6ème Chambre A
ARRÊT N°15
N° RG 21/06291 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SC46
Mme [X] [U]
C/
M. [O] [N]
CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LOIRE ATLANTIQUE
Annule la reconnaissance effectuée par M. [O] [N] le le 22 avril 2016 auprès de l'officier d'état civil de [Localité 3] (44) de l'enfant [B] [T] [E] [H], née le 19 juillet 2013 à [Localité 3]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Marion PLE-CARTAL
Me Cécile DE OLIVEIRA
PROCUREUR GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,
Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Christine NOSLAND, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Yves DELPERIE, avocat général, lors des débats,
DÉBATS :
En chambre du conseil du 14 novembre 2022
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 09 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [X] [U]
née le 25 Août 1979 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marion PLE-CARTAL de la SARL ABELIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011395 du 01/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉS :
Monsieur [O] [N]
né le 16 Mars 1979 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Défaillant
CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LOIRE ATLANTIQUE, ès-qualités d'administrateur ad'hoc de [B] [N] [U], née le 19 juillet 2013 à [Localité 3],
[Adresse 6]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012722 du 12/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
Représenté par Me Cécile DE OLIVEIRA de la SELARL ASKE 1, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
* * * * *
L'enfant [B] [T] [E] [U], née le 19 juillet 2013, a été reconnue par sa mère Mme [X] [U] par anticipation le 21 janvier 2013, puis par M. [O] [N] le 22 avril 2016. L'enfant a pris le nom de [H] selon déclaration conjointe.
Par acte en date des 18 septembre et 3 octobre 2017, Mme [X] [U] a assigné M. [O] [N] et M. le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique en sa qualité d'administrateur ad hoc chargé de représenter l'enfant mineure [B], aux fins d'annulation de la reconnaissance.
Par jugement du 8 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Nantes a ordonné la réalisation d'une expertise biologique en vue de déterminer la probabilité de la paternité de M. [O] [N] à l'égard de l'enfant [B].
Le 12 février 2019, l'expert judiciaire a rendu un rapport de carence, M. [N], bien que régulièrement convoqué par lettre simple et recommandée avec accusé de réception, ne s'étant pas présenté au laboratoire.
Par jugement réputé contradictoire du 16 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- déclaré recevable l'action en contestation de paternité introduite par Mme [X] [U],
- débouté Mme [X] [U] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme [X] [U] aux dépens.
Par déclaration du 7 octobre 2021, Mme [X] [U] a interjeté appel de toutes les dispositions de cette décision.
Aux termes de ses écritures notifiées le 29 novembre 2021, Mme [X] [U] demande à la cour de réformer les dispositions du jugement, et statuant à nouveau, de :
- juger que [B] n'est pas l'enfant naturelle de M. [O] [N],
- annuler la reconnaissance de M. [O] [N] à l'égard de [B],
- juger que le nom de l'enfant sera désormais [U],
- ordonner la transcription du jugement à intervenir sur les actes d'état civil de l'enfant et sur l'acte de reconnaissance annulé,
- condamner M. [O] [N] aux dépens d'instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 1er mars 2022, la direction générale des affaires sociales de Loire-Atlantique agissant ès qualité d'administrateur ad hoc de [B], demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
- annuler la reconnaissance de paternité de M. [O] [N] sur [B], née le 19 juillet 2013 à [Localité 3].
Aux termes d'un écrit communiqué le 30 août 2022, le ministère public a indiqué être d'avis que le jugement entrepris soit infirmé, et par conséquence qu'il soit jugé que M. [O] [N] n'est pas le père de l'enfant [B], que cette dernière portera désormais le seul patronyme de [U] et que le jugement sera retranscrit à l'état civil.
Mme [X] [U] a fait signifier à M. [O] [N] la déclaration d'appel ainsi que ses conclusions le 1er décembre 2021. Cette signification a été faite par dépôt à l'étude.
M. [O] [N] n'a pas constitué avocat.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 310-3 du code civil énonce que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état. Si une action est engagée en application du chapitre III du présent titre, la filiation se prouve et se conteste par tous moyens, sous réserve de la recevabilité de l'action.
Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles 332 et suivants du code civil que la filiation légalement établie peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père.
Enfin, aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.
Dans le cas d'espèce, c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont déclaré recevable l'action en annulation de la reconnaissance de paternité introduite par Mme [X] [U] dans le délai de l'article 321 du code civil.
Au fond, pour débouter Mme [U] de ses demandes, le tribunal judiciaire a considéré que celle-ci n'apportait aucun élément, ni aucun pièce venant justifier ses affirmations selon lesquelles elle n'avait pas eu de relations avec M. [O] [N] pendant la période légale de conception, qu'elle situe entre le 23 octobre et le 30 octobre 2012, et que la seule circonstance que M. [N] ne se soit pas rendu à l'expertise génétique, si elle peut être un indice, ne pallie nullement la carence probatoire de Mme [U].
En cause d'appel, Mme [U] produit aux débats une attestation de Mme [F] [D] épouse [N], mère de M. [O] [N] qui indique que '[B] n'est pas ma petite fille biologique'.
Par ailleurs, s'il est constant que Mme [U] a accepté que M. [O] [N] dont elle savait qu'il n'était pas le père biologique de sa fille, reconnaisse l'enfant deux ans après sa naissance, il demeure que la relation de Mme [X] [U] avec M. [O] [N] ne s'est pas inscrite dans la durée, ces derniers s'étant séparés en juin 2016, soit dix huit mois après leur première rencontre, de sorte qu'aux dires de Mme [U], il ne sait pas créer entre sa fille et M. [N] un véritable lien de nature filiale. Si elle ne produit aucun élément de nature à attester cette absence de lien, il demeure que l'attitude adoptée par M. [N] durant la présente procédure débutée en 2017, ayant consisté à ne pas constituer avocat tant en première instance que devant la cour, puis à ne pas se rendre à l'expertise génétique en dépit de deux convocations régulières, dont une faite par lettre recommandée dont il a signé l'accusé de réception, constitue un faisceau d'indices permettant d'établir le désintérêt de ce dernier à l'égard de l'enfant [B] tel que soutenu par Mme [U].
Ainsi, dans ce contexte où il est désormais établi que la reconnaissance faite par M. [N] à l'égard de l'enfant [B] n'est pas conforme à la vérité biologique, ce dernier n'étant pas le père de l'enfant, et ne correspond à aucune réalité affective durable, il est de l'intérêt supérieur de cette enfant d'annuler la reconnaissance de paternité souscrite par M. [N] envers elle. Cette annulation entraînant l'annulation du lien de filiation de l'enfant avec M. [O] [N], il s'ensuit que l'enfant portera le nom patronymique de sa mère.
L'issue du litige justifie que les dépens de première instance et d'appel soient supportés par M. [O] [N].
Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions ayant rejeté les demandes au fond de Mme [U].
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action en contestation de paternité introduite par Mme [X] [U] ;
L'infirme en ce qu'il a débouté Mme [X] [U] de sa demande tendant à voir annuler la reconnaissance de l'enfant [B] faite par M. [O] [N] le 22 avril 2016 et de ses demandes qui en découlent ;
Statuant à nouveau de ce chef infirmé,
Annule la reconnaissance effectuée par M. [O] [N] le le 22 avril 2016 auprès de l'officier d'état civil de [Localité 3] (44) de l'enfant [B] [T] [E] [H], née le 19 juillet 2013 à [Localité 3] ;
Ordonne la transcription du présent arrêt en marge de l'acte d'état civil de l'enfant [B] [T] [E] [H] ;
Dit que l'enfant portera le nom patronymique de sa mère ;
Condamne M. [O] [N] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE