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19/06/2023 | FRANCE | N°21/05804

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 19 juin 2023, 21/05804


6ème Chambre A





ARRÊT N° 270



N° RG 21/05804 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SATA













Mme [I] [F]

M. [M] [F]



C/



M. Alan LYCZAK

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE NANTES











Annule le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 21 décembre 2017

Annule le certificat de nationalité française n°CNF 102/2007 délivré le 18 octobre 2007 à [M] [F] ;

Constate l'extranéité de [M] [F], né le 11 novembre

1999 à [Localité 7] (Sénégal) ;



















Copie exécutoire délivrée

le :



à :

Me Jean-Paul RENAUDIN

M. l'avocat général





















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APP...

6ème Chambre A

ARRÊT N° 270

N° RG 21/05804 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SATA

Mme [I] [F]

M. [M] [F]

C/

M. Alan LYCZAK

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE NANTES

Annule le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 21 décembre 2017

Annule le certificat de nationalité française n°CNF 102/2007 délivré le 18 octobre 2007 à [M] [F] ;

Constate l'extranéité de [M] [F], né le 11 novembre 1999 à [Localité 7] (Sénégal) ;

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Paul RENAUDIN

M. l'avocat général

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

Assesseur : Mme Rozenn LAURENT, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Camille LECRIQUE, lors des débats, et Madame Christine NOSLAND, lors du prononcé,

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, lors des débats,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Mars 2023

ARRÊT :

Rendue par défaut, prononcé publiquement le 19 Juin 2023 après prorogation de la date du délibéré, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [I] [F], ès-qualités de représentante légale de [M] [F] et ès-nom,

née le 29 Septembre 1978 à [Localité 9] (KENYA)

[Adresse 4]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000487 du 04/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

Monsieur [M] [F]

né le 11 Novembre 1999 à [Localité 7] (SENEGAL)

[Adresse 4]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000489 du 04/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

Représentés par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentés par Me Elise RACAPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [R] [V], ès-qualités de représentant légal de [M] [F] et ès-nom,

né le 26 mars 1971 à [Localité 10] OISE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Défaillant,

LE MINISTERE PUBLIC en la personne du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par le procureur général près la cour d'appel de Rennes

*****

Le 18 octobre 2007, le greffier en chef du tribunal d'instance de Coutances a délivré un certificat de nationalité française à l'enfant [M] [F], comme étant né le 11 novembre 1999 à [Localité 7] (Sénégal) de M. [R] [V] et de Mme [I] [F].

Par actes séparés du 6 septembre 2016 s'agissant du père, et du 13 septembre 2016, s'agissant de la mère, le procureur de la république près le tribunal de grande instance de Nantes a fait assigner [M] [F] en la personne de ses représentants légaux M. [V] et Mme [F] aux fins de constater que le récépissé prévu à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, constater que le certificat de nationalité française délivré le 18 octobre 2007 l'a été à tort, constater l'extranéité de l'intéressé, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, condamner les défendeurs aux dépens.

Par un jugement réputé contradictoire du 21 décembre 2017, le tribunal a :

- constaté que le récépissé prévu à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré le 18 janvier 2017,

- annulé le certificat de nationalité française numéro CNF 102/2007 délivré le 18 octobre 2007 à [M] [F],

- constaté l'extranéité de [M] [F],

- ordonné les mentions prévues à l'article 28 du code civil,

- condamné M. [V] et Mme [F] es qualités de représentants légaux de [M] [F] aux dépens.

Par déclaration du 10 septembre 2021, Mme [F] et M. [M] [F] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Par une ordonnance du 10 mai 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Rennes :

- a déclaré irrecevable l'appel déposé par Mme [I] [F], faute de qualité à agir,

- a débouté le ministère public du surplus de ses demandes,

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme [F] et M. [F] fondée sur les dispositions des articles 369 et 372 du code de procédure civile,

- a réservé les dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2021, Mme [I] [F] et M. [M] [F] demandent à la cour de :

- juger que [M] [F] était majeur avant la clôture des débats,

- juger que la procédure devait être interrompue avec invitation de la demanderesse à régulariser sa procédure,

En conséquence,

- prononcer l'annulation du jugement dont appel,

- renvoyer le procureur de la République à mieux se pourvoir,

Subsidiairement, ils demandent à la cour de réformer le jugement déféré dans les limites des dispositions contestées, et statuant à nouveau, de :

- juger qu'il est produit le jugement rectificatif d'état civil de [M] [F] rendu le 29 juillet 2021 par le tribunal d'instance hors classe de Dakar,

- juger conforme l'acte de naissance obtenu à la suite de ce jugement, au regard des prescriptions de l'article 47 du code civil,

- juger valable le certificat de nationalité française n°CNF 102/2007 de [M] [F] délivré le 18 octobre 2007 par le tribunal d'instance de Coutances,

- juger que [M] [F] bénéficie de la nationalité française en application de l'article 18 du code civil,

- condamner le procureur de la République aux dépens.

Mme [I] [F] et M. [M] [F] ont fait signifier leur déclaration d'appel et leurs conclusions à M. [V] le 27 décembre 2021 selon les dispositions des articles 656 et suivants du code de procédure civile, par acte d'huissier déposé à étude.

Aux termes de ses écritures communiquées au greffe le 9 mars 2022, le ministère public demande à la cour :

à titre principal, de :

- confirmer le jugement de première instance,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil,

à titre subsidiaire, de :

- dire que M. [M] [F], se disant né le 11 novembre 1999 à [Localité 7] (Sénégal) n'est pas de nationalité française ;

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le ministère public a fait signifier à M. [V] une copie de ses conclusions au fond par acte d'huissier du 9 mars 2022, acte délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

M. [V] n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera donc rendu par défaut.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera observé que par une ordonnance du 10 mai 2022, à ce jour définitive, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel interjeté par Mme [I] [F] à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 21 décembre 2017 et rejeté la demande du ministère public tendant à voir prononcer la caducité de l'appel de Mme [F] et de M. [F]

Aux termes de cette même décision, il a été constaté que la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile, été réalisée le 15 mars 2022.

Dans ces conditions, la cour n'a désormais à statuer que sur l'appel formé par M. [M] [F].

- Sur la demande d'annulation du jugement

Il résulte des dispositions de l'article 369 du code de procédure civile que l'instance est interrompue par la majorité d'une partie et en vertu de celles de l'article 372 du même code que 'les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.'

En l'occurrence, au soutien de sa demande d'annulation du jugement dont appel, M. [F] soulève le caractère non avenu du jugement de première instance en ce que les premiers juges se sont prononcés alors qu'il a atteint sa majorité.

Il est constant au vu des pièces produites que M. [F], se disant né le 11 novembre 1999, est devenu majeur le 11 novembre 2017, soit avant l'audience publique qui s'est tenue le 15 novembre suivant, le jugement ayant été prononcé le 21 décembre suivant.

Le jugement entrepris a donc été rendu en dépit de l'interruption de l'instance édictée de plein droit par l'article 369 du code de procédure civile du fait de la majorité de M. [F] avant l'ouverture des débats.

Ce jugement n'a fait l'objet d'aucune confirmation, exprès voire tacite de la part de M. [F] : au contraire, ce dernier s'est prévalu, dès le premier jeu de conclusions devant la cour, de la nullité du dit jugement sur le fondement des dispositions des articles 369 et 372 du code de procédure civile, demande qu'il a réitérée en des termes identiques devant le conseiller de la mise en état dans le cadre de l'appel incident formé par le ministère public.

Il s'ensuit que le jugement entrepris est non avenu, en application des articles 369 et 372 du code de procédure civile. Il convient donc de faire droit à la demande d'annulation de ce jugement formée par M. [F].

Conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, dans l'hypothèse de l'annulation d'un jugement par la cour, comme dans le cas d'espèce, la dévolution s'opère pour le tout.

C'est donc à tort que M. [F] demande à la cour de renvoyer le procureur de la République à mieux se pourvoir. Il sera donc statué au fond.

- Sur le fond

Il résulte des dispositions de l'article 18 du code civil qu'est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

Au terme des dispositions de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.

Par ailleurs, aux termes de l'article 47 du code civil, 'Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.'

En l'espèce, M. [F] est titulaire d'un certificat de nationalité française n°102/2007 délivré le 18 octobre 2007 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Coutances, au visa de l'article 18 du code civil.

Ce certificat de nationalité a été établi sur la base d'un acte de naissance n° 662/2006 en date du 22 juin 2006. Cet acte de naissance indique qu'il est né le 11 novembre 1999 à [Localité 7] et qu'il a été transcrit dans les registres de l'état civil de la commune de [Localité 8] le 22 juin 2006 suivant un jugement n°4097 rendu le 11 juillet 2003 par le juge de paix du 'TDHC' (tribunal départemental hors classe) de Dakar.

Les vérifications sollicitées les 3 mars 2008, 23 octobre 2008 et 22 avril 2009 par le consulat général de France à [Localité 7] auprès de la greffière en chef du tribunal départemental hors classe de Dakar ont permis d'établir que le jugement n°4097 rendu le 11 juillet 2003 est tantôt non conforme au répertoire du greffe, tantôt inexistant.

Il demeure, au delà des divergences suscitées par l'ambiguïté des constatations faites par cette greffière en chef, que le certificat de nationalité française critiqué a été délivré sur la base d'un acte de naissance apocryphe et par conséquent, à tort. M. [F] ne conteste d'ailleurs nullement le défaut d'authenticité de cet acte de naissance produit à l'appui de sa demande de nationalité puisqu'il produit désormais devant la cour une copie littérale d'acte de naissance n°2277/2021 fait le 10 décembre 2021 sur la base d'un jugement n°3527 du 29 juillet 2021 au tribunal d'instance hors classe de Dakar (pièce n°10).

Ce jugement du 29 juillet 2021, établi à la requête de M. [F], et dont la régularité internationale est contestée par le ministère public, a autorisé l'inscription de la naissance de ce dernier, motifs pris de ce que 'cette naissance n'a pu être déclarée à l'Etat-civil dans le délai légal et n'a pu être par conséquent inscrite sur les registres de naissance de la Commune de [Localité 7] ; que seul un jugement d'autorisation du Tribunal d'Instance de Dakar peut en ordonner l'inscription ;'

Il se déduit de cette motivation que l'existence de l'acte de naissance n°662/06, indiqué comme figurant aux registres de l'état civil de la commune de [Localité 8] mais établi sur production d'un faux jugement supplétif prononcé le 11 juillet 2003, a été caché au tribunal de sorte que l'attention de ce dernier n'a pas été attirée sur les circonstances particulières de la requête ainsi soumise, et partant de procéder aux diligences qui s'imposaient notamment pour vérifier si en réalité, le requérant n'était pas titulaire d'un autre acte de naissance.

Une telle omission de la part de M. [F] qui n'ignorait pas l'existence de cet acte de naissance n°662/06 dressé en exécution d'un faux jugement, fait perdre à ce jugement du 29 juillet 2021 sa régularité internationale en ce qu'il a été obtenu par fraude, et ce au mépris de la convention franco-sénégalaise de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974 ; en effet, l'article 47 de cette convention subordonne la reconnaissance de plein droit d'une décision rendue par une juridiction siégeant sur le territoire de l'un des deux Etats au fait que la décision ne contienne rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée, ce qui est le cas d'une fraude.

Dès lors, ce jugement du 29 juillet 2021 est inopposable en France, ce dont il résulte que le nouvel acte de naissance établi sur la base de ce dernier jugement l'est aussi.

Aussi, le ministère public rapporte la preuve de ce que l'acte de naissance de M. [F] n'est pas probant au sens de l'article 47 du code civil et que la preuve qu'il est né d'un père de nationalité française n'est pas rapportée.

Par conséquent, le certificat de nationalité française n° 24/2015 délivré par le greffier en chef du tribunal d'instance de Coutance le 18 octobre 2007 l'a été à tort. Il sera donc annulé et l'extranéité de M. [F] constatée.

Partie succombante, M. [F] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort et mis à disposition au greffe,

Dit que le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Nantes le 21 décembre 2017 est non avenu ;

Annule en conséquence ce jugement ;

Statuant en vertu de l'effet dévolutif de l'appel,

Annule le certificat de nationalité française n°CNF 102/2007 délivré le 18 octobre 2007 à [M] [F] ;

Constate l'extranéité de [M] [F], né le 11 novembre 1999 à [Localité 7] (Sénégal) ;

Ordonne les mentions prévues à l'article 28 du code civil ;

Condamne M. [M] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/05804
Date de la décision : 19/06/2023
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-19;21.05804 ?
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