COUR D'APPEL DE RENNES
No 22/311
No RG 22/00529 - No Portalis DBVL-V-B7G-TDOY
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Nous, Hélène CADIET, conseillere à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Eric LOISELEUR, greffier placé,
Statuant sur l'appel formé le 13 Septembre 2022 à 15H24 par la Cimade pour :
M. [W] [P]
né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 2] (ALGÉRIE) (Maroc)
de nationalité Algérienne
ayant pour avocat Me Nathalie DUPAS, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 12 Septembre 2022 à 18H35 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, et ordonné la prolongation du maintien de M. [W] [P] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 12 septembre 2022 à 08H32;
En l'absence de représentant du préfet de Loire Atlantique, dûment convoqué, ( mémoire du 14/09/2022)
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 14/09/2022)
En présence de [W] [P], assisté de Me Nathalie DUPAS, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 15 Septembre 2022 à 09H30 l'appelant assisté de M. [V] [G], interprète en langue arabe ayant prêté serment à l'audience, et son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et le 15 Septembre 2022 à 14H00, avons statué comme suit :
Par arrêté du 5 juin 2022 notifié le même jour, le Préfet de Loire Atlantique a fait obligation à M. [W] [P] de quitter le territoire français avec interdiction de retour de trois ans.
Par arrêté du 10 septembre 2022 notifié le même jour le Préfet l'a placé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Statuant sur requête du Préfet reçue au greffe le 11 septembre 2022 à 14 heures 26, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes a, par ordonnance du 12 septembre 2022, ordonné la prolongation de sa rétention pour vingt huit jours après avoir rejeté les exceptions de nullité et son recours.
Par déclaration de la CIMADE reçue le 13 septembre 2022 à 15 heures 24, M. [W] [P] a interjeté appel de cette décision notifiée le 12 septembre à 18 heures 35.
Il demande sa remise en liberté et d'annuler l'ordonnance ; à cette fin, il invoque l'irrecevabilité de la requête du préfet pour défaut de pièces utiles au motif que la préfecture n'a pas versé le procés-verbal de son audition éclairant sa situation personnelle.
Il allègue un défaut de diligences de l'administration qui n'a pas demandé de laissez passer directement aux autorités algériennes, se contentant de s'adresser au Pôle central d'éloignement.
Le Préfet a envoyé le 14 septembre 2022 ses observations et pièces demandant de confirmer l'ordonnance.
Selon avis du 14 septembre 2022, le procureur général a sollicité l'infirmation aux motifs suivant :
"le JLD estime que les diligences du Préfet ont été suffisantes, ayant requis le jour de la levée d'écrou, du pôle central d'éloignement, un routing pour permettre l'éloignement de M [P]. Cependant la cour de cassation (Civ 1-12/07 /2017- no 16-23.458) exige que ces diligences soient justifiées directement auprès de l'autorité étrangère compétente, c'est ce qu'a rappelé notamment le premier président dans une affaire jugée le 1/09/2021 (RG 21/459). Il semble en conséquence que les exigences posées par l'article L741-3 du CESEDA n'aient pas été respectées".
A l'audience, M. [W] [P] assisté de son avocat et de M. [V], interprète en langue arabe ayant preté serment au préalable maintient les termes de son mémoire ajoutant une demande de condamnation du préfet es qualités de représentant de l'Etat à verser à son conseil la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle.
MOTIFS
L'appel, formé dans les délais et formes légaux, est recevable.
Sur la recevabilité de la requête du préfet :
Aux termes de l'article R 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée, selon le cas par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention ; lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2".
La loi ne précise pas le contenu des pièces justificatives qui doivent comprendre les pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit permettant d'apprécier la régularité de la procédure servant de fondement à la rétention.
C'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a rejeté ce moyen ; il a relevé à juste titre que la préfecture n'est pas tenue de faire réaliser une audition préalable au placement en rétention dés lors qu'elle a fourni des informations sur la situation de l'étranger, lequel a indiqué sur sa fiche pénale les éléments d'actualité de sa situation lors de son incarcération le 9 juillet 2022 et n'a pas respecté les modalités de l'assignation à résidence du 3 mars 2022 en ne se présentant pas les 21 et 28 mars 2022.
La requête étant accompagnée des pièces utiles permettant d'apprécier la régularité de la procédure servant de fondement à la rétention, le défaut de production de l'audition de M. [W] [P] (dont il n'est pas établi l'utilité) était indifférent pour assurer la recevabilité de la requête du préfet.
Le moyen sera rejeté.
Sur les diligences du Préfet :
Selon l'article L. 741-3 du Ceseda :
"Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet"
La Cour de cassation ne fixe pas la nature des diligences à effectuer mais a considéré que les diligences faites le premier jour ouvrable suivant le placement restectent les exigences légales rappelé que l'administration n'a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires en application du principe de souveraineté des Etats, en sorte que l'absence de réponse suite à la saisine ne saurait être reprochée à l'administration et qu'il n'y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat.(pourvoi no 09-12.165)
Le juge est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.
La préfecture souligne dans son mémoire d'appel que le laissez passer n'a pas été demandé auprès des autorités algériennes dans la mesure ou le routing pour le vol vers l'Algérie n'a pas été encore obtenu, les autorités algériennes exigeant que la demande de laissez-passer (à la durée limitée à 15 jours ) soit accompagnée du billet d'avion.
Dès lors que la demande de routing a été effectuée le 8 septembre 2022 pour un vol vers l'Algérie à compter du 10 septembre et étant rappellé qu'une demande de routing constitue une diligence efficace qui répond aux exigences du CESEDA et que l'administration n'a pas autorité sur le pôle central éloignement qui détermine souverainement les dates de vol en réponse aux demandes de routing qui lui sont faites, la cour constate que la préfecture a accompli toutes les diligences nécessaires ainsi que l'a jugé à juste titre le premier juge. La préfecture n'était pas tenue de relancer les autorités qui avaient reconnu l'intéressé.
Le placement en rétention étant l'unique moyen de prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement qu'une assignation à résidence est insuffisante à pallier, il y a lieu de confirmer la décision qui a prolongé la rétention et de rejeter sa demande au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS l'appel recevable,
CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 12 septembre 2022,
REJETONS la demande de M. [W] [P] au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle,
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public
Fait à Rennes, le 15 Septembre 2022 à 14H00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [W] [P], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier