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04/12/2003 | FRANCE | N°03/00546

France | France, Cour d'appel de riom, 04 décembre 2003, 03/00546


DOSSIER N 03/00546

CB/MH ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2003 N°

COUR D'APPEL DE RIOM

Prononcé publiquement le JEUDI 04 DECEMBRE 2003, par la Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE LE PUY du 26 MARS 2002 PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X... Sébastien, de nationalité française, propriétaire exploitant

Prévenu, comparant, assisté de son avocat du barreau de Le Puy. Y... Y..., de nationalité française, marié, agriculteur

Prévenu, comparant, assisté de son avocat du barreau de Le Puy. LE MINISTÈRE PUBLIC appelant,

FNAB - FEDERATION NATIONALE DES AGRICULTEURS BIOLO GIQUES DES REGIONS DE Z..., Dont le siège socia...

DOSSIER N 03/00546

CB/MH ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2003 N°

COUR D'APPEL DE RIOM

Prononcé publiquement le JEUDI 04 DECEMBRE 2003, par la Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE LE PUY du 26 MARS 2002 PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X... Sébastien, de nationalité française, propriétaire exploitant

Prévenu, comparant, assisté de son avocat du barreau de Le Puy. Y... Y..., de nationalité française, marié, agriculteur

Prévenu, comparant, assisté de son avocat du barreau de Le Puy. LE MINISTÈRE PUBLIC appelant, FNAB - FEDERATION NATIONALE DES AGRICULTEURS BIOLO GIQUES DES REGIONS DE Z..., Dont le siège social est 40, rue de Malte - 75011 PARIS

Partie civile, appelant, représenté et concluant par son avocat du barreau de Paris. L'ASSOCIATION A... B..., Dont le siège social est situé Immeuble Interconsulaire - 16, boulevard Bertrand - 43000 LE PUY-EN-VELAY

Partie civile, appelant, représenté et concluant par son avocat . L'ASSOCIATION INTERPROFESSIONNELLE B... BIOLOG C..., Dont le siège social est situé 12, avenue Marx Dormoy - 63012 CLERMONT-FERRAND CEDEX

Partie civile, appelant, représenté et concluant par son avocat du barreau de Paris. L'ASSOCIATION QUALITE Z..., ORGANISME DE CONTROL E DE PRODUITS DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE, Dont le siège social est situé 60 Avenue du Général de - Gaulle - 92800 PUTEAUX

Partie civile, appelant, représenté et concluant par son avocat du

barreau de Paris. L'ASSOCIATION UFC DE LA A..., Dont le siège social est situé 29 boulevard Chantemesse - 43000 AIGUILHE

Partie civile, appelant, représenté et concluant par son avocat du barreau de Le Puy.

Madame Z... D..., Inspecteur principal à la Direction Régionale de la Concurrence , de la Consommation et de la Répression des Fraudes, dont le siège est 62 Bd Cote Blatin 63000 Clermont-Fd, citée comme témoin , s'est retirée dans la salle à elle réservée pendant le rapport du Président, puis a été entendue après avoir prêté le serment prévu aux articles 436 et suivants, 513 du code de la procèdure pénale. EN PRESENCE du MINISTÈRE PUBLIC RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Le tribunal, par jugement, a déclaré X... Sébastien coupable de TROMPERIE SUR LA NATURE, LA QUALITE, L'ORIGINE OU LA QUANTITE D'UNE MARCHANDISE, entre les 20 et 26/7/2000 , à BRIVES CHARENSA, infraction prévue par l'article L.213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L.213-1, L.216-2, L.216-3 du Code de la consommation Y... Y... coupable de TROMPERIE SUR LA NATURE, LA QUALITE, L'ORIGINE OU LA QUANTITE D'UNE MARCHANDISE, entre les 20 et 26/7/2000 , à BRIVES CHARENSA, infraction prévue par l'article L.213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L.213-1, L.216-2, L.216-3 du Code de la consommation Et par application de ces articles, a relaxé Messieurs X... et Y... LES APPELS : Appel a été interjeté par : M. le Procureur de la République, le 27 Mars 2003 contre Monsieur Y... Y..., Monsieur X... Sébastien L'ASSOCIATION UFC DE LA A..., le 03 Avril 2003 contre Monsieur Y... Y..., Monsieur X... Sébastien L'ASSOCIATION QUALITE Z..., ORGANISME DE CONTROL E DE PRODUITS DE L'AGRICULTU, le 03 Avril 2003 contre Monsieur Y... Y..., Monsieur X... Sébastien L'ASSOCIATION INTERPROFESSIONNELLE B... BIOLOG C..., le 03 Avril 2003 contre Monsieur Y... Y..., Monsieur X...

Sébastien FNAB - FEDERATION NATIONALE DES AGRICULTEURS BIOLO GIQUES DES REGIONS DE Z..., le 03 Avril 2003 contre Monsieur Y... Y..., Monsieur X... Sébastien L'ASSOCIATION A... B..., le 03 Avril 2003 contre Monsieur Y... Y..., Monsieur X... Sébastien DÉROULEMENT DES E... :

A l'audience publique du 23 Octobre 2003, le Président a constaté l'identité des prévenus. Ont été entendus : Madame le Président en son rapport ; X... Sébastien et Y... Y... en leurs interrogatoires et moyens de défense ; Les avocats des parties civiles en leur plaidoirie ; Monsieur le Substitut Général, en ses réquisitions ; L'avocat des prévenus en sa plaidoirie ; Les prévenus ayant eu la parole en dernier ; Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 04 DECEMBRE 2003. et à cette dernière audience , en application de l'article 485 du CPP modifié par la loi du 30.12.1985 le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit a été lu par Mme le Président. DÉCISION :

Le tribunal correctionnel du PUY en VELAY a, par jugement contradictoire du 26 mars 2002, renvoyé M.Y... et M. X... des fins des poursuites exercées à leur encontre.

Ils étaient cités pour avoir à COHADE et BRIVES CHARENSAC, entre les 20 et 26 juillet 2000, trompé la société COPCEL, leur contractant, sur la nature, l'identité et les qualités substantielles d'une marchandise, en l'espèce en lui vendant, sous l'appellation "biologique" alors qu'elles avaient été cultivées de manière conventionnelle, 82, 85 tonnes de blé.

Sur le plan civil, le tribunal a débouté la coopérative COPCEL, l'association ORGANISME QUALITE Z..., la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques des Régions de Z... (FNAB), l'Association Interprofessionnelle B... BIOLOGIQUE, l'Association A...

BIOLOGIQUE, l'Association UFC 43 de leurs constitutions de parties civiles déclarées irrecevables à défaut de commission d'infraction. * * *

Le ministère public a interjeté appel des dispositions pénales, le 27 mars 2003.

Le conseil de l'Association UFC 43, le conseil de l'Association QUALITE Z..., le conseil de la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques des Régions de Z..., de l'Association A... Biologique B... et de l'Association Interprofessionnelle B... BIOLOGIQUE ont interjeté le 3.04.2003 appel des dispositions civiles du jugement. * * *

La Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques des Régions de Z..., l'Association Interprofessionnelle B... BIOLOGIQUE et l'Association A... BIOLOGIQUE ont déposé des conclusions communes aux fins de voir:

* infirmer le jugement entrepris

* déclarer les prévenus coupables de l'infraction de tromperie visée par les poursuites

* condamner les prévenus à la publication du jugement à titre de réparation pénale suivant l'article L.216-3 du code de la consommation dans les journaux suivants : La A... Paysanne d'une part et d'autre part, FNAB INFO, BIOFIL et LE SOL A LA TABLE.

* sur les intérêts civils, déclarer leurs constitutions de parties civiles recevables

* condamner solidairement les prévenus à indemniser chacune des trois parties civiles des préjudices subis par le versement de dommages-intérêts à hauteur de:

- pour la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques des Régions de Z... 7.700 ä pour préjudice matériel et 3.000 ä pour

préjudice moral

- pour l'Association Interprofessionnelle B... BIOLOGIQUE 3.800 ä pour préjudice matériel et 1.500 ä pour préjudice moral

- pour l'Association A... BIOLOGIQUE 7.700 ä pour préjudice matériel et 4.500 ä pour préjudice moral

* les condamner solidairement au paiement à chacune des trois parties civiles d'une indemnité de 1.500 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Elles font valoir qu'au vu des résultats du contrôle opéré par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, l'élément matériel de l'infraction n'est pas contestable, la dose de substance active de désherbage dont l'usage n'est pas autorisé, atteignant dans tous les prélèvements de terre un taux très élevé. Elles réfutent les moyens de défense des prévenus en soulignant :

- d'une part que les résultats du contrôle de QUALITE Z... ne peuvent pas être comparés à ceux des analyses effectuées sur les prélèvements de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes dès lors que le contrôle de QUALITE Z... n'a pas porté sur la présence de désherbant dans le sol mais sur la recherche d'insecticide sur les épis de blé.

- d'autre part que les analyses des prélèvements effectués par huissier de justice le 10.10.2000 à la demande des prévenus et sur une seule des cinq parcelles déclarées en culture biologique( les Couraires) ne contredisaient pas les résultats des prélèvements effectués par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, le temps écoulé ( 7 mois entre les deux séries de prélèvements) ayant permis au produit

de disparaître presque complètement en particulier du fait des intempéries. De plus les parties civiles considèrent que la parcelle "Les Couraires" n'a certainement pas été choisie au hasard dans la mesure où elles était la moins contaminée au vu des résultats des prélèvements Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et où, s'agissant d'une terre située sur un coteau, elle avait une rétention en eau nettement inférieure aux parcelles de plaine si bien que la rémanence aux produits de traitement était plus faible, les pluies ayant lessivées les sols.

Les parties civiles critiquent le jugement en ce qu'il a considéré que l'élément intentionnel de l'infraction n'était pas établi. Elles soutiennent que la mauvaise foi des prévenus résulte de plusieurs éléments essentiels de l'enquête, à savoir :

- le fait que MM.Y... et X..., pourtant exploitants professionnels expérimentés, n'ont jamais été en mesure d'expliquer comment de telles doses d'herbicide avaient pu être retrouvées sur leurs parcelles, alors qu'il est impossible que ce produit prohibé en culture biologique dont la présence a été constatée dans 40 prélèvements répartis uniformément sur la superficie des parcelles, ait pu se diffuser sur les terres analysées de façon fortuite ou accidentelle

- le fait qu'au vu des doses importantes des résidus d'herbicide encore constatées en mars 2000 alors que le produit incriminé est épandu aux mois d'octobre ou novembre pour le blé, les prévenus qui avaient nécessairement connaissance de l'utilisation du produit et de sa prohibition dans l'agriculture biologique, ne pouvaient ignorer que le blé vendu comme biologique ne pouvait prétendre à cette appellation

- le fait que les prévenus font encore preuve de mauvaise foi

lorsqu'ils prétendent qu'ils ignoraient l'objet du contrôle effectué sur leurs terres par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, les procès-verbaux qu'ils ont signés, relatifs aux prélèvements de mars 2000, les informant de l'objet du contrôle, relatif au respect de la réglementation sur l'agriculture biologique.

- le fait qu'ils aient renoncé à demander une contre-analyse

- le fait qu'ils aient gardé le silence sur l'existence du contrôle effectué en mars 2000 par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, tant à l'égard de l'organisme certificateur QUALITE Z... qu'à l'égard de la COPCEL et ce, jusqu'à l'annonce des résultats officiels en septembre 2000, sans pour autant hésité à vendre dès juillet 2000 plus de 82 tonnes de blé tendre qualifié de biologique et à réaliser ainsi un gain illicite de l'ordre de 15.000 ä.

Elles font observer que, contrairement à ce que le tribunal a jugé, le délai écoulé entre le contrôle et la divulgation des résultats par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ne fait en aucun cas disparaître l'élément intentionnel de l'infraction.

Elles indiquent que leurs constitutions de parties civiles sont parfaitement recevables, la fraude commise par les prévenus ayant causé un préjudice direct, tant matériel que moral, aux intérêts collectifs de la profession d'agro-biologistes. Elles estiment que MM.Y... et X..., référencés depuis 1993 comme agriculteurs biologiques, ayant en conséquence acquis une expérience en ce domaine et mesurant les incidences de leurs actes, n'ont vu en l'agro-biologie qu'un créneau à exploiter pour des motifs financiers, au besoin au prix d'agissements illicites. Elles leur reprochent

d'avoir spéculé sur le fruit du travail de leurs collègues qui s'évertuent depuis de longues années à faire reconnaître cette filière, tant auprès des consommateurs que des pouvoirs publics.

Elles indiquent que M.Y... a été Vice-président de la coopérative COPCEL, laquelle a connu en son sein d'autres adhérents qui ont été, non seulement exclus de la certification biologique mais en ce qui concerne l'un d'entre eux condamné pour tromperie sur la qualité d'une marchandise. A l'occasion de cette affaire il avait été découvert que cette coopérative n'effectuait aucun contrôle de la qualité des produits livrés et s'en remettait systématiquement aux certificats délivrés par l'organisme certificateur lequel n'effectuait pas lui-même un contrôle systématique approfondi, le système reposant avant tout sur la bonne foi des cocontractants. La COPCEL qui rassemblait une cinquantaine de producteurs en 1995 a à ce jour totalement cessé d'exercer ses activités dans le secteur biologique.

Les parties civiles soulignent que la fraude telle que celle commise par les prévenus a pour effet de déstabiliser toute une chaîne économique fragile car elle demeure une filière très minoritaire et se trouve confrontée à des impératifs de production particulièrement contraignants. Elles se prévalent de préjudices importants occasionnés par les répercussions très négatives de l'affaire en raison de l'atteinte portée à l'image de marque de l'agriculture biologique que les syndicats professionnels s'efforcent de garantir et de promouvoir par la mise en place de réseaux de vigilance et d'information coûteux mais indispensables pour pallier à l'insuffisance des contrôles publics. * * *

L'association QUALITE Z... conclut également à la réformation du jugement, demande de déclarer recevable sa constitution de partie civile et de condamner MM.Y... et X... à lui payer la somme de

30.000 ä à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 500 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Elle estime qu'il est constant que les prévenus ont commercialisé un blé non conforme aux dispositions du règlement communautaire n° 2092/91 du 24 juin 1991, les résultats des analyses des prélèvements de sol réalisés par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes révélant la présence d'un herbicide, le méthadenthiazuron dans des proportions très supérieures à celles tolérées dans l'agriculture biologique.

QUALITE Z... soutient que l'obligation de conformité des produits qui incombe à tout producteur, préalablement à la mise sur le marché des produits, lui impose de réaliser des auto-contrôles. Or elle relève qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que les prévenus aient, avant la commercialisation de leur marchandise, demandé à la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes les résultats des analyses litigieuses, ni informé QUALITE Z... des prélèvements effectuées sur leurs parcelles en mars 2000 alors que des représentants de l'association s'étaient présentés sur l'exploitation du GAEC DE COHADE au mois de juin 2000 pour réaliser des investigations conformes au cahier des charges. Elle indique qu'informée de ces prélèvements, elle n'aurait pas attribué aux prévenus un certificat de conformité à un mode de production biologique avant d'avoir connaissance des résultats d'analyse des prélèvements, d'autant que ces propres investigations ne portaient pas sur le sol mais sur les épis de blés.

QUALITE Z... considère que les prévenus se sont en fait affranchis de leurs obligations pour s'empresser de commercialiser la marchandise à des fins purement spéculatives comme produit issu de la culture biologique alors que cette qualification était injustifiée en raison de l'usage d'herbicide en quantité très importante. Elle

insiste sur le fait qu'il appartenait aux prévenus de s'assurer et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour vendre une production répondant à la qualification de culture biologique.

A ses yeux, l'attitude opportuniste des prévenus caractérise l'élément intentionnel du délit de tromperie. Elle critique la décision entreprise en ce qu'elle a relaxé les prévenus au motif de l'absence d'élément intentionnel en se bornant à reprocher à l'administration la lenteur avec laquelle elle avait fait connaître les résultats des analyses. Elle insiste sur le fait que les prévenus devaient, en tout état de cause, entourer la mise sur le marché des marchandises litigieuses de vérifications qui leur incombaient personnellement alors qu'ils sont restés passifs face aux analyses en cours de façon à ne pas éveiller la curiosité de ses services.

QUALITE Z... se prévaut du fait que les infractions commises par les prévenus sont de nature à jeter le discrédit sur les certifications qu'elle donne et portent atteinte à son image pour solliciter la condamnation de MM.Y... et X... à indemniser son préjudice. * * *

L'association UFC 43 demande de déclarer MM.Y... et X... coupables des faits qui leur sont reprochés, d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans un journal local ainsi que dans la revue "Que Choisir" aux frais avancés de M.Y..., et de condamner chacun des prévenus à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Elle fait observer que les prévenus contestent l'analyse des prélèvements mais n'ont pas sollicité de contre-analyse. Elle souligne que les services de Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont apporté toutes explications quant aux résultats des analyses des prélèvements réalisés à la demande des prévenus le 10.10.2000, soit

plus de 7 mois après les prélèvements de mars 2000, les dernières analyses n'ayant aucune valeur probante en raison notamment du lessivage des sols, de l'oxydation de l'air et de phénomènes de fermentation microbienne.

Compte tenu de l'engouement des consommateurs pour les produits "biologiques", l'association UFC 43 soutient que les actes commis par les prévenus ont causé un préjudice particulier aux intérêts collectifs des consommateurs qu'elle représente. [*

Monsieur l'avocat général a requis la réformation du jugement, estimant que le délit de tromperie était parfaitement établi en tous ses éléments constitutifs, ainsi que la condamnation de chacun des prévenus à la peine de 15.000 ä . Il a insisté en outre pour que soit ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir. *]

M.Y... et M.X..., dans le cadre d'une défense commune, ont sollicité la confirmation du jugement entrepris.

Ils prétendent que ni l'élément matériel ni l'élément intentionnel du délit de tromperie n'est établi à leur encontre.

Ils estiment que les résultats des analyses des prélèvements du 1er mars 2000 effectués par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ne sont pas probants car le produit incriminé ne serait pas interdit, aucun texte ne mentionnant selon eux que des interdictions et recommandations seraient relatives au sol.

Se prévalant du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, ils en déduisent qu'à défaut de réglementation précise, aucune infraction pénale ne peut être retenue à leur encontre.

Ils nient les faits en arguant du fait que le contrôle effectué par QUALITE Z... le 29 juin 2000 n'a révélé aucune trace de produit chimique et en interprétant les résultats des prélèvements effectués sous le contrôle d'un huissier de justice le 10.10.2000 comme

apportant la preuve d'un usage à très faibles doses de l'herbicide incriminé, même sur les parcelles exploitées en culture conventionnelle.

Ils soutiennent que le tribunal correctionnel a parfaitement relevé que l'élément intentionnel faisait défaut, rien n'établissant qu'au moment de la vente, les prévenus ait agi en connaissance de cause, dès lors que devant le silence de l'administration ils ont pu en toute bonne foi cédé leur récolte à la COPCEL en pensant que les contrôles étaient avérés négatifs, d'autant que QUALITE Z... n'avait décelé aucune anomalie en juin. Ils s'étonnent que l'administration ait laissé vendre une récolte qu'elle savait polluée.

Alors même que les prévenus auraient connu la présence de l'herbicide litigieux dans le sol, leur défense fait valoir que l'infraction de tromperie serait subordonnée à la preuve que l'origine de la pollution serait imputable à des actes délictueux dont ils auraient eu connaissance. L'enquête n'apportant aucun élément sur ce point, ils excipent de l'absence d'élément intentionnel, en soutenant qu'ils ne savaient pas les 20 et 16 juillet 2000, dates de vente de la récolte à COPCEL que celle-ci contenait des produits interdits dans le cadre de l'agriculture biologique. * * *

SUR QUOI, LA COUR,

1-sur la forme

Attendu que l'appel du Ministère Public et les appels des parties civiles, interjetés dans les forme et délai légaux, sont réguliers et recevables.

2- sur le fond

Attendu qu'il résulte de l'enquête et des débats d'audience les faits suivants :

Deux Inspecteurs des Services déconcentrés de la Direction Générale

de la concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) ont procédé à un contrôle des parcelles exploitées en culture biologique par le GAEC DE COHADE sis à Le Bourg 43100 COHADE, le 1er mars 2000. Le GAEC avait déclaré exploiter en 2000 une superficie totale de 108,21 ha dont 17 ha 11 en agriculture biologique et 90 ha 51 en agriculture traditionnelle.

A l'occasion du contrôle du 1er mars 2000, cinq procès-verbaux numérotés de 21 à 25 ont été dressés. Ils correspondaient au prélèvement d'échantillons de terre portant les n° d'ordre 32 K à 38 K, effectués en application des articles L.215-4, R.215-4 à R 215-1 du code de la consommation, les parcelles dans lesquelles les prélèvements étaient faits étant identifiées précisément dans chacun des procès-verbaux. Ces opérations ont été effectués contradictoirement, en présence de M.Y..., responsable du GAEC et de M.X.... Membre du GAEC. M.Y... a déclaré que les parcelles avaient été semées en blé tendre fin octobre et qu'elles avaient été conduites en agriculture biologique sans adjonction d'aucun produit de synthèse de quelque nature que ce soit.

M.Y... a indiqué aux contrôleurs que 19,49 ha étaient cultivés en mode de culture biologique dont 17,1 ha ensemencés en blé tendre d'hiver à l'automne 1999, le reliquat de la surface étant en état de lande de 1,77 ha.

Les prélèvements ont été opérés sur 16,38 ha soit 95,78 % des terres cultivées selon le mode biologique.

Les résultats des analyses effectuées par le Laboratoire inter-régional de la concurrence, de la consommation et des la répression des Fraudes ont fait apparaître dans tous les prélèvements et à une dose importante voire très importante la présence d'une substance active de désherbage dont l'utilisation est strictement interdite par le Règlement CEE n°2092/91 du 24 juin 1991.

Les résultats sont en effet les suivants :

* prélèvement n°21 : présence de methabenzthiazuron de 1,94 mg/kg

* prélèvement n°22 : présence de methabenzthiazuron de 2,47 mg/kg

* prélèvement n°23 : présence de methabenzthiazuron de 3,74 mg/kg

* prélèvement n°24 : présence de methabenzthiazuron de 1,68 mg/kg

* prélèvement n°25 : présence de methabenzthiazuron de 2,47 mg/kg

Cette matière est présente dans le désherbant commercialisé sous le nom "ELDORADO", produit dont il a été vérifié qu'il était utilisé par le GAEC de Cohade pour désherber les parcelles de blé cultivées de manière conventionnelle. (Cote 38)

Au vu de ces résultats MM.Y... et X..., interrogés sur la présence d'herbicide sur leurs parcelles, ont indiqué ne pas se l'expliquer.

L'enquête a montré que le GAEC de Cohade avait livré 82,45 tonnes de blé biologique entre le 20 et le 26 juillet 2000 à la COPCEL, coopérative sise à Brives Charensac. La coopérative a réglé la marchandise au GAEC de Cohade le 23 août 2000 pour un montant de 153.611,76 F HT soit environ 1.800 F HT la tonne, prix du blé biologique, à rapprocher du prix du blé conventionnel s'élevant à l'époque à 620 F/la tonne. Compte tenu du poids livré, la vente de blé biologique a procuré un revenu supplémentaire de 97.763,63 F.

M.Y... a averti seulement le 8 septembre 2000 M.A..., sous-directeur de la coopérative COPCEL, du contrôle dont le GAEC avait été l'objet et de ses résultats.

La coopérative a été contrainte d'immobiliser 211,66 tonnes de blé biologique se trouvant dans le même silo que celui où était stockée la récolte du GAEC de la Cohade.

MM.Y... et X... ont également averti tardivement l'association QUALITE Z..., organisme certificateur informée après la livraison de la marchandise. Ils ont contesté auprès de cet organisme les résultats des analyses des échantillons prélevées par la Direction

Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes.

Ils ont fait procéder à des prélèvements de terre par huissier de justice (constat du 10.10.2000 de Me B... qui a remis les deux échantillons à M.Y...).

Ces deux échantillons ont été transmis le 11.10.2000 au laboratoire AGRO-SYSTEME par la société PHYTO-SEM SERVICES et non par le GAEC de Cohade.

Ce laboratoire a sous-traité les analyses de terre au laboratoire SGS Crépin de ROUEN. Les résultats ont été communiqués le 7.11.2000. Les prévenus s'en prévalent pour contester les poursuites.

Ces prélèvements faits 7 mois après ceux réalisés par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ne sont pas, de l'avis des services de cette administration, significatifs. Elle fait observer sans être démentie que la présence de substances actives de désherbage diminue avec le temps par l'effet du lessivage des sols par les eaux pluviales, de l'oxydation à l'air et de phénomènes de fermentation microbienne. * * *

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a dressé un procès-verbal de délit le 27 avril 2001, au vu des résultats de son enquête.

Le 2.05.2001, le Parquet du PUY en VELAY a demandé à la gendarmerie de BRIOUDE de notifier à MM.Y... et X... les analyses effectuées par le laboratoire de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et d'informer les intéressés de leur droit de solliciter une analyse contradictoire dans les huit jours de ladite notification conformément aux dispositions de l'article L.215-11 du code de la consommation. Parfaitement au courant de leurs droits, les prévenuss de ladite

notification conformément aux dispositions de l'article L.215-11 du code de la consommation. Parfaitement au courant de leurs droits, les prévenus ont indiqué qu'ils n'envisageaient pas de solliciter une contre-analyse.

Ils ont néanmoins contesté les résultats des analyses qui leur étaient notifiés, ont revendiqué au soutien de leur défense les résultats des analyses d'échantillons prélevés par huissier de justice en octobre 2000 et ont prétendu n'avoir jamais utilisé de produits autres que ceux autorisés pour la culture biologique sur les parcelles considérées. Ils n'ont pas compris comment le produit désherbant décelé avait pu arriver sur les parcelles incriminées. * * *

Les prévenus se sont également prévalus de la certification "biologique" du blé livré à la COPCEL donnée par l'Association QUALITE Z....

En fait cet organisme a effectué des prélèvements d'épis de blé (cote 40) le 29 juin 2000 et a réalisé des analyses qui ont porté sur les résidus d'organophosphorés et organo-chlorés (insecticides) et non sur les désherbants. Le représentant de cet organisme a admis les limites des contrôles mis en oeuvre par le certificateur QUALITE Z....

Cet organisme a indiqué avoir exercé plusieurs contrôles dans l'exploitation du GAEC de Cohade. Ils ont régulièrement donné lieu à observations auprès du GAEC DE COHADE depuis avril 1998 en raison du manque de séparation entre les parcelles suivies en agriculture biologique et celles suivies de façon conventionnelle. Il avait également été relevé en 1999 des rendements exceptionnels de blé et orge correspondant au double de l'année 1998, justifiés selon les explications fournies par M.Y... par des conditions climatiques favorables.

Le contrôleur de qualité, M.C..., n'a pas été informé de l'intervention de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes le 1er mars 2000 lorsqu'il a effectué son contrôle le 29 juin 2000. * * *

2-1-sur l'action publique

2-1-1-sur l'élément légal de l'infraction

Attendu que les prévenus sont poursuivis sur le fondement du délit de tromperie prévu et réprimé par l'article L.213-1 du code de la consommation; qu'il leur est reproché d'avoir trompé leur contractant, la COPCEL, par quelque procédé sur ce soit, sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles d'une marchandise, en l'occurrence d'avoir vendu sous la qualification de blé provenant d'une culture biologique une récolte qui n'a pas été obtenue selon un mode de culture conforme aux exigences de la réglementation en vigueur en ce domaine;

Attendu que le respect des dispositions du Règlement CEE n°2092-91 du 24 juin 1991 relatif au mode de culture biologique interdit l'utilisation de tout désherbant chimique de synthèse; que contrairement au moyen de défense soutenu par les prévenus, les textes applicables sont parfaitement clairs; qu'ainsi l'article 6 b) du Règlement Communautaire du 24 juin 1991 dispose que "seuls les produits qui contiennent des substances mentionnées à l'annexe I ou énumérées à l'annexe II peuvent être utilisés comme produits phytosanitaires, engrais, amendements du sol, aliments des animaux etc.." ; que le produit incriminé ne faisant pas partie des produits énumérés dans ces annexes, son usage est incontestablement interdit en culture biologique;

que les prévenus adhérents depuis 1995 de l'association QUALITE Z..., avaient acquis une expérience certaine dans le domaine de la

culture du blé "biologique" s'agissant d'agriculteurs professionnels se livrant depuis plusieurs années à l'exploitation de parcelles selon ce mode de culture; qu'ils ne pouvaient pas ignorer les obligations en découlant;

qu'à tout le moins en présence d'un doute quant au traitement des terres notamment, il leur appartenait de se renseigner sur les exigences de ce mode de culture, de même qu'ils se devaient de s'assurer au moment de la commercialisation du produit de la conformité de celui-ci à la réglementation relative au mode de culture biologique en procédant aux vérifications nécessaires, à tout le moins en l'espèce en s'informant des résultats de analyses des prélèvements effectués par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes;

2-1-2- sur l'élément matériel de l'infraction

Attendu qu'il est constant que MM.Y... et X... ont manqué à leurs obligations en vendant sous la qualité de marchandise provenant d'une culture biologique du blé récolté sur des parcelles traitées avec un désherbant strictement interdit;

que les résultats incontournables des analyses des prélèvements effectuées par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes démontrent que toutes les parcelles et sur toute leur superficie ont été traitées avec le produit incriminé; que compte tenu des contenances et configurations des terrains, ce constat exclut toute contamination accidentelle ou fortuite; qu'au demeurant les prévenus se gardent bien d'invoquer un tel argument, se contentant de prétendre qu'ils ne comprennent pas comment cette situation a pu intervenir; qu'ils n'évoquent pas non plus le fait d'un tiers, bien conscients de ce que le traitement de plus 17 ha avec un herbicide représente en heures de travail, moyen matériel et coût du produit de traitement une dépense non négligeable

qui ne peut passer inaperçue, pas plus d'ailleurs que les effets ultérieurs du traitement sur l'évolution de la végétation, surtout lorsque le désherbant a été utilisé aux doses mis en évidence par les analyses des prélèvements du 1er mars 2000;

que ce faisant, M.Y... et M.X... se sont ainsi obstinés à nier l'évidence, les éléments du dossier ne laissant aucun doute sur le fait qu'ils avaient traité ou fait traité systématiquement tous les sols des parcelles déclarées en mode de production biologique avec un herbicide qu'ils avaient l'habitude d'utiliser en culture conventionnelle ;

qu'il s'ensuit que peu importe que les prévenus aient ignoré les résultats des analyses des prélèvements effectués le 1er mars 2000, dès lors qu'ils savaient pertinemment que le blé livré à la COPCEL sous la qualité de blé "biologique" avait en fait été cultivé sur des parcelles traitées avec des produits interdits dans ce mode de culture;

Que les résultats des analyses n'ont fait qu'apporter la preuve de faits dont l'existence était nécessairement connue des prévenus, lesquels ont simplement spéculé sur l'espoir qu'ils avaient de faire aboutir leur tromperie dans l'hypothèse où elle n'aurait pas été mise à jour par les contrôles;

que leur renonciation à solliciter une contre-analyse conformément aux droits qui leur ont été régulièrement notifiés est révélatrice de ce qu'ils ne remettent pas véritablement en cause les résultats des analyses;

Attendu que leur moyen de défense tiré de la comparaison des analyses du laboratoire de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes avec les analyses des prélèvements effectués à leur convenance en octobre 2000 ne font au demeurant que

conforter les résultats des premières analyses en montrant l'existence encore 7 mois plus tard de résidus du produit interdit, y compris sur les parcelles où l'élimination est censée être la plus rapide;

que le raisonnement des prévenus est encore plus spécieux lorsqu'ils tentent de se soustraire aux poursuites en se prévalant de la certification donnée à leur récolte par QUALITE Z... au vu des résultats des analyses des prélèvements d'épis effectués en juin 2000;

2-1-3- sur l'élément intentionnel

Attendu que le tribunal correctionnel a fait une analyse manifestement erronée du dossier en méconnaissant l'exacte application de la loi pénale au cas d'espèce;

Attendu qu'en premier lieu, les faits matériels, caractérisés par l'usage en culture biologique d'un herbicide interdit, suivi de la commercialisation en connaissance de cause de la récolte de blé présentée par les prévenus comme provenant d'une culture biologique, sont avérés ;

Qu'en second lieu les auteurs de ces faits sont des agriculteurs professionnels qui, pour pratiquer depuis plusieurs années à la fois la culture conventionnelle et la culture biologique, étaient avisés au jour des ventes litigieuses des exigences spécifiques de la culture biologique comme des obligations en découlant;

qu'en conséquence, les faits matériels étant acquis et la qualité de professionnels avisés des prévenus étant incontestable, le fait d'avoir déclarer faussement, en connaissance de cause, au jour de la vente à la coopérative COPCEL que le produit était issu d'une agriculture biologique suffit à constituer l'élément intentionnel du délit de tromperie;

Attendu qu'en l'occurrence, s'il en était besoin, d'autres éléments

concourent à établir la preuve de l'intention délictuelle des prévenus:

[* le silence soigneusement gardé sur l'existence du contrôle de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes tant à l'égard de l'association QUALITE Z..., pourtant venue sur l'exploitation faire un contrôle des épis en juin 2000 avant de délivrer la certification de la production du GAEC de COHADE, qu'à l'égard du cocontractant la COPCEL

*] le fait de s'être abstenu d'entreprendre la moindre démarche pour connaître les résultats des analyses avant la commercialisation du produit alors que, pour tout professionnel se conformant à ses obligations et normalement avisé, il s'agissait d'une précaution élémentaire avant de livrer une récolte dont M.Y..., ancien vice-président de la coopérative COPCEL savait bien qu'elle risquait de contaminer tout un silo;

Attendu que contrairement à leurs allégations aux termes desquelles ils se sont ingéniés à vouloir faire reposer sur l'administration l'origine des fautes dont ils sont seuls responsables, la marchandise n'était pas "polluée" au sens où elle n'aurait pas pu être commercialisée; qu'il leur appartenait simplement de la mettre en vente en fonction de la qualité réelle qui était la sienne, à savoir celle d'un produit provenant de la culture conventionnelle; que peu importe la date à laquelle les résultats des analyses du laboratoire de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont été connus, ces données ne modifiant en rien la qualité de la marchandise dont il est démontré qu'elle a été produite dans des conditions non conformes aux exigences de la culture biologique;

Attendu que tous les éléments du délit de tromperie étant amplement

établis, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer chacun des prévenus coupable des faits visés par les poursuites ;

2-1-4- sur les peines

Attendu que MM.Y... et X... n'ont pas hésité à commettre le délit de tromperie dans un but purement lucratif guidé par leur seul intérêt personnel, sans égard pour les conséquences de leurs actes envers les victimes, qu'il s'agisse de leur cocontractant, la COPCEL, de la chaîne des professionnels de la transformation, distribution et commercialisation des produits biologiques ou qu'il s'agisse du consommateur qui, après avoir perdu confiance dans les méthodes d'une certaine agriculture, se tourne vers la consommation de produits biologiques qu'il accepte de payer plus cher en contrepartie de garantie quant au système de production réglementé par les pouvoirs publics; que de tels agissements discréditent toute une filière de production que d'autres professionnels honnêtes s'efforcent de faire reconnaître au prix d'un travail considérable et rigoureux pour répondre pleinement aux contraintes qu'imposent ce type de culture;

Attendu que Monsieur l'Avocat Général a souligné la gravité de ces faits déniés par les prévenus qui s'obstinent à ne pas vouloir prendre la mesure du trouble causé à l'ordre économique par une délinquance délibérée, concertée, visant le gain facile à travers des agissements frauduleux;

Attendu qu'il convient de prononcer à l'encontre de chacun des prévenus la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et celle de 1.500 euros d'amende; qu'il sera ordonné en outre, à titre de sanction pénale, la publication par extraits du présent arrêt dans toutes les éditions paraissant en B... du journal "LA MONTAGNE" selon les modalités définies dans le dispositif ci-dessous, les frais de publications ne pouvant excéder la somme de 3.000 euros;

2-2- sur les actions civiles

Attendu que le blé livré frauduleusement par les prévenus à la COPCEL n'ayant pas été revendu, le préjudice occasionné aux parties civiles par l'infraction imputable aux prévenus est essentiellement lié au discrédit porté à l'image de la filière "agriculture biologique" de la A...; qu'il sera réparé pour l'essentiel par les publications d'extraits du présent arrêt destinées à informer le public de l'existence de contrôles efficaces permettant de démasquer les fraudeurs et d'aboutir à des sanctions dissuasives;

Que les préjudices allégués par chacune des parties civiles sont loin d'atteindre l'importance qu'elles invoquent pour solliciter des dommages-intérêts dans des proportions très excessives;

qu'aucune des associations ne justifie avoir subi un dommage habituellement indemnisé sous la dénomination de préjudice moral, comparable à la douleur provoquée par la perte d'un être cher ou par les souffrances graves subies par un proche;

Attendu qu'au vu des justificatifs produits aux débats, les indemnisations des préjudices subis par chacune des parties civiles en lien direct avec les faits reprochés à MM.Y... et X... doivent s'établir ainsi qu'il suit :

* pour la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques des Régions de Z..., l'Association A... Biologique B... et l'Association Interprofessionnelle B... BIOLOGIQUE, à hauteur d'un montant de 250 ä chacune outre la somme de 600 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

* pour l'association UFC 43 à hauteur d'un montant de 500 ä outre la somme de 600 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

* pour l'association QUALITE Z... à hauteur d'un montant de UN euro

outre la somme de 600 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Qu'il sera fait droit à la demande de publication présentée par l'association UFC 43 en ce qu'elle tend, de façon parfaitement justifiée, à voir ordonner, aux frais de M.Y..., la publication par extraits du présent arrêt dans la revue " Que Choisir" en vue de l'information des consommateurs, les frais de publications ne pouvant excéder la somme de 1.000 euros;

que MM.Y... et X..., entièrement responsables des préjudices occasionnés aux victimes, seront condamnés solidairement au paiement de ces sommes à l'exception des frais de publication dans la revue "QUE CHOISIR", l'UFC 43 ayant dirigée sa demande uniquement à l'encontre de M.Y...;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre de toutes les parties, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré,

Déclare l'appel du Ministère Public et l'appel de l'Association UFC 43, de l'Association QUALITE Z..., de la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques des Régions de Z..., de l'Association A... Biologique B... et de l'Association Interprofessionnelle B... BIOLOGIQUE, parties civiles, recevables en la forme.

Déclare M.Y... Y... et M.X... Sébastien coupables d'avoir à COHADE et BRIVES CHARENSAC, entre les 20 et 26 juillet 2000, trompé la société COPCEL, leur contractant, sur la nature, l'identité et les qualités substantielles d'une marchandise, en l'espèce en lui

vendant, sous l'appellation "biologique" alors qu'elles avaient été cultivées de manière conventionnelle, 82, 85 tonnes de blé,

infraction prévue et réprimée par les articles L.213-1 - L.216-2 - L.216-3 du code de la consommation.

Condamne M.Y... Y... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1.500 euros.

Condamne M.X... Sébastien à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1.500 euros.

Ordonne en outre la publication par extraits du présent arrêt dans toutes les éditions d'AUVERGNE du journal "La MONTAGNE" aux frais avancés des condamnés tenus solidairement, sans que le montant de ces frais ne puisse excéder la somme de 3.000 euros.

Déclare M.Y... Y... et M.X... Sébastien entièrement responsables des préjudices occasionnés aux parties civiles par le délit de tromperie.

Condamne solidairement M.Y... Y... et M.X... Sébastien à payer et porter les sommes suivantes :

* à la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques des Régions de Z..., l'Association A... Biologique B... et l'Association Interprofessionnelle B... BIOLOGIQUE, la somme de 250 ä chacune - soit une somme totale de 750 euros - outre la somme globale de 600 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

* à l'association UFC 43 la somme de 500 ä outre la somme de 600 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

* à l'association QUALITE Z... la somme de UN euro outre la somme de 600 ä en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Ordonne à titre de condamnation civile, aux frais avancés de M.Y..., la publication par extraits du présent arrêt dans la revue " Que

Choisir", les frais de publications ne pouvant excéder la somme de 1.000 euros.

Dit que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal sera donné par Madame le Président aux condamnés en fonction de leur présence à l'audience lors du prononcé du présent arrêt.

Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt euros dont est redevable le prévenu et que l'éventuelle contrainte par corps s'exercera selon les dispositions légales.

Le tout en application des articles susvisés, des articles 132-29 - 749 - 750 du code de procédure pénale - 1018 A du code général des impôts. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : 03/00546
Date de la décision : 04/12/2003

Analyses

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperies - Tromperie sur la nature, l'origine, les qualités substantielles ou la composition - Eléments constitutifs - Intention frauduleuse

Est caractérisé l'élément intentionnel du délit de tromperie par le fait d'avoir déclaré faussement, en connaissance de cause, au jour de la vente à une coopérative agricole, que le produit était issu d'une agriculture biologique


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2003-12-04;03.00546 ?
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