COUR D'APPEL DE RENNES
No 22/215
No RG 22/00525 - No Portalis DBVL-V-B7G-TDNF
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
article L 3211-12-4 du code de la santé publique
Nous, Philippe BRICOGNE, Président de Chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,
Statuant sur l'appel formé le 13 Septembre 2022 à 11H55 par :
Mme [D] [N]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 5]
de nationalité Française
Comparante en personne, assistée de Me Flora BERTHET-LE FLOCH, avocat au barreau de RENNES
Actuellement hospitalisée au Centre Hospitalier [3] de [Localité 2]
ayant pour avocat Me Flora BERTHET-LE FLOCH, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 12 Septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de SAINT-NAZAIRE qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;
En présence de [D] [N], régulièrement avisé de la date de l'audience, assistée de Me Flora BERTHET-LE FLOCH, avocat
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 14/09/2022)
En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,
Après avoir entendu en audience publique le 19 Septembre 2022 à 11H00 l'appelante et son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Le 1er septembre 2022, Mme [D] [N] a été admise au centre hospitalier de [Localité 2] en soins psychiatriques sans tiers pour péril imminent, sur la base d'un certificat médical du Dr. [H] du même jour décrivant une patiente de 41 ans présentant des idées délirantes de persécution envers son conjoint, avec un mécanisme interprétatif et intuitif, verbalisant une anxiété importante et des troubles du sommeil à type d'insomnie, une labilité émotionnelle, un déni des troubles et une grande ambivalence vis-à-vis des soins témoignant d'une instabilité psychique.
Le certificat médical des 24 heures établi le 2 septembre 2022 par le Dr. [X] (ou [V] ?) indique que Mme [D] [N] est suivie depuis plusieurs années pour un trouble bipolaire et qu'elle a été hospitalisée en SPI pour une décompensation maniaque. Elle est décrite comme très méfiante, réticente, présentant un délire de persécution, à mécanisme interprétatif et intuitif (sentiment d'insécurité, pense que son mari va la tuer pour récupérer la maison...), une adhésion totale à son délire, une accélération psychique avec désorganisation de la pensée, un déni des troubles et une réticence aux soins.
Le 4 septembre 2022, Mme [D] [N] a été maintenue en hospitalisation complète sur la base du certificat médical des 72 heures établi le même jour par le Dr. [Y] [S] décrivant une instabilité psycho-motrice importante, un délire de persécution (vis-à-vis de son conjoint et des soignants) à mécanisme interprétatif et intuitif. Mme [D] [N] y est décrite comme labile sur le plan de l'humeur, elle menace de se suicider si on n'obtempère pas à sa demande de sortie, elle n'a aucune critique de ses troubles et reste opposée aux soins.
Le 7 septembre 2022, le directeur du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire pour contrôle de la mesure, sur la base d'un certificat médical établi le 6 septembre 2022 par le Dr. [X] faisant état de la persistance d'une réticence aux soins et d'idées de persécution, Mme [D] [N] présentant toujours des idées de grandeur (pouvoir de faire élire des hommes politiques et idée qu'on veut la faire disparaître pour cela) et un déni des troubles justifiant le maintien des soins sous contrainte pour permettre un apaisement psychique.
Par ordonnance du 12 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention a maintenu le régime d'hospitalisation sous contrainte de Mme [D] [N] qui en a formé appel le 13 septembre 2022.
Depuis, un certificat médical a été établi par le Dr. [V] le 15 septembre 2022 faisant état de la persistance de délires, d'anxiété et de sentiment de persécution par le corps médical et sa famille, avec des propos de grandeur et de la méfiance. Il est noté l'absence de prise de conscience du caractère pathologique de sa maladie et une ambivalence aux soins. L'alliance thérapeutique est très fragile et risque de mettre fin brutalement aux soins avant de travailler un projet thérapeutique adapté.
À l'audience du 15 septembre 2022 à 11 heures, Mme [D] [N] estime qu'elle a été "jugée" trop tôt puisqu'elle prend son traitement et est allée à l'hôpital de son plein gré pour être à l'abri. Elle pense s'être trompée sur son compagnon qu'elle a rencontré en 2018 et avec qui elle est pacsée depuis deux ans. Elle le décrit comme très gentil mais pouvant faire de grosses colères Elle indique pouvoir vivre en caravane dans un camping associatif à [Localité 4] et dans laquelle elle a toutes ses affaires.
Son avocate demande l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée de l'hospitalisation sans consentement de Mme [D] [N], faisant valoir que le certificat médical initial ne caractérise pas le péril imminent et que le juge des libertés et de la détention s'est prononcé sur la base d'un certificat médical insuffisamment actualisé. Par ailleurs, elle souligne l'irrégularité du certificat médical des 24 heures (nom du médecin figurant dans l'en-tête différent du signataire), l'insuffisante motivation de la décision de maintien (seul le certificat médical des 72 heures est visé) et l'irrégularité de l'avis médical du 15 septembre 2022 qui n'est pas suffisamment actualisé.
Le centre hospitalier n'est pas représenté mais a adressé des éléments complémentaires de procédure.
Le ministère public sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en relevant que le certificat médical n'a pas décrit en quoi les circonstances vécues par Mme [D] [N] la mettaient en danger.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.
Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.
En l'espèce, Mme [D] [N] a formé le 13 septembre 2022 un appel motivé de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 12 septembre 2022 l'ayant maintenue sous le régime de l'hospitalisation psychiatrique complète.
Cet appel, régulier en la forme, sera déclaré recevable.
Sur le fond
L'article L. 3211-2-2 du code de la santé publique prévoit que, "lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète.
Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée.
Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article.
Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1o et 2o du I de l'article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l'état de santé du patient et de l'expression de ses troubles mentaux.".
En l'espèce, le certificat médical des 24 heures établi le 2 septembre 2022, bien qu'affecté d'une erreur matérielle comme portant le double sceau du Dr. [X] et du Dr. [V], est bien le fait de ce dernier à l'examen du certificat médical signé en ce nom le 15 septembre 2022.
Par ailleurs, si Mme [D] [N] a été maintenue le 4 septembre 2022 en hospitalisation complète sur la base du seul certificat médical des 72 heures établi le même jour par le Dr. [Y] [S], les pièces produites permettent de confirmer que le certificat médical des 24 heures a bien été réalisé, de sorte que le directeur du centre hospitalier pouvait, à bon droit, se fonder uniquement sur le plus récent.
L'article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose qu' "une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1o Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2o Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2o du I de l'article L. 3211-2-1.
(...) Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission (...) lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1o du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1o. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade".
En l'espèce, Mme [D] [N] a été admise le 1er septembre 2022 au centre hospitalier de [Localité 2] en soins psychiatriques sans tiers pour péril imminent, sur la base d'un certificat médical du Dr. [H] du même jour décrivant une "patiente de 41 ans présentant des idées délirantes de persécution envers son conjoint, (avec un) mécanisme interprétatif et intuitif. Elle verbalise une anxiété importante et des troubles du sommeil à type d'insomnie (et une) labilité émotionnelle, (un) déni des troubles (et une) grande ambivalence vis-à-vis des soins témoignant d'une instabilité psychique".
Ces considérations ne caractérisent pas le péril imminent pour la santé de Mme [D] [N] qui aurait requis son hospitalisation complète.
Il conviendra donc d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, d'ordonner la mainlevée du régime d'hospitalisation sous contrainte de Mme [D] [N].
Sur les dépens
Les dépens d'appel seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
Recevons Mme [D] [N] en son appel,
Infirmons l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau,
Ordonnons la mainlevée du régime d'hospitalisation sous contrainte de Mme [D] [N],
Laissons les dépens à la charge du trésor public.
Fait à Rennes, le 20 Septembre 2022 à 11H00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, Philippe BRICOGNE, Président de Chambre
Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [D] [N] , à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur
Le greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD
Le greffier