COUR D'APPEL DE RENNES
No 22/296
No RG 22/00512 - No Portalis DBVL-V-B7G-TDCQ
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,
Statuant sur l'appel formé le 08 Septembre 2022 à 16H18 par la Cimade pour :
M. [T] [I]
né le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 2]
de nationalité Tunisienne
ayant pour avocat Me Cécilia MAZOUIN, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 07 Septembre 2022 à 16H16 notifiée à 16H45 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [T] [I] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 07 septembre 2022 à 10H01;
En l'absence de représentant du préfet de Maine et Loire, dûment convoqué, mémoire du 09/09/2022
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 08/09/2022)
En présence de [T] [I], assisté de Me Cécilia MAZOUIN, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 09 Septembre 2022 à 11H00 l'appelant et son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et le 09 Septembre 2022 à 12H30, avons statué comme suit :
Par jugement du 14 décembre 2020 le Tribunal Judiciaire de Lorient a prononcé à l'encontre de Monsieur [T] [I] la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français.
Par arrêté du 02 septembre 2022 le Préfet du Maine et Loire a placé Monsieur [I] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Par requête du 06 septembre 2022 le Préfet du Maine et Loire a saisi le juge des libertés du Tribunal Judiciaire de Lorient d'une requête en prolongation de la rétention.
Par requête du même jour Monsieur [I] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une contestation de la régularité de l'arrêté de placement en rétention.
Par ordonnance du 07 septembre 2022 le juge des libertés et de la détention a dit que le Préfet avait placé Monsieur [I] en rétention après avoir procédé à un examen approfondi de sa situation et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, dit que la requête en prolongation de la rétention était recevable, dit que la notification des droits en rétention était régulière et autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de 28 jours.
Par déclaration du 08 septembre 2022 Monsieur [I] a formé appel de cette décision en reprenant l'intégralité des moyens soulevés devant le juge des libertés et de la détention.
Selon avis du 08 septembre 2022 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée.
Le Préfet du Maine et Loire a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée selon mémoire du 09 septembre 2022.
A l'audience Monsieur [I], assisté de son Avocat, fait développer oralement les termes de sa déclaration d'appel en partie en abandonnant les moyens tirés de l'absence d'avis du Procureur et de notification régulière des droits.
Il soutient en premier lieu au visa des dispositions de l'article L741-1 du CESEDA, de la directive 2008/115/CE et de l'article L121-1 du Code des Relations entre le Public et l'Administration d'une part que le Préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation et commis une erreur manifeste d'appréciation et n'a en outre pas respecté le principe du contradictoire dans la mesure où il dispose d'un domicile stable chez sa compagne à [Localité 3] qui n'a pas été pris en compte par le Préfet qui le lui a pas permis matériellement d'un justifier. Il ajoute qu'il n'a pas pu respecter les précédentes assignations à résidence car il ne disposait pas de document d'identité et qu'en outre sa rétention a pris fin en raison d'une carence du Préfet.
Il rappelle la décision du Conseil Constitutionnel 97-389 du 27 avril 1997 et soutient qu'ayant déjà été placé en rétention en novembre 2021, il ne pouvait l'objet de la même mesure le 02 septembre 2022 sur la base de la même mesure d'éloignement et d'autre part que le Préfet n'a pas produit les éléments relatifs à ce précédent placement en rétention et ajoute que le placement en rétention est basé sur un arrêté de reconduite à la frontière de 2021 selon les éléments produits postérieurement aux débats.
Il a en outre sollicité la condamnation du Préfet du Maine et Loire au paiement de la somme de 500,00 Euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle .
MOTIFS
L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.
Sur la contestation de la régularité de l'arrêté de placement en rétention,
L'article L741-1 du CESEDA prévoit que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
L'article L612-3 du CESEDA dispose que le risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière si :
1o L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2o L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3o L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4o L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5o L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6o L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7o L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document;
8o L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3o de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
L'article 15 de la Directive 2008/115/CE prévoit qu'à moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsqu'il existe un risque de fuite.
En l'espèce, en considérant même que Monsieur [I] n'ait pas été en capacité matérielle de justifier de son domicile à la demande du Préfet, les pièces de la procédure montrent qu'il ne justifie toujours pas d'une résidence effective et stable puisque les justificatifs qu'il verse aux débats montrent que Madame [H], du 06 septembre 2022, non signée, atteste héberger Monsieur [I] « depuis le 05 septembre 2022 ».
Par ailleurs, comme l'a relevé le Préfet et comme l'a rappelé le juge des libertés et de la détention Monsieur [I] s'est soustrait à l'exécution de deux mesures d'éloignement en 2018 et en mars 2020 puis à la décision du Tribunal Judiciaire de Lorient du 14 décembre 2020 et enfin n'est pas détenteur de documents de voyage et d'identité et de voyage. Il ne lui est pas fait grief par le Préfet de s'être soustrait à une mesure d'assignation à résidence.
Les conditions de l'article L741-1 du CESEDA et de la directive 2008/115/CE sont réunies et le Préfet du Maine et Loire a placé Monsieur [I] en rétention en ayant procédé à un examen approfondi de sa situation et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant des dispositions de l'article L121-1 du Code des Relations entre le Public et l'Administration en ce qu'elles prévoient une procédure contradictoire pour les décisions individuelles, il y a lieu de souligner que le Préfet a précisément respecté le principe du contradictoire en donnant un délai à Monsieur [I] pour justifier d'un domicile.
Sur l'impossibilité de placement en rétention sur la base de la même mesure d'éloignement,
Comme l'a rappelé à juste titre le juge des libertés et la détention, la décision du Conseil Constitutionnel 97-389 du 27 avril 1997 ne vise que les décisions de remise à un état, d'expulsion et de reconduite à la frontière « que sont concernés les cas de remise aux autorités compétentes d'un État de la Communauté européenne, d'expulsion ou de reconduite à la frontière » ; Le Préfet pouvait donc placer Monsieur [I] en rétention sur la base de la décision judiciaire d'interdiction définitive du territoire français qui avait servi de base au précédent placement en rétention et n'avait pas l'obligation de joindre les pièces de cette précédente procédure à sa requête, étant précisé que l'arrêté de placement en rétention n'est fondé que sur cette décision judiciaire et non, comme le soutient à tort Monsieur [I] sur une décision de remise ou de reconduite à la frontière.
Sur l'avis du Procureur de la République et sur l'absence de notification des droits, il y a lieu de constater que Monsieur [I] se désiste de ces moyens.
L'ordonnance attaquée sera confirmée et la demande au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 07 septembre 2022,
Rejetons la demande au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi jugé le 09 septembre 2022 à 12 h 30 minutes.
LE GREFFIER LE CONSEILLER DÉLÉGUÉ
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [T] [I], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier