6ème Chambre A
ARRÊT N° 3
N° RG 21/03868 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RYR6
M. [Y] [Z]
C/
Mme [B] [T] [A] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-Guillaume LE MINTIER
Me Dominique LE COULS-BOUVET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,
Assesseur : Madame Emmanuelle DESVALOIS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Christine NOSLAND, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Novembre 2022
devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [Y] [Z]
né le 11 Août 1947 à [Localité 16]
[Localité 12]
[Localité 6]
Représenté par Me Jean-Guillaume LE MINTIER de la SELARL ISIS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Gilles REGNIER, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉE :
Madame [B] [T] [A] [H]
née le 22 Juin 1958 à [Localité 15]
Chez Madame [D] [G]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Christophe LOMBARD de la SCP SCP A.KALIFA-C.LOMBARD-E.LECARPENTIER, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [B] [H] et Monsieur [Y] [Z] ont vécu en concubinage entre 1998 et 2017.
Suivant acte reçu par Maître [P], notaire associé à [Localité 8], le 16 août 2007, ils ont fait l'acquisition, pour moitié indivise chacun, au lieu-dit [Localité 12], sur la commune de [Localité 9], pour le prix total de 93'000 € :
- d'un terrain à bâtir cadastré section B numéro [Cadastre 2], pour 15a 65ca,
- de la moitié indivise d'un terrain à usage de passage commun cadastré section B numéro [Cadastre 3] pour 2a 65ca,
- des 323/5292èmes indivis d'un terrain à usage de passage commun cadastré section B numéro [Cadastre 7] pour 6a 38ca,
- des 673/2646èmes indivis d'un terrain à usage de passage commun cadastré section B numéro [Cadastre 1] pour 2a 55ca.
Pour le financement de l'acquisition du terrain et de la construction, ils ont utilisé le prix de vente d'un appartement qui leur appartenait à [Localité 13] pour la somme de 235'000 € et emprunté auprès du crédit immobilier de France la somme de 166'000 €.
Depuis la séparation survenue le 28 mars 2017, Monsieur [Y] [Z] est demeuré dans la maison indivise.
Par assignation en date du 13 mars 2020, Madame [B] [H] a saisi le juge aux affaires familiales aux fins notamment de voir ordonner l'ouverture des opérations de liquidation partage ainsi que la licitation du bien immobilier indivis.
Par jugement du 15 juin 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lorient a, notamment :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision [H] / [Z],
- désigné pour y procéder Maître [M], notaire associé à [Localité 11],
- commis Madame [C], vice-présidente du tribunal judiciaire de LORIENT, pour contrôler les opérations,
- ordonné la vente sur licitation en l'étude de Maître [M] de la maison d'habitation sise commune de [Adresse 10], d'une surface de 1550 m² avec accès en indivision par la parcelle B numéro [Cadastre 3] pour 265 m² avec 2 autres parcelles sur la mise à prix de 260'000 €, avec faculté de baisse du prix d'un quart en cas de non enchères,
- dit que dans les 12 mois du jugement, le notaire établira un projet d'état liquidatif à partir des éléments recueillis auprès des parties qu'il soumettra à leur accord,
- rappelé que le notaire sera chargé d'établir les comptes entre copartageants,
- dit qu'en cas de désaccord, il dressera au plus tard à l'issue de ce délai un procès-verbal de difficultés énumérant, précisément et point par point, les différentes contestations soulevées,
- dit que ce procès-verbal de difficultés, auquel sera annexé le projet liquidatif, sera remis à chacune des parties,
- dit que sur la base de ce procès-verbal, le juge commis pourra être saisi,
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du juge commis, ils seront remplacés par simple ordonnance sur requête, rendu à la demande de la partie la plus diligente,
- débouté Monsieur [Y] [Z] de sa demande de condamnation de Madame [B] [H] à lui payer la somme de 20'000 € à titre de provision sur les remboursements dus par elle dans le cadre des travaux d'amélioration de la maison, correspondant aux factures de matériaux et autres qu'il a acquittés,
- débouté Monsieur [Y] [Z] de sa demande de condamnation de Madame [B] [H] à lui payer la somme de 11'793 €, correspondant au solde du compte après compensation des créances respectives des anciens partenaires,
- débouté Monsieur [Y] [Z] de sa demande de condamnation de Madame [B] [H] à lui payer la somme de 3000 € au titre de la résistance abusive,
- débouté Monsieur [Y] [Z] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Monsieur [Y] [Z] de toutes ses autres demandes,
- dit que les dépens de la procédure seront employés en frais privilégiés de partage,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration en date du 24 juin 2021, Monsieur [Y] [Z] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 octobre 2021, Monsieur [Y] [Z] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
statuant à nouveau
- constater qu'il n'est redevable de quelques sommes ce que ce soit à l'égard de Madame [B] [H],
- débouter Madame [B] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire qu'il conservera l'entière propriété de la maison d'habitation sise [Adresse 14], après acte de transfert de propriété, passé par devant tel notaire qu'il plaira à la juridiction de nommer,
à titre reconventionnel,
- condamner Madame [B] [H] à lui payer la somme de 20'000 € à titre de provision sur les remboursements dus par elle dans le cadre des travaux d'amélioration de la maison, correspondant aux factures de matériaux et autres acquittés par ses soins,
- condamner Madame [B] [H] à lui payer la somme de 11'793 € correspondant au solde du compte après compensation des créances respectives des anciens partenaires,
- condamner Madame [B] [H] au paiement de la somme de 3000 € au titre de la résistance abusive préjudiciable au sens de l'article 1240 du Code civil,
- condamner Madame [B] [H] au paiement entre ses mains de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [B] [H] au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ces dernières écritures notifiées le 20 décembre 2021, Madame [B] [H] demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- débouter Monsieur [Y] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Monsieur [Y] [Z] à lui verser la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [Y] [Z] aux entiers dépens.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la Cour entend rappeler que les circonstances de la rupture du couple, sont indifférentes eu égard au litige dont elle est saisie et qui concerne le bien indivis. Les développements sur les relations haineuses entre les parties sont ainsi tout à fait inopérants et il n'y a pas lieu de les reprendre aux motifs du présent arrêt.
Par ailleurs, la cour entend rappeler qu'elle n'a pas à statuer sur des demandes de décerner acte ou de constat qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 564 du code de procédure civile, en ce qu'elles n'ont pas en elles-mêmes d'effets juridiques. Il en est ainsi de la demande formée par Monsieur [V] de 'constat qu'il n'est redevable de quelque somme que ce soit' dès lors que Madame [H] ne formule pas de prétentions particulières devant la Cour, à ce stade, tendant à lui voir reconnaître une créance à l'égard de l'appelant.
Sur la demande relative à la propriété du bien immeuble
Monsieur [Z] demande à la Cour qu'elle dise 'qu'il conservera l'entière propriété de la maison d'habitation sise [Adresse 14], après acte de transfert de propriété, passé par devant tel notaire qu'il plaira à la juridiction de nommer'.
L'appelant ne fonde cette demande ni en droit ni en fait dans le cadre des motifs de ses conclusions. Par ailleurs, force est de constater que l'emploi du mot 'conserver' est impropre dès lors qu'il ne détient pas l'entière propriété du bien.
Il convient de rappeler qu'il appartient au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En l'espèce, Monsieur [Y] [Z] ne se fonde sur aucune texte précis mais, eu égard à la formulation approximative de la demande, celle-ci doit s'analyser comme une demande d'attribution préférentielle du bien au cours des opérations de partage.
Il est cependant constant que l'article 831-2 du code civil qui envisage l'attribution préférentielle par voie de partage à charge de soulte, de la propriété du bien qui sert effectivement d'habitation, ne vise que le conjoint survivant ou un héritier et par renvoi de l'article 515-6 du même code, les partenaires liés par un PACS, à l'exclusion du concubin. Ainsi, le concubin séparé qui occupe à titre d'habitation le bien indivis ne figure pas parmi les bénéficiaires visés par ce texte.
En l'absence d'une clause particulière dans une convention liant les concubins, l'attribution préférentielle du bien n'est en conséquence par ouverte aux concubins et Monsieur [Z] ne peut qu'être débouté de sa demande qui est mal fondée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de partage judiciaire et de licitation
En vertu de l'article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'ait été sursis par jugement ou convention.
En vertu de l'article 840 du même code, le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.
Selon l'article 1360 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
Suivant les dispositions des articles 1361 et suivants du code de procédure civile, lorsque le partage est ordonné, le tribunal peut désigner un notaire chargé de dresser l'acte constatant le partage, et un expert peut être désigné en cours d'instance pour procéder à l'estimation des biens ou proposer la composition des lots à répartir.
L'article 1364 ajoute que 'si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants, et à défaut d'accord, par le tribunal'.
En l'espèce, l'assignation en partage précise bien la consistance du bien indivis et ainsi du patrimoine à partager. Madame [B] [H] démontre par ailleurs avoir sollicité Monsieur [Z] vainement en vue d'un partage amiable. Enfin, s'agissant d'un bien unique dont elle demande la licitation et donc d'une masse indivise en numéraire, les intentions de la demanderesse à l'égard de la répartition des biens est sans pertinence.
En conséquence, la demande d'ouverture des opérations de partage judiciaire est bien fondée.
Par ailleurs, le bien actuellement occupé par Monsieur [Y] [Z] est le seul élément d'actif de l'indivision invoquée par les parties. Par nature, il n'est pas aisément partageable et il a été ci-dessus rappelé qu'aucune des parties, à la suite du concubinage, ne pouvait prétendre à une attribution préférentielle de ce bien.
Enfin, Monsieur [Z], dans ses écritures, ne développe aucun moyen de fait ou de droit permettant d'écarter tant le partage judiciaire que la demande de licitation du bien présentée par Madame [B] [H], étant rappelé qu'il n'a pas entendu donner suite à la proposition de partage amiable formulée par Madame [H] de sorte que la licitation est l'unique moyen de parvenir à la liquidation.
Il résulte de l'ensemble de ces faits que les demandes de partage judiciaire et de licitation formées par Madame [H] sont recevables et bien fondées.
Le premier jugement sera en conséquence confirmé de ces chefs.
Sur la demande de provision
Monsieur [Z] formule une demande de provision à hauteur de 20 000 € au titre des remboursements dus par Madame [B] [H] dans le cadre des travaux d'amélioration du bien indivis, sans pour autant en indiquer le fondement juridique.
L'octroi d'une telle provision par le juge n'est envisagé que lorsqu'il statue dans le cadre d'un référé ou en qualité de juge de la mise en état. Il peut également le faire aux termes de l'article 255 du code civil, mais uniquement dans le cadre d'une procédure en divorce, provision 'à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire' .
L'attribution d'une provision n'est ainsi possible qu'au titre des mesures provisoires dans le cadre d'une procédure en divorce entre des conjoints, à l'exclusion d'un partage d'indivision entre deux concubins.
La demande de Monsieur [Z] est ainsi mal fondée et il en sera débouté. Le jugement sera également confirmé de ce chef.
Sur la demande de compensation
Monsieur [Z] sollicite la condamnation de Madame [H] à lui payer la somme de 11 793 €' correspondant au solde du compte après compensation des créances respectives entre les deux concubins'.
A titre liminaire, la Cour relève que Monsieur [V] emploie abusivement le terme de partenaire au dispositif de ses écritures, étant rappelé que cette dénomination désigne en droit les contractants à un pacte civil de solidarité, ce que ne sont pas les parties en la cause.
La compensation est envisagée aux articles 1347 et suivants du code civil.
L'article 1348 du même code précise que 'la compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision.'.
En l'espèce, force est de constater que les créances entre les concubins ne sont pas certaines et que les comptes d'indivision ne sont pas établis dès lors que les opérations de partages débutent. Il sera tout particulièrement remarqué que le montant de l'actif indivis n'est pas connu à ce jour dès lors que la licitation du bien n'est pas encore intervenue.
Pour l'ensemble de ces raisons, la demande de compensation formulée par Monsieur [V] est prématurée et mal fondée en l'état.
Il en sera débouté et le jugement confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
En l'espèce, Monsieur [V] fait état de comportement qu'il qualifie de harcelant de la part de Madame [H].
Force est cependant de constater que les comportements allégués, outre qu'ils ne sont pas prouvés, n'ont pas de lien avec la présente procédure. Au contraire, il ressort de l'ensemble des développements précédent que c'est le comportement de l'appelant qui refuse le partage, qui retarde les opérations de compte liquidation et partage de l'indivision entre concubins.
Il sera enfin rappelé qu'aux termes de l'article 815 du code civil nul ne peut être contraint à rester dans l'indivision et que Madame [H] s'est contentée d'exercer ses droits, sans qu'aucun abus ne soit caractérisé.
Pour l'ensemble de ces raisons, Monsieur [V] sera débouté de sa demande de ce chef.
Sur les frais et dépens
Monsieur [V] succombant en l'ensemble de ses demandes, il sera condamné aux entiers dépens.
L'équité commande de condamner le même à la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après rapport fait à l'audience,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur [Y] [Z] aux dépens,
Condamne Monsieur [Y] [Z] à verser à Madame [B] [H] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,