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22/06/2023 | FRANCE | N°23/02197

France | France, Cour d'appel de Rennes, Référés 7ème chambre, 22 juin 2023, 23/02197


Référés 7ème Chambre





ORDONNANCE N°6/2023



N° RG 23/02197 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVH7













S.A.S. [Y] PEINTURE



C/



M. [O] [Y]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES





ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 22 JUIN 2023







Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 16 Mai 2023



ORDONNANCE :



Contradictoire, prononcée publiquement le...

Référés 7ème Chambre

ORDONNANCE N°6/2023

N° RG 23/02197 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVH7

S.A.S. [Y] PEINTURE

C/

M. [O] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 22 JUIN 2023

Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mai 2023

ORDONNANCE :

Contradictoire, prononcée publiquement le 22 Juin 2023, par mise à disposition date indiquée à l'issue des débats

****

Vu l'assignation en référé délivrée le 04 Avril 2023

ENTRE :

S.A.S. [Y] PEINTURE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Gaid PERROT de la SELARL MAZE-CALVEZ & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST substitué par Me FITOMANT, avocat au barreau de BREST

ET :

Monsieur [O] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Guillaume PRAT de la SELARL GUILLAUME PRAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [Y] était le gérant de la société [Y] Peinture de 2001 à 2018.

La société [Y] Peinture a été placée en liquidation judiciaire puis cédée en 2019 à M. [H] [E] suivant jugement du tribunal de commerce de Saint-Brieuc en date du 29 octobre 2019.

M. [Y] a été engagé par la nouvelle SAS [Y] Peinture selon un contrat à durée indéterminée en date du 04 novembre 2019 en qualité de directeur.

Le 20 avril 2019, le président directeur général, M. [E], convoquait M. [Y] à un entretien préalable au licenciement économique fixé au 30 avril suivant.

M. [Y] étant en arrêt maladie à compter du 29 avril 2021, l'entretien a été reporté au 25 mai 2021.

M. [Y] ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 07 juin 2021, son contrat de travail a été rompu à l'expiration du délai, soit le 17 juin 2021.

 ***

M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Guingamp par requête en date du 14 octobre 2021, afin de voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de différentes sommes à titre d'indemnités et dommages-intérêts ainsi qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicitait le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par jugement en date du 12 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Guingamp a :

- Dit et jugé que trois attestations sont irrecevables, sur le fondement de l'article 202 du code de procédure civile ;

- Dit et jugé que le licenciement a été prononcé pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse pour défaut de motif économique, manquement à l'obligation de reclassement ;

- Condamné la SAS [Y] Peinture à payer à M. [Y] les sommes suivantes;

- 10 306,52 euros au titre de l'indemnité de préavis ainsi que 1 030,65 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent.

- 20 000 euros titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 60 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 1 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS [Y] Peinture à régler à Pôle emploi, une indemnité compensatoire lorsque le jugement est prononcé dans le cadre d'un licenciement abusif dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixe cette somme à 30 900 euros.

- Condamné la SAS [Y] Peinture aux entiers dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir, dans la limite de 9 mois de salaire et fixé le salaire mensuel brut de Monsieur [O] [Y] à la somme de 5 153,26 euros ;

- Débouté la SAS [Y] Peinture de la totalité de ses demandes fins et conclusions.

***

La SAS [Y] Peinture a interjeté appel de cette décision le 03 janvier 2023.

Suivant exploit d'huissier en date du 04 avril 2023, la SAS [Y] Peinture a fait assigner en référé M. [O] [Y] devant le Premier président de la cour d'appel de Rennes à l'audience du 16 mai 2023 pour voir:

A titre principal :

- Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire telle que prévue par le conseil de prud'hommes de Guingamp, conformément aux dispositions de l'article 517-1 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

- Ordonner le dépôt des sommes qui devront être versées à Monsieur [O] [Y] dans le cadre de I'exécution provisoire à la Caisse de dépôt et consignation selon les modalités que le Premier Président de la Cour d'Appel fixera

Par voie de conclusions développées oralement à l'audience par son avocat, la société [Y] Peinture réitère les demandes contenues dans son assignation.

Elle développe en substance les moyens suivants:

- Le conseil de prud'hommes n'a pas respecté les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnité maximale de 2 mois de salaire pour un salarié dont l'ancienneté est comprise entre 1 et 2 ans ; M. [Y] avait 1 an et 7 mois d'ancienneté, son salaire moyen était de 5.153,26 euros et le plafond de la condamnation était donc de 10.306,52 euros ; il s'agit d'un moyen sérieux de réformation du jugement ;

- La condamnation au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral ne repose sur aucun fondement juridique ; il n'a pas été justifié d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre de l'absence alléguée de cause réelle et sérieuse de licenciement ; le quantum alloué de 11,64 mois de salaire est totalement excessif eu égard à la faible ancienneté du salarié et à la situation économique difficile de la société qu'a reconnu le conseil de prud'hommes ;

- La condamnation à verser 6 mois d'allocations de chômage à Pôle emploi est non-fondée dès lors que le salarié avait moins de 2 ans d'ancienneté ;

- Le dernier bilan affiche une perte de 38.984 euros au 31 décembre 2022 ; il existe un débit d'emprunts de 113.631 euros ; l'exécution provisoire entraînerait des conséquences manifestement excessives ;

- Subsidiairement, il existe un risque de non restitution des sommes qui seraient versées au titre de l'exécution provisoire et il serait donc légitime d'ordonner la consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations.

Par voie de conclusions développées oralement à l'audience par son avocat, M. [Y] demande au premier président de débouter la SAS [Y] Peinture de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] développe en substance les moyens suivants:

- Il n'existe pas de moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement; la contestation du quantum des dommages-intérêts alloués ne constitue pas un tel moyen sérieux ;

- Les copies d'écran produites par la société [Y] Peinture ne sont pas des relevés de compte et il est établi que la trésorerie était positive de 23.119 euros au 15 mai 2023 ; il est prévu une autorisation de découvert de 25.000 euros sur le compte Crédit Agricole ; aucun risque de dépôt de bilan n'est établi ;

la société appartient au Groupe [E] qui ne souffre d'aucune difficulté économique ;

- La demande subsidiaire de consignation prouve la capacité de la société débitrice à s'acquitter des condamnations ; aucun risque de non-restitution des sommes devant être versées à M. [Y] n'est démontré.

A l'issue des débats, la date de prononcé de l'ordonnance a été fixée au 22 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 515 du code de procédure civile dispose: 'Lorsqu'il est prévu par la loi que l'exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d'office ou à la demande d'une partie, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la décision'.

Aux termes de l'article 517-1 du même code, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522 (...).

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d'un préjudice irréparable ainsi que d'une situation irréversible en cas d'infirmation.

En l'espèce, le conseil de prud'hommes a ordonné 'l'exécution provisoire du jugement à intervenir dans la limite de 9 mois de salaire et - fixé - le salaire brut de Monsieur [O] [Y] à la somme de 5.153,26 euros'.

Il est constant que la société [Y] Peinture a payé à la suite du jugement querellé les sommes assorties de l'exécution provisoire de droit prévue pour les condamnations visées à l'article R1454-28 du code du travail, ainsi que cela résulte du bulletin de salaire transmis le 12 janvier 2023 par la dite société à M. [Y], qui reconnaît expressément le règlement d'une somme de 6.831,29 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés sur indemnité compensatrice de préavis.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la société [Y] Peinture concerne ainsi l'exécution provisoire facultative ordonnée par le conseil de prud'hommes et il appartient donc à l'intéressée d'établir cumulativement l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et le risque de conséquences manifestement excessives.

Sur le premier point, il est constant que la rupture du contrat de travail de M. [Y] est intervenue le 17 juin 2021 alors que l'intéressé avait été embauché par la société [Y] Peinture le 4 novembre 2019, de telle sorte qu'il comptait un an et sept mois d'ancienneté.

Faisant application des dispositions d'ordre public de l'article L 1235-3 du code du travail, le conseil de prud'hommes estimant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne pouvait donc allouer au salarié une indemnité supérieure à 2 mois de salaire.

Le salaire de référence étant de 5.153,26 euros, tel que fixé par la décision attaquée, l'indemnité maximale était donc de 10.306,52 euros.

Or, la condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a été fixée à la somme de 20.000 euros, excédant le barème prévu par le texte, sans motivation spécifique sur ce point.

Il s'agit d'un moyen sérieux de réformation du jugement entrepris.

Sur le second point, s'il apparaît qu'une somme de 35.042,17 euros reste recouvrable dans le cadre de l'exécution provisoire telle qu'ordonnée par les premiers juges, il doit être observé que la rupture du contrat de travail est intervenue pour un motif économique, dans le contexte des suites de la reprise d'une société alors en redressement judiciaire, tandis que la lettre du rupture du 25 mai 2021 visait des résultats insuffisants et des charges d'exploitation plus élevées que celle envisagées dans le prévisionnel, le résultat de l'exercice faisant apparaître une perte d'environ 75.000 euros.

L'expert comptable de la société [Y] Peinture a établi une attestation le 27 mars 2023, dont il résulte que les résultats 2021 et 2022 sont déficitaires, les remboursements d'emprunts fragilisant en outre la trésorerie de l'entreprise puisqu'ils s'élèvent en 2023 à 77.245 euros contre 36.386 euros en 2022.

Il résulte par ailleurs des termes d'un courriel du service comptable de la société [Y] Peinture adressé à son avocat le 15 mai 2023, que compte-tenu du montant des charges devant être acquittées avant le 25 mai 2023, soit 37.031,14 euros au titre des charges sociales du mois d'avril 2023, 20.000 euros environ au titre de la TVA et environ 25.000 euros dû aux fournisseurs, un découvert exceptionnel de plus de 50.000 euros doit être sollicité auprès du Crédit Agricole, le soldes des deux comptes bancaires Crédit Agricole, le premier débiteur de 13.207,10 euros et le second créditeur de 23.119,40 euros ne permettant pas d'apurer les charges d'exploitation.

Il est ainsi établi un risque de conséquences manifestement excessives attaché à la poursuite de l'exécution provisoire.

Il est en conséquence justifié, les deux conditions cumulatives exigées par l'article 517-1 du code de procédure civile étant réunies, d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire.

Sur les dépens et frais irrépétibles:

M. [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens de la procédure de référé.

Il sera en conséquence débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire facultative attachée au jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Guingamp le 12 décembre 2022 ;

Déboute M. [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Y] aux dépens.

Le greffier Le président de chambre

délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Référés 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/02197
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;23.02197 ?
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