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09/05/2022 | FRANCE | N°21/03185

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 09 mai 2022, 21/03185


6ème Chambre A





ARRÊT N° 252



N° RG 21/03185 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RVD5













M. [B] [C] [H]



C/





PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE NANTES









Ordonne l'établissement d'un acte de naissance au profit de monsieur [B] [C] [H] sur les registres de l'état civil français

























Copie exécutoire délivrée

le :


>à :

Me Emmanuelle LEUDET

M. LE PROCUREUR GENERAL





















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente ...

6ème Chambre A

ARRÊT N° 252

N° RG 21/03185 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RVD5

M. [B] [C] [H]

C/

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TJ DE NANTES

Ordonne l'établissement d'un acte de naissance au profit de monsieur [B] [C] [H] sur les registres de l'état civil français

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Emmanuelle LEUDET

M. LE PROCUREUR GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Christine NOSLAND, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, lors des débats,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [B] [C] [H]

né le 31 Décembre 1999 à [Localité 6] AFGHANISTAN

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Emmanuelle LEUDET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005026 du 30/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉ:

LE MINISTERE PUBLIC en la personne du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par le procureur général près la cour d'appel de Rennes

Monsieur [B] [C] [H], s'étant dit âgé de 14 ans en 2013, et né dans la commune de [E], quartier de [H], province de [Localité 6] (Afghanistan), a souscrit le 22 décembre 2017 une déclaration de nationalité en vertu de l'article 21-12 du code civil.

Suivant procès-verbal du 30 mai 2018, la directrice des services de greffe judiciaire du tribunal d'instance de RENNES lui a notifié une décision refusant l'enregistrement de sa déclaration de nationalité, celle-ci étant jugée irrecevable, faute pour l'intéressé de justifier d'un état civil certain, et partant de sa minorité au jour de la souscription de la déclaration.

Monsieur [H] a fait assigner le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de NANTES, aux fins de voir dire qu'il a acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 22 décembre 2017.

Par jugement du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de NANTES a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, débouté monsieur [H] de ses demandes, dit que monsieur [B] [H] n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné monsieur [H] aux dépens.

Par une déclaration en date du 26 mai 2021, monsieur [H] a interjeté appel de cette décision. Aux termes de sa déclaration d'appel, 'l'Appelant conteste le jugement en ce qu'il a considéré qu'il n'était pas en mesure de justifier d'un état civil certain, et partant de sa minorité lors de la souscription de déclaration de nationalité française, et l'a donc débouté de ses demandes en constatant son extranéité.'.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 20 janvier 2022, monsieur [H] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- d'ordonner l'enregistrement de la déclaration d'acquisition de la nationalité souscrite le 22 décembre 2017 devant le tribunal d'instance de RENNES,

- de dire et juger qu'il a acquis la nationalité française par déclaration,

- d'ordonner l'établissement d'un acte de naissance sur les registres de l'état civil français,

- d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- de condamner l'Etat, représenté par le ministère public, à payer à Me [T] la somme de 2 000 € sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour le conseil de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée,

- de laisser les dépens à la charge du Trésor Public.

Aux termes de ses écritures notifiées le 25 octobre 2021, le ministère public demande à la cour :

- de constater que les conditions de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

- de rejeter la demande de monsieur [H],

- de dire que monsieur [H] n'a pas acquis la nationalité française,

- d'ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d'un service central au ministère des affaires étrangères.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé. En l'espèce, le récipissé a été délivré le 4 juin 2021. L'appel est donc recevable ;

Sur l'acquisition de la nationalité par déclaration

Pour débouter monsieur [H] de ses demandes et dire qu'il n'est pas de nationalité française, le tribunal a constaté que pour justifier de son état civil et donc de sa minorité, l'intéressé avait produit la décision d'admission au bénéfice de la protection subsidiaire de l'OFPRA du 4 mars 2016 ainsi qu'une copie certifiée conforme d'un certificat de naissance tenant lieu d'acte d'état civil établi le 29 mai 2017 par le directeur de l'OFPRA, au terme duquel il était né le 31 décembre 1999 à [Localité 5], [Localité 6] (Afghanistan) d'[D] [H] et de [L] [H]. Le tribunal a considéré qu'il résultait des dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les documents établis par le directeur de l'OFPRA avaient valeur d'acte authentique, ce qui leur conférait une force probante relevant du régime de l'article 1371 du code civil, selon lequel l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement constaté ou accompli. Considérant que l'acte n'avait pas été produit dans le cadre d'une procédure de regroupement familial et que le directeur de l'OFPRA n'avait fait que retranscrire les déclarations faites par l'intéressé, le tribunal en a déduit que les mentions de l'acte ne valaient que jusqu'à preuve contraire. Or il a constaté que devant le juge des enfants, monsieur [B] [C] [H] avait déclaré un autre lieu de naissance ([U] [G]) et une autre date de naissance (1er octobre 1998) que ceux figurant dans le certificat de naissance établi par le directeur de l'OFPRA, sans explication fournie quant à ces divergences, de telle sorte que la preuve contraire ayant été rapportée par le ministère public, le requérant ne justifiait d'aucun état civil certain et donc des conditions fixées par l'article 21-12 du code civil ;

Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement entrepris, monsieur [H] fait valoir : que si sa Taskera n'a pas été légalisée, ce document a été remplacé par le certificat de naissance tenant lieu d'acte d'état civil établi le 29 mai 2017 par le directeur de l'OFPRA ; qu'en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (articles L 721-3 devenu L 121-9 et L 752-1 devenus L 561-2 à L 561-5), les documents établis par le directeur de l'OFPRA avaient valeur d'acte authentique, jusqu'à inscription de faux, sans que cette valeur soit limitée aux seuls éléments personnellement constatés ; qu'en tout état de cause, la preuve contraire aux éléments du certificat de naissance n'était pas rapportée, dès lors que lorsqu'il est arrivé en France, monsieur [H] n'a donné qu'une date approximative de sa naissance, faute de la connaître précisément, et en se trompant d'une année dans la conversion de l'année, et que s'il a indiqué être né à [U] [G] et non à [Localité 5], il s'agit de deux quartiers d'une même ville ([E]), ses indications étant au demeurant compatibles avec la Taskera qu'il a par la suite pu produire ;

Au soutien de sa demande de confirmation du jugement entrepris, le ministère public fait valoir : que la Taskera établie le 30 mars 2013 n'a pas été légalisée, de telle sorte que monsieur [H] ne justifie pas d'un état civil certain ; que le certificat de naissance délivré par le directeur de l'OFPRA ne constitue, au regard de l'article L 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'un simple certificat administratif permettant à son bénéficiaire d'accomplir certaines démarches administratives, et non pas un acte par lequel un officier d'état civil constate personnellement un fait, un tel acte ne pouvant dès lors faire foi que jusqu'à preuve contraire, celle-ci étant rapportée en l'espèce par les déclarations divergentes faites devant le juge des enfants par l'intéressé quant à ses lieu et date de naissance;

En application de l'article 21-12 du code civil, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France. Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France.

Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :

1° L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;

2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat ;

En application de l'article 16 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, le déclarant doit fournir un extrait de son acte de naissance et justifier d'un état civil certain s'agissant d'une déclaration fondée sur l'article 21-12 du code civil exclusivement réservée aux mineurs et dont la minorité doit être vérifiée à la date de la souscription ;

L'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

En l'espèce, il est constant que la Taskera établie le 30 mars 2013 et produite par le requérant n'a pas été légalisée. Cet élément est cependant sans incidence au cas présent, dès lors que ce document initial a été remplacé par le 'certificat de naissance tenant lieu d'acte d'état civil' établi le 29 mai 2017 par le directeur de l'OFPRA, duquel il ressort que [H] [B] [C] est né le 31 décembre 1999 à [Localité 5], [Localité 6] (Afghanistan) d'[D] [H] et de [L] [H]. Selon l'article L 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L 121-9 dudit code, 'l'OFPRA est habilité à délivrer aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire (ce qui est le cas de monsieur [H]), après enquête s'il y a lieu ... les pièces tenant lieu d'état civil. Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques'. Il résulte de ce texte que le ministère public ne saurait sérieusement prétendre que le certificat de naissance délivré le 29 mai 2017 par le directeur de l'OFPRA à monsieur [H] [B] [C] serait un simple certificat administratif dépourvu de valeur probante renforcée, alors que cette disposition légale précise explicitement qu'un tel acte a valeur d'acte authentique. Plus encore, le nouvel article L 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que 'les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux', conférant ainsi à ces documents une force probatoire plus étendue que celle de droit commun ressortant de l'article 1371 du code civil, qui cantonne cette valeur probante renforcée à 'ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté'. Ce texte vise ainsi à donner force probante jusqu'à inscription de faux aux actes et documents établis par le directeur de l'OFPRA, alors même que ce-dernier ne constate jamais personnellement les éléments mentionnés dans les actes qu'il établit, puisque par essence même, ces actes portent sur des événements d'état civil survenus dans le pays d'origine de l'étranger bénéficiaire de la protection internationale, dont le directeur de l'OFPRA n'a pu être témoin. La cour administrative d'appel de Nantes a ainsi pu considérer, dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 26 février 2018, qu'en application de l'article L 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les documents établis par l'OFPRA font foi, qu'elle qu'ait été la date de leur délivrance, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux. Il ressort de ce qui précède que le certificat de naissance tenant lieu d'acte d'état civil délivré le 29 mai 2017 par le directeur de l'OFPRA à monsieur [H] [B] [C] a valeur d'acte authentique faisant foi jusqu'à inscription de faux, et que dès lors qu'aucune procédure en inscription de faux n'a été mise en oeuvre, cet acte constitue un acte d'état civil certain et probant au sens de l'article 47 du code civil. Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions, le ministère public étant débouté de ses demandes contraires ;

Sur les frais et dépens

Eu égard à l'issue de l'appel, les dépens de première instance et d'appel seront à la charge du Trésor Public. Aucune considération tirée de l'équité ne justifie qu'il soit fait application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, étant rappelé que l'appelant est au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Ordonne l'enregistrement de la déclaration d'acquisition de la nationalité souscrite le 22 décembre 2017 devant le tribunal d'instance de Rennes par monsieur [B] [C] [H],

Dit que monsieur [B] [C] [H] a acquis la nationalité française par déclaration,

Ordonner en conséquence l'établissement d'un acte de naissance au profit de monsieur [B] [C] [H] sur les registres de l'état civil français, comme étant né le 31 décembre 1999 à [Localité 5], [Localité 6] (Afghanistan) d'[D] [H] et de [L] [H],

Ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/03185
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;21.03185 ?
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