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23/02/2023 | FRANCE | N°23/00116

France | France, Cour d'appel de Rennes, Référés 7ème chambre, 23 février 2023, 23/00116


Référés 7ème Chambre





ORDONNANCE N°2/2023



N° RG 23/00116 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TM5H













S.A.R.L. TRANSPORT CORNEC



C/



M. [X] [J]































Copie exécutoire délivrée

le :



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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ <

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DU 23 FEVRIER 2023







Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 24 Janvier 2023



ORDONNANCE :



Contradictoire, prononcée publiq...

Référés 7ème Chambre

ORDONNANCE N°2/2023

N° RG 23/00116 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TM5H

S.A.R.L. TRANSPORT CORNEC

C/

M. [X] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 23 FEVRIER 2023

Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Janvier 2023

ORDONNANCE :

Contradictoire, prononcée publiquement le 23 Février 2023, par mise à disposition

****

Vu l'assignation en référé délivrée le 29 Décembre 2022

ENTRE :

S.A.R.L. TRANSPORT CORNEC

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier MOTTE de la SELARL MAJORELLE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES substitué par Me MEREL, avocat au barreau de NANTES

ET :

Monsieur [X] [J]

né le 25 Janvier 1995 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Charlotte FAIVRE-LOUVEL de la SELARL FL AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Transport Cornec a pour activité le transport routier de fret interurbain et emploie moins de dix salariés.

M. [X] [J] a été embauché par la société Transport Cornec selon un contrat à durée déterminée de remplacement à compter du 31 octobre 2016. Il exerçait les fonctions de conducteur routier en régional, national voire international à hauteur de 152 heures mensuelles.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en date du 1er avril 2019, M. [J] occupait toujours les fonctions de conducteur routier pour 169 heures mensuelles.

Par courrier du 22 juin 2021, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par courrier du 02 juillet 2021, le gérant de la société Transport Cornec a contesté l'ensemble des griefs reprochés par le salarié dans la lettre de prise d'acte de la rupture.

***

M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Guingamp le 24 janvier 2012 afin de voir juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicitait le paiement de différentes sommes à titre de rappels de salaires, indemnités et dommages-intérêts, ainsi que la remise de documents de fin de contrat sous astreinte, le tout avec exécution provisoire.

Par jugement en date du 07 novembre 2022, le conseil de prud'hommes de Guingamp a :

- Dit que le salaire de référence de M. [J] est 2 841,15 euros bruts

- Annulé les sanctions disciplinaires de M. [J] et condamné la SARL Transport Cornec à lui payer la somme de 3.000,00 euros de dommages et intérêts à ce titre.

- Requalifié la prise d'acte de M. [J] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la SARL Transport Cornec à payer à M. [J] les sommes suivantes:

- 11 364,60 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3 314,63 euros nets d'indemnité de licenciement

- 5 682,30 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis

- 568,23 euros bruts de congés afférents

- 8 226,92 euros bruts au titre de rappel de salaires (heures supplémentaires)

- 822,69 euros bruts pour les congés afférents

- 100,00 euros bruts au titre du rappel de primes pour le mois d'avril

- 10,00 euros bruts pour les congés afférents

- 313,88 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied

- 31,38 euros bruts pour les congés afférents

- 3 000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- Ordonné la remise d'un bulletin de paie et des documents de fin de contrat sous astreinte de 30 euros par document et par jour de retard à compter du 31ème jour de la notification du présent jugement et ce pendant 3 mois ;

- S'est réservé le droit de liquider l'astreinte ordonnée ;

- Condamné la SARL Transport Cornec à payer à M. [J] la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné la SARL Transport Cornec aux entiers dépens,

- Dit que le greffe devra transmettre le présent jugement à Pôle Emploi ;

- Débouté Monsieur [X] [J] et la SARL Transport Cornec du surplus de leurs demandes.

***

La SARL Transport Cornec a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 28 février 2022.

Suivant exploit d'huissier en date du 29 décembre 2022, la SARL Transport Cornec a fait assigner en référé M. [J] devant le Premier président de la cour d'appel de Rennes à l'audience du 24 janvier 2023, pour voir :

- Déclarer son action recevable et bien fondée ;

- Ordonner à titre principal, l'arrêt total de l'exécution provisoire ordonnée et prononcée au sein de la décision du conseil de prud'hommes de Guingamp du 7 novembre 2022, correspondant aux sommes de nature indemnitaire à hauteur de 18 364,60 euros ;

- Ordonner à titre subsidiaire, la consignation des sommes visées par l'exécution provisoire ordonnée et prononcée au sein de la décision du conseil de prud'hommes de Guingamp du 7 novembre 2022, à hauteur de 18 364,60 euros, sur le compte CARPA du cabinet Majorelle Avocats, conseil de la société Transport Cornec.

***

Par voie de conclusions développées oralement à l'audience par son avocat, M. [J] demande que la société Transport Cornec soit déboutée de toutes ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. [J] fait valoir en substance que :

- Il n'existe pas de moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement entrepris ;

- Le risque de conséquences manifestement excessives n'est pas établi : la santé financière de la société Transport Cornec est très satisfaisante ; elle a pu s'acquitter immédiatement de la somme de 12.049,79 euros et en proposant de consigner le solde, elle démontre qu'elle est en mesure de payer les sommes affectées de l'exécution provisoire ; son comptable mentionne une trésorerie largement positive ;

- Il a rapidement retrouvé un travail après la prise d'acte de la rupture ; son épouse travaille ; le couple est propriétaire d'une maison ; il n'existe pas de craintes de non restitution des fonds en cas d'infirmation ;

- La société Transport Cornec ne s'est pas acquittée de la totalité des sommes dues au titre de l'exécution provisoire de droit ; elle doit un solde à ce titre de 6.500,26 euros net.

Par voie de conclusions développées oralement à l'audience par son avocat, la société Transport Cornec réitère les demandes contenues dans son exploit introductif d'instance, sauf à y adjoindre une demande tendant à voir débouter M. [J] de ses demandes relatives à l'indemnité sollicitée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir en substance que :

- La cour ne pourra qu'infirmer les condamnations prononcées à titre de dommages-intérêts pour répercussions psychologiques au titre des sanctions disciplinaires jugées injustifiées, au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité ;

- Le risque de conséquences manifestement excessives est établi ; il a déjà été versé 26.076,01 euros ; la situation de trésorerie de la société ne lui permet pas de verser la somme de 18.364,60 euros ; son équilibre financier est menacé par les circonstances actuelles relatives à l'inflation, la hausse du prix du carburant et celle des salaires ;

- La société est fondée à se prémunir des difficultés de recouvrement qui se poseraient en cas d'infirmation ;

- Elle s'est acquittée du paiement de l'ensemble des sommes de nature salariale et a donc rempli son obligation relative à l'exécution provisoire de droit.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la date de prononcé de l'ordonnance fixée au 23 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire facultative :

L'article 515 du code de procédure civile dispose : 'Lorsqu'il est prévu par la loi que l'exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d'office ou à la demande d'une partie, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la décision'.

Aux termes de l'article 517-1 du même code, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522 (...).

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d'un préjudice irréparable ainsi que d'une situation irréversible en cas d'infirmation.

En l'espèce, il est constant qu'outre l'exécution provisoire de droit prévue pour les condamnations visées à l'article R1454-28 du code du travail, le conseil de prud'hommes de Guingamp a ordonné l'exécution provisoire de sa décision du 7 novembre 2022 pour 'les autres indemnités', estimant cette mesure nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la société Transport Cornec est cantonnée à l'exécution provisoire facultative ordonnée par le conseil de prud'hommes.

La société Transport Cornec fait valoir qu'elle a en effet d'ores et déjà acquitté une somme de 26.076,01 euros (charges patronales comprises) et que le versement de la totalité des sommes affectées de l'exécution provisoire remettrait en cause l'embauche d'un futur salarié et des investissements à venir sur l'année 2023.

Elle produit pour justifier du risque allégué de conséquences manifestement excessives, un courrier de son expert-comptable en date du 8 décembre 2022, qui mentionne en référence au bilan arrêté le 30 juin 2022, l'existence d'une trésorerie de 228.647 euros et évoque 'des incertitudes sur l'exercice à venir quant à la hausse du carburant, l'inflation, la tension sur les salaires', ainsi que le fait que 'la question se pose d'une éventuelle embauche', l'entreprise ne comptant plus que cinq salariés sur l'effectif de six qui était le sien jusqu'au 16 novembre 2022.

L'expert comptable ajoute que 'le versement de la totalité des 44.440,61 euros (charges sociales comprises) serait de nature à impacter votre trésorerie' et que 'dans un contexte économique incertain, le reliquat des sommes indemnitaires à devoir (soit 18.364,60 euros sur les 44.460,61 euros) pourrait remettre en cause - le - projet d'embauche d'une sixième personne ainsi que des investissements à venir'.

Le bulletin de salaire établi au mois de novembre 2022 en exécution du jugement entrepris, s'agissant des sommes relevant de l'exécution provisoire de droit, fait ressortir le paiement au salarié d'une somme nette de 15.621,37 euros.

L'exécution provisoire facultative porte sur la somme de 18.364,60 euros correspondant aux condamnations suivantes:

- 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées

- 11.364,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ni l'attestation de l'expert comptable de l'employeur qui révèle l'existence d'une trésorerie à la clôture du dernier bilan s'élevant à plus de 228.000 euros, ni le moindre élément objectif contemporain de la présente instance, n'accréditent l'affirmation selon laquelle le règlement de ces sommes représentant 8% de la trésorerie du mois de juin 2022 serait de nature à entraîner un préjudice irréparable pour la société Transport Cornec ainsi qu'une situation irréversible en cas d'infirmation.

Au demeurant, M. [J] justifie pour sa part, par la production d'un avis de taxes foncières pour l'année 2022 et d'un avis d'imposition établi en 2022, de ce qu'il est propriétaire avec Mme [F] d'un immeuble à usage d'habitation et de ce que lui-même et cette dernière ont déclaré un revenu fiscal de 44.605 euros.

Le risque de conséquences manifestement excessives lié à l'exécution provisoire facultative n'est donc nullement établi et l'une des deux conditions cumulatives prévues par l'article 517-1 susvisé du code de procédure civile faisant défaut, il convient de débouter la société Transport Cornec de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

2- Sur la demande subsidiaire de consignation :

Aux termes de l'article 521 alinéa 1er du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Il doit être rappelé qu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire du premier président et que cette possibilité d'aménagement de l'exécution provisoire n'est pas subordonnée à la condition que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

En l'espèce, la société Transport Cornec se prévaut de la crainte de difficultés de recouvrement eu égard à la situation financière de M. [J], compte tenu de 'fortes probabilités' d'infirmation du jugement entrepris.

S'agissant de l'infirmation potentielle du jugement querellé, force est de constater que la société Transport Cornec procède par voie d'affirmation sans établir la réalité d'un tel risque, tandis que les développements qui précèdent conduisent à exclure le caractère fondé du risque allégué de non-recouvrement de la somme de 18.364,60 euros assortie de l'exécution provisoire facultative.

La demande subsidiaire de consignation sera donc rejetée.

3- Sur les dépens et frais irrépétibles :

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Transport Cornec, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure de référé.

L'équité commande en outre de la condamner à payer à M. [J] la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute la société Transport Cornec de sa demande principale tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire facultative ordonnée par le conseil de prud'hommes de Guingamp dans son jugement du 7 novembre 2022;

Déboute la société Transport Cornec de sa demande subsidiaire aux fins de consignation des sommes assorties de l'exécution provisoire à hauteur de 18.364,60 euros ;

Condamne la société Transport Cornec à payer à M. [J] la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Transport Cornec aux dépens.

Le président de chambre délégué Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Référés 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00116
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;23.00116 ?
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