6ème Chambre A
ARRÊT N° 238
N° RG 21/00996 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RLGJ
Mme [X] [P]
C/
M. [R] [V]
décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 02/11/2020- 5ème ch - RG 18/3630
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eric DEMIDOFF
Me Renaud GUIDEC
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 2 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,
Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,
Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Léna ETIENNE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Janvier 2022
devant Madame Sylvie ALAVOINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 2 mai 2022 après prorogation du délibéré, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [X] [P]
née le 19 Septembre 1966 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [R] [V]
né le 11 Juillet 1964 à [Localité 1] [Localité 1]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Renaud GUIDEC de la SELARL DENIGOT - SAMSON - GUIDEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Mme [X] [P] et M. [R] [V] se sont mariés le 25 avril 1986 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 1] ([Localité 1]), sous le régime de la séparation de biens adopté suivant contrat de mariage reçu le 18 avril 1986 par maître [M], notaire à [Localité 7] (44).
Dans le courant de l'année 1995, les époux ont édifié sur une parcelle propriété de M. [V] située à [Localité 1]) un immeuble affecté à la résidence de la famille et financé notamment par le biais d'emprunts souscrits par les deux époux.
Mme [P] a acquis un terrain à la [Localité 4] ([Localité 4]), sur lequel elle a fait construire des immeubles, le tout financé par un emprunt souscrit par les deux époux. Ces biens ont depuis été vendus en 2014.
Une requête en divorce à l'initiative de Mme [P] a été déposée le 21 décembre 2012.
Aux termes de l'ordonnance de non-conciliation en date du 26 avril 2013, le juge aux affaires familiales de Nantes a notamment :
- attribué à M. [V] la jouissance du logement de la famille et de ses meubles meublants à titre gratuit, à charge pour lui de rembourser les deux crédits de 486,24 euros et 38,24 euros liés à l'habitation et de s'acquitter de la taxe foncière et de la taxe d'habitation,
- dit que Mme [P] sera chargée de la gestion des deux biens de la [Localité 4], à charge pour elle de rembourser les deux crédits de 1.254, 54 euros par mois et 136, 62 euros et de s'acquitter de l'impôt foncier locatif, tout en percevant les loyers de 1.120 euros par mois.
Par jugement de divorce en date du 7 juin 2016, le juge aux affaires familiales de Nantes a notamment :
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, avec libre choix du notaire,
- fixé la date des effets du divorce au niveau des biens au 1er février 2013,
- constaté le révocation des donations et avantages.
Par acte d'huissier en date du 19 juillet 2018, Madame [P] a assigné M. [V] en comptes, liquidation et partage devant le juge aux affaires familiales de Nantes sur le fondement des articles 1537 du code civil et 1360 et suivants du code de procédure civile.
Suivant un jugement du 2 novembre 2020, le juge aux affaires familiales de Nantes a :
- dit n'y avoir lieu à ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux entre M. [R] [V] et Mme [X] [P],
- dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire,
- dit que Mme [X] [P] est créancière de M. [R] [V] à hauteur de 12.900/140. 584èmes de la valeur actuelle de la seule construction située [Adresse 5],
- débouté Mme [X] [P] du surplus de ses demandes,
- dit que M. [R] [V] est créancier de Mme [X] [P] à hauteur de 43.227, 79 € à raison du financement des biens situé à la [Localité 4],
- ordonné une expertise immobilière relative au bien immobilier situé [Adresse 5],
- dit que l'expert devra procéder à l'évaluation de l'ensemble, du terrain nu puis de la construction seule, pour leur valeur au jour de l'expertise,
- désigné en qualité d'expert M. [D] [W] [J] aux fins d'évaluer ledit bien immobilier, avec pour mission de se rendre sur les lieux,
- fixé à la somme de 3.200 € le montant de la provision, à consigner par moitié par chacune des parties au greffe du tribunal, dans un délai de deux mois,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai de deux mois à compter de la présente décision, sa désignation sera caduque,
- dit que l'expert devra accomplir sa mission dans un délai de quatre mois, à compter de la consignation,
- dit que le rapport définitif sera adressé au greffe de la juridiction en double exemplaire, ainsi qu'aux parties, à leurs conseils, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile,
- dit que le juge aux affaires familiales du cabinet G au tribunal judiciaire de Nantes sera chargé du contrôle du déroulement de la mesure d'expertise,
- dit qu'en cas de refus, d'empêchement ou de retard injustifié de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge aux affaires familiales d'office ou à la requête de la partie la plus diligente,
- réservé les dépens de l'instance et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [X] [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 12 février 2021 ; la déclaration vise expressément les dispositions du jugement ayant :
- dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire,
- dit que Mme [X] [P] est créancière de M. [R] [V] à hauteur de 12.900/140.584èmes de la valeur actuelle de la seule construction située [Adresse 5],
- débouté Mme [X] [P] du surplus de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2021, Mme [X] [P] demande à la cour la réformation du jugement déféré dans les limites des dispositions contestées, et statuant à nouveau, de :
- fixer la valeur du bien immobilier situé la pièce aux bois 44270 à Machecoul, à la somme de 195.000 €,
- dire et juger que Mme [X] [P] est créancière de M. [R] [V] à hauteur de la somme de 93.666,14 € au titre de la dépense d'amélioration du terrain appartenant à ce dernier et sur lequel l'immeuble a été construit,
- fixer à hauteur de 16.359,14 € la créance due à Mme [P] par M. [V] au titre des fonds propres appartenant à Mme [P] utilisés par ce dernier
- subsidiairement, confirmer le jugement en sa disposition ayant dit que Mme [X] [P] est créancière de M. [R] [V] à hauteur de 12.900/140.584èmes de la valeur actuelle de la seule construction située [Adresse 5],
- débouter M. [V] de toutes ses demandes contraires et son appel incident,
- condamner M. [V] à lui verser une indemnité de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2021, M. [R] [V] demande à la cour :
Concernant la maison de [Localité 1], sur l'appel interjeté par Mme [P] :
- à titre principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que Mme [P] est titulaire d'une créance à hauteur de 12.900/140.584èmes de la valeur de la seule construction de la maison de [Localité 1], et statuant à nouveau, de voir dire et juger que Mme [P] n'est titulaire d'aucune créance à l'encontre de M. [V] pour la construction de la résidence familiale de [Localité 1],
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait confirmer la disposition ayant dit que Mme [P] est titulaire d'une créance à hauteur de 12.900/140.584èmes de la valeur de la seule construction de la maison de [Localité 1], voir dire et juger que la valeur de la seule construction de la maison de [Localité 1] est de 180.673,00 €, valeur proposée par l'expert judiciaire, et en conséquence, voir dire et juger que la créance de Mme [P] est de 16.578,57€
Sur son appel incident interjeté par ses soins concernant les biens de la [Localité 4], de voir infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'il est créancier de Mme [P] à hauteur de 43.227,79 €, et statuant à nouveau, de voir dire et juger qu'il a contribué à l'amélioration des biens propres dont Mme [P] était propriétaire à la [Localité 4], et fixer sa créance à l'égard de Mme [P] à la somme de 113.344,14€,
En tout état ce cause, de :
- opérer une compensation entre les créances réciproques et condamner, une fois la compensation opérée, le débiteur a réglé la somme mise à sa charge,
- voir condamner Mme [P] à lui verser la somme de 10.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 décembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur l'étendue de l'appel
Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile que, sauf s'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, l'appel ne défère à la cour la connaissance que des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Selon l'article 901 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, dans le cadre de la procédure ordinaire devant la cour, c'est la déclaration d'appel qui énonce les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité. C'est donc l'acte d'appel qui, seul, opère la dévolution de ces chefs et détermine, à l'égard de l'appelant, l'étendue de cette dévolution.
En l'espèce, l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement déféré mais à sa réformation par la cour.
Dans sa déclaration d'appel, Mme [P] a critiqué le jugement en ses dispositions ayant dit :
- dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire,
- dit que Mme [X] [P] est créancière de M. [R] [V] à hauteur de 12.900/140. 584èmes de la valeur actuelle de la seule construction située [Adresse 5],
- débouté Mme [X] [P] du surplus de ses demandes, à savoir celles tendant à voir désigner maître [S] notaire, à voir dire et juger que la valeur au jour du partage, de la maison et du terrain situés à [Localité 1] est de 230.000€, à savoir 200.000 € pour la maison et 30.000 € pour le terrain, à voir fixer à hauteur de 105.619,45 € la créance due à Mme [P] par M. [V] au titre de la construction, à voir fixer à hauteur de 16.359,14 €, la créance due à Mme [P] par M. [V] au titre des fonds propres utilisés par ses soins, et à titre subsidiaire, si par extraordinaire, l'apport personnel de Mme [P] n'était pas intégré dans la construction, à voir fixer la créance de Mme [P] due par M. [V] à un total de 110.188,14 € à savoir 6.450 € au titre de l'apport personnel outre 16.358.14 € pour les détournements de fonds personnels, soit 22 808.14 € et 43,69% de 200.00 €, soit 87.380 € au titre de sa participation dans les emprunts, et enfin à voir condamner M. [V] à une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures, Mme [P] a limité son appel sur les dispositions relatives aux créances relative à la construction de l'immeuble situé à [Localité 1] et au prélèvements par M. [V] sur les comptes de Mme [P], ainsi que sur celle ayant rejeté sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté, aux termes de ses premières écritures, M. [V] a fait appel incident sur les dispositions du jugement déféré ayant d'une part, fixé la créance de Mme [P] à hauteur de 12.900/140.584èmes de la valeur de la seule construction de la maison à [Localité 1], et d'autre part, dit qu'il est créancier de Mme [P] à hauteur de 43.227,79 € en ce qui concerne les biens situés à La [Localité 4].
Les dispositions dévolues à la cour par l'appel principal formé par Mme [P] mais non critiquées dans ses dernières conclusions, seront donc confirmées et la cour statuera donc sur les dispositions relatives aux deux créances revendiquées par Mme [P] et à celle sollicitée par M. [V], ainsi que sur la disposition ayant rejeté la demande formée par Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
II - Sur la créance revendiquée par Mme [P] au titre du financement du bien immobilier situé à [Localité 1]
Il sera rappelé que conformément aux principes généraux gouvernant la charge de la preuve, l'époux séparé de biens, qui revendique une créance sur son conjoint, doit en apporter la preuve.
Par ailleurs, en ce qui concerne les créances entre époux, il résulte de l'article 1479 du code civil auquel renvoie l'article 1543 que "Les créances personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation.
Sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l'article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation. "
Selon l'alinéa 3 de l'article 1469 du même code, le montant de la créance ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.
Dans le cas d'espèce, il est constant que M. [V] et Mme [P] ont du temps du mariage, fait édifier une maison d'habitation sur le terrain appartenant en propre à M. [V] et situé à [Adresse 5]. Cette maison d'habitation a constitué la résidence principale de la famille.
Le financement de cette construction a été notamment réalisé au moyen d'emprunts souscrits le 27 avril 1995 par les époux, à savoir :
- un prêt CILA à hauteur de 390.000 francs, soit 59.455,12 €, remboursé par mensualités 489,24 € sur 20 ans,
- des prêts consentis par le Crédit Mutuel à hauteur de 48.000 Frs, soit 7.317,55€, remboursables par mensualités de 42,86 € et 16,97 € durant 15 années.
En première instance, au soutien de sa demande de créance à raison du financement par des fonds propres de la construction de la maison de [Localité 1], bien propre à M. [V] puisqu'édifiée sur un terrain ayant cette même nature, Mme [P] avait soutenu avoir :
- d'une part remboursé les emprunts souscrits,
- d'autre part, fait un apport personnel de 12.900 € à partir de son PEL.
Aux termes du jugement dont appel, le premier juge a débouté Mme [P] de sa demande de créance au titre du remboursement des emprunts immobiliers et a admis le principe de la créance au titre de l'apport personnel, fixant le montant de cette dernière à hauteur de 12.900/140.584èmes de la valeur actuelle de la seule construction.
Chacune des parties critiquant cette décision, il convient d'examiner successivement chacune des deux branches.
1/ S'agissant du financement des emprunts immobiliers, le premier juge a considéré que compte tenu de la clause relative à la contribution aux charges du mariage édictée au contrat de mariage souscrit par les époux, les remboursements par Mme [P] des échéances des emprunts immobiliers participe à l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage et que faute pour elle de démontrer une contribution à ce titre au delà de sa part, elle n'est pas fondée à revendiquer une créance à l'encontre de M. [V].
Mme [P] soutient que contrairement à l'appréciation du premier juge, la construction de l'immeuble sur le terrain de [Localité 1], bien propre de M. [V], n'est pas une dépense d'acquisition entrant dans le cadre de la contribution aux charges du mariage, mais une dépense d'amélioration, laquelle est exclut du champ de cette contribution.
Aux termes des dispositions de l'article 1537 du code civil les époux contribuent aux charges du mariage suivant les conventions contenues à leur contrat et s'il n'en existe point à cet égard, dans la proportion déterminée à l'article 214 du code civil.
Aux termes de l'article 214 du code civil si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
En l'espèce, les époux n'ont pas entendu déroger aux règles légales applicables et ont convenu lors de la rédaction de leur contrat de mariage d'une dispense de reconstitution de compte entre eux, au travers de la clause contenue à l'article 2 de leur contrat de mariage du 18 avril 1986 et libellée comme suit :
« Les futurs époux contribueront aux charges du mariage en proportion de leurs facultés respectives, conformément aux dispositions des articles 214 et 1537 du code civil. Chacun d'eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre ».
Cette clause est claire et doit trouver à s'appliquer à toutes les dépenses relatives au logement de la famille, dont font partie les dépenses d'acquisition ou d'amélioration. Cette jurisprudence est désormais bien établie et l'arrêt dont se prévaut Mme [P] pour prétendre le contraire, n'est nullement transposable au cas d'espèce dès lors qu'il y est question d'un bien immobilier non affecté à l'usage familial.
Ainsi, et contrairement à ce que soutient Mme [P], le remboursement par ses soins, à l'aide de fonds propres, en tout ou partie des échéances des emprunts immobiliers contactés pour la construction de la maison de [Localité 1], dont il n'est pas contesté qu'elle a constitué la résidence principale de la famille, participe de l'exécution de son devoir de contribuer aux charges du mariage, tel qu'édicté aux articles 214 et 1537 du code civil.
Par ailleurs, et ainsi que l'indiquait à juste titre le premier juge, si la clause du contrat de mariage pose une présomption de contribution aux charges du mariage par chacun des époux, y compris en ce qui concerne le remboursement des échéances des emprunts immobiliers concernant la maison de [Localité 1], une telle présomption est susceptible d'être renversée dès lors que Mme [P] parvient à démontrer qu'elle a par ailleurs suffisamment contribué aux dites charges du mariage de sorte que le montant total des dépenses auxquelles elle a du faire face ou des fonds qu'elle a remis à son conjoint du temps du mariage, ont excédé son obligation. En outre, et si compte tenu de l'existence de cette clause, M. [V] n'est pas fondé à contester l'effectivité de la contribution de Mme [P] au remboursement des emprunts immobiliers, en revanche, Mme [P] ne saurait s'en prévaloir pour en déduire la preuve d'une contribution par moitié, cette clause contractuelle ne prévoyant en effet qu'une participation des époux aux charges du mariage à proportions de leurs facultés contributives.
Or, aux termes d'un raisonnement non critiqué par Mme [P], le premier juge a déduit des pièces produites (relevés parcellaires du compte joint des années 2010 à 2013 sur lequel étaient prélevées les mensualités des emprunts, relevés de son compte personnel d'octobre er novembre 2012 et bordereaux de versements de sommes sur son compte personnel) que sur cette période 2010/2013, elle ne faisait nullement la démonstration de sa sur-contribution aux charges du mariage.
En cause d'appel, si elle soutient à nouveau que les remboursements des emprunts immobiliers qu'elle estime avoir pris en charge à hauteur de la moitié, ont dépassé sa contribution aux charges du ménage et doivent donc être qualifiées de sur-contribution, au demeurant, elle procède par affirmations tant sur sa contribution au remboursement des mensualités, que sur l'excès de contribution de sa part. Si elle a certes produit de nouveaux relevés de son compte bancaire personnel, de celui de M. [V] et du compte joint des époux, elle n'a cependant procédé à aucune démonstration chiffrée de nature à démontrer que sa participation aurait, compte tenu du remboursement des échéances des emprunts, excédé de sa contribution normale aux charges du mariage, ne produisant en outre aucun document probant (avis d'imposition) de nature à justifier, année après année, des facultés respectives des époux au regard de leurs revenus annuels.
Défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe, Mme [P] n'est donc pas fondée à invoquer une créance à l'encontre de l'indivision au titre du remboursement des mensualités des emprunts destinés au financement de la maison de [Localité 1].
2/ S'agissant de l'apport personnel, le premier juge a rappelé à bon droit, que sauf convention matrimoniale contraire, l'apport en capital effectué par un époux séparé de biens pour financer la construction d'un bien affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage, ce qui exclut toute possibilité pour M. [V] d'invoquer la clause de présomption de contribution aux charges du mariage prévue au contrat de mariage.
C'est au travers d'une analyse pertinente des pièces produites aux débats que le premier juge a considéré :
- que Mme [P] démontre avoir viré sur le compte joint du couple le 20 décembre 1995 une somme détenue par elle sur un PEL dont elle était titulaire, d'un montant de 84.622 Frs (12. 900 €),
- que les parties ont souscrit un prêt épargne logement, lequel suppose que des droits à prêt aient été antérieurement ouverts, en lien avec la détention d'un plan épargne logement, plan dont la réalisation est une démarche nécessaire pour bénéficier du prêt attaché,
- qu'il ressort de la pièce 10 produite par Mme [P] que le plan de financement de l'opération immobilière prévoyait que la construction, d'un coût total de 559. 800 Frs, (soit 85.340,96 €) était financée par emprunt à hauteur de 438.000 Frs (soit 66.772,67 €) et de 121.800 Frs (18.568 €) par apport personnel,
- qu'outre le versement du PEL pour 84.622 Frs (12. 900 €) le 21 décembre 1995, le compte joint a été crédité immédiatement le 27 décembre 1995 de la somme de 39.000 Frs (5.945,51 €) par chèque, soit un total versé par les parties sur ce compte de 123.622 Frs (18.846,05 €) dans le temps précédent la construction.
De cette concomitance de temps et eu égard à son montant, il a, à juste titre, considéré que cette somme globale de 18.846,05 €, incluant le capital du PEL de Mme [P], correspondait à l'apport personnel annoncé par le plan de financement et que dès lors, Mme [P] rapportait la preuve non seulement de ce qu'elle avait fait un apport personnel de son PEL à hauteur de 12.900 € versée, mais également que cet apport avait été affecté à la construction du bien appartenant à M. [V].
En cause d'appel, M. [V] reprend l'argumentation développée en première instance, à savoir qu'il réfute, faute de preuve tangible, que cette somme de 12.900 € versée par Mme [P] sur le compte joint ait été utilisée pour financer la construction de la maison de [Localité 1]. Il n'a cependant produit aucune preuve nouvelle et la décision du premier juge qui a considéré au travers d'une analyse pertinente des documents produits que la preuve d'un apport de fonds personnels par Mme [P] dans le financement du bien propre à M. [V] à hauteur de 12.900 € était rapportée, doit être approuvée.
Le montant de la créance calculé par le premier juge n'étant pas critiqué par M. [V], y compris à titre subsidiaire, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que Mme [X] [P] est créancière de M. [R] [V] à hauteur de 12.900/140. 584èmes de la valeur actuelle de la seule construction située [Adresse 5].
Depuis le jugement dont appel, l'expert missionné par le premier juge a déposé son rapport daté du 2 juin 2021 et aux termes duquel il a fixé la valeur de la construction seule à la somme de 180.637 €.
Alors que M. [V] demande à la cour de retenir cette valeur pour calculer la créance de Mme [P], cette dernière s'y oppose, sollicitant que cette construction soit valorisée à 195.000 €, valeur à mi chemin entre l'évaluation faite par l'expert dans son pré-rapport et celle du notaire dans le cadre des opérations de liquidation.
Il sera toutefois rappelé que cette estimation notariale est ancienne et que c'est d'ailleurs pour ce motif que le premier juge a considéré qu'elle ne pouvait suffire à arrêter la valeur actuelle du bien et a en conséquence ordonné une expertise. Mme [P] ne peut donc légitimement se prévaloir de cette estimation obsolète pour fonder sa prétention ; elle ne produit aucune estimation récente de nature à remettre en cause la valeur retenue par l'expert aux termes de ses opérations, dont il sera observé qu'elles ne sont pas critiquées par les parties, et en premier lieu par Mme [P]. Il convient donc de retenir la valeur de la construction immobilière seule telle que fixée par l'expert, soit 180.637 € de sorte que le montant de la créance de Mme [P] s'élève à la somme de [12.900 x 180.637 € ]: 140.584 = 16.575,26 €.
M. [V] ayant sollicité dans le dispositif de ses dernières conclusions que cette créance soit fixée à la somme de 16.578,57 €, ayant retenu dans son calcul la valeur de cette construction à hauteur de 180.673 €, au lieu de 180.637 € telle que fixée par l'expert et qu'il revendique dans ses écritures, la cour est tenue de fixer cette créance à cette somme, sauf à statuer ultra petita. Le jugement sera donc complété en ce sens.
III - Sur la créance revendiquée par Mme [P] à raison de l'alimentation par M. [V] de son propre compte par des fonds débités sur des comptes à elle personnels
Conformément à l'article 1539 du code civil, si pendant le mariage, l'un des époux confie à l'autre l'administration de ses biens personnels, les règles du mandat sont applicables. L'époux mandataire est, toutefois, dispensé de rendre compte des fruits, lorsque la procuration ne l'y oblige pas expressément.
Selon l'article 1992 du code civil, le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Il est constant en l'espèce que Mme [P] a du temps du mariage, donné procuration à M. [V] permettant à ce dernier de faire des opérations sur tous les comptes bancaires dont elle était titulaire.
Mme [P] soutient que dans le cadre de cette procuration, M. [V] a utilisé une partie de ses fonds propres pour alimenter son compte personnel. Elle revendique une créance d'un montant égal aux sommes qu'elle estime avoir été détournées par ce dernier, soit 16.358,14 €.
Il appartient à Mme [P] qui prétend que M. [V] a fait une mauvaise exécution du mandat qu'elle lui avait confié, de rapporter la preuve d'une telle faute.
A cet égard, et ainsi que l'a dit le premier juge, Mme [P] ne démontre nullement, en l'état des pièces produites, l'identité du donneur d'ordre des virements allégués et une telle preuve ne saurait résulter du seul fait que les fonds prélevés sur ses comptes personnels aient été virés sur un compte personnel de M. [V].
Elle n'indique en outre nullement en quoi les prélèvements ainsi effectués présenteraient un caractère anormal, de nature à établir la défaillance fautive de M. [V] dans l'exécution de son mandat, étant rappelé que la seule existence d'un transfert de valeurs entre les patrimoines d'époux séparés de biens est insuffisante pour fonder le principe d'une créance entre eux.
Elle sera donc déboutée de sa demande de créance et le jugement sera donc confirmé à cet égard.
IV- Sur la créance revendiquée par M. [V] au titre du financement des biens immobiliers situés à La Chappelle Palluau
Il est constant que le 24 juin 2005, Mme [X] [P] a fait l'acquisition à titre personnel de deux terrains à bâtir sur la commune de la [Localité 4] sur lesquels ont été édifiées des constructions. Le financement de cette opération immobilière s'est fait par le biais d'un emprunt souscrit auprès de la Banque Populaire Atlantique pour un montant total de 185.000 €, remboursable sur 20 ans à compter du 5 juillet 2005 ; les mensualités d'un montant de 1.245,54 € étaient prélevées sur le compte joint des époux [I].
Les deux immeubles ont constitué des investissement locatifs et ont été vendus respectivement les 2 août 2014 et 22 septembre 2014 aux prix de 114.115 € et 114.000 €, soit un total de 228.115 €, ce prix de vente ayant permis de solder l'emprunt, soit 119.823,34 €.
Il sera rappelé qu'aux termes du jugement définitif de divorce, la date des effets du divorce entre les époux a été fixée au 1er février 2013.
Les parties s'accordent pour dire que M. [V] a remboursé de ses deniers propres des mensualités de cet emprunt immobilier destiné au financement de biens propres à Mme [P] et qu'il est de ce fait fondé à revendiquer une créance à l'encontre de Mme [P], la vocation locative des immeubles excluant l'application de la clause de présomption de contribution aux charges du mariage prévue au contrat de mariage.
Elles divergent toutefois quant au montant de cette créance : M. [V] soutient qu'il a remboursé l'intégralité de l'emprunt, hormis deux salaires versés par Mme [P], et revendique une créance de 113.344,14 €, calculée au regard du profit subsistant. De son côté, Mme [P] fait valoir que M. [V] a remboursé la moitié des mensualités depuis leur date d'exigibilité (05.07.2005) jusqu'au 1er février 2013, date des effets du divorce entre les parties, et est donc fondé à obtenir une créance qu'elle fixe à la somme de 43.227,79 €.
Si Mme [P] ne conteste pas le principe même de la créance revendiquée par M. [V], au demeurant, il appartient à ce dernier de rapporter la preuve du montant ainsi financé.
À cet égard, M. [V] reprend l'argumentation développée en première instance, à savoir que les échéances de l'emprunt étaient réglées pour partie par les loyers de locataires et pour partie par des virements opérés par lui et pour le surplus par des virements de Mme [P], lesquels se sont limités à deux salaires, de sorte qu'il a réglé la totalité de l'emprunt.
A titre liminaire, la cour relève comme l'avait fait le premier juge, que bien que reconnaissant que les échéances de l'emprunt immobilier étaient remboursées pour partie par les loyers versées par les locataires et pour partie par des versements opérés par ses soins (soit par virement de son compte personnel, soit par le biais de règlements opérés par des clients pour la vente de bêtes de son exploitation agricole), il réclame une créance prenant en compte l'intégralité des échéances remboursées, ce qui ne manque pas d'interroger.
Mais surtout, il s'est abstenu de produire l'intégralité des relevés du compte joint pour la période débattue, s'étant contenté de verser aux débats les relevés du compte joint des mois de septembre 2009 à février 2012, déjà produits en première instance, et dont l'insuffisance sur le plan probatoire avait été soulignée par le premier juge, ce dernier ayant en outre indiqué à juste titre qu'au vu de ces relevés parcellaires, si ce compte joint faisait apparaître au crédit l'existence de versements faits par le biais de chèques et de virements, la provenance de ces derniers est inconnue et il n'est donc pas possible de les imputer à M. [V].
Dans ces conditions, M. [V] échoue à rapporter la preuve du financement qu'il allègue de sorte que sa participation doit être arrêtée à celle admise par l'intimée, soit la moitié des échéances pour la période litigieuse, ce qui représente une somme de 56.672,07 €.
Conformément aux dispositions combinées des articles 1543,1479 et 1469 alinéa 3 du code civil, la créance de M. [V] est au moins égale au profit subsistant procuré au patrimoine de Mme [P], lequel est apprécié au jour de l'aliénation des biens immobiliers en considération du prix de vente.
En tenant compte du montant global de l'emprunt immobilier ayant permis de financer la totalité de l'opération immobilière, de 299.129,60 € (cumul de la totalité des échéances), le financement personnel de M. [V] dans cette opération immobilière a été de (56.672,07 € : 299.129,60 €)= 18,95%.
Les deux immeubles ayant été vendus pour un prix total de 228.115 €, la créance de M. [V] s'élève donc à 18,95% de 228.115 €, soit 43.227,79 €.
Le jugement en ce qu'il a fixé à cette somme de 43.227,79 € le montant de la créance de M. [R] [V] à l'encontre de Mme [X] [P] à raison du financement des biens situé à la [Localité 4], sera donc confirmé et M. [V] débouté de toute demande contraire.
V - Sur les dépens et frais
Chacune des parties ayant succombé en cause d'appel, les dépens seront donc partagés par moitié entre elles.
L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile de telle sorte que les demandes formulées par les parties à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises au recours,
Y ajoutant,
Fixe à la somme de 180.673 € le montant de la créance de Mme [X] [P] à l'encontre de M. [R] [V] à raison de l'apport fait de ses deniers personnels pour financer la construction du bien immobilier situé à [Adresse 5] ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne chaque partie à payer la moitié des dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE