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26/01/2023 | FRANCE | N°22/07050

France | France, Cour d'appel de Rennes, Référés 7ème chambre, 26 janvier 2023, 22/07050


Référés 7ème Chambre





ORDONNANCE N°1/2023



N° RG 22/07050 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TKEX













Association ACTIONS SERVICES



C/



M. [U] [D]-[Z]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES





ORDONNANCE

DE RÉFÉRÉ

DU 26 janvier 2023







Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère déléguée par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 13 Décembre 2022



ORDONNANCE :



Contradictoire prononcée publi...

Référés 7ème Chambre

ORDONNANCE N°1/2023

N° RG 22/07050 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TKEX

Association ACTIONS SERVICES

C/

M. [U] [D]-[Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 26 janvier 2023

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère déléguée par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2022

ORDONNANCE :

Contradictoire prononcée publiquement le 26 Janvier 2023, par mise à disposition date indiquée à l'issue des débats

****

Vu l'assignation en référé délivrée le 22 Novembre 2022

ENTRE :

Association ACTIONS SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Cécile GUITTON de la SELARL LCE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

ET :

Monsieur [U] [D]-[Z]

né le 23 Février 1974 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Agnès PAILLONCY de la SELARL AVOCADYS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSÉ DU LITIGE

L'association Actions Services, qui oeuvre dans le domaine de l'insertion par l'activité économique, a embauché M. [U] [D]-[Z] le 15 mars 2017 en qualité de responsable d'association, dans le cadre d'un contrat unique d'insertion d'une durée de un an.

Ce contrat a été renouvelé pour une même durée selon avenant en date du 13 mars 2018, la qualification du salarié étant cette fois celle de directeur, moyennant un salaire mensuel brut de 2.836,23 euros.

Le salarié était placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 16 juillet 2018.

Le contrat de travail a pris fin par l'effet de la survenance de son terme le 13 mars 2019.

M. [D]-[Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper le 12 mars 2019 pour voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 13 mars 2017 et son avenant du 13 mars 2018 en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir, outre le paiement d'une indemnité de requalification, différentes sommes à titre de rappels de salaires, indemnités et dommages-intérêts.

Il sollicitait également que soit ordonnée la remise sous astreinte d'un bulletin de salaire conforme à la décision rendue.

Par jugement de départage rendu le 7 octobre 2022, le conseil de prud'hommes a ordonné la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée et dit que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'association Actions Services a été condamnée à payer à M. [D]-[Z] les sommes suivantes:

- 2.836,20 euros à titre d'indemnité de requalification

- 1.063,59 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 2.836,20 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 283,62 euros brut à titre de congés payés sur préavis

- 5.627,40 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 9.926,80 euros brut au titre des heures supplémentaires

- 992,68 euros brut au titre des congés payés correspondants

- 1.137,14 euros brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos

- 17.017,20 euros net au titre du travail dissimulé

- 2.000 euros net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Le conseil de prud'hommes a encore:

- Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts légaux à compter de la demande en justice ;

- Dit que les sommes à caractère non salarial porteront intérêts légaux à compter de la décision ;

- Ordonné la remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi rectifiés, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant 90 jours ;

- Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- Condamné l'association Actions Services aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire et dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2.836,20 euros brut.

L'association Actions Services a interjeté appel de cette décision le 2 novembre 2022.

Par assignation en référé délivrée le 22 novembre 2022 à M. [D]-[Z] pour l'audience du 13 décembre 2022, l'association Actions Services a saisi le premier président de la cour d'appel de Rennes aux fins d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Quimper le 7 octobre 2022.

A titre subsidiaire, il est demandé de limiter l'exécution provisoire aux éléments de condamnation frappés de l'exécution de plein droit, conformément aux dispositions de l'article R1454-28 du code du travail.

Il est enfin demandé de dire que les dépens suivront le principal.

Par voie de conclusions soutenues oralement à l'audience par son avocat, l'association Actions Services demande au premier président d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Quimper le 7 octobre 2022 sur les condamnations non frappées de l'exécution de droit et de dire que les dépens suivront le principal.

Elle fait valoir en substance que:

- Le conseil de prud'hommes a ordonné l'exécution provisoire au-delà de l'exécution légale prévue par les articles R1454-14 et R 1454-28 du code du travail sans motiver sa décision sur ce point, alors qu'il était conclu de ce chef au débouté par l'employeur ;

- L'exécution provisoire entraînerait des conséquences manifestement excessives; l'association est en difficulté par suite d'une baisse de son activité depuis plusieurs années ; sa trésorerie a fortement diminué depuis le début de l'année 2022 ; elle ne pourrait survivre sans une dotation de l'Etat et sans subventions ; les condamnations prononcées excèdent son résultat ;

- M. [D]-[Z] ne justifie pas de sa situation financière et de sa capacité à rembourser les sommes versées en cas d'infirmation du jugement ;

- Les décomptes produits par M. [D]-[Z] ne sont pas conformes à la réalité de son activité ; il existe un moyen sérieux de réformation du jugement entrepris ;

- Subsidiairement, l'exécution provisoire devrait être limitée aux sommes dues en vertu de l'exécution provisoire de plein droit, soit la somme de 25.526,52 euros.

Par voie de conclusions développées oralement à l'audience par son avocat, M. [D] demande à la cour de:

- Rejeter les demandes de l'association Actions-Services comme étant à la fois irrecevables et mal fondées ;

- Condamner l'association Actions-Services à lui payer la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamner l'association Actions Services aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.

M. [D] fait valoir en substance que:

- Seul l'article 524 ancien du code de procédure civile et non l'article 517-1 du même code sur lequel est fondé la demande, est applicable ; l'action est mal fondée en droit ;

- Le jugement est intégralement assorti de l'exécution provisoire de droit puisqu'il a prononcé la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

- La demande d'arrêt de l'exécution provisoire est irrecevable ; les conditions posées par l'article 524 dernier alinéa du code de procédure civile sont cumulatives ; aucune violation du principe du contradictoire ou de l'article 12 du code de procédure civile n'est soutenue ; il n'est pas démontré que l'exécution risquerait d'entraîner des conséquences manifestement excessives: la trésorerie de 70.273 euros couvre largement l'intégralité des condamnations mises à la charge de l'association.

***

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

A l'issue des débats, la date de prononcé de la décision a été fixée au 26 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire:

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

M. [D]-[Z] soulève l'irrecevabilité de la demande de l'association Actions Services au motif que les deux conditions posées par le dernier alinéa de l'article 524 ancien du code de procédure civile sont cumulatives, tandis que la première de ces conditions n'est pas remplie au cas d'espèce.

Le dernier alinéa de l'article 524 ancien du code de procédure civile dispose: 'Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives'.

L'appréciation d'une violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 du code de procédure civile implique une appréciation de fait touchant aux circonstances de l'espèce et implique donc un examen du litige sur le fond.

Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par M. [D]-[Z] doit être rejetée.

2- Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire:

L'article 524 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, puisqu'il est justifié de ce que la requête introductive d'instance devant le conseil de prud'hommes a été enregistrée le 12 mars 2019, soit antérieurement au 1er janvier 2020, dispose que lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants:

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.

Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.

Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.

Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Par ailleurs, aux termes de l'article R1245-1 du code du travail, lorsqu'un conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en application de l'article L1245-2, sa décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Il résulte des dispositions de ce dernier texte que le jugement d'un conseil de prud'hommes qui ordonne la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire dans toutes ses dispositions.

Pour autant et conformément aux dispositions de l'article R1454-28 du même code, cette exécution provisoire de droit ne s'exerce que dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire telle qu'elle est mentionnée dans le jugement.

En l'espèce, le dispositif du jugement rendu par la formation de départage du conseil de prud'hommes de Quimper indique: 'Ordonne l'exécution provisoire et dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2.836,20 euros brut'.

Cette partie du dispositif est à rapprocher des motifs qui, au chapitre de l'exécution provisoire, indiquent:

'Il convient de rappeler qu'en exécution des dispositions des articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail, les sommes à caractère salarial sont exécutoires de plein droit, dans la limite de 9 mois de salaire, calculée sur la moyenne des 3 derniers mois, laquelle s'élève à la somme de 2.836,20 euros bruts.

Il convient d'ordonner l'exécution provisoire pour le surplus'.

Il convient donc de distinguer l'exécution provisoire de plein droit, de l'exécution provisoire facultative que le conseil de prud'hommes a ordonnée.

S'agissant de l'exécution provisoire de droit, si l'association Action Services invoque l'existence de conséquences manifestement excessives en cas d'exécution de la décision, elle n'allègue ni a fortiori ne démontre aucune violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 du code de procédure civile, étant ici observé qu'elle limite expressément sa demande, aux termes de ses conclusions développées à l'audience, aux 'condamnations non frappées de l'exécution de droit'.

S'agissant de l'exécution provisoire facultative ordonnée par le conseil de prud'hommes, qui a donc vocation à s'appliquer aux sommes excédant le plafond de 9 mois de salaire brut, soit 25.525,80 euros, il importe que soit démontré par l'association débitrice le risque de conséquences manifestement excessives.

Ce risque doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d'un préjudice irréparable ainsi que d'une situation irréversible en cas d'infirmation.

En l'espèce, il résulte d'une attestation de Mme [L], expert comptable, en date du 3 novembre 2022, que la situation financière de l'association Actions Services s'est dégradée au cours de l'année 2022 dans des proportions telles que 'la fragilité économique de l'association sera mise en péril si l'injonction de payer n'est pas levée', ce professionnel ajoutant que l'association va également devoir procéder au remboursement de son prêt garanti par l'Etat (PGE) à compter de 2023.

Cette attestation précise l'évolution du solde des comptes bancaires détenus au Crédit mutuel de Bretagne (CMB) et à la Caisse d'épargne entre le 1er janvier 2022 et le 31 octobre 2022, solde qui est passé entre ces deux dates de 100.019 euros à 52.912 euros s'agissant du compte CMB et de 56.478 euros à 17.361 euros, s'agissant du compte Caisse d'épargne, ce dont il résulte une dégradation manifeste de la trésorerie de l'association.

La production des relevés de compte arrêtés à la date du 12 décembre 2022 permet de constater l'absence d'amélioration et même une légère baisse de la trésorerie de l'association qui s'établit sur les deux comptes cumulés CMB et Caisse d'Epargne à 68.128,42 euros.

Le total des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes (43.720,83 euros) doit être rapproché du résultat d'exploitation tel qu'il ressort du compte de résultat au 31 décembre 2021 (46.162 euros), étant ici observé que l'association Action Services a bénéficié de plus 100.000 euros de subventions en 2021, lesquelles ont un caractère aléatoire alors que sans leur bénéfice, l'association se trouverait manifestement dans l'incapacité de faire face à son passif exigible.

En considération de ces éléments, le risque de conséquences manifestement excessives est établi et il est justifié d'arrêter l'exécution provisoire ordonnée par le conseil de prud'hommes de Quimper pour la partie excédant l'exécution provisoire de droit plafonnée à 9 mois de salaire brut, soit 25.525,80 euros.

3- Sur les dépens et frais irrépétibles:

Il n'est pas contraire à l'équité de laisser M. [D]-[Z] supporter la charge de ses frais irrépétibles et il convient en conséquence de le débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante dans la présente instance, au sens des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, M. [D]-[Z] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [D]-[Z] ;

Prononce l'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée par le conseil de prud'hommes de Quimper pour la partie des condamnations excédant l'exécution provisoire de droit plafonnée à 9 mois de salaire brut ;

Déboute M. [D]-[Z] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D]-[Z] aux dépens de la présente instance.

Le Greffier La Conseillère déléguée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Référés 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/07050
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;22.07050 ?
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