/2001, à RIOM, infraction prévue par les articles L.241-3 4 , L.241-9 du Code de commerce et réprimée par l'article L.241-3 du Code de commerce coupable d'ESCROQUERIE, courant octobre 2000 et courant /02/2001, à RIOM, infraction prévue par l'article 313-1 AL.1,AL.2 du Code pénal et réprimée par les articles 313-1 AL.2, 313-7, 313-8 du Code pénal et, en application de ces articles, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis. 750 euros d'amende. Dit n'y avoir lieu à dispense d'inscription au B2 du casier judiciaire.. LES APPELS : Appel a été interjeté par : Monsieur X... Y..., le 28 Mai 2003 M. le Procureur de la République, le 28 Mai 2003 contre Monsieur X... Y... DÉROULEMENT DES Z... : A

l'audience publique du 03 DECEMBRE 2003 , le Président a constaté l'identité du prévenu ; Ont été entendus : M. le Conseiller en son rapport ; X... Y... en ses interrogatoire et moyens de défense ; M. le Substitut Général, en ses réquisitions ; L'avocat du prévenu, en sa plaidoirie ; X... Y... qui a eu la parole en dernier. Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 21 JANVIER 2004.Et à cette dernière audience, en application de l'article 485 du Code de Procédure Pénale, modifié par la loi du 30.12.1985, le dispositif du présent arrêt, dont la teneur suit, a été lu par Mme le Président DÉCISION :

M. X... A... , né le 14 avril 1959, dont le casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation, a été cité devant la Cour le 30 juin 2003, ayant relevé appel par acte du 28 mai 2003 d'un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de RIOM en date du 27 mai 2003, qui le condamnait à la peine de six mois d'emprisonnement, assortis du sursis simple, et sept cent cinquante euros d'amende, pour avoir: - à RIOM, courant octobre 2000 et février 2001, étant gérant de la S.A.R.L X..., fait de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage contraire à l'intérêt de celle ci, à des fins personnelles, en l'espèce en faisant supporter à sa société l'achat d'un canapé et d'un écran électrique destinés à son usage personnel; Infraction prévu et punie par les articles L.241-3, L.241-9 du code de commerce.

- à RIOM le 28 juillet 1999, par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, trompé Mme B..., et déterminé ainsi cette personne, à son préjudice, à remettre des fonds, des valeurs, un bien et consentir un acte opérant obligation ou décharge, en l'espèce la signature d'un protocole transactionnel moyennant la somme en liquide de 10.000

francs. Infraction prévue et réprimée par les articles 313-1, 313-7, 313-8 du code pénal.

Le procureur de la République a fait appel incident par acte du 28 mai 2003.

Devant la Cour, le représentant du Ministère Public a relevé que P. X... avait bénéficié d'une grande clémence du parquet de Riom, à qui la police judiciaire avait fait rapport sur bien d'autres infractions que celles finalement poursuivies. Le Parquet Général a aussi estimé que l'escroquerie était indubitablement démontrée, et que l'abus de confiance était à peine nié, de sorte que les premiers juges étaient fondés à décider comme ils l'ont fait.

Le représentant du Ministère Public a refusé que P. X... bénéficie d'une dispense d'inscription de la condamnation à son casier judiciaire (bulletin numéro 2), et a même suggéré à la cour de prononcer une interdiction professionnelle, le tout dans l'espoir que la profession d'agent immobilier retrouve une image de marque positive.

Le prévenu, assisté par son conseil, a demandé la relaxe du chef de l'escroquerie, faute de manoeuvres frauduleuses, faute d'abus de qualité vraie, faute de date précise sur la remise d'une somme en liquide à l'agent immobilier lui-même, faute encore de préjudice pour la prétendue victime -qui a, au contraire et grâce à l'agence, considérablement limité les effets financiers d'un dédit de promesse de vente immobilière-. M. X... a aussi nié avoir perçu une quelconque somme.

Le prévenu a aussi demandé la relaxe du chef d'abus de biens sociaux, puisque les deux objets qui ont été achetés prétendument en fraude, par la société et qui ont été retrouvés au domicile du prévenu, ont pourtant bien transité au cabinet immobilier, où ils se sont révélés malheureusement inappropriés, si bien que P. X... les a hébergés chez

lui, payant à la société sur ses deniers personnels un matériel plus adéquat. Subsidiairement, pour le cas où la relaxe ne serait pas prononcée, P. X... rappelle qu'il s'est fait tout seul, que son savoir-faire est la négociation plutôt que le droit et la comptabilité, qu'il garde leur emploi à quinze salariés, que son agence, rattachée au réseau ORPI a bonne réputation, et totalise cinq millions d'euros de chiffre d'affaires par an (valeur 2002).

SUR QUOI LA COUR,

Recevabilité

Attendu que l'appel principal du prévenu et incident du Ministère Public, interjetés dans les forme et délai légaux, sont réguliers et recevables ;

Sur l'action publique 1° - Faits constants

Attendu que la SARL X... IMMOBILIER a ouvert une agence le 1° janvier 1998 ; que le capital social en est détenu à 4999/5000 par P. X... ; qu'au 31 décembre 2000, la société présentait un résultat négatif de 17909 francs ;

Attendu qu'entre temps, et sur la dénonciation d'un ancien agent commercial de la société, les services de police ont eu à s'intéresser aux méthodes de P. X... ;

Qu'ils ont découvert à cette occasion les faits suivants : a) Escroquerie du 28 juillet 1999 :

Madame B..., commerçante de son état, était acheteuse d'une villa située à Riom. Elle a signé le 29 avril 1999 à l'agence X... une promesse synallagmatique la liant aux vendeurs, les époux C... D... ne mentionnait pratiquement pas d'autre condition suspensive que celle d'obtention d'un petit prêt, alors que la villa nécessitait des travaux d'assainissement et d'électricité à bref délai.

Lorsque Madame B... a eu conscience de la difficulté, elle a fait

chiffrer les travaux (entre 0.3 et 0.35 million de francs, soit presqu'autant que le prix de la villa) et a dû annoncer à un agent commercial du cabinet X... qu'elle ne pouvait financer une pareille somme dès après la vente. Finalement, M. X... l'a lui-même reçue et lui aurait proposé l'annulation du compromis, moyennant un versement occulte de 10000 francs, en liquide, destiné à M. X... et ses deux agents commerciaux, outre un versement par chèque de 10.000 francs aussi pour M.Mme C..., pour éviter le jeu normal de l'article 1178 du Code civil (transfert forcé de propriété, ou paiement d'une indemnité de 30.000 francs aux pollicitants et de 20.000 francs à l'agence pour ses honoraires). Au cours de l'enquête, Mme B... a pu démontrer qu'elle avait émis un chèque de ce montant au bénéfice aux époux C... ; et aussi qu'elle avait tiré 10.000 francs en liquide le 29 juillet 1999, lendemain de la signature du protocole transactionnel.

b) Abus de biens sociaux

La police a découvert dans le facturier de la SARL X... une facture d'un montant de 16500 francs, correspondant à l'achat d'un canapé d'un prix de 16500 francs. Monsieur X... a admis que le canapé avait finalement échoué à son domicile sans aucune contrepartie à la société.

La police a également découvert, cette fois au domicile personnel de M. X..., un écran électrique (d'une taille de 300x225 cm et d'un prix dépassant 7000 francs), dont la facture avait été débitée des comptes de la société. M. X... a expliqué que cet achat avait bien été destiné à l'agence, pour recevoir les visioconférences proposées par le réseau ORPI, mais que la taille de l'appareil ne convenait finalement pas et qu'il s'était en quelque sorte institué dépositaire à son domicile, "offrant" finalement à l'agence un article de même

nature mais pouvant prendre place dans les locaux professionnels. 2° - Relaxe sur l'escroquerie

Attendu que l'escroquerie reprochée à P. X... aurait consisté en des manoeuvres frauduleuses ou dans le fait d'abuser de sa qualité d'agent immobilier au moment de la promesse de vente d'avril 1999 et de mandataire des époux C... au moment de la transaction de juillet 1999, d'avoir déterminé Mme B... à consentir une transaction et à remettre 20.000 francs, partie en chèque, partie en liquide, à son préjudice ;

Que le déroulement concret des faits, tel qu'il est décrit ci-dessus à l'image de ce que la police judiciaire a pu découvrir, ne correspond pas aux exigences de l'article 313-1 du Code pénal ;

Qu'en effet, si la remise de fonds en liquide est au moins probable -en quoi la sanction contre P. X... peut relever du réseau ORPI auquel il appartient-, et si le préjudice pour Mme B... est imaginable -la promesse d'avril 1999 et la transaction de juillet 1999 n'étant pas nécessairement des modèles de rigueur juridique et pouvant toujours être annulés-, il n'existe ni manoeuvres frauduleuses, ni abus de qualité vraie ;

Que l'abus de qualité vraie est démontré lorsqu'il a été de nature à imprimer à des allégations mensongères l'apparence de la sincérité et à commander la confiance de la victime ; qu'en l'espèce, la profession d'agent immobilier n'est pas en elle-même de nature à inspirer la confiance, surtout à une commerçante avertie ; que d'ailleurs, Mme B... avait affaire à M. X... pour la première fois et n'avait donc aucun motif subjectif de suivre aveuglément ses conseils, soit à l'époque de la promesse de vente soit au moment de la transaction ; que par surcroît, Mme B... a été d'autant moins aveuglée par une confiance mal placée qu'elle a, dès la signature de la promesse, fait posément chiffrer les travaux par des tiers,

retardé manifestement ses démarches auprès des banques, et cherché finalement à se dédire plutôt qu'à renégocier de manière timorée ; qu'ensuite, le protocole de transaction ayant été signé, elle n'a nullement cherché à porter plainte immédiatement, l'affaire n'étant venue aux oreilles de la police que sur la dénonciation d'un ex-salarié mécontent de M. X... ; qu'il faut encore observer, bien que cette attitude puisse s'interpréter diversement, que Mme B... ne s'est pas constituée partie civile ;

Que les manoeuvres frauduleuses, également invoquées contre P. X..., notamment l'intervention terrifiante "d'avocats parisiens", la pression insupportable d'une visite au lieu de travail de Mme B..., le véritable harcèlement téléphonique dont M. X... se serait rendu l'auteur jusqu'à ce qu'il obtienne la signature du protocole du 28 juillet 1999, sont sans doute des allégations mensongères et des éléments du dolus malus du droit commercial, mais ne ressortissent pas comme tels, selon la jurisprudence la mieux établie, de la qualification pénale que l'autorité de poursuite voudrait mettre en oeuvre ;

Qu'a contrario, Mme B... était dans une situation objectivement désastreuse, n'ayant pas pu -ou pas voulu- réunir les moyens de concrétiser la promesse, et en avait une nette conscience, puisqu'elle a elle-même démarché l'agence A... pour avouer son embarras ; qu'il est vrai que sous réserve que la promesse ait été valable en droit, Mme B... était débitrice de 50.000 francs ; que la proposition de n'en payer que 20.000 peut difficilement passer pour une manoeuvre frauduleuse ; que la preuve de la manoeuvre frauduleuse ne peut pas non plus, en droit, être tirée du fait que la transaction était intéressante aussi pour l'agence et pour les époux Dos E..., qui ont revendu très vite le bien délaissé par Mme B... ;

Attendu par conséquent que la relaxe s'évince du seul défaut de cet

élément matériel constitutif du délit d'escroquerie, et sans qu'il soit même besoin d'examiner les autres de ces éléments ; 3° - Condamnation du chef d'abus de biens sociaux

Attendu que l'abus de biens sociaux est, en revanche, bien constitué; que vainement le prévenu a demandé sa relaxe motif pris de ce que les deux objets qui ont été achetés prétendument en fraude, par la société et qui ont été retrouvés au domicile du prévenu, ont pourtant bien transité au cabinet immobilier, où ils se sont révélés malheureusement inappropriés, si bien que P. X... les a hébergés chez lui, payant à la société sur ses deniers personnels un matériel plus adéquat ;

Qu'en effet, et s'agissant d'abord du canapé, il est peu vraisemblable que ce canapé ait été destiné à rester longtemps dans l'agence, son style étant purement domestique, sa taille dépassant manifestement ce que la petite agence de M. X... était capable d'accueillir sans inconvénients évidents, et sa fragilité naturelle (cuir et tissu) étant tout-à-fait contraire à l'idée d'un usage "grand public" ; que M. X... tente de faire croire que le canapé est resté au moins cinq mois dans l'agence, mais n'apporte aucun témoignage fiable en ce sens ;

Qu'en tout état de cause, P. X... s'est gardé de renflouer les comptes de la société, comme il l'aurait dû, lorsqu'usant de sa position de gérant et porteur quasi-unique des parts sociales, il a accaparé la chose pour son usage personnel ;

Qu'il faut noter, à titre superfétatoire, que M. X... a reconnu l'abus de biens sociaux au cours de l'enquête de police et ne l'a nié qu'à la barre du tribunal correctionnel et de la cour;

Que s'agissant maintenant de l'écran de rétroprojection, il est admissible que cet écran ait présenté un intérêt médiocre pour le domicile de P. X... ; qu'il est également possible, encore que cette pratique soit répréhensible sur le plan comptable, que P. X... ait finalement offert à la société un appareillage de même nature mais plus adéquat à la topographie de son agence ; mais que ces données n'éliminent pas l'élément intentionnel de l'infraction, la jurisprudence estimant que la simple utilisation au domicile privé et dans un intérêt domestique d'un bien de la société est abusive, même en l'absence d'une volonté d'appropriation définitive ou même en présence d'une contrepartie ultérieure ;

Attendu qu'ainsi, l'élément matériel et l'élément moral de l'infraction de l'article L 241-3 du Code de commerce sont réunis et qu'il faut entrer en voie de condamnation;

Attendu, sur la peine, que l'infraction d'abus de biens sociaux, la seule qui soit constituée, n'a occasionné qu'un préjudice médiocre à la société, et pas de préjudice du tout à la clientèle de l'agence immobilière ; que le quantum de l'emprisonnement retenu par les premiers juges, englobant l'infraction d'escroquerie, apparaît maintenant excessif ; que de même, l'interdiction professionnelle -ou l'inscription au bulletin n°0 2 du casier judiciaire, qui aurait le même effet que l'interdiction- requise par le Parquet Général, n'a plus de rapport avec ce pour quoi la Cour va entrer en voie de condamnation ;

PAR CES MOTIFS,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : 03/00423
Date de la décision : 21/01/2004

Analyses

ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Définition - Abus d'une qualité vraie - Conditions - /

En matière d'escroquerie, l'abus de qualité vraie est démontré lorsqu'il a été de nature à imprimer à des allégations mensongères l'apparence de la sincérité et à commander la confiance de la victime. En l'espèce, la profession d'agent immobilier n'est pas en elle-même de nature à inspirer la confiance, surtout à une commerçante avertie, qui d'ailleurs avait affaire à l'agent immobilier pour la première fois et n'avait donc aucun motif subjectif de suivre aveuglément ses conseils, soit à l'époque de la promesse de vente soit au moment de la transaction. Il n'existe pas non plus de manoeuvres frauduleuses, les allégations mensongères et les pressions téléphoniques de l'agent immobilier n'ayant pas excédé le "dolus malus" du droit commercial


Références :

Code pénal, article 313-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2004-01-21;03.00423 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award