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18/12/2003 | FRANCE | N°2511/02

France | France, Cour d'appel de riom, 18 décembre 2003, 2511/02


Vu le jugement rendu le 3 juillet 2002 par le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT FERRAND déboutant la société X de ses prétentions tendant à voir prononcer l'annulation des clauses du contrat de routage de courrier conclu le 28 juin 1999 avec LA POSTE concernant sa rémunération et en particulier de celle prévoyant une rémunération de la qualité du service fourni en fonction du respect des dates de dépôt des plis ;

Vu la déclaration d'appel remise le 5 septembre 2002 au greffe de la Cour ;

Vu les dernières conclusions d'appel signifiées le 15 septembre 2003

par la société X et tendant à voir la Cour: - A titre principal, constater ...

Vu le jugement rendu le 3 juillet 2002 par le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT FERRAND déboutant la société X de ses prétentions tendant à voir prononcer l'annulation des clauses du contrat de routage de courrier conclu le 28 juin 1999 avec LA POSTE concernant sa rémunération et en particulier de celle prévoyant une rémunération de la qualité du service fourni en fonction du respect des dates de dépôt des plis ;

Vu la déclaration d'appel remise le 5 septembre 2002 au greffe de la Cour ;

Vu les dernières conclusions d'appel signifiées le 15 septembre 2003 par la société X et tendant à voir la Cour: - A titre principal, constater la relation de dépendance économique dans laquelle se place la société X au regard de LA POSTE, - dire et juger que LA POSTE a manifestement abusé de ladite relation de dépendance économique pour imposer à la société X des conditions commerciales et des obligations manifestement injustifiées, - dire et juger en outre que LA POSTE a pratiqué à l'égard de la société X des conditions commerciales non justifiées par les contreparties réelles, entraînant de ce fait pour la société X un désavantage en la concurrence, et notamment au regard des propres filiales de LA POSTE, - constater en outre, tel qu'il a été relevé par la Commission Européenne que LA POSTE fait bénéficier ses filiales de ristournes contractuelles et de l'accès aux tarifs de faveur alors même que celles ci n'ont pas respecté les règles de qualité, de format, de présentation, d'horaires ou de lieu de dépôt, ou des règles concernant la nature du message, - dire et juger en outre que LA POSTE a imposé des conditions tarifaires dénuées de toute pertinence économique à la société X, de part la régularisation du contrat d'adhésion POSTIMPACT, - en conséquence, dire et juger que LA POSTE a manifestement violé l'article 82 du traité CE, - en

conséquence annuler purement et simplement les stipulations contractuelles impliquant un réajustement du prix en cas du non respect du taux de bonne date, à l'intégralité des plis, et non aux seuls concernés par les retards et ce pour infraction à l'article 82 du traité CE, notamment au regard de l'éclairage apporté par les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce et sauf pour la Cour à ordonner préalablement une mesure d'expertise, - condamner en outre LA POSTE à payer et porter à la société X une somme de 15.000 ä à titre de légitimes dommages-intérêts, - à titre subsidiaire, et si par impossible la Cour devait estimer que la POSTE n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article 82 du traité CE : - constater alors le caractère manifestement disproportionné des sommes demandées au regard des incidents intervenus, - constater l'absence de préjudice de LA POSTE, - en conséquence, requalifier en clause pénale la somme demandée par LA POSTE et la réviser au regard de l'absence de préjudice subi et de leur caractère tout à fait disproportionné, - dire et juger qu'en l'absence de dommage, la clause pénale doit être fixée à la seule somme de 1 ä symbolique correspondant au préjudice effectivement subi, - condamner en tout état de cause LA POSTE à payer et porter à la société X la somme de 2.000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens.

Vu les conclusions signifiées le 14 octobre 2003 par LA POSTE sollicitant la confirmation du jugement ;

Attendu que le contrat conclu par l'appelante avec LA POSTE comporte deux pôles de rémunération (calculés alors en francs pour 1.000 plis) : - un pôle technique rémunéré au réel de chaque mois concernant la seule préparation des plis (article 6 des conditions générales) et - un pôle qualité rémunéré chaque mois sur la base d'un prix prévisionnel avec une régularisation intervenant ultérieurement (article 7 des conditions générales) ;

Attendu que la rémunération de la qualité est elle même proportionnelle au nombre de points obtenus au cours d'une période sur un total de 100 points, sur la base de cinq critères qualité retenus en fonction de leur importance : - exactitude de la date de dépôt : 40 points maximum, - taux des plis de bonne direction : 30 points maximum, - taux de bonne prévision des dépôts : 20 points maximum, - respect des taux de remplissage des contenants : 5 points maximum, - solidité et rangement correct des contenants : 5 points maximum ;

Que pour un total qualité de 100 points sur 100 la rémunération qualité supplémentaire venant s'ajouter à la rémunération de la seule préparation est de 62,10 FRF hors taxes sur la base de 1000 plis, soit 0,621 FRF par point ;

Attendu que ce mécanisme de détermination objective du prix fait donc apparaître : - d'une part une rémunération acquise sur la préparation des plis ("pôle technique") prévue à l'article 6.2 des conditions générales (rémunération forfaitaire de 60 à 170 francs hors taxes le mille selon la nature des plis préparés), - d'autre part, une rémunération qualité supplémentaire selon les critères ci dessus rappelés qui doit inciter le routier à fournir une prestation conforme aux objectifs de distribution du courrier que doit remplir la POSTE ;

Attendu que l'article 7.9 des conditions générales du contrat liant les parties prévoit que la rémunération de la qualité fait l'objet d'un ajustement rétroactif à la fin du premier semestre pour tenir compte des résultats du semestre écoulé lequel ajustement semestriel peut être en faveur ou en défaveur de la société de routage selon que celle ci a plus ou moins bien respecté les critères de qualité ;

Attendu enfin que l'article 8.2 du contrat concernant les modalités de paiement des sommes dues à la suite de l'ajustement dispose que

"le solde de la rémunération versée par LA POSTE et la rémunération réellement due fait l'objet d'un avoir de facturation au bénéfice de LA POSTE si le solde est positif, ou d'un complément de facturation au bénéfice du déposant si le solde est négatif. Les sommes correspondantes sont payées dans les 20 jours ouvrables suivant la réception de l'avoir ou de la facture complémentaire par les parties" ;

Attendu qu'alors que le système avait fonctionné à son profit pour le second semestre 99 et le premier semestre 2000, la société X a au cours des mois d'août et septembre 2000 fait preuve de lacunes dans la qualité des dépôts des courriers qui lui étaient confiés, plus de 156.000 plis étant livrés à la POSTE après la date limite contractuellement déterminée ;

Qu'après réajustement la société de routage est alors apparue débitrice de la somme de 208.374,82 F; dont elle a contesté le montant en mettant en cause dans un premier temps la pertinence des contrôles opérés ;

Attendu que pour obtenir la réformation du jugement qui après avoir écarté le moyen tiré des l'abus de position dominante imputé à LA POSTE et considéré que celle ci avait bien respecté ses obligations contractuelles, l'appelante reprend en premier lieu son argumentation relative à l'abus de relation de dépendance économique dont elle serait victime notamment quant aux conditions tarifaires du fait du monopole de LA POSTE ; qu'elle invoque à la fois les dispositions de l'article 82 du Traité de Rome et celles de l'article 442-6 du code de commerce ;

Attendu que la société de routage se réfère à une décision rendue le 23 octobre 2001 par la Commission Européenne qui n'a toutefois pas fait usage du pouvoir répressif prévu par l'article 82 du Traité mais seulement de celui de recommandation aux Etats membres résultant de

l'article 86 dudit Traité en vue de faire respecter la Liberté concurrentielle, sans que pour autant il soit constaté une atteinte à cette liberté ; que cette décision concerne l'Etat Français et n'emporte aucune condamnation directe à l'égard de LA POSTE, le risque évoqué n'ayant à ce jour généré aucune situation d'abus de position dominante sanctionnable même si la situation dominante est constatée et si des moyens de remédier à des agissements pouvant potentiellement induire des abus d'une telle situation sont envisagés ;

Attendu que l'appelante ne caractérise pas en l'espèce en quoi le comportement de LA POSTE qui ne fait qu'appliquer le contrat conclu s'apparenterait à un tel abus et constituerait une atteinte au jeu de la libre concurrence ;

Attendu que l'appelante prétend encore qu'elle serait victime de pratiques discriminatoires et d'un abus de relation de dépendance économique sans autre référence qu'à la décision de la Commission Européenne qui ne fait qu'évoquer la possibilité d'une position abusive sans toutefois caractériser à la charge de LA POSTE de faits précis répréhensibles ; que rien ne permet d'affirmer comme le fait l'appelante que les conditions tarifaires aient pu être discriminatoires, circonstance qu'elle n'avait du reste pas songé à mettre en avant lorsque l'ajustement semestriel s'effectuait en sa faveur et s'appliquait alors à l'intégralité des plis traités (ce qui explique qu'en sens inverse le réajustement dont elle est l'objet pour le deuxième trimestre 2000 ne s'applique pas qu'aux seuls plis non arrivés à la bonne date) ;

Attendu que dans ces conditions, la demande d'expertise formulée à titre subsidiaire ne fait que renforcer le constat ci dessus effectué d'absence de tout commencement de preuve des griefs avancés et ne saurait être satisfaite ;

Attendu que l'appelante renonçant devant la Cour à l'argumentation développée devant le tribunal et exactement écartée par celui ci et concernant les conditions d'exécution du contrat par LA POSTE elle même, et admettant finalement que des courriers ont effectivement été livrés avec retard prétend enfin que la clause de réajustement dont se prévaut LA POSTE constituerait une clause pénale susceptible comme telle de réduction en fonction d'un préjudice selon elle quasiment inexistant ;

Mais attendu que les sommes réclamées par LA POSTE en vertu de cette clause n'ont aucune vocation indemnitaire ou coercitive comme peut l'avoir une clause pénale ; que la clause litigieuse vise à instaurer un ajustement de prix qui s'effectue rétroactivement et n'a pas pour objet de contraindre à exécuter le contrat mais simplement de rémunérer plus cher une prestation de qualité et moins cher une prestation de moindre qualité par rapport aux critères parfaitement définis à l'avance par le contrat et donc bien connus des cocontractants de LA POSTE ;

Attendu que cette notion de rémunération est par ailleurs étrangère à celle de préjudice, étant observé que LA POSTE subit nécessairement un préjudice en terme d'image en cas de dépassement des délais d'acheminement et qu'il peut paraître contradictoire de rémunérer un cocontractant qui a failli dans ses obligations comme si celui ci avait respecté ses engagements ;

Attendu que le jugement sera en conséquence confirmé, la somme réclamée par la POSTE n'étant pas elle même contestée ; que les demandes de dommages-intérêts de l'appelante ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Attendu, enfin, que les conditions de mise en oeuvre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile sont réunies au profit de LA POSTE ; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel recevable mais non fondé,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société X à payer à LA POSTE une nouvelle indemnité de 2.000 ä en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la société X aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : 2511/02
Date de la décision : 18/12/2003

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Concurrence - Entente et position dominante - Abus de position dominante.

La société qui prétend être victime d'un abus de positon dominante et d'un abus de dépendance économique doit caractériser des faits précis répréhensibles, la simple référence à une décision de la Commission européenne évoquant le risque d'abus étant insuffisante

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Exécution - Clause pénale - Définition.

La clause qui vise à instaurer un ajustement du prix qui s'effectue rétroactivement et n'a pas pour objet de contraindre à exécuter le contrat mais simplement de rémunérer plus cher une prestation de qualité et moins cher une prestation de moindre qualité par rapport aux critères parfaitement définis à l'avance par le contrat et donc bien connus des cocontractants n'a pas de vocation indemnitaire ni coercitive et ne constitue donc pas une clause pénale


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2003-12-18;2511.02 ?
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