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18/11/2003 | FRANCE | N°03/862

France | France, Cour d'appel de riom, 18 novembre 2003, 03/862


FAITS ET PROCÉDURE M. X..., salarié de la SA PECHINEY-RHENALU, a souscrit le 19 janvier 1999, une déclaration de maladie professionnelle assortie d'un certificat médical du 4 janvier 1999 faisant état d'épaississement pleuraux. Après enquête et expertise médicale, il a été reconnu atteint par la CPAM du PUY DE DOME de la maladie professionnelle figurant au tableau n°30 B et s'est vu reconnaître un taux d'IPP de 5%, porté à 10 %, puis à 20 %. Après avoir sollicité, le 26 octobre 2000, la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. X... a saisi le Tribunal des A

ffaires de Sécurité Sociale du PUY DE DOME qui aux termes d'un Ju...

FAITS ET PROCÉDURE M. X..., salarié de la SA PECHINEY-RHENALU, a souscrit le 19 janvier 1999, une déclaration de maladie professionnelle assortie d'un certificat médical du 4 janvier 1999 faisant état d'épaississement pleuraux. Après enquête et expertise médicale, il a été reconnu atteint par la CPAM du PUY DE DOME de la maladie professionnelle figurant au tableau n°30 B et s'est vu reconnaître un taux d'IPP de 5%, porté à 10 %, puis à 20 %. Après avoir sollicité, le 26 octobre 2000, la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. X... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du PUY DE DOME qui aux termes d'un Jugement du 24 octobre 2002 a déclaré le recours recevable, mais l'a rejeté. M. X... a relevé appel du jugement le 18 décembre 2002. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES M. X..., conclut à la confirmation, en ce que son action a été considérée comme recevable, mais sollicite pour le surplus réformation de la décision. Il demande en conséquence que soit reconnue la faute inexcusable commise par la société PECHINEY-RHENALU et que la majoration de rente dont il peut bénéficier soit portée au maximum. Il formule également les demandes en paiement suivantes : 35.000 ä en réparation de la souffrance morale 3.000 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Il soutient d'abord que le premier certificat médical portant à sa connaissance le possible lien entre sa maladie et son activité professionnelle est daté du 18 décembre 1998, de sorte que sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable effectuée le 26 octobre 2000 ne peut être considéré comme prescrite. A tout le moins, il considère que le point de départ de la prescription peut être situé à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle, soit à la date du 15 décembre 1999. Y..., il estime que son action devait être considérée

comme recevable en application de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 modifié par la loi du 21 décembre 2001. Il fait valoir par ailleurs qu'étant chargé de remettre en état les rouleaux endommagés provenant des fours de détrempe de tôles d'aluminium, il s'est trouvé exposé durant 20 ans à l'inhalation de poussière d'amiante provenant des rondelles d'amiante dont il assurait le remplacement, sans bénéficier d'aucune protection et sans avoir été informé des risques encourus. Il ajoute que la société PECHINEY ne pouvait ignorer le danger auquel elle exposait ses salariés. La société PECHINEY conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'action de M. X... Y..., elle demande le rejet de ses demandes et de façon très subsidiaire sollicite qu'une expertise soit ordonnée pour évaluer les préjudices subis par M. X... Z... prétend que le rapport d'expertise établi dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle situe la date de première constatation médicale de la maladie au 22 octobre 1998 date d'un scanner thoracique et que l'action se trouve en conséquence prescrite. Rappelant par ailleurs qu'elle est une entreprise de la métallurgie dont l'activité est la transformation de métaux non ferreux, elle souligne qu'elle n'utilisait l'amiante que comme protection de la chaleur et à ce titre soutient qu'elle ne pouvait avoir une connaissance précise des risques engendrés par ce matériau. Z... souligne au demeurant que les travaux d'entretien effectués sur les matériels revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante n'ont été inscrits au tableau n°30 qu'à compter du 22 mai 1996. Z... ajoute que M. X... n'a pu être exposé à l'amiante que de façon exceptionnelle, compte tenu des périodicité réduites de remplacement des rondelles d'amiante. Z... indique également avoir informé ses salariés des mesures de protection à prendre lors de ces travaux. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme s'en remet à droit

sur la reconnaissance de la faute inexcusable qu'elle considère cependant comme recevable, eu égard à la date du certificat médical du 4 janvier 1999, établissant le lien de causalité entre la pathologie et le travail. Le Fonds de garantie des victimes-FGA et le Directeur Régional des Affaires de Sécurité Sociale d'Auvergne, bien que régulièrement convoqués, n'ont pas comparu. MOTIFS Sur la recevabilité de l'appel Attendu que la décision contestée a été notifiée le 13 décembre 2002 ; que l'appel régularisé le 18 décembre 2002 s'avère donc recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et R 517-7 du Code du Travail; Sur la recevabilité de l'action Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 431-2 du Code de la Sécurité Sociale que les droits de la victime aux prestations et indemnités se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident; que selon l'article L 461-1 du Code de la Sécurité Sociale, en ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident ; Attendu en l'occurrence que s'il résulte des documents médicaux que M. X... a subi un scanner thoracique le 22 octobre 1998 qui a mis en évidence l'existence d'épaississements pleuraux, il n'est pas établi que cet examen, dont aucun compte-rendu n'est produit, ait attribué cette pathologie à l'activité professionnelle du patient ; que pas davantage il n'est justifié de ce que M. X... aurait, dès cette date, été informé de ce possible lien ; Attendu qu'un certificat médical du Dr A... daté du 18 décembre 1998, dont l'assuré ne conteste pas avoir eu connaissance, qualifie expressément l'affection présentée par M. X... de maladie professionnelle liée à son exposition à l'amiante; que c'est donc à cette date que doit être situé le point de départ de la prescription biennale ; Attendu que la saisine de la

caisse effectuée par M. X... le 26 octobre 2000, en vue de la mise en oeuvre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable est donc intervenue dans le délai ; que l'action de M. X... n'est de la sorte pas prescrite et se trouve en conséquence recevable ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ; Sur la faute inexcusable Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Attendu en premier lieu que M. X..., embauché par l'entreprise RHENALU le 26 juin 1967 a été affecté à l'atelier central de réparation en qualité de mécanicien ajusteur de 1968 à 1972, puis de 1974 à 1988 ; Attendu que dans le cadre de cette activité, il était chargé de procéder à la remise en état de rouleaux destinés à assurer le passage de tôles d'aluminium à l'intérieur du four de détrempe ; que ces rouleaux qui devaient supporter de très hautes températures étaient constitués de rondelles d'amiantes compressées ; Attendu que lorsque ces rondelles étaient dégradées, il était procédé à leur enlèvement à l'aide d'un marteau et d'un burin, puis à leur remplacement par de nouvelles rondelles et enfin à leur compactage ; Attendu que ces diverses opérations et en particulier celles liées à la manipulation des rondelles endommagées, généraient une importante poussière d'amiante ; Attendu que M. X..., exposé de par son activité professionnelle à l'inhalation de poussières d'amiante, a contracté la maladie professionnelle visée au tableau n° 30 B ; Attendu que la

reconnaissance de cette maladie professionnelle suffit à caractériser le manquement par la société PECHINEY-RHENALU à l'obligation de sécurité de résultat pesant sur elle ; Attendu en deuxième lieu que les attestations produites aux débats émanant de collègues de travail de M. X... font apparaître que les locaux dans lesquels étaient effectuées ces opérations de remplacement des lamelles d'amiante n'étaient dotées d'aucun système d'aspiration, de ventilation et n'étaient pas isolés des autres parties de l'atelier ; que les rondelles d'amiante neuves étaient entreposées dans l'atelier tandis que les résidus d'amiante ramassés à l'aide d'un balai étaient déposés dans les poubelles de l'entreprise sans autre protection ; qu'enfin, les salariés manipulaient l'amiante à mains nus ; Attendu selon ces témoins que ce n'est qu'à partir de 1984, qu'à été recommandé au personnel le port de masque en papier ; qu'à cet égard, bien que la société PECHINEY-RHENALU ait soutenu lors de l'enquête effectuée par la CPAM en mars 1999 que des masques anti-poussières étaient mis à la disposition des salariés depuis au moins 15 ans, elle ne produit aux débats aucun document, tel que des notes de service, établissant cette affirmation ; Attendu que le caractère tardif des précautions de sécurité mise en place dans l'entreprise résulte au demeurant des trois fiches de travail produites par l'employeur et établis les 26 mars 1980, 11 juin 1981 et 3 février 1983 ; que ces fiches comportent comme seules préconisations de réaliser les travaux de démontage des rondelles d'amiante à l'extérieur, de mouiller les rondelles pour éviter la dispersion et de mettre les déchets à la poubelle ; que n'y figure en revanche aucune instruction quant aux mesures à prendre pour les travaux de montage et de compactage à effectuer à l'intérieur ; Attendu qu'hormis ces recommandations ponctuelles, la société PECHINEY ne peut justifier avoir mis en oeuvre, au profit de ses salariés, aucune

mesure adaptée et efficace afin de prévenir les risques liés à l'amiante et de préserver leur sécurité et leur santé ; Attendu en troisième lieu que les fiches de travail précédemment rappelés démontrent qu'au moins depuis 1980, l'entreprise était informée et sensibilisée aux risques de dispersion des poussières d'amiante ; qu'ainsi le fournisseur des produits RAILKO, avait avisé la société PECHINEY à la suite d'une visite effectuée dans l'entreprise le 13 octobre 1981 des mesures préventives à adopter lors de l'usinage des produits à base d'amiante ; Attendu que la société PECHINEY n'en a pas moins continué à faire travailler les salariés de l'atelier dans des conditions identiques au moins jusqu'en 1985 ; Attendu que de façon plus générale, bien que ne participant pas au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante, la société PECHINEY qui utilisait de longue date et de façon habituelle des matériaux à base d'amiante ne peut raisonnablement soutenir avoir été dans l'ignorance des risques sanitaires liés à ce matériau connus depuis la fin du XIXème siècle avant d'être inscrits à compter du 3 août 1945, puis à partir du décret du 31 août 1950 dans un tableau de maladies professionnelles ; Attendu qu'ayant de plus depuis au moins 1980, connaissance des risques spécifiques liés à la dispersion de l'amiante, elle ne saurait se prévaloir de ce que les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante n'auraient été mentionnés au tableau n° 30 qu'à compter de 1996 ; Attendu enfin que l'employeur ne peut sérieusement soutenir qu'il ne pouvait avoir conscience du danger auquel il exposait M. X... du fait de la faible importance du temps consacré par lui aux travaux de réparation des rouleaux ; qu'outre que cette affirmation se trouve démentie par le fait que l'exposition aux risques de l'amiante a été suffisamment importante pour que le

salarié contracte la maladie figurant au tableau n° 30, elle doit être tempérée par la circonstance que l'exposition n'était pas seulement liée aux travaux mais également aux conditions de stockage des matériaux à base d'amiante et de leurs déchets ; Attendu qu'ainsi la société PECHINEY ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger auquel, par son abstention à prendre des mesures appropriées, elle exposait M. X... ; Attendu que se trouve en définitive caractérisée une faute inexcusable à la charge de la société PECHINEY-RHENALU ; que le jugement doit donc être réformé ; Attendu que M. X... est donc en droit de prétendre à la majoration de rente maximale prévue par l'article L 452-2 du Code de Sécurité Sociale; que cette majoration sera payée par la CPAM qui en récupérera le montant auprès de l'employeur ; Attendu que M. X... est également fondé à solliciter réparation des différents préjudices évoqués par l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'il paraît nécessaire cependant d'ordonner, avant dire droit, une mesure d'expertise afin de connaître exactement l'ampleur du préjudice de la victime ; Attendu qu'il serait également inéquitable de laisser à M. X... la charge des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer à l'occasion de la présente procédure ; qu'une somme de 1.500 ä lui sera donc allouée en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et publiquement Déclare l'appel recevable Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. X... B..., dit que la maladie professionnelle dont est atteint M. X... procède de la faute inexcusable de son employeur la société PECHINEY-RHENALU Fixe au maximum la majoration de rente à laquelle peut prétendre M. X... C... que la majoration sera payée par la CPAM qui en récupérera le montant auprès de la société PECHINEY Avant dire droit sur les préjudices envisagés par l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ordonne une

expertise médicale Commet pour y procéder le Dr à CLERMONT-FERRAND ou à défaut Dr au PUY en qualité d'expert avec mission, les parties et leurs conseils présents ou dûment convoqués, de prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. X..., de se faire communiquer tout document estimé par lui utile à la réalisation de sa tâche et d'examiner l'intéressé, afin de déterminer l'importance du préjudice résultant pour lui des souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. C... que l'expert devra déposer son rapport avant le 15 FEVRIER 2004. C... que la CPAM du PUY-de-DOME fera l'avance des frais d'expertise, Désigne Mme ou à défaut Mme pour contrôler les opérations d'expertise, Condamne la société PECHINEY-RHENALU à payer à M. X... une somme de 1.500 ä (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an. LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT Dans les deux mois de la réception de la notification, chacune des parties intéressées peut se pourvoir en cassation contre cette décision. Pour être recevable, le pourvoi doit être formé par le ministère d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation. Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : 03/862
Date de la décision : 18/11/2003

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Conditions - Conscience du danger - Risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante - Mesures de protection nécessaires - Défaut - /

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'enterprise. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.Le salarié, exposé de par son activité professionnelle à l'inhalation de poussières d'amiante, a contracté la maladie professionnelle visée au tableau n° 30 B. La reconnaissance de cette maladie professionnelle suffit à caractériser le manquement par l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat pesant sur elle.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2003-11-18;03.862 ?
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