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27/02/2023 | FRANCE | N°21/07840

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 27 février 2023, 21/07840


6ème Chambre A





ARRÊT N° 102



N° RG 21/07840 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SJXD













PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE NANTES



C/



Mme [F] [P]





























Copie exécutoire délivrée

le :



à :

LE PARQUET GENERAL





















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEU

PLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 FEVRIER 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseillère,



GREFFIER :

Mme Léna ETIENNE lors des débats ...

6ème Chambre A

ARRÊT N° 102

N° RG 21/07840 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SJXD

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE NANTES

C/

Mme [F] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

LE PARQUET GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Léna ETIENNE lors des débats et Mme Christine NOSLAND lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, lors des débats.

DÉBATS :

En chambre du conseildu 09 Janvier 2023

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 27 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

LE MINISTERE PUBLIC en la personne du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par le procureur général près la cour d'appel de Rennes,

INTIMÉE :

Madame [F] [P]

née le 30 Décembre 1965 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Défaillante

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Monsieur [I] [C]

né le 04 Mars 1978 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 1]

Défaillant

EXPOSE DU LITIGE

Le mariage de M. [I] [C], né le 4 mars 1978 à [Localité 5] (Algérie), de nationalité algérienne, et de Mme [F] [P], née le 30 décembre 1965 à [Localité 5] (Algérie), de nationalité française, a été célébré le 17 juillet 2016 à [Localité 5].

Selon les termes du jugement déféré, par lettre du 10 décembre 2018 (non produite aux débats), le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes a confirmé l'impossibilité de transcrire l'acte de mariage, considéré comme apocryphe.

Par acte du 29 janvier 2020, Mme [P] a assigné le ministère public devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins d'obtenir la mainlevée de l'opposition à transcription du mariage.

Par jugement du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a ordonné la transcription de l'acte de mariage de M. [C] et de Mme [P], célébré le 17 juillet 2016 à [Localité 5] (Algérie), dans les registres de l'état civil français, condamné le Trésor public aux entiers dépens et écarté l'exécution provisoire de droit de la décision.

Par lettre du 14 décembre 2021, le procureur de la république de Nantes a indiqué au greffe de la cour qu'il entendait interjeter appel à l'encontre du jugement du 25 novembre 2021 (Procédure n°21/07384).

Par déclaration faite par communication électronique reçue au greffe le 16 décembre 2021, le procureur de la république de Nantes a interjeté appel de cette décision (Procédure n°21/07840).

Aux termes de ses dernières écritures communiquées au greffe le 11 mars 2022 par le RPVA, le ministère public demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de dire bien fondée l'opposition du ministère public à la transcription de l'acte de mariage de Mme [P] sur les registres de

l' état civil français.

M. [C] et Mme [P] régulièrement assignés n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 décembre 2022.

La cour a relevé d'office et sollicité en délibéré les observations du ministère public sur la possible caducité de sa déclaration d'appel, pour le 30 janvier 2023 au plus tard.

Le ministère public a fait valoir ses observations adressées par le RPVA le 23 janvier 2023, accompagnées de pièces.

Il apparaît que le 17 décembre 2021, la procédure n°2107384 a été jointe à la procédure n°2107840.

Le procureur de la république de Nantes justifie avoir fait signifier à Mme [P] par acte d'huissier du 14 mars 2022 fait par dépôt en l'étude d'un huissier, la déclaration d'appel suivie sous la référence RG n°21/07840 outre ses conclusions postérieures du 11 mars 2022. Il en a été de même pour M. [C] selon les modalités prévues pour les notifications internationales le 17 janvier 2022, s'agissant de la déclaration d'appel, et le 31 mars 2022 s'agissant des conclusions avec accusé de réception à l'entité requise le 25 ( illisible )2022 comme justifié en délibéré.

Il n'est pas justifié de la notification à M. [C] de l'acte ni de la tentative de remise ou de notification à l'intéressé et l'autorité requérante n'a pas été avisée de l'impossibilité de notifier l'acte. Néanmoins, il apparaît que l'acte a été remis conformément aux dispositions applicables, qu'aucun justificatif de remise de l'acte n'a été obtenu nonobstant les démarches effectuées par l'autorité requérante et qu'un délai de six mois s'est écoulé depuis la remise de l'acte, de sorte que l'appel formé et la procédure apparaissent donc régulière et que la cour peut statuer.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A l'appui de sa demande d'infirmation du jugement déféré, le ministère public expose à titre préliminaire que les pièces invoquées par Mme [P] en première instance, soit une nouvelle copie de l'acte de mariage datée du 10 octobre 2019, une ordonnance du tribunal de [Localité 5] du 10 décembre 2019 et deux correspondances n'ont pu être examinées par le parquet général faute d'avoir été communiquées et s'en remet donc à l'appréciation de la cour ; que si les observations du tribunal judiciaire concernant la transposition des patronymes en langue arabe sont pertinentes, en revanche la nouvelle copie de l'acte de mariage délivrée le 10 octobre 2019 n'énonce ni l'année, ni le jour et l'heure à laquelle il a été reçu et le tribunal s'est contenté d'une présomption d'identité entre la date de célébration du mariage et la date de l'acte alors que l'article 30 de l'ordonnance du°70-20 du 17 février 1970 relative à l'état civil algérien prévoit expressément que les actes d'état civil algériens doivent énoncer l'année, le jour et l'heure où ils sont reçus ; qu'ainsi même en faisant abstraction des actes de mariage différents précédemment produits, le dernier acte de mariage fourni, sur lequel s'est appuyé le tribunal judiciaire, ne peut faire foi en application de l'article 47 du code civil, faute d'avoir été rédigé dans les formes usitées en Algérie ; qu'il en résulte qu'il ne peut être retranscrit sur les registres de l'état civil français.

L'article 47 du code civil dans sa version en vigueur du 15 novembre 2006 au 4 août 2021 applicable en l'espèce dispose que :

Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

L'article 1056-2 du code de procédure civile été pris en application des articles 47 et 171-1 du code civil prévoit que :

Le procureur de la République territorialement compétent pour s'opposer à la célébration d'un mariage d'un Français à l'étranger est celui où est établi le Service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères. Il est également compétent pour se prononcer sur la transcription de l' acte de mariage étranger sur les registres de l'état civil français et pour poursuivre l'annulation de ce mariage.

L'article 171-2 du code civil dispose que :

Lorsqu'il est célébré par une autorité étrangère, le mariage d'un Français doit être précédé de la délivrance d'un certificat de capacité à mariage établi après l'accomplissement, auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage, des prescriptions prévues à l'article 63.

(...)

En l'espèce l'épouse française n'avait pas sollicité la délivrance du certificat de capacité à mariage prévu par l'article 171-2 du code civil.

L' article 171-5 du code prévoit que :

Pour être opposable aux tiers en France, l' acte de mariage d'un Français célébré par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l'état civil français. En l'absence de transcription, le mariage d'un Français valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets en France à l'égard des époux et des enfants. Les futurs époux sont informés de cette règle à l'occasion de la délivrance du certificat de capacité à mariage.

La demande de transcription est faite auprès de l'autorité consulaire ou diplomatique compétente au regard du lieu de célébration du mariage. La transcription sur les registres de l'état civil français est une condition de l'opposabilité en France du mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère. Il s'agit d'un préalable essentiel.

Il est constant que pour solliciter la transcription de l'acte de mariage, Mme [P] a produit à l'appui de sa demande comme le soutient le ministère public qui verse ces pièces :

- une copie de l'acte de mariage datée du 21 août 2016 qui mentionne un mariage célébré le 4 mars 2016 à 0 heure, avec une date de naissance pour l'épouse du 3 décembre 1965 et [K] comme patronyme de sa mère, l'officier d'état civil étant [H] [D] et les deux témoins étant [O] [Y], né le 14 avril 1956 à [Localité 5] et [J] [Y], né le 27 septembre 1963 à [Localité 5];

- une autre copie datée du 17 janvier 2017 qui fait état d'un mariage célébré le 17 juillet 2016 à 0 heure, avec comme date de naissance de l'épouse le 30 décembre 1965 et comme patronyme de sa mère [K], l'officier d'état civil étant [T] [W] et les deux témoins tels que mentionnés sur la copie du 21 août 2016, avec leur nom, prénom et date de naissance, le prénom de [J] ne portant toutefois qu'un seul z dans sa dernière syllabe.

Une autre copie datée du 10 janvier 2017 reçue du poste consulaire à Oran indique un mariage célébré le 17 juillet 2016 à 15 heures 59, avec comme date de naissance de l'épouse le 14 décembre 1965, et comme patronyme de sa mère [K] et ne mentionne ni l'identité des témoins et de l'officier d'état civil.

Les premiers juges ont à juste titre retenu que les différences constatées dans l'orthographe des divers patronymes peuvent prendre leur source dans des retranscriptions différentes de la langue arabe.

Cependant les différentes dates du mariage ne trouvent quant à elles pas d'explication.

L'article 30 de l'ordonnance n°70-20 du 19 février 1970 portant code de l'état civil algérien dispose :

Les actes d'état civil énoncent l'année, le jour et l'heure où ils sont reçus, les prénoms, noms, profession et domicile de touts ceux qui y sont dénommés, les dates et lieu de naissance des père et mère dans les actes de naissance, des époux dans les actes de mariage, du décédé dans les actes de décès sont indiqués lorsqu'ils sont connus : dans le cas contraire, l'âge desdites personnes est désigné par leur nombre d'années, dans tous les cas l'âge des déclarants. En ce qui concerne les témoins, leur qualité de majeur est seule indiquée. Peuvent aussi être indiqués, les surnoms ou sobriquets, et si une confusion est à craindre entre plusieurs homonymes ; ils doivent alors être précédés de l'adjectif « dit »

L'article 73 de la même ordonnance précise que :

L'acte de mariage dressé par l'officier d'état civil ou le cadi doit indiquer expressément que le mariage a lieu dans les conditions prévues par la loi et doit en outre mentionner :

1° Les noms, prénoms, date et lieu de naissance des conjoints ;

2°Les noms et prénoms des pères et mères ;

3° Les noms et prénoms, et âges des témoins ;

(...)

Les premiers juges ont relevé que si les 3 copies visées supra n'étaient pas produites aux débats par les parties, une copie de l'acte de mariage n°862 délivrée le 10 octobre 2019 l'était, et que contrairement aux affirmations du ministère public, qui avait donc examiné la pièce, cette copie comportait bien la date et le lieu de célébration du mariage et qu'étaient également mentionnés, conformément à l'article 73 de l'ordonnance précitée, les noms et prénoms des pères et mères, les noms et prénoms et âges des témoins. Le ministère public confirmait que cette dernière copie intégrale était conforme à celle retrouvée dans les registres de l'état civil local à la suite d'une demande d'authentification.

Le ministère public confirme devant la cour cet élément en précisant que la réponse partielle reçue des autorités algériennes à la demande d'authentification de cette nouvelle pièce, permet de noter qu'elle s'avère conforme à celle retrouvée dans les registres de l'état civil local.

Par mail du 16 octobre 2020, le service central de l'état civil à la direction des français à l'étranger et de l'administration consulaire indique en effet que les autorités locales ont fait parvenir une copie en arabe de l'acte de mariage des époux [P]/ [C] (laquelle est produite aux débats )et que le poste indique que les informations sont conformes à la traduction transmise pour authentification ; que par ailleurs l'acte de naissance de Mme [P] comporte les mentions marginales suivantes :

- mariée le 21/2/1987 avec [G] [B] à [Localité 5] (Algérie)

- divorcée le 24/10/ 2000 à [Localité 6],

- mariée le 17/7/2016 avec [I] [C] à [Localité 5]

Il n'en demeure pas moins que si les premiers juges relèvent que cette copie porte la date et le lieu de célébration du mariage et que sont mentionnés conformément à l'article 73 de l'ordonnance précitée, les noms et prénoms des pères et mère et les noms et prénoms et âges des témoins, ils ne constatent pas que l'acte porte également conformément aux dispositions de l'article 30 de l'ordonnance du 19 février 1970 l'année et le jour et l'heure où ils sont reçus. Il apparaît en conséquence que les premiers juges ne pouvaient en toute hypothèse considérer que l'acte de mariage était conforme aux dispositions de l'article 47 du code civil sans relever dans quelles circonstances de temps l'acte avait été établi.

Ils ne pouvaient ainsi en se référant à l'alinéa 1er de l'article 72 de l'ordonnance précitée qui dispose que lorsque le mariage a lieu devant l'officier de l'état civil, celui-ci en dresse acte sur-le-champ dans ses registres pour conclure que la date et le lieu du mariage étaient donc nécessairement les mêmes que ceux où l'acte a été reçu pour considérer que l'acte de mariage était conforme aux prescriptions de l'article 47 du code civil.

Compte tenu de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la transcription du mariage dans les registres de l'état civil français et condamné le trésor public aux dépens. Mme [P] à l'initiative de la demande de main levée de l'inscription sera condamnée seule aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt par défaut, après débats en chambre du conseil, et mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à main levée de l'opposition du ministère public à la transcription du mariage ;

Condamne Mme [P] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/07840
Date de la décision : 27/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-27;21.07840 ?
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