La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006942663

France | France, Cour d'appel de riom, 17 juin 2003, JURITEXT000006942663


I - EXPOSE DE LA CAUSE M. X... et Mme X... son épouse, répondant à une offre d'embauche diffusée par l'ANPE de, ont été embauchés le 16 juillet 2001, avec une période d'essai de six mois, en qualité de chauffeurs routiers pour le transport de marchandises à grande distance par la société INTRAMAST GMBH. Début septembre 2001, au motif que leur contrat définitif ne leur avait pas été remis, d'une part, que les frais et salaire du mois d'août 2001 n'avaient pas été réglés, d'autre part, les salariés ont pris l'initiative de rompre la relation de travail et ont restitué le 1

0 septembre 2001 le camion qui leur avait été affecté Avant leur dépar...

I - EXPOSE DE LA CAUSE M. X... et Mme X... son épouse, répondant à une offre d'embauche diffusée par l'ANPE de, ont été embauchés le 16 juillet 2001, avec une période d'essai de six mois, en qualité de chauffeurs routiers pour le transport de marchandises à grande distance par la société INTRAMAST GMBH. Début septembre 2001, au motif que leur contrat définitif ne leur avait pas été remis, d'une part, que les frais et salaire du mois d'août 2001 n'avaient pas été réglés, d'autre part, les salariés ont pris l'initiative de rompre la relation de travail et ont restitué le 10 septembre 2001 le camion qui leur avait été affecté Avant leur départ, l'employeur leur a remis des chèques qui se sont révélés dépourvus de provision. M. et Mme X... ont saisi le Conseil de Prud'hommes d'AURILLAC le 25 janvier 2002 de demandes indemnitaires et salariales. Par deux jugements du 11 décembre 2002, cette juridiction, faisant application des dispositions des articles 3 et 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 relatives à la compétence territoriale, s'est déclarée incompétente pour connaître de ce litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

°

°

° Les salariés ont, le 23 décembre 2002, relevé contredit motivé à l'encontre de ces décisions. L'affaire a été fixée au 20 mai 2003 par ordonnance du premier président du 17 février 2003.

°

°

° Les époux X... demandent à la Cour de déclarer le Conseil de Prud'hommes d'AURILLAC territorialement compétent pour connaître du présent litige, et de condamner l'employeur à leur payer la somme de 1.200 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

°

°

° La société INTRAMAST GMBH. sollicite la confirmation des jugements déférés et la condamnation de ses adversaires à lui payer la somme de 1.500 au titre de l'article 700 du NCPC. II - MOTIFS

Attendu que s'agissant de procédures connexes, il est d'une bonne administration de la justice d'en prononcer la jonction et d'y statuer par un seul et même arrêt ;

Attendu que, pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer aux jugement attaqués et aux conclusions des parties,

oralement reprises ; Sur la recevabilité

Attendu que le contredit, remis à la juridiction dans les quinze jours du prononcé de la décision et régulièrement motivé, est recevable par application des dispositions de l'article 82 du nouveau Code de procédure civile ; Sur la compétence territoriale

Attendu que, pour dénier sa compétence, le conseil de prud'hommes relève que la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui prime le droit interne, déroge aux règles françaises de compétence prud'homale en disposant, dans son article 3, que les articles 14 et 15 du Code civil français ne peuvent être opposés aux personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant ; et, en son article 5-1, que lorsqu'un travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l'employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur ;

Attendu que les époux X... font grief aux premiers juges d'avoir statué de la sorte, alors, selon le moyen, qu'en matière de contrat individuel de travail, l'article 5 de la convention précitée prévoit que le lieu d'exécution qui sert de base à la demande est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail, et que lorsque le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l'employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur ; qu'ainsi, il ne saurait être rapidement conclu que le siège social de la société défenderesse au contredit est en Allemagne et que c'est également en ce lieu que les demandeurs ont été embauchés et qu'ils ont effectué leur travail de chauffeur routier tout comme les salariés allemands de la société ; qu'en effet, les rédacteurs de la convention de San Sebastian complétant celle de Bruxelles ont mis en place un dispositif où seul le salarié bénéficie d'une option en

faveur du lieu de l'embauche ; qu'ainsi, le critère principal est la recherche du lieu d'exécution du contrat de travail, à savoir "celui où le travailleur accomplit habituellement son travail ; qu'en la circonstance, même si le siège social de la société est implanté en Allemagne, il apparaît à la lecture des disques versés aux débats que les époux X... étaient principalement affectés au transport sur le territoire français ; que, de surcroît, ils s'arrêtaient régulièrement à leur domicile cantalien ; que, dès lors, il est fort logiquement considéré que le lieu d'exécution de la prestation de travail, qui est celui où le travailleur a accompli habituellement son travail, est le territoire français ;

Mais attendu, en droit, que l'article 5-l de la Convention de Bruxelles, tel qu'il résulte de sa modification par la Convention de San Sebastian du 26 mai 1989, prévoit, dans le cadre d'une section II consacrée aux "compétences spéciales", qu'en matière de contrat individuel de travail, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant, devant le "tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail" et que, lorsque le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l'employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur ;

Que, dans un arrêt du 9 janvier 1997 (Petrus Wilhelmus Rutten c/ Cross Medical Ltd, aff. C-383/95) la CJCE, se prononçant sur l'interprétation de ces dispositions dans l'hypothèse d'un salarié exerçant ses activités dans plus d'un État contractant, a décidé que le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail est celui où le travailleur "a établi le centre effectif de ses activités professionnelles" ; que, pour la détermination concrète de ce lieu il

convient, selon la Cour de Justice, de prendre en considération la circonstance que le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail dans un des États contractants où il a un bureau à partir duquel il organise ses activités pour le compte de son employeur et où il retourne après chaque voyage professionnel à l'étranger ; que la même décision précise, dans ses motifs, qu'il convient en effet déterminer le lieu avec lequel le litige présente "le lien de rattachement le plus significatif" ;

Attendu, en fait, qu'il résulte des pièces produites et des explications fournies que les époux X..., recrutés par une entreprise allemande de transports ayant son siège à EPPELBORN (Allemagne) mais pas de succursale en France, au moyen d'un contrat de travail rédigé en langue allemande, recevaient des instructions dans la même langue ; qu'ils effectuaient certes de nombreux voyages entre des villes françaises et allemandes les amenant à opérer des chargements en France, mais se voyaient également confier des transports en Espagne les conduisant à traverser la France et à y opérer des chargements ; Que la circonstance que l'employeur les ait autorisés à faire régulièrement escale à AYRENS (Cantal) où ils avaient leur domicile et d'où ils pouvaient soit se rendre dans le Sud de la France ou en Espagne, soit en revenir, constituait une facilité qui leur était consentie et non un lien de rattachement professionnel effectif au sens des dispositions précitées ;

Qu'ainsi que le fait valoir à bon escient l'employeur, ses deux chauffeurs routiers recevant leurs ordres de mission et prenant en charge un camion et son chargement au siège de l'entreprise, en Allemagne, la juridiction de cet Etat où est domicilié l'employeur est bien compétente pour connaître du litige opposant les parties ;

Que la Cour ajoute que compte tenu de l'établissement des pièces en langue allemande, d'une part, de la détermination des règles de droit matériel allemand du travail, d'autre part, le tribunal local allemand sera plus apte à prendre une décision fondée sur la connaissance de l'ensemble de ces éléments ;

D'où il suit que le jugement sera confirmé ; Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que les salariés, succombant en leur recours, seront tenus aux dépens de celui-ci, ce qui prive de fondement leur demande au titre de l'article susvisé ;

Que l'équité, toutefois, conduit à les dispenser de l'application des dispositions du même texte à leur encontre ; PAR CES MOTIFS La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement, en matière de contredit de compétence, Joint les instances connexes n° 283 et 284/03. S'y prononçant par une seule et même décision, Déclare les époux X... recevables en leur contredit. Mais au fond, les en déboute. Confirme par conséquent le jugement par lequel le Conseil de Prud'hommes D'AURILLAC a, du chef de la compétence territoriale, renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Ajoutant à cette décision, Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Condamne les époux X... aux dépens de la présente instance. Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an Y... GREFFIER

Y... PRÉSIDENT N. CHANEBOUX

M. BLATMAN Y... présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de notification de cette

décision aux parties. Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006942663
Date de la décision : 17/06/2003

Analyses

PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence territoriale - Exclusion - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - /JDF.

L'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 prévoit qu'en matière de contrat individuel de travail, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant, devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail et que, lorsque le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l'employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.La Cour de justice des communautés européennes (CJCE), dans un arrêt du 9 janvier 1997 (Petrus Wilhelmus Rutten c/ Cross Medical Ltd, Aff. C-383/95), est d'ailleurs venue rappeler que le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail est celui où le travailleur "établit le centre effectif de ses activités professionnelles". Pour déterminer ce lieu, il convient, selon la CJCE, de prendre en considération la circonstance que le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail dans un des Etats contractants où il a un bureau à partir duquel il organise ses activités pour le compte de son employeur et où il retourne après chaque voyage professionnel à l'étranger. Par conséquent, il convient de déterminer le lieu avec lequel le litige présente "le lien de rattachement le plus significatif".En l'espèce, il résulte des pièces et explications fournies que les salariés, recrutés par une entreprise allemande de transports ayant son siège en Allemagne, mais pas de succursale en France, au moyen d'un contrat de travail en langue allemande, recevaient des instructions dans la même langue. Les salariés effectuaient certes des voyages entre la France et l'Allemagne mais se voyaient également confier des transports en Espagne. Il n'existe donc pas de lien de rattachement professionnel effectif. Par conséquent, la juridiction allemande où est domicilié l'employeur est bien compétente pour examiner le litige opposant les

parties


Références :

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, article 5-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2003-06-17;juritext000006942663 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award