FAITS ET PROCEDURE : Mme H a été embauchée par l'Atelier Industriel de l'Aéronautique (A.I.A.) en qualité de personnel de service par un contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 1980. Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 7 mars 1998 et à bénéficié à compter du 24 février 2001 d'une pension d'invalidité. Par ailleurs, elle a fait connaître à son employeur par courrier du 22 mars 2001 qu'elle optait pour un contrat de travail de droit privé. Saisi par la salariée d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, le Conseil de Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, par un jugement du 20 novembre 2002, a débouté Mme H de toutes ses demandes et a donné acte à l'A.I.A. de ce qu'à l'issue de la suspension de son contrat de travail, elle se verrait proposée un poste hors self. Mme H a relevé appel du jugement le 12 décembre 2002. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES : Mme H concluant à la réformation, sollicite que la résiliation judiciaire de son contrat soit prononcée aux torts de l'A.I.A. et demande que l'employeur soit condamné à lui payer les sommes de : - 2.149,53 au titre de l'indemnité de licenciement - 1.830 au titre du préavis - 183 au titre des congés payés sur préavis avec intérêts à compter de la demande - 45.735 à titre de dommages-intérêts avec intérêts à compter du jugement - 2.287 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle indique qu'elle a fait l'objet de harcèlement moral se manifestant par des brimades et des humiliations de la part de ses collègues dès qu'elle s'est trouvée affectée à la cantine et souligne que cette situation a gravement affecté son état de santé. Elle ajoute que son employeur n'ignorait nullement cette situation puisqu'elle a, dans un premier temps, été mutée dans un autre service avant d'être réaffectée au service restauration, mais n'a, pour autant, pris aucune mesure pour y remédier et y mettre fin. Elle considère que ce faisant, l'employeur a failli à ses obligations
contractuelles et doit en conséquence supporter les torts de la rupture du contrat. L'Atelier Industriel de l'Aéronautique sollicite confirmation du jugement. Il considère que Mme H n'apporte aucune preuve permettant de vérifier qu'elle aurait été l'objet de brimades, ni qu'elle en aurait informé ses supérieurs hiérarchiques et ne démontre pas non plus le lien de causalité existant entre cette situation et sa maladie. MOTIFS : Sur la recevabilité : Attendu que la décision contestée a été notifiée le 23 novembre 2002 ; que l'appel régularisé le 12 décembre 2002 s'avère donc recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et R.517-7 du Code du Travail ; Sur le fond : Attendu que selon l'article L.122-49 du Code du Travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Attendu que Mme H, qui jusque là assurait le nettoyage des locaux, a été affectée au service restauration du 1er mars 1993 au 27 avril 1994 ; qu'à compter de cette date elle a repris son ancien service avant d'être à nouveau affectée au restaurant à compter du 2 janvier 1996 par suite de la sous traitance à une société privée du nettoyage des locaux ; Attendu en premier lieu qu'il apparaît clairement des pièces produites aux débats et en particulier des courriers de salariés, lettres collectives et tracts syndicaux, qu'existait au sein du restaurant, un climat très tendu en particulier entre les salariés de l'A.I.A. et ceux de la Société de restauration collective AVENANCE ; Attendu que Mme H produit des attestations de collègues de travail, Mmes Z et T et de proches Mme B et son ex époux M. H, qui font apparaître qu'elle subissait de la part de ses collègues de l'A.I.A., des humiliations, brimades ou
injures répétées ; qu'elle se trouvait ainsi traitée de "bonne à rien", de "folle", était accusée d'être maladroite ou de mal faire son travail et se voyait contrainte d'effectuer les tâches que ses collègues ne voulaient pas accomplir ou obligée d'augmenter ou de réduire sa cadence de travail selon le bon vouloir de celles-ci ; Attendu que ces témoignages sont en outre corroborés de façon particulièrement circonstanciée tant par M. G, directeur de la restauration de l'A.I.A. et salarié de la Société AVENANCE, que par Mme D, responsable de l'A.I.A. chargé de la gestion administrative ; que l'un comme l'autre attestent que Mme H était l'objet de propos humiliants et méprisants de la part de ses collègues, qui discréditaient son travail ; Attendu en second lieu que ces différents témoins confirment que la dégradation de ses conditions de travail a eu une répercussion évidente sur l'état de santé de Mme H, qui était souvent en larmes sur son lieu de travail, se rendait à l'infirmerie pour prendre des calmants pour pouvoir travailler et était très dépressive ; qu'elle a du reste été amenée à consulter le médecin de prévention, a été placée en arrêt de travail à compter du 7 mars 1998 et n'a jamais repris son activité depuis lors ; Attendu qu'il est donc incontestable au regard de ces éléments que Mme H a été victime d'une situation de harcèlement moral au sens du texte précité ; Attendu qu'il est tout aussi certain que l'employeur de Mme H était informé de cette situation ; que l'attestation de Mme D établit en particulier qu'elle avait rendu compte à ses supérieurs hiérarchique des doléances de la salariée et avait pris l'initiative de la muter au service nettoyage à compter d'avril 1994 ; Attendu que réaffectant néanmoins Mme H au service restauration, à compter du 2 janvier 1996, l'employeur n'a de toute évidence pas eu un comportement adéquat ; qu'il lui appartenait en effet de veiller à ce que la situation de harcèlement qu'il connaissait ne perdure pas et
ne soit pas la cause d'une dégradation plus importante de l'état de santé de Mme H ; Attendu que la carence de l'employeur à ce titre justifie que la résiliation du contrat de travail soit prononcée à ses torts ; que le jugement doit en conséquence être infirmé ; Attendu que Mme H est tout d'abord en droit d'obtenir paiement de dommages-intérêts ; que son importante ancienneté dans l'entreprise, la situation de harcèlement dont elle a été victime et la dégradation de son état de santé, justifient de lui allouer à ce titre une somme de 16.000 ; Attendu que la résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle est en outre en droit de prétendre au paiement de l'indemnité de licenciement s'élevant à la somme de 2.149,53 ; que les intérêts de cette somme courront à compter du 20 avril 2001, date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation ; Attendu que n'étant pas en revanche en mesure d'exécuter son préavis du fait de son état de santé, elle ne saurait prétendre à paiement de l'indemnité compensatrice et des congés payés afférents ; Attendu qu'il serait enfin inéquitable de laisser à Mme H la charge des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer à l'occasion de la présente procédure ; qu'une somme de 900 lui sera donc allouée en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement. Déclare l'appel recevable, Infirme le jugement, Prononce la résiliation du contrat de travail de Mme H aux torts de l'Atelier Industriel de l'Aéronautique, Condamne l'Atelier Industriel de l'Aéronautique à payer à Mme H les sommes de : - 16.000 (SEIZE MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts - 2.149,53 (DEUX MILLE CENT QUARANTE NEUF EUROS ET CINQUANTE TROIS CENTIMES) au titre de l'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2001 - 900 (NEUF CENTS EUROS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Déboute Mme H du surplus de ses demandes, Condamne l'Atelier Industriel de l'Aéronautique aux dépens de première instance et d'appel. Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an. LE GREFFIER,
P/LE PRESIDENT empêché, Le présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de notification de cette décision aux parties. Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.