Contestations Honoraires
ORDONNANCE No67
No RG 18/08012 - No Portalis DBVL-V-B7C-PL4M
Mme L... C...
C/
Me Q... I...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE TAXE
DU 25 MARS 2019
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Mars 2019
ORDONNANCE :
Contradictoire,
prononcée à l'audience publique du 25 Mars 2019, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
****
ENTRE :
Madame L... C...
[...]
[...]
comparante en personne
ET :
Maître Q... I...
[...]
[...]
comparante en personne
***
EXPOSE DU LITIGE :
Madame L... C... a chargé Maître Q... I..., avocate au barreau de Saint-Malo, de la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure de divorce l'opposant à son mari.
Une convention d'honoraires a été signée entre les parties le 14 novembre 2017.
Fin juin 2018, Madame C... a dessaisi son conseil après l'audience de conciliation.
Me I... lui a adressé le 29 juin 2018 la facture récapitulative de ses prestations (2 850 euros TTC) et lui a réclamé le payement du solde, soit la somme de 2 370 euros TTC, après déduction de la provision versée (480 euros TTC)
Refusant de payer cette somme, Madame C... a saisi, le 30 juillet 2018, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Saint-Malo d'une contestation d'honoraires.
Par décision du 2 novembre 2018 notifiée le 16 novembre suivant, le bâtonnier a fixé à la somme de 2 850 euros TTC les frais et honoraires dus à Me I... et a condamné Madame C... à lui payer la somme de 2 370 euros TTC, après déduction de la provision de 480 euros TTC déjà versée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 12 décembre 2018, Madame C... a formé un recours contre cette ordonnance.
Elle estime disproportionnée la facture qui lui est réclamée par rapport au montant de la prestation telle qu'évaluée dans la convention. Elle relève que certaines prestations facturées n'ont pas été effectuées. Elle conteste le nombre de rendez-vous et la durée prétendue des audiences. Elle propose de fixer le montant des honoraires de son avocate à la somme de 587,50 euros TTC.
Maître Q... I... sollicite la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier et réclame une somme de 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle précise qu'elle a bien diligenté une procédure d'ordonnance de protection puis a préparé une requête en divorce. Elle ajoute que le mari a changé à cinq reprises d'avocat ce qui a contraint à autant de communication de pièces, que l'audience de conciliation a été renvoyée en l'absence du mari et qu'elle a assisté sa cliente à cette audience comme à l'audience de renvoi avant d'être dessaisie.
Elle insiste sur le nombre d'appels téléphoniques, de courriels et de SMS.
Elle estime sa demande raisonnable et sollicite donc la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La recevabilité du recours n'est pas contestée.
Les parties ont conclu le 14 novembre 2017 une convention d'honoraires au forfait, le forfait étant de 2000 euros HT pour une procédure de divorce par consentement mutuel. Il a été convenu qu'en cas d'échec de cette procédure et si un divorce contentieux était envisagé, l'honoraire sera alors majoré de 1000 euros HT et de 2000 euros HT pour un divorce pour faute.
En l'occurrence, il est constant que le projet de divorce par consentement mutuel n'a pu aboutir et que la procédure engagée a été contentieuse.
Toutefois, cette procédure n'a pas été menée à son terme puisqu'après la tentative de conciliation (24 mai 2018 pour l'ordonnance de non conciliation être rendue le 17 juillet suivant), la cliente a dessaisi, fin juin, son conseil de sa mission.
En l'état de cette circonstance, la convention - qui ne comporte aucune disposition en cas de dessaisissement de l'avocat - est inapplicable (Cass. Civ. 2, 9 avril 2009, Bull 2009 II no 90,...) et la rémunération de l'avocate doit être fixée par référence aux critères énoncés à l'article 10 al 4 de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences qu'il a accomplies.
Dans sa facture récapitulative du 29 juin 2018, Me I... fait état des diligences suivantes :
- assignation en référé en vue de la délivrance d'une ordonnance de protection : 200 euros HT,
- trois rendez-vous en cabinet : 300 euros HT,
- un rendez-vous commun de 3h30 : 350 euros HT,
- requête en divorce : 200 euros HT,
- entretiens téléphoniques : 200 euros HT,
- correspondance (échanges de courriels) : 300 euros HT,
- échanges avec le délégué du procureur : 150 euros HT,
- première audience de conciliation : 300 euros HT,
- seconde audience de conciliation : 300 euros HT,
- forfait photocopie et imprimante : 75 euros HT.
Cette facture ne mentionne (sauf pour un rendez-vous) ni le temps que l'avocat a consacré à chaque prestation ni le taux horaire qui a été appliqué. Cependant dans la convention, il est précisé à titre indicatif que le taux horaire pratiqué par l'avocate est de 100 euros HT. Ce taux qui est largement inférieur au taux moyen pratiqué par des avocats dépourvus de spécialité dans le ressort de la cour, est particulièrement raisonnable et sera donc retenu.
S'agissant des honoraires, Me I... justifie avoir rédigé une assignation en référé aux fins de l'obtention d'une ordonnance de protection (six pages). Cette assignation ne semble pas avoir été délivrée ni plaidée. Une vacation de deux heures pour sa rédaction est crédible et la somme de 200 euros HT sera retenue.
Elle fait ensuite état de quatre rendez-vous. La date de ces rendez-vous n'est pas précisé ni leur durée pour trois d'en eux. La cliente ne reconnaît que trois rendez-vous dont un commun. En l'état de l'imprécision de la facture, ce poste sera retenu pour la somme de 500 euros HT, soit cinq heures à 100 euros HT.
Le coût de la requête en divorce, enregistrée au greffe du tribunal de grande instance de Saint Malo le 4 janvier 2018 et délivrée par acte d'huissier le 23 février 2018 (pour une audience fixée au 5 avril suivant), sera retenu comme étant raisonnable et non discuté, soit 200 euros HT ce qui correspond à deux heures de travail.
La tentative de conciliation n'a pu avoir lieu le 5 avril 2018 en l'absence du mari. Cependant Me I... était présente avec sa cliente. L'affaire a été renvoyée au 24 mai pour une seconde tentative qui a pu avoir lieu. Me I..., s'étant déplacée deux fois au tribunal, est fondée à réclamer la prise en compte de ces deux audiences. Elle n'indique cependant ni l'heure du début de ses vacations ni l'heure de fin. Une somme de 500 euros HT sera retenue.
Enfin, il ressort du dossier versé aux débats par l'avocate que cette dernière a pris connaissance du dossier pénal diligenté à la suite de la plainte déposée par sa cliente à la suite de la découverte d'un traceur GPS placé sous son véhicule par son mari et a échangé avec le délégué du procureur de la République. La lecture de la procédure et ces échanges justifie la durée d'une heure et trente minutes facturée par l'avocate, soit la somme de 150 euros HT.
Me I... verse aux débats un certain nombre d'échanges de courriels regroupés sous quatre numéros de communication de pièces. Il convient avant tout examen de relever qu'un certain nombre de ces échanges (mélangés avec les autres...) sont relatifs à une autre procédure, celle de la société C3A Courtage. Ces courriels ne sauraient être pris en compte dans le cadre du présent dossier. S'agissant de la procédure de divorce, il en reste plusieurs dizaines (dont certains en double exemplaires). La lecture de ces messages peut être estimée à deux heures de travail, soit 200 euros HT.
Les honoraires de Me I... seront ainsi arrêtés dans ce dossier à la somme de 1 750 euros HT.
S'agissant des frais, l'avocate sollicite une somme de 575 euros pour les frais d'impression et de téléphonie. Aucun détail n'est fourni pour chacun de ces postes et s'agissant de l'impression, il doit être rappelé qu'il s'agit d'un forfait ce qui est exclu dès lors que les frais et honoraires ne sont pas facturés en l'état d'une convention applicable. Le poste " impression " sera donc rejeté. Quant aux appels téléphoniques, aucun nombre n'est communiqué ni, bien sûr, de durée. En l'absence de ces précisions, une somme de 100 euros HT sera retenue.
Les frais et honoraires de Me I... seront donc taxés à la somme de 1 850 euros HT soit 2 220 euros TTC.
Madame C... , ayant versé à titre de provision une somme de 480 euros TTC, reste devoir à son conseil la somme de 1 740 euros TTC qu'elle sera condamnée à payer.
Chaque partie échouant partiellement en ses prétentions, supportera la charge des frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
La demande de Me verdier fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera par voie de conséquence rejetée.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Saint-Malo du 2 novembre 2018 ;
Fixons les frais et honoraires dus par Madame L... C... à Me Q... I... à la somme de 2 220 euros TTC.
Après déduction de la provision versée (480 euros TTC), condamnons Madame L... C... à payer à Maître Q... I... une somme de 1 740 euros TTC.
Disons que chaque partie supportera les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
Rejetons en conséquence la demande de Me I... fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,