6ème Chambre A
ARRÊT N°27
N° RG 21/07081 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SGNY
M. [T] [B]
C/
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE NANTES
Mainlevée de l'opposition en date du 19 mars 2020 à la célébration du mariage entre Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Bruno LE TOULLEC
PROCUREUR GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,
Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Christine NOSLAND, lors des débats, et lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Yves DELPERIE, avocat général, lors des débats,
DÉBATS :
En chambre du conseil du 14 Novembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Janvier 2023 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
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APPELANT :
Monsieur [T] [B]
né le 24 Janvier 1971 à [Localité 8] (93)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Bruno LE TOULLEC de la SARL ALTG 19, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
LE MINISTERE PUBLIC en la personne du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par le procureur général près la cour d'appel de Rennes
INTERVENANTE :
Madame [Y] [R] épouse [B]
née le 03 Janvier 1990 à [Localité 6] (MAROC)
demeurant [Adresse 7]
[Adresse 7] ( MAROC)
Représenté par Me Bruno LE TOULLEC de la SARL ALTG 19, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
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Monsieur [T] [B], né le 24 janvier 1971 à [Localité 8] (Seine-Saint-Denis), de nationalité française, et Madame [Y] [R], née le 3 janvier 1990 à [Localité 6] (Maroc), de nationalité marocaine ont sollicité la délivrance d'un certificat de capacité à mariage auprès du consulat général de France à [Localité 5] (Maroc) en vue de leur mariage devant être célébré devant cette circonscription consulaire.
Le 19 mars 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes a formé opposition à leur mariage, leur projet d'union étant suspecté d'être dépourvu d'intention matrimoniale.
Par acte du 14 janvier 2021, Monsieur [T] [B] a assigné le Ministère public aux fins d'obtenir la mainlevée de l'opposition à son mariage.
Par jugement du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a débouté Monsieur [T] [B] de sa demande de mainlevée de l'opposition à son mariage avec Madame [Y] [R], formée le 19 mars 2020 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes et condamné Monsieur [T] [B] aux entiers dépens.
Par déclaration du 10 novembre 2021, Monsieur [T] [B] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Aux termes de conclusions notifiées le 8 février 2022, Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R] demande à la cour de :
- donner acte à Madame [Y] [R] de son intervention volontaire à la cause,
- infirmer le jugement dont appel,
- ordonner la mainlevée de l'opposition au mariage formé par le procureur de la République de Nantes par acte du 8 avril 2020,
- ordonner en conséquence la délivrance du certificat de capacité à mariage qu'il sollicite,
- condamner le trésor public à leur payer une somme de 3600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le trésor public aux entiers dépens.
Aux termes de ses écritures notifiées le 20 avril 2022, le Ministère public demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel,
- ordonner la mainlevée de l'opposition au mariage formé par le procureur de la République de Nantes,
- ordonner en conséquence la délivrance du certificat de capacité à mariage sollicité par Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R],
- débouter les appelants de leur demande de condamnation du trésor public.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 171-2 du code civil, 'lorsqu'il est célébré par une autorité étrangère, le mariage d'un Français doit être précédé de la délivrance d'un certificat de capacité à mariage établi après l'accomplissement, auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage, des prescriptions prévues à l'article 63.'
L'article 171-7 du même code prévoit, relativement à la transcription de l'acte de mariage d'un français célébré à l'étranger par une autorité étrangère que :
'Lorsque le mariage a été célébré en contravention aux dispositions de l'article 171-2, la transcription est précédée de l'audition des époux, ensemble ou séparément, par l'autorité diplomatique ou consulaire. [...]
Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage célébré devant l'autorité étrangère encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1,147, 161,162,163,180 ou 191, l'autorité diplomatique ou consulaire chargée de transcrire l'acte en informe immédiatement le ministère public et sursoit à la transcription.
Le procureur de la République se prononce sur la transcription dans les six mois à compter de sa saisine.
S'il ne s'est pas prononcé à l'échéance de ce délai ou s'il s'oppose à la transcription, les époux peuvent saisir le tribunal de grande instance pour qu'il soit statué sur la transcription du mariage.'
Par ailleurs, l'article 202-1 du code civil précise que quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 du même code, aux termes duquel il n'y a pas de mariage sans consentement.
En l'espèce, la Cour relève que le Ministère public se joint en dernier lieu à la demande des appelants et sollicite l'infirmation du premier jugement, indiquant que les nombreuses pièces produites par les requérants en cause d'appel permettent de lever le doute sur les intentions matrimoniales des futurs époux.
Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R] démontrent en cause d'appel que Monsieur [B] était bien au Maroc en mai 2018, période au cours de laquelle ils relatent s'être rencontrés de manière fortuite à la terrasse d'un café. Il est également démontré que Monsieur [B] a séjourné sur le territoire marocain trois fois en début d'année 2020 et deux fois en 2021 et ce nonobstant les difficultés qui ont pu se présenter pour effectuer des déplacements internationaux en période de pandémie de COVID-19.
Par ailleurs, si les appelants ne produisent que peu d'éléments démontrant un maintien du lien entre eux entre 2018 et le voyage réalisé par Monsieur [B] en 2020 au cours duquel les futurs époux ont célébré leurs fiançailles, force est de constater qu'ils produisent de très nombreux échanges de mini-messages couvrant la période allant d'avril 2020 à décembre 2021 démontrant qu'ils échangent presque quotidiennement, le contenu de leurs conversations allant de récits de leurs vies quotidiennes à des dialogues très intimes, voir sexuels.
Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R] produisent également de nombreuses photos les représentant à l'occasion de leurs fiançailles,, ainsi que lors de moments de la vie quotidienne comme des repas avec la famille de Madame [R], notamment célébrant l'anniversaire de Monsieur [B], ou encore des sorties à la plage. Les nombreuses attestations de proches, amis et famille témoignent enfin des liens qui unissent Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R].
Il résulte de l'ensemble des éléments produits par les appelants que Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R] démontrent la réalité de leur relation et de la persistance de leur volonté matrimoniale, qui a perduré depuis 2018, nonobstant l'opposition à mariage formée par le Ministère public.
En conséquence, le jugement sera infirmé et il sera ordonné la mainlevée de l'opposition à mariage formée par le Procureur de la République de Nantes, le 19 mars 2020.
Sur les frais et dépens
Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du Trésor Public.
La Cour statuant au regard des nombreux éléments produits pour la première fois en cause d'appel, aucun motif tiré de l'équité ne justifie qu'il soit fait droit à la demande de Monsieur [T] [B] et Madame [Y] [R] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Ordonne la mainlevée de l'opposition en date du 19 mars 2020 à la célébration du mariage entre Monsieur [T] [B], né le 24 janvier 1971 à [Localité 8] (Seine-Saint-Denis), de nationalité française, et Madame [Y] [R], née le 3 janvier 1990 à [Localité 6] (Maroc), de nationalité marocaine,
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIER LE PRESIDENT