6ème Chambre A
ARRÊT N° 339
N° RG 21/03513 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RW45
M. [Z] [C]
C/
Mme [I] [G] divorcée [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eric DEMIDOFF
Me Jean-David CHAUDET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,
Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,
Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Christine NOSLAND, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Mai 2022
devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, a prononcé publiquement le 27 Juin 2022 par mise à disposition au greffe l'arrêt dont la teneur suit :
****
APPELANT :
Monsieur [Z] [C]
Né le 01 août 1958 à TUNIS TUNISIE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Marie-Josèphe JOUBERT BOULANGER de l'ASSOCIATION ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS BOULANGER ET JOUBERT-BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [I] [G] divorcée [C]
Née le 29 décembre 1960 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laurence COQUELET, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Madame [I] [G] et Monsieur [Z] [C] se sont mariés le 31 août 1998 devant l'officier de l'État civil de la commune de [Localité 8]. sans contrat de mariage préalable.
Par acte notarié en date du 19 octobre 1998, les époux ont acquis un bien immobilier situé au [Adresse 1] (44). Ils ont également acquis trois terrains sur la commune de [Localité 7] (44). Deux terrains ont été vendus et le produit de ces ventes a été partagé par moitié entre les époux.
Ils ont en outre constitué une SCI « SCI IRIS BLEU », selon acte sous-seing-privé du 24 mai 2000 portant statuts de la société. Celle-ci a acquis un bien immeuble situé [Adresse 5] (44).
Par ordonnance de non-conciliation du 30 juin 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTES a fixé la résidence séparée des époux et notamment, au titre des mesures provisoires, attribué la jouissance du logement de la famille à l'épouse à titre gratuit au titre du devoir de secours, dit que la taxe d'habitation sera réglée au prorata du temps d'occupation, dit que la taxe foncière sera partagée par moitié, donné acte à Monsieur [Z] [C] qu'il prendra en charge les taxes et les charges des terrains moyennant récompense, ordonné une expertise conformément aux dispositions des articles 255-3,255-9 et 255-10 du Code civil et commis à cet effet Maître [M], notaire à SAINT-ÉTIENNE DE MONTLUC, avec mission habituelle en la matière, fixé à 2 500 € le montant de la provision à consigner par moitié par chacune des parties, attribué la jouissance du véhicule PASSAT à Monsieur [Z] [C] et celle des véhicules Ford fiesta et Mazda à Madame [I] [G].
Par jugement du 29 octobre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTES a prononcé le divorce entre les époux et ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties. L'immeuble sis à [Adresse 1] (44) a été attribué de manière préférentielle à Madame [I] [G], et Monsieur [Z] [C] a été condamné au règlement d'une prestation compensatoire d'un montant de 18'000 €.
Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 23 janvier 2017 qui, y ajoutant, a condamné Madame [I] [G] au règlement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 mars 2021, le tribunal judiciaire de NANTES saisi du partage judiciaire des époux a, notamment :
- désigné Maître [F], notaire à [Localité 6] afin de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des parties,
- dit que le notaire procédera à l'évaluation des biens immobiliers (y compris celui détenu par la SCI IRIS BLEUE) pour leur valeur vénale,
- débouté Monsieur [Z] [C] de sa demande d'attribution préférentielle des parts de la SCI IRIS BLEUE,
- dit que les frais d'acte notarié seront réglés par moitié entre les époux,
- sursis à statuer sur les autres demandes,
- réservé les dépens de l'instance.
Par une déclaration du 9 juin 2021, Monsieur [Z] [C] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande d'attribution préférentielle des parts de la SCI IRIS BLEUE.
Aux termes d'écritures notifiées le 6 septembre 2021, l'appelant demande à la cour de:
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté de sa demande d'attribution préférentielle des parts de la SCI IRIS BLEUE immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 431 758 051,
en conséquence,
- lui attribuer à titre préférentiel les parts sociales de la SCI IRIS BLEUE immatriculée au RDC de Nantes sous le numéro 431 758 805 à charge de soulte à verser à Madame [I] [G],
- condamner Madame [I] [G] à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même en tous les dépens qui seront recouvrés par Maître DEMIDOFF avocat aux offres de droit.
Aux termes de conclusions notifiées le 29 novembre 2021, Madame [I] [G] demande à la cour de :
- débouter Monsieur [Z] [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant à l'attribution à titre préférentiel des parts sociales de la SCI IRIS BLEUE,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- condamner Monsieur [Z] [C] au paiement d'une somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner en tous les dépens d'appels qui seront recouvrés par Maître CHAUDET, avocat aux offres de droit.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En vertu des dispositions de l'article 267 du code civil, à défaut de règlement conventionnel par les époux, le juge statue sur leurs demandes de maintien dans l'indivision, d'attribution préférentielle et d'avance sur part de communauté ou de biens indivis. Il statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile, s'il est justifié de désaccords subsistants.
Aux termes de l'article 1476 du code civil 'Le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l'indivision et l'attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre " Des successions " pour les partages entre cohéritiers. Toutefois, pour les communautés dissoutes par divorce, séparation de corps ou séparation de biens, l'attribution préférentielle n'est jamais de droit, et il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant.'
Par ailleurs, l'article 831-2 du même code prévoit que 'Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l'attribution préférentielle :
(...)
2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers nécessaires à l'exercice de sa profession ;
(...).'
Il est par ailleurs expressément prévu par l'article 14 de la loi du 19 décembre 1961 que, pour l'application de cette disposition, l'attribution préférentielle peut concerner des parts sociales dès lors qu'il s'agit de droits sociaux donnant vocation à l'attribution de ce local en propriété ou en jouissance.
En l'espèce, Monsieur [Z] [C] et Madame [I] [G] sont associés à parts égales dans la SCI L'IRIS BLEU qui est propriétaire à [Adresse 5], d'un immeuble constitué d'un local commercial exploité par la société optique médicale atlantique, dont l'appelant est le gérant, et d'un logement donné à bail à un tiers.
L'article 6 des statuts de la société en ses deux derniers alinéas est rédigé ainsi 'Monsieur et Madame [Z] [C], conjoints communs en biens, respectifs apporteurs de deniers provenant de la communauté existant entre eux, reconnaissent chacun avoir été préalablement avertis, en application de l'article 1832-2 du code civil, de l'apport envisagé par l'autre conjoint et avoir reçu une information complète sur cet apport. Il déclarent chacun ne pas vouloir être personnellement associés, et renoncent tant immédiatement que pour l'avenir à revendiquer cette qualité pour les parts souscrites par l'autre conjoint, la qualité d'associé devant être reconnue au conjoint seul pour la totalité des parts souscrites par lui.'
Il ressort de cette clause que les parts sociales de la SCI L'IRIS BLEU sont bien communes aux époux et entre dans l'actif de communauté à partager entre eux. A cet égard, il n'est pas contesté par les parties que les parts de la SCI l'IRIS BLEU ont été financées par des deniers communs. En conséquence, ces parts bénéficient de la présomption de communauté de l'article 1402 du Code civil. Par ailleurs, les époux ont tous deux la qualité d'associé à parts égales. Il sera rappelé à toutes fins utiles qu'il ne peut être dérogé à l'application de la présomption de communauté que par l'effet de la loi.
La Cour relève, à l'instar du premier juge, que la SCI L'IRIS BLEU détient outre le local professionnel exploité par Monsieur [C], un appartement situé au dessus de ce local et qui fait l'objet d'une utilisation indépendante du local professionnel. Cette utilisation indépendante est établie par le fait que l'appartement fait l'objet d'un bail locatif auprès d'un tiers qui l'occupe.
Dès lors que l'attribution des parts de la SCI à Monsieur [C] aurait pour conséquence d'emporter dévolution exclusive à ce dernier non seulement de la propriété du local commercial dans lequel il exploite son entreprise sous couvert de la société OMA, mais aussi du bien situé au-dessus qui n'en est pas l'accessoire, les conditions prévues à l'article 831-2 du code civil ne sont pas remplies. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que Monsieur [Z] [C] n'a aucun droit préférentiel à se voir attribuer l'intégralité des parts de la SCI.
Il sera rappelé que la divergence des intérêts évoqués par Monsieur [C] entre les siens propres et ceux de la SCI, en vue d'obtenir l'attribution préférentielle des parts sociales est indifférente au regard des critères édictés à l'article 831-2 2° du code civil. Il convient de souligner que les dispositions relatives à la liquidation du régime matrimonial et la faculté d'attribution préférentielle de certains biens communs dans des cas très spécifiques, n'ont pas vocation à faire échec à la mise en oeuvre des règles légales, applicables en cas de désaccords entre associés.
Monsieur [C] sera en conséquence débouté de sa demande d'attribution préférentielle et le premier jugement confirmé de ce chef.
Monsieur [C] succombant en ses demandes, il sera condamné aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à la somme de 750 € au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après rapport à l'audience,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur [Z] [C] aux entiers dépens d'appel,
Condamne Monsieur [Z] [C] à verser à Madame [I] [G] la somme de 750 € au titre des frais irrépétibles
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,