Contestations Honoraires
ORDONNANCE No76
No RG 18/08258 - No Portalis DBVL-V-B7C-PMS2
Société d'Avocats SASU M...
C/
M. J... X...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE TAXE
DU 29 AVRIL 2019
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Mars 2019
ORDONNANCE :
Contradictoire,
prononcée à l'audience publique du 29 Avril 2019, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
****
ENTRE :
Société d'Avocats SASU M...
[...]
[...]
représentée par Me Eloi CAMUS, avocat au barreau de QUIMPER
ET :
Monsieur J... X...
[...]
[...]
non comparant
***
EXPOSE DU LITIGE :
Au cours du mois de novembre 2017, Monsieur J... X... a pris rendez-vous pour une consultation en matière successorale avec Maître Eloi CAMUS, membre de la Sasu Hélianthus, avocat au barreau de Quimper.
Cette consultation, en date du 8 décembre 2017, d'une durée de quatre heures a été facturée, le 9 janvier 2018, 720 euros, somme réglée le lendemain par le client.
À la suite de cette consultation, Monsieur X... a confié à Me Eloi et à la Sasu Hélianthus la défense de ses intérêts dans le dossier de suivi des opérations de partage de la succession de Madame E... H... veuve X... et sur l'assignation à jour fixe délivrée par ses cohéritiers devant le tribunal de grande instance de Nantes.
Cette affaire a été plaidée le 6 février 2018 pour le jugement être rendu le 5 avril suivant.
Le 5 février 2018, la Sasu Hélianthus a émis, d'une part, une facture d'honoraires de 6 647,68 euros TTC, a réclamé à son client le payement d'une somme de 3047,68 euros TTC après déduction d'une provision de 3 600 euros réglée en janvier 2018 et, d'autre part, une facture de provision de 2 400 euros.
Le client a versé le 13 mars 2018 le solde de 3 047,68 euros mais a refusé de verser la provision réclamée estimant les sommes déjà versées excessives.
Par courriel du 13 avril 2018, l'avocat a révoqué son mandat.
Par courriel adressé le même jour au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper, Monsieur X... a sollicité l'avis du bâtonnier sur l'abus de facturation de son avocat.
Le bâtonnier a accusé réception de ce courriel par lettre du 23 mai 2018, rappelant que " Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toute partie, sans condition de forme. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l'intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d'appel dans le délai d'un mois " (sic).
Par ordonnance du 27 juillet 2018, le bâtonnier a prorogé de quatre mois le délai pour statuer.
Par décision du 23 novembre 2018, le bâtonnier a fixé à la somme de 3 578,44 euros TTC les frais et honoraires dus à Maître Eloi CAMUS et a ordonné à ce dernier de restituer à Monsieur X... la somme de 3 789,24 euros TTC, compte tenu des sommes payées à l'avocat (7 367,68 euros).
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 18 décembre 2018, la Sasu Hélianthus a formé un recours contre cette ordonnance.
Aux termes de ses écritures soutenues oralement lors de l'audience, la Sasu Hélianthus sollicite l'infirmation de la décision du bâtonnier faisant valoir que la demande de Monsieur X... était irrecevable puisque celui-ci avait réglé intégralement et librement les factures détaillées qui lui avaient été adressées après service fait.
Elle sollicite la condamnation de Monsieur X... à lui verser une somme de 1 155 euros TTC correspondant aux prestations qu'il a effectuées pour son client du 6 février 2018 au 19 janvier 2019.
Subsidiairement, il estime sa facturation parfaitement justifiée et sollicite que ses honoraires soient fixés aux sommes de 720 euros TTC (consultation), 6 647,68 euros TTC (prestations effectuées du 8 décembre 2017 au 5 février 2018) et 1 155 euros TTC pour les diligences effectuées du 6 février 2018 au 19 janvier 2019.
Il sollicite, en outre, une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X... bien que convoqué par lettre recommandée du 11 janvier 2019 (accusé de réception signé le 18 janvier 2019) ne s'est ni présenté ni fait représenter.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En l'absence de la partie défenderesse, il appartient à la juridiction de vérifier, conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile que la demande (l'appel) est régulière, recevable et bien fondée.
Le recours de la société Hélianthus, effectué dans les formes et délais de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, est recevable.
Sur les factures des 9 janvier et 5 février 2018 :
Ces factures sont relatives, d'une part, à une consultation et, d'autre part, aux diligences de la société Hélianthus comprises entre le 8 décembre 2017 et 6 février 2018 (étant ici précisé que la plaidoirie de Me CAMUS lors de l'audience tenue le 6 février est comprise).
La première de ces factures (9 janvier 2018) a un objet parfaitement déterminé (consultation juridique d'une durée de quatre heures en date du 8 décembre 2017). Le montant de cette facture s'élève à 720 euros TTC (soit quatre heures à 150 euros HT), somme qui a été réglée par le client à réception de la facture ainsi qu'il résulte des pièces produites aux débats.
La seconde facture (5 février 2018) n'est pas une facture provisionnelle mais une facture qui détaille précisément les diligences qu'elle concerne. Elle comprend :
- des honoraires facturés au temps passé (18 h 11 minutes suivant le décompte précis inséré dans la facture pour l'ensemble des prestations effectuées entre le 8 décembre 2017, une fois l'avocat mandaté après la consultation et les plaidoiries en date du 6 février 2018 devant le tribunal de grande instance de Nantes) sur la base du taux horaire (230 euros HT) convenu dans la convention,
- des honoraires facturés au forfait (constitution, communication de pièces et audience) suivant détail joint,
- des frais fixes conformes à la convention.
Cette facture d'un montant de 6 647,68 euros HT a été soldée, après déduction d'une provision de 3 600 euros versée le 19 janvier 2018, par le client le 13 mars 2018 (virement de 3 047,68 euros), plus d'un mois parès la plaidoirie de l'affaire.
Il apparaît ainsi que ces deux factures (qui ne sont en aucun cas des factures de provisions, mais des factures détaillées) ont été librement honorées par le client après service rendu.
Or, si les juges du fond apprécient souverainement, conformément aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d'une convention.
Il suit de là que le bâtonnier ne pouvait réduire le montant des honoraires de l'avocat quant à ces deux factures quand bien même certains postes étaient-ils particulièrement contestables, dès lors que le client les avaient, comme en l'espèce, librement honorées après service rendu.
L'ordonnance du bâtonnier de Quimper sera donc infirmée et la contestation de Monsieur X... (à supposer que tel était le sens de son courriel...) rejetée.
Sur la facture du 12 mars 2019 :
La société Hélianthus sollicite la condamnation de Monsieur X... au payement d'une somme de 1155 euros TTC correspondant à une facture no 867 émise le 12 mars 2019.
Cette facture comprend au titre des honoraires au temps passé (6 heures 17 minutes) certaines diligences effectuées entre le 6 février et le 24 avril 2018 (alors même que l'avocat avait révoqué son mandat le 13 avril) et le temps que l'avocat a consacré à sa défense devant le bâtonnier et le premier président (audience de plaidoirie comprise)... et divers frais fixes.
La demande afférente à cette facture est irrecevable. D'une part, elle n'a pas été soumise préalablement au client qui n'a donc pu la contester. Or, la procédure des articles 174 et suivants n'est applicable qu'aux différends en matière d'honoraires ce qui suppose que le payement de la facture ait été réclamé au client. Elle est, d'autre part, nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile, puisqu'en première instance, l'avocat s'était uniquement opposé aux demandes de son ancien client et n'avait nullement réclamé le payement de prestations postérieures au 6 février 2018.
La demande en payement de cette facture sera donc déclarée irrecevable.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Chaque partie conservera à sa charge les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
La Sasu Hélianthus sera donc déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,
Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Quimper du 23 novembre 2018.
Constatons que les sommes de 720 euros et de 6 647,68 euros ont été librement payées par Monsieur J... X... à la Sasu Hélianthus au vu de factures détaillées et après service rendu.
Déboutons Monsieur X... de sa contestation.
Déclarons irrecevable la demande de la Sasu Hélianthus en payement de la facture du 12 mars 2019 de 1 155 euros TTC.
Disons que chaque partie conservera à sa charge les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
Déboutons la Sasu Hélianthus de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,