Contestations Honoraires
ORDONNANCE No122
No RG 19/01495 - No Portalis DBVL-V-B7D-PSVV
Mme M... F...
C/
SELARL ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE TAXE
DU 08 JUILLET 2019
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Juin 2019
ORDONNANCE :
Contradictoire,
prononcée à l'audience publique du 08 Juillet 2019, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
****
ENTRE :
Madame M... F...
[...]
comparante en personne
ET :
SELARL ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES
[...]
représentée par Me Eric DEMIDOFF, avocat au barreau de RENNES
***
EXPOSE DU LITIGE :
Madame M... F... a chargé Maître S... A..., membre de la Selarl Atlantique Avocats Associés, avocat au barreau de Nantes, de demander et d'obtenir le partage de la succession de son père, Monsieur N... J....
Une convention d'honoraires a été signée entre les parties le 18 mars 2016.
La Selarl Atlantique Avocats Associés que Madame F... a dessaisi avant la plaidoirie de l'affaire, a établi dans ce dossier trois factures :
- une facture provisionnelle de 1320 euros TTC (20 mai 2016) qui a été réglée,
- une facture définitive de 1380 euros TTC (21 juillet 2016) relative à l'assignation, à l'enrôlement et à certaines diligences, qui a également été réglée,
- une facture récapitulative de 6210 euros HT faisant apparaître, après déduction d'une somme de 2350 euros HT versée à titre provisionnel, un solde restant dû de 4632 euros TTC.
Contestant devoir cette somme, Madame M... F... a saisi, par lettres des 25 mai et 6 juin 2018, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes d'une contestation d'honoraires et d'une demande en dommages et intérêts.
Par décision du 4 février 2019, le bâtonnier a rappelé qu'il ne pouvait connaître de la demande indemnitaire et a fixé à la somme de 4 554 euros TTC les frais et honoraires dus à la Selarl Atlantique Avocats Associés et a condamné Madame M... F... au paiement d'une somme de 1 734 euros TTC, après déduction des provisions versées (2 820 euros TTC).
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 28 février 2019, Madame M... F... a formé un recours contre cette ordonnance.
Elle sollicite que son dossier, retenu par le bâtonnier, lui soit restitué et qu'une sanction disciplinaire soit prononcée contre Me A..., que l'ordonnance soit infirmée et les honoraires de la Selarl Atlantique Avocats Associés fixés à la somme de 2 700 euros TTC (soit 2 250 euros HT) estimant le nombre de vacations facturées excessif, que Me A... soit condamné à lui verser les sommes de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais engagés auprès de son nouveau conseil, de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts suite aux multiples fautes commises par Me A... et pour perte de chance, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la somme réclamée par la partie adverse au titre de l'article 700 du code de procédure civile si elle perd son procès, 5 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle sera peut être condamnée à payer à son adversaire.
La Selarl Atlantique Avocats Associés a demandé par conclusions à être dispensée de comparaître compte tenu du contexte, des menaces et de la violence verbale dont Madame F... fait preuve.
Elle forme un appel incident et, rappelant les diligences qu'il a accomplies (une assignation et six jeux de conclusions), réclame que le montant du solde de ses honoraires soit fixé à la somme de 4 632 euros TTC.
Elle conteste les griefs soutenus et réclame une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Selarl Atlantique Avocats Associés s'est finalement faite représenter à l'audience par un avocat qui s'en est rapporté aux prétentions et moyens formulés par écrit. Il n'y aura donc lieu de statuer sur la demande de dispense.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le recours de Madame F... ayant été effectué dans les formes et délais de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 est recevable.
La procédure spéciale instituée par les articles 174 et suivants de ce texte étant strictement limité à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, le bâtonnier, en première instance, et le premier président, sur recours, n'ont pas le pouvoir de statuer sur la responsabilité éventuelle de l'avocat vis à vis de son client, un tel litige relevant de la juridiction de droit commun. Il suit de là que Madame F... n'est pas fondée à invoquer les manquements, fautes ou erreurs de son conseil pour prétendre tant à une minoration des honoraires qu'a fortiori à l'allocation de dommages et intérêts. Il n'entre évidemment pas davantage dans les pouvoirs du premier président de prononcer à l'encontre de l'avocat une sanction disciplinaire, l'action disciplinaire ne pouvant être engagée que par le bâtonnier ou le procureur général et la peine prononcée par le conseil régional de discipline. Il convient donc de déclarer irrecevables ces différentes demandes.
De même, le bâtonnier n'étant pas partie à la présente instance, il ne peut lui être fait injonction de restituer le dossier qu'il détiendrait.
Une convention d'honoraires a été conclue entre les parties le 18 mars 2016. Cette convention prévoit un honoraire fixe au temps passé sur la base d'un tarif horaire de 230 euros HT et un honoraire de résultat " égal à 15 % HT des sommes qui seront réintégrées dans la succession ou indemnités qui seront obtenues amiablement dans le cadre des discussions entre les parties, ou judiciairement à l'issue des procédures engagées ". Cette convention ne comporte aucune disposition régissant les rapports des parties en cas de rupture.
L'avocat n'ayant pas mené sa mission à son terme, la convention ne peut recevoir application (Cass. Civ.2, 9 avril 2009, 05-13977; Cass. Civ.2, 16 juin 2011, 10-20551,...), la rémunération de l'avocat devant, en cette hypothèse, être fixée par référence aux critères énoncés à l'article 10 al 4 de la loi du 31 décembre 1971, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences accomplies.
Cependant, il n'appartient pas au juge de l'honoraire de remettre en cause le principe et le montant de l'honoraire accepté par le client après service rendu que celui-ci ait été ou non précédé d'une convention (Cass. Civ.2, 6 mars 2014, 13-14922).
En l'occurrence, il convient de rappeler que la Selarl Atlantique Avocats Associés a émis le 21 juillet 2016 une facture définitive relative aux prestations suivantes : " rédaction assignation, gestion procédure et huissiers, enrôlement, correspondances, mails, télécopies, copies, 5 heures à 230 euros HT/heure, 1150 euros, TVA 20 % 230 euros, total TTC 1 380 euros ". Il est établi que cette facture a été acceptée par Madame F... qui l'a réglée en totalité au moyen de deux chèques.
Les honoraires dus pour cette phase de la procédure ne peuvent être remis en cause par l'une ou l'autre des parties. Il en résulte également que le tarif horaire de l'avocat, connu et accepté par la cliente, soit 230 euros HT/h doit être retenu, quelques soient ses revenus et la notoriété de l'avocat.
Ces points étant acquis, il convient de déterminer le montant des honoraires dus à raison de la seconde phase de la procédure, jusqu'au dessaisissement de l'avocat.
La facture récapitulative émise par l'avocat le 23 mai 2018 après le dessaisissement fait état des prestations suivantes :
- honoraires : étude du dossier, rendez-vous, calculs préjudices, recherche jurisprudence, correspondance, échanges de pièces, frais de mails, rédaction de six jeux de conclusions : 27 heures à 230 euros HT/h, soit 6 210 euros HT.
Le bâtonnier a, à juste titre, demandé à l'avocat de décomposer, poste par poste, les 27 heures de travail revendiquées. La réponse de l'avocat a été la suivante :
- assignation et recherche de jurisprudence : 6 heures,
- rédaction de six jeux de conclusions : 7 heures,
- communication de 52 pièces : 2 heures, envoi de 14 correspondances et de 30 courriels : 3 heures,
- huit rendez-vous : 6 heures,
- appels téléphoniques : 3 heures.
Ce faisant l'avocat n'a pas distingué entre les prestations déjà définitivement facturées et les prestations postérieures à celles énumérées dans la facture définitive du 21 juillet 2016.
Il convient d'observer que les dates des huit rendez-vous facturés ne sont pas précisées. En revanche, il résulte de l'examen de l'assignation (16 pages dont avertissement) et du bordereau joint que 49 pièces étaient, à ce stade, produites.
Les ajouts apportés dans les six jeux de conclusions notifiés ont porté :
- sur l'insertion dans le jeu no 1 en date du 27 mai 2017 (17 pages) de deux pages et demi comprenant la reproduction de trois documents (deux extraits d'états hypothécaires, signatures),
- sur l'insertion dans le jeu no 2 en date du 29 mai 2017 (17 pages) d'une ligne " suite à la vente du patrimoine du de cujus quelques mois auparavant ",
- sur l'insertion dans le jeu no 3 en date du 29 mai 2017 (18 pages) de trois paragraphes (page 10), deux nouvelles pièces étant communiquées,
- sur l'insertion dans le jeu no 4 en date du 29 mai 2017 (19 pages) d'une demi page (six paragraphes, page 11),
- sur l'insertion dans le jeu no 5 en date du 20 mars 2018 (20 pages) de 6 lignes en page 8 et de huit paragraphes en pages 15 et 16, une nouvelle pièce étant communiquée,
- sur l'insertion dans le jeu no 6 en date du 20 avril 2018 (23 pages) d'une demi page en page 12, de la reproduction d'une pièce en page 14, de quelques lignes en page 18, de l'inversion de la demande de sursis à statuer (figurant au B au lieu du A) et une modification de la présentation de la demande au titre des frais irrépétibles, cinq nouvelles pièces étant produites.
Il sera ajouté que le dispositif de l'assignation a également été enrichi et précisé (rapport / recel).
Le bâtonnier a estimé que le travail nécessaire à la seconde phase (conclusions) à sept heures. Cette quotité est parfaitement cohérente avec le travail effectué (en ce compris la communication des neuf pièces supplémentaires et les correspondances de toute nature) étant observé, d'une part et contrairement à ce que soutient Madame F..., que celui-ci ne se mesure pas simplement au nombre de pages, mais suppose pour l'avocat d'examiner les éléments nouveaux que son client lui soumet, de se réinvestir dans le dossier, étant ici rappelé que l'avocat ne gère pas un dossier mais un cabinet, d'effectuer les vérifications utiles, afin d'opérer les modifications qu'il estime nécessaires, et d'autre part, que contrairement à ce que prétend la Selarl Atlantique Avocats Associés , certaines modifications apportées (4 jeux de conclusions en deux jours) sont marginales, le nombre de jeux de conclusions n'étant pas un critère suffisant pour apprécier le travail effectivement consacré au dossier.
Par ailleurs et à juste titre le bâtonnier a retenu pour cette phase six rendez-vous (sur les huit revendiqués, les deux autres concernant la première phase) pour une durée globale de 4h30, soit en tout 11h30 de travail à 230 euros HT de l'heure,2 645 euros HT, somme de laquelle il convient de déduire la provision versée (1 200 euros HT). Madame F... reste donc devoir la somme de 1 445 euros HT soit 1 734 euros TTC.
La décision du bâtonnier de Nantes, en date du 4 février 2019 sera donc confirmée en toutes ses dispositions, les appels principaux et incidents étant rejetés.
Chaque partie supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.
Par voie de conséquence les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Rappelons que le juge de l'honoraire n'a pas le pouvoir de connaître de la responsabilité et de la discipline des avocats.
Déclarons en conséquences irrecevables les demandes de Madame F... tendant à la condamnation de son ancien conseil à lui verser telle ou telle somme en raison des fautes et manquements qu'elle lui reprochent et tendant à ce qu'une sanction disciplinaire soit prononcée à son encontre.
Déboutons les parties de leurs appels respectifs.
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes du 4 février 2019.
Disons que chaque partie supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.
Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,