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29/03/2023 | FRANCE | N°22/05856

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch prud'homale, 29 mars 2023, 22/05856


9ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°01



N° RG 22/05856 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-TFER













Mme [J] [P]



C/



- M. [F] [R]

- Syndicat UDFO de [Localité 4]













Infirmation









Copie exécutoire délivrée

le : 29/3/2023



à :

- Me LE BERRE-BOIVIN,

- Me RAJJOU

+ 1 C.C.C à M. [R]











Copie certifiée co

nforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 MARS 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseu...

9ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°01

N° RG 22/05856 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-TFER

Mme [J] [P]

C/

- M. [F] [R]

- Syndicat UDFO de [Localité 4]

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le : 29/3/2023

à :

- Me LE BERRE-BOIVIN,

- Me RAJJOU

+ 1 C.C.C à M. [R]

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 1er Février 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

****

APPELANTE - demanderesse à la tierce opposition :

Madame [J] [P]

née le 11 septembre 1964 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Bernard RIOU, Avocat plaidant du Barreau de QUIMPER

INTIMÉS :

- Monsieur [F] [R]

né le 27 novembre 1989 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

INTIMÉ et défendeur à la tierce opposition NON CONSTITUÉ -

-Le Syndicat UDFO de [Localité 4] pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Caroline RIEFFEL Caroline, Avocat au Barreau de RENNES, substituant à l'audience Me David RAJJOU, Avocat au Barreau de BREST

M. [F] [R] a été embauché en qualité de conseiller juridique par le Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT-FORCE OUVRIERE 29, selon contrat de travail à effet au 17 novembre 2014. Il a été nommé sur la liste des défenseurs syndicaux sous la bannière Force-ouvrière à compter de 2016. Le 20 octobre 2021,il a été placé en arrêt maladie et le 15 décembre 2021, il a établi une déclaration de maladie professionnelle. Parallèlement, Mme [J] [P] a été embauchée le 15 novembre 2021, d'abord dans le cadre d'un CDD, puis d'un CDI à compter du 1er janvier 2022. Le 23 décembre 2021, M. [F] [R] a été retiré de la liste des défenseurs syndicaux et Mme [J] [P] a été ajoutée à cette liste le même jour.

Par lettre du 14 janvier 2022, après convocation à un entretien préalable, il a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave.

Le 8 mars 2022, M. [F] [R] a saisi le conseil de Prud'hommes de Brest d'une requête à l'encontre du Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT-FORCE OUVRIERE 29.

Lors du préliminaire de conciliation, Mr [F] [R] a sollicité d'ordonner au Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT-FORCE OUVRIERE 29 la production sous astreinte du contrat de travail de Mme [J] [P], de ses bulletins de salaire et du registre unique du personnel.

Par décision du 29 avril 2022, le bureau de conciliation et d'orientation a ordonné au syndicat de remettre à M. [F] [R], sous astreinte de 20 € par jour de retard, les documents réclamés.

Le 5 mai 2022, Mme [J] [P], considérant que cette production portait atteinte à sa vie privée, a formé tierce opposition à l'encontre de cette décision.

Par jugement du 9 septembre 2022, notifiée à Mme [J] [P] le 20 septembre 2022, le conseil des prud'hommes de [Localité 4] a déclaré sa requête irrecevable.

Par déclaration du 4 octobre 2022, Mme [J] [P] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées le 29 novembre 2022, Mme [J] [P] demande à la cour de :

- infirmer la décision du Conseil des Prud'hommes de [Localité 4] du 9 Septembre 2022,

Statuant à nouveau,

- la déclarer recevable et bien fondée en sa tierce opposition,

- rétracter et annuler l'Ordonnance du Bureau de Conciliation du Conseil des Prud'hommes du 29 Avril 2022 en ce qu'elle a ordonné à l'UNION DEPARTEMENTALE CGT -FO 29 de remettre sous astreinte à Maître [F] [R] :

· son contrat de travail effectif en janvier, février et mars 2022 la liant à ladite UNION DEPARTEMENTALE,

· ses bulletins de salaire pour les mois de janvier, février, mars et avril 2022,

- débouter Monsieur [F] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions autres ou contraires,

- condamner Monsieur [F] [R] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de ses frais irrépétibles devant la Cour,

- condamner Monsieur [F] [R] aux entiers dépens d'instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2022, le Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT-FORCE OUVRIERE 29 demande à la cour de :

- infirmer la décision du conseil des Prud'hommes de [Localité 4] du 9 septembre 2022,

Statuant à nouveau,

- déclarer Mme [J] [P] recevable et bien fondée en sa tierce opposition,

- rétracter et annuler l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil des Prud'hommes,

- débouter M. [F] [R] de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner M. [F] [R] au paiement d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] [R], à qui la déclaration d'appel et les conclusions de Mme [J] [P] ont été signifiées le 25 novembre 2022 à personne, n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 25 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la tierce opposition

L'article R 1454-1 du code du travail prévoit que le bureau de conciliation et d'orientation assure la mise en état de l'affaire jusqu'à la date qu'il fixe pour l'audience de jugement. (...) Il peut (...) mettre en demeure les parties de produire dans le délai qu'il détermine tous documents ou justifications propres à éclairer le conseil de prud'hommes.'

En vertu des dispositions de l'article R.1454-14 du code du travail, le bureau de conciliation et d'orientation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne comparaît pas, ordonner :

1° La délivrance, le cas échéant, sous peine d'astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer ;

2° Lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable :

a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;

b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;

c) Le versement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l'article L. 1226-14 ;

d) Le versement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32 ;

3° Toutes mesures d'instruction, même d'office ;

4° Toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux.

En outre, en application de l'article R. 1454-16 du code du travail, 'les décisions prises en application des articles R. 1454-14 et R. 1454-15 sont provisoires. Elles n'ont pas autorité de chose jugée au principal. Elles sont exécutoires par provision le cas échéant au vu de la minute.

Elles ne sont pas susceptibles d'opposition. Elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond, sous réserve des règles particulières à l'expertise.'

Conformément aux dispositions de l'article 582 du code de procédure civile, 'la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.'

Contrairement à ce que le conseil de Prud'hommes a retenu dans la présente affaire, la tierce opposition est ouverte contre toute décision de justice, y compris lorsqu'elle émane de la juridiction de conciliation et d'orientation, dès lors que celle-ci statue par une décision susceptible de recours, notamment lorsqu'elle ordonne des mesures d'instruction, qui peuvent affecter les droits d'autrui.

En l'espèce, Mme [J] [P] a saisi directement le conseil de Prud'hommes dans sa formation de jugement, de sa tierce opposition à l'encontre d'une décision du bureau de conciliation et d'orientation.

Au regard de ces dispositions, la tierce opposition de Mme [J] [P] doit être déclarée recevable.

Sur le fond

En vertu des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Cependant, par application de l'article 138 du même code, 'si dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce.' Il en est de même dans l'hypothèse d'une demande de production de pièces détenues par une partie, sauf existence d'un empêchement légitime.

Par ailleurs, en application des dispositions combinées des articles 9 et 10 du code civil, le pouvoir du juge civil d'ordonner à une partie ou à un tiers de produire tout document qu'il estime utile à la manifestation de la vérité, n'est limité que par l'existence d'un motif légitime tenant soit au respect de la vie privée, sauf si la mesure s'avère nécessaire à la protection des droits et libertés d'autrui, soit au secret professionnel.

Dès lors, le juge, saisi d'une demande de communication de pièces, doit rechercher si cette communication est nécessaire à l'exercice du droit à la preuve des faits invoqués par l'une des parties et si l'atteinte qu'elle entraîne aux droits d'autrui et notamment au respect de la vie privée est proportionnée au but poursuivi.

Si chacun a droit au respect de sa vie privée, ce droit peut néanmoins subir des atteintes afin de permettre à une partie d'établir ses droits en justice, dès lors qu'après examen des intérêts en présence, il apparaît que cette production est nécessaire et qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des tiers.

S'il est constant que la vie privé du salarié doit être respectée, y compris dans son environnement professionnel, c'est sous réserve de l'exigence du droit à la preuve. A cet égard, la production du contrat de travail d'un autre salarié et de ses bulletins de salaire peut s'avérer nécessaire dès lors que Mr [F] [R] avait des motifs légitimes de suspecter le caractère abusif ou discriminatoire de son licenciement, ou une inégalité de rémunération. Cette demande de production est d'autant plus nécessaire qu'il s'agit de documents qui sont en la seule possession de l'employeur ou de Mme [J] [P].

Le fait que Mr [F] [R] ait déjà obtenu par un autre biais le contrat de travail de Mme [J] [P] est sans incidence sur le caractère légitime de la demande, dès lors que la production des pièces litigieuses par l'employeur permettra l'organisation d'un débat contradictoire et que les modalités d'obtention de ces preuves ne pourront souffrir de contestations.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mme [J] [P] de sa tierce opposition.

Sur les frais et dépens :

Mme [J] [P] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens et il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DECLARE recevable la tierce opposition de Mme [J] [P] mais l'en déboute,

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [J] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/05856
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;22.05856 ?
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