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25/11/2003 | FRANCE | N°02/02797

France | France, Cour d'appel de riom, 25 novembre 2003, 02/02797


FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur R est engagé par la S.A. CONFORAMA en janvier 1999, et affecté, à compter du 1er juillet 1999 en qualité de Directeur de la succursale de VICHY.

A la suite d'un contrôle effectué le 25 octobre 2001, dans ce magasin, par le coordinateur de gestion, il est convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire et licencié pour faute lourde le 12 novembre 2001.

Contestant cette mesure, il saisit le Conseil de Prud'hommes de VICHY, le 24 janvier 2002, pour obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif, une in

demnité de préavis, une indemnité de licenciement, un rappel de salaire sur mis...

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur R est engagé par la S.A. CONFORAMA en janvier 1999, et affecté, à compter du 1er juillet 1999 en qualité de Directeur de la succursale de VICHY.

A la suite d'un contrôle effectué le 25 octobre 2001, dans ce magasin, par le coordinateur de gestion, il est convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire et licencié pour faute lourde le 12 novembre 2001.

Contestant cette mesure, il saisit le Conseil de Prud'hommes de VICHY, le 24 janvier 2002, pour obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif, une indemnité de préavis, une indemnité de licenciement, un rappel de salaire sur mise à pied et des congés payés.

Par décision du 21 octobre 2002, cette juridiction : .

constate que l'ensemble des manoeuvres illégales ou frauduleuses reprochées à Monsieur R est avéré .

les qualifie de fautes graves .

dit que l'intention de nuire du salarié n'est pas établie .

le déboute de ses prétentions et le condamne au paiement d'une somme en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur R forme appel de ce jugement le 22 octobre 2002. PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur R souligne que les emprunts de produits de la société par des salariés ou par lui-même ont fait l'objet de bons d'emprunt et avaient pour but de tester les produits pour mieux renseigner la clientèle.

En ce qui concerne les achats de matériels avec remises et paiement au moyen de quatre chèques, il précise qu'il s'agissait de produits venant d'une promotion antérieure, déclassés par le siège et ayant

fait l'objet d'une annonce au personnel comme il est d'usage.

Il argue également de l'autonomie de gestion dont il bénéficiait en sa qualité de Directeur et affirme que toutes les transactions opérées sous son contrôle ont été réalisées dans la plus grande transparence puisqu'elles étaient visibles à tous les niveaux hiérarchiques au-dessus du magasin.

Il fournit également des explications pour le camescope, pour le contrôle des journées de caisse, la vérification des chèques impayés et la petite caisse du magasin.

Il ajoute que, par ailleurs, ses bons résultats ont permis à l'employeur de s'enrichir et dénie tout caractère frauduleux à ses actes et demande à la Cour de dire le licenciement particulièrement abusif et dénué de faute lourde.

Il sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour le préjudice subi et les indemnités attachées à son congédiement, le tout, par réformation de la décision entreprise.

La S.A. CONFORAMA fait valoir que Monsieur R a utilisé à des fins personnelles des produits appartenant à la société, en violation de la procédure applicable et a autorisé également l'utilisation de marchandises, à des fins privées, par des salariés.

Elle estime qu'il s'agissait de pratiques intolérables, consistant à détourner du matériel neuf alors que la gestion des prêts de matériel doit s'inscrire dans une procédure stricte et écrite qui n'a nullement été respectée.

De plus, elle expose qu'il n'a pas plus suivi la procédure relative aux achats du personnel et a même employé des manoeuvres frauduleuses sur un produit qu'il a acquis avec une remise conséquente, au moyen d'un crédit gratuit n'existant pas dans les magasins de l'enseigne.

De même et notamment, elle lui reproche un détournement d'un téléviseur réglé par un client au moyen d'un chaque volé, restitué à

Monsieur R qui l'a conservé à son domicile pendant plus d'une année puisqu'il n'a été rapporté dans le magasin que le soir de l'entretien préalable.

Soutenant qu'en ne respectant pas les directives et les procédures en toute connaissance de cause et en se livrant à des manoeuvres frauduleuses, Monsieur R a bien eu l'intention de nuire à la société en accordant des remises caractérisant la vente à perte et en détournant du matériel volé.

Elle demande donc à la Cour de confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes, de débouter Monsieur R de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 1.500,00 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ASSEDIC D'AUVERGNE intervient à la procédure, s'en remet à droit sur le fond du litige concernant la qualification du licenciement et demande à la Cour, si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner la SA CONFORAMA à lui payer la somme de 13.768,20 ä correspondant aux allocations versées outre la somme de 250 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises. DISCUSSION : Sur la recevabilité

L'appel, interjeté dans le délai d'un mois prévu par les articles 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et R.517-7 du Code du Travail, est régulier en la forme. Sur le fond

- Sur le licenciement -

- La lettre de licenciement -

Fixant les limites du litige, elle énonce les griefs formulés à l'encontre de Monsieur R en cinq points: 1.

Emprunt de produits de la société par lui-même et ses collaborateurs 2.

Non respect de la procédure relative aux achats du personnel et manoeuvres frauduleuses à des fins personnelles 3.

Contrôle des journées de caisse 4.

Contrôle des chèques impayés 5.

La petite caisse du magasin.

Au terme de cette liste, dont chaque paragraphe est détaillé et appuyé d'exemples, la lettre se poursuit dans les termes suivants :

" Ces différentes fautes d'une particulière gravité pour la plupart d'entre elles, nous causent un préjudice pécuniaire certain. De plus, elles rendent impossible votre maintien dans l'entreprise eu égard à l'importance de vos fonctions et au rôle d'exemple que vous devez avoir vis-à-vis du personnel.

Suite à ces événements mettant en doute votre honnêteté et votre intégrité, nous sommes conduits à vous licencier à effet immédiat pour faute lourde"...

- L'analyse des griefs -

Il est à noter que l'ensemble de ces reproches est répertorié dans un "compte rendu visite magasin de Vichy" établi par le coordinateur de gestion le 25 octobre 2001 et versé aux débats.

Monsieur R ne conteste pas la matérialité des faits énoncés dans ce document et repris dans la lettre de licenciement mais fournit des explications pour chaque point pour tenter de minimiser l'importance des fautes alléguées à son encontre.

L'emprunt de produits de la société

La procédure de prêt ayant cours dans la société CONFORAMA est strictement réglementée et doit être gérée par le responsable du Service Après Vente, le parc de prêt servant uniquement à dépanner des clients en attente de réparation de leur propre matériel.

Or, en l'espèce, Monsieur R a autorisé le prêt à deux membres du personnel ou à lui-même de matériels qui ont été emportés à leurs domiciles respectifs pendant plusieurs mois et ce, en violation de l'interdiction formelle d'utiliser des biens appartenant au stock à des fins personnelles et à l'extérieur du magasin et de prêter des biens au personnel.

Dès lors que des règles existent et que Monsieur R, par ses fonctions en a forcément connaissance, peu importe qu'il ait dressé des bons de prêt ou qu'il ait validé ces emprunts.

Le fait que ce matériel demeure, pendant un temps suffisamment long, à la disposition d'emprunteurs non habilités à les détenir pour être remis en vente comme les autres marchandises constitue un abus et le reproche à ce sujet est fondé.

Les achats du personnel et les manoeuvres frauduleuses

Les achats concernés visent des produits numériques ou informatiques pour lesquels Monsieur R s'est consenti ou a consenti à des membres du personnel des remises démesurées impliquant un prix de vente inférieur à celui payé par l'entreprise et donc une vente à perte.

De plus, il s'avère que Monsieur R a réglé son acquisition au moyen de quatre chèques dont le 1er a été encaissé plus de trois semaines après la transaction, ces facilités de paiement, accordées également au personnel, n'étant pas admises et même interdites par l'enseigne.

Le salarié prétend qu'il s'agit de produits déclassés par le siège, que tout a été fait de manière transparente et officielle mais il ne s'explique pas sur le mode de paiement.

Cependant les achats du personnel font également l'objet de directives précises et le prix de vente doit s'établir au prix d'achat TTC majoré de 10 % alors qu'il est démontré que Monsieur R a vendu ou acquis les biens litigieux en dessous du prix d'acquisition par CONFORAMA.

Ainsi que le souligne l'employeur, par ces actes qui ont porté sur des produits récents, en dehors des périodes de soldes, Monsieur R a outrepassé les pouvoirs concédés par ses fonctions.

En conséquence ce grief sera aussi retenu.

Le contrôle des journées de caisse

Monsieur R en dénie le caractère frauduleux et avance qu'il effectuait un essai alors que l'employeur soutient avoir, en réunion, rappelé que cette pratique était strictement interdite car elle faussait les stocks.

En l'absence d'élément objectif plus probant, la Cour retiendra la matérialité des faits mais pas la malveillance dénoncée par l'employeur.

Le contrôle des chèques impayés

En fait, il s'agit d'un seul fait relatif à un téléviseur acquis en mars 2000 par un client, au moyen d'un chèque volé, restitué le 4 octobre 2000 par les services de police à Monsieur R, lequel a conservé l'appareil à son domicile, le rapportant au magasin le jour

même de l'entretien préalable.

Les explications fournies par le salarié ne donne aucune réponse plausible à ce reproche puisqu'il se contente de clamer qu'il n'a pas besoin de télé puisqu'il en a déjà une.

Ce grief se trouve parfaitement établi au vu, d'une part, du procès verbal de restitution dressé par la Police et, d'autre part, de l'attestation de la comptable sur le retour du téléviseur au magasin le 6 novembre 2001.

La petite caisse du magasin

Monsieur R reconnaît avoir demandé au caissier du magasin de le rembourser de frais de taxi d'un montant de 500 francs mais rejette toute accusation de malice ou de préjudice pour l'employeur puisqu'il a remis une facture et un papier signé de sa main.

Cependant, le "manuel des procédures comptables et administratives de la Société CONFORAMA" destinées notamment aux Directeurs de Magasins, rappelle la procédure des notes de frais qui n'autorise pas une telle pratique.

De fait, ce grief s'avère également fondé et sera retenu à l'encontre de Monsieur R.

- La qualification des griefs -

La faute grave est une faute professionnelle ou disciplinaire dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du lien contractuel, même pendant la durée limitée du préavis.

La faute lourde requiert de la part du salarié l'intention de nuire vis à vis de l"employeur ou de l'entreprise.

En l'espèce, les fautes commises par Monsieur R constituent, de par sa position hiérarchique au sein de la société, des actes graves, qui, dirigés par un esprit de profit personnel au détriment de l'entreprise dénotent une réelle volonté de nuire à la société.

Il convient en effet de relever que ces actes multiples, exécutés en violation de directives claires n'ont pris fin qu'en raison du contrôle de gestion et, pour le détournement du téléviseur, qu'au jour de l'entretien préalable.

Sans cette intervention extérieure, ils auraient continué de se perpétrer alors qu'ils ont déjà occasionné un préjudice réel à la S.A CONFORAMA, ne serait-ce que par les ventes pratiquées à perte.

En conséquence, et contrairement à ce que le Conseil de Prud'hommes a jugé, il y a lieu de retenir une faute lourde à l'encontre de Monsieur R, l'accumulation ou la répétition de ses actes fautifs, par rapport à un poste de direction nécessitant l'exemplarité, ne permettant pas son maintien dans la société pendant la durée du préavis.

Le jugement sera donc réformé sur la qualification de la faute mais confirmé sur les prétentions financières découlant du licenciement.

- Sur l'intervention de l'ASSEDIC -

Le licenciement étant pourvu d'une cause réelle et sérieuse, l'ASSEDIC de la région Auvergne doit être déboutée de sa demande de remboursement d'allocations chômage.

- Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile -

Monsieur R, succombant en son recours, sera tenu aux dépens d'appel, ce qui prive de fondement sa demande au titre de l'article susvisé.

Il sera ensuite condamné à payer à la S.A CONFORAMA, en plus de la somme déjà allouée en vertu du même texte en première instance, la somme de 800 ä en répétition de ses frais non compris dans les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, Statuant publiquement et

contradictoirement,

En la forme,

Déclare l'appel recevable.

Au fond,

Confirme le jugement en ses dispositions sauf celles relatives à la qualification de la faute

Réformant,

Retient à l'encontre de Monsieur R l'existence d'une faute lourde

Y ajoutant,

Déboute l'ASSEDIC de son intervention

Condamne Monsieur R à payer à la S.A CONFORAMA la somme de 800,00 ä (HUIT CENTS EUROS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Condamne Monsieur R aux dépens d'appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT

Le présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de notification de cette décision aux parties.

Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : 02/02797
Date de la décision : 25/11/2003

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Faute du salarié - Faute lourde - Définition - /

Les fautes commises par un salarié constituent, en raison de sa position hiérar- chique au sein de la société, des actes graves qui, exercés dans un esprit de profit personnel au détriment de l'entreprise, traduisent une réelle volonté de nuire à la société révélant ainsi l'existence d'une faute lourde du salarié ne permettant pas son maintien dans la société pendant la durée du préavis


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2003-11-25;02.02797 ?
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