Contestations Honoraires
ORDONNANCE No85
No RG 19/00686 - No Portalis DBVL-V-B7D-PP6F
M. V... Q...
C/
Me Pierre-Hector RUSTIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE TAXE
DU 13 MAI 2019
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Avril 2019
ORDONNANCE :
Contradictoire,
prononcée à l'audience publique du 13 Mai 2019, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
****
ENTRE :
Monsieur V... Q...
[...]
comparant en personne
ET :
Maître Pierre-Hector RUSTIQUE
[...]
comparant en personne
***
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur V... Q... kinésithérapeute associé au sein d'une société civile de moyens a confié à Maître Pierre-Hector RUSTIQUE, avocat au barreau de Brest, la défense de ses intérêts dans le cadre des litiges disciplinaires et civils l'opposant à son ancien associé, Monsieur D... R....
Les honoraires relatifs au litige disciplinaire ont été réglés ainsi que ceux relatifs à la procédure civile devant le tribunal d'instance de Brest.
En revanche, ceux relatifs à l'appel de ce jugement qui ont donné lieu le 27 septembre 2016 à une facture de 5 120,16 euros TTC sont restés impayés
Aussi, le 9 octobre 2018, Maître RUSTIQUE a-t-il saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Brest d'une demande en fixation d'honoraires.
Par décision du 24 décembre 2018 notifiée le 5 janvier 2019, le bâtonnier a fixé à la somme de 5 040 euros TTC les frais et honoraires dus par Monsieur Q... à Me RUSTIQUE.
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 21 janvier 2019, Monsieur Q... a formé un recours contre cette ordonnance.
Aux termes de ses écritures développées oralement lors de l'audience, Monsieur Q... observe que nonobstant la loi du 6 août 2015, Me RUSTIQUE ne lui a soumis aucune convention d'honoraires et ne l'a pas tenu informé du montant de ses honoraires. Il estime, en conséquence, qu'aucun honoraire n'est dû à l'avocat.
En tout état de cause et subsidiairement, il fait valoir que les honoraires réclamés sont très excessifs, le dossier ayant préalablement été plaidé, à Paris, pour une somme inférieure devant la chambre nationale de discipline.
Il soutient donc que les honoraires facturés sont très excessifs et offre de verser une somme de 1 500 euros TTC.
Me RUSTIQUE demande aux termes de ses écritures, soutenues oralement lors de l'audience, la confirmation de l'ordonnance critiquée sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande en payement d'une somme de 66,80 euros au titre des dépens de première instance. Il sollicite, en outre, une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes, il rappelle que lorsqu'il a interjeté appel la convention d'honoraires n'était pas encore obligatoire et qu'il ne peut donc être lui être reproché de ne pas en avoir soumis une à son client.
Il estime sa facture d'honoraires (4 000 euros HT), fondée sur une rémunération horaire de 200 euros HT raisonnable, rappelant qu'il a pris trois jeux d'écritures devant la cour. Il ajoute que les frais et charges de son cabinet s'élèvent à la somme de 200 euros HT.
Il réclame les dépens de première instance s'élevant à la somme de 66,80 euros HT et des intérêts au taux d'une fois et demi le taux légal conformément à sa facture.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La recevabilité du recours n'est pas contestée.
Aucune convention d'honoraires n'a été conclue entre les parties. Me RUSTIQUE rappelle cependant à bon droit que celle-ci (bien que recommandée par les instances ordinales) n'étaient, au moment où l'appel a été interjeté (14 avril 2014) - seule date à prendre en considération - pas encore obligatoire.
Cette circonstance ne dispensait pas l'avocat de tenir son client informé des conditions de fixation et de l'évolution du montant de ses honoraires, ainsi que le précise expressément l'article 10 alinéa 2 du décret du 12 juillet 2005. Ce manquement dont la connaissance échappe au juge de l'honoraire qui n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité de l'avocat, n'est pas de nature à priver le conseil de rémunération laquelle doit être fixée par référence aux critères énoncés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences qu'il a accomplies.
La facture de Me RUSTIQUE en date du 27 septembre 2016 fait état des postes suivants :
- procédure d'appel : 4 000 euros HT,
- frais d'appel : 200 euros HT,
- dépens tribunal d'instance 66,80 euros HT,
soit 4 266,80 euros HT et 5 120,16 euros TTC.
En premier lieu, le bâtonnier de Brest a rappelé à bon droit que son pouvoir se limitait à la taxation des honoraires à l'exclusion des dépens dont la connaissance relève, conformément aux dispositions des articles 704 et suivants du code de procédure civile, du secrétaire de la juridiction et sur recours du juge taxateur du tribunal.
La facture du 27 septembre 2016 ne précise ni le taux horaire appliqué par l'avocat ni le nombre de vacations que ce dernier a consacré au dossier. Aucun décompte détaillé définitif (article 11.7 du RIN) n'est produit, seule une fiche sommaire de diligences est versée aux débats (pièce no 3).
Me RUSTIQUE a manifestement appliqué un forfait lequel est exclu en l'absence de convention puisque sa rémunération ne peut qu'être fixé en fonction des critères objectifs rappelés ci-dessus.
Il précise dans ses écritures que le taux horaire qu'il applique est de 200 euros HT de l'heure. Ce taux bien que situé en limite supérieur du taux moyen appliqué dans le ressort de la cour (180 à 200 euros HT/heure) sera retenu.
Il convient d'observer que Me RUSTIQUE n'a pas assuré la postulation devant la cour laquelle a été confiée à la SCP Gauvain Demidoff, rémunérée séparément, qu'il était déjà le conseil de Monsieur Q... en première instance ainsi qu'il résulte du jugement du tribunal d'instance (comme il l'a été devant les instances disciplinaires régionale en 2013 puis nationale en 2015) et connaissait donc parfaitement le dossier dont s'agit.
Trois jeux de conclusions ont été rédigés en appel. Ces écritures sont produites aux débats. Elles comptent 15, 17 et 18 pages. Leur trame est restée identique mais les deuxièmes et troisièmes jeux comportent quelques développements supplémentaires notamment en réponse à l'argumentation soulevée par Monsieur R... qui avait formé un appel incident.
Ces trois jeux de conclusions n'ont pu, au regard des éléments ci-dessus rappelés, demander plus de neuf heures de travail. Trois rendez-vous d'une heure ont été accordés (cf. fiche de diligences sans précision sur les dates). La prise de connaissance des écritures (19 pages) et pièces adverses doit être estimée à une heure trente de travail. Enfin, deux heures seront retenues pour la préparation du dossier et la plaidoirie, soit un total de quinze heures trente, soit 3100 euros HT.
Me RUSTIQUE réclame 200 euros HT au titre des frais, faisant état de cinq correspondances et de vingt entretiens téléphonique (aucune date n'est précisée). Cette somme raisonnable doit être retenue.
Les frais et honoraires de Me RUSTIQUE seront donc fixés à la somme de 3 300 euros HT, soit 3 960 euros TTC.
L'ordonnance du bâtonnier de Brest, en date du 24 décembre 2018 sera infirmée.
Chaque partie conservera à sa charge les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront par voie de conséquence rejetées.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement,
Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Brest du 24 décembre 2018 sauf en ce qu'elle a dit qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de taxer les dépens.
Statuant à nouveau :
Fixons à la somme de 3 960 euros TTC les frais et honoraires dus par M. V... Q... à Me Pierre-Hector ;
Condamnons M. V... Q... à lui payer une somme de 3 960 euros TTC.
Disons que chaque partie supportera la charge des frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,