La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2018 | FRANCE | N°18/02297

France | France, Cour d'appel de Rennes, Recours fiscaux, 17 octobre 2018, 18/02297


Recours Fiscaux





ORDONNANCE N°5/18



N° RG 18/02297- 18/02299- 18/02301- 18/02304.















Société WATERWAYS ISLANDS CONSULTING INVESTMENTS SA



C/



DIRECTEUR GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



CO

UR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 17 OCTOBRE 2018







Monsieur Fabrice ADAM, Président de Chambre à la Cour d'Appel de RENNES, suppléant le Premier Président par application de l'ordonnance du 25 juin 2018.



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats e...

Recours Fiscaux

ORDONNANCE N°5/18

N° RG 18/02297- 18/02299- 18/02301- 18/02304.

Société WATERWAYS ISLANDS CONSULTING INVESTMENTS SA

C/

DIRECTEUR GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 17 OCTOBRE 2018

Monsieur Fabrice ADAM, Président de Chambre à la Cour d'Appel de RENNES, suppléant le Premier Président par application de l'ordonnance du 25 juin 2018.

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Juin 2018

ORDONNANCE :

Contradictoire, prononcée publiquement le 17 Octobre 2018, par mise à disposition au greffe, comme indiqué à l'issue des débats

****

DEMANDEUR :

Société WATERWAYS ISLANDS CONSULTING INVESTMENTS SA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

L1330 LUXEMBOURG

représentée par de Me Jean-Paul X... de la Y..., avocat au barreau de RENNES et par Me Michel Z..., avocat au barreau de NANTES

DÉFENDEUR :

Le Directeur Général des Finances Publiques, représenté par l'Administration Général des Finances Publiques, chargé de la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales

[...]

représenté par Me Jean J..., avocat au barreau de PARIS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société WATERWAYS ISLANDS CONSULTING INVESTMENTS SA (W.I.C.I S.A) est une société maritime autorisée de droit luxembourgeois, constituée le 15 mai 2002 sous la dénomination de BLACK SWAN of 1899. L'objet de cette société est la vente, l'achat, l'affrètement, le frètement et la gestion de navires de mer ainsi que les opérations financières et commerciales s'y rattachant directement ou indirectement.

Monsieur Marcel K... en est devenu, le 8 janvier 2003, administrateur puis, le 12 février suivant, son administrateur «'délégué à la gestion journalière de la société avec faculté d'agir individuellement'».

Les autres administrateurs de la société WICI sont actuellement Monsieur Philippe A..., administrateur maritime agréé (par intermittence depuis la constitution de la société), Madame Anita I... L... épouse K... (depuis le 17 avril 2006), Madame Tania B... (depuis le 1er janvier 2009), Monsieur Manuel K... (depuis le 1er janvier 2009), Monsieur Mel K... (depuis le 27 août 2014).

Le siège social de la société, initialement fixé [...], a été transféré :

- dès le mois de janvier 2003, [...] chez Monsieur Jules C..., son commissaire aux comptes,

- fin 2011, dans les locaux de la société FINANCIÈRE BELVAL, sis [...], dans le cadre d'un contrat de domiciliation qui a été dénoncé avec effet au 1er janvier 2014,

- le 27 août 2014 avec effet au 1er janvier 2014, dans les locaux de la société A3T, sis [...] Charlotte (où sont également domiciliées 40 autres sociétés).

Dans les documents officiels de la société, ses administrateurs sont tous professionnellement domiciliés à cette adresse.

Son commissaire aux comptes est depuis le 20 décembre 2011, la société A3T laquelle est également, suivant décision du conseil d'administration de la société WICI en date du 17 février 2015, «'dépositaire professionnel de la société'».

La société WICI détient des participations dans la société de droit luxembourgeois WESTERN WATERWAYS (30%) et dans les sociétés françaises Compagnie Maritime ANGLO-NORMANDE (15%), les BATEAUX BUS DU GOLFE (10%) et KERSEA (45,81%). Elle détient également une participation dans la société française MARINE ENERGIE (44,51 %), placée en liquidation judiciaire depuis le 26 octobre 2016.

La société KERSEA (dénommée jusqu'au 22 janvier 2018 FINIST'MER) a pour activité le transport maritime et côtier de passagers. Son siège social est situé [...]. L'autre actionnaire principal de la SAS KERSEA est Monsieur Marcel K... qui détient 37,61 % de son capital.

La société KERSEA contrôle les sociétés Compagnie Maritime ANGLO-NORMANDE et les BATEAUX BUS DU GOLFE, étant associée à hauteur de 50 % des parts de ces sociétés.

Son siège social est situé [...], où se trouve également celui de sa filiale Les BATEAUX BUS DU GOLFE, le siège de la compagnie Maritime ANGLO-NORMANDE, dont Monsieur K... est le dirigeant, étant situé à Granville.

Les époux Marcel et Anita K... et leurs enfants Manuel et Mel K... sont tous domiciliés [...].

Exposant, d'une part, que la société WICI développe sur le territoire national une activité liée à la gestion (acquisition, frètement, vente) de biens à usage maritime notamment de navires exploités par sa filiale FINIST'MER / KERSEA ou les filiales de cette dernière et, d'autre part, que son centre décisionnel est présumé, en l'absence de tout moyen d'exploitation et humains au Luxembourg, se situer en France, à Nantes, où réside son administrateur délégué et soutenant qu'il peut être présumé que cette société réalise son activité depuis le territoire national sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, omettant de passer les écritures comptables correspondantes, la Direction Générale des Finances Publiques, représentée par Monsieur Tony D..., Inspecteur des Finances Publiques en poste à la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales, a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de NANTES, qui, par ordonnance du 15 mars 2018, a autorisé, sur le fondement des dispositions de l'article 16 B du livre des procédures fiscales, les agents de la Direction Générale des Finances Publiques, expressément désignés et habilités par leur directeur général, assistés des officiers de police judiciaire également désignés, à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés, reprochés à la société de droit luxembourgeois W.I.C.I S.A, dans les lieux ci-après désignés où des documents et supports d'information illustrant la fraude présumée étaient susceptibles de se trouver, à savoir:

- locaux et dépendances sis [...] susceptibles d'être occupés par Monsieur Marcel K... et/ou son épouse Madame Anita I... L... et/ou Messieurs Manuel et Mel K... et/ ou la société W.I.C.I S.A,

- locaux et dépendances sis [...] susceptibles d'être occupés par la SAS KERSEA et/ou la S.A.R.L BATEAUX BUS DU GOLFE et/ou la société W.I.C.I S.A.

Le procès-verbal de visite et de saisie portant compte rendu de cette opération a été dressé le 22 mars 2018.

Une requête similaire a été présentée par la Direction Générale des Finances Publiques, représentée par Monsieur Mickaël M..., Inspecteur des Finances Publiques en poste à la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales, au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de QUIMPER qui, par ordonnance du 13 mars 2018, a autorisé, sur le fondement des dispositions de l'article 16 B du livre des procédures fiscales, les agents de la Direction Générale des Finances Publiques, expressément désignés et habilités par leur directeur général, assistés des officiers de police judiciaire également désignés, à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés, reprochés à la société de droit luxembourgeois W.I.C.I S.A, dans les locaux et dépendances sis Terre Plein du Port [...], susceptibles d'être occupés par la SAS CHANTIER NAVAL GLEHEN où des documents et supports d'information illustrant la fraude présumée étaient, selon la requérante, susceptibles de se trouver.

Le procès-verbal de visite et de saisie portant compte rendu de cette opération a été dressé le 22 mars 2018.

Par déclarations du 5 avril 2018, la société WATERWAYS ISLANDS CONSULTING INVESTMENTS SA a interjeté appel des ordonnances rendues les 13 mars 2018 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Quimper (appels enrôlés sous les n° 15/02297 et 15/02299) et 15 mars 2018 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance P... (appels enrôlés sous les n° 15/02301 et 15/02304).

Aux termes de ses écritures soutenues et développées oralement lors de l'audience, la société W.I.C.I S.A demande de :

- constater l'absence de motivation pertinente des ordonnances du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande Instance de QUIMPER du 13 mars 2018 et du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande Instance de NANTES du 15 mars 2018,

- réformer lesdites ordonnances dans toutes leurs dispositions,

- dire qu'en l'état il n'est pas établi d'éléments de fait et de droit laissant présumer l'existence d'agissement frauduleux,

- constater la nullité des procès-verbaux subséquents,

- statuer ce que de droit toutes les dispositions accessoires.

A l'appui de ses demandes, la concluante relève que les deux ordonnances du juge de QUIMPER et de NANTES ont été entièrement établies par l'administration des finances publiques et qu'elles se confondent avec les requêtes dans un seul même document.

Elle ajoute que les requêtes contiennent de nombreuses erreurs factuelles et qu'elles ne dénoncent aucun fait précis de fraude fiscale ni ne caractérise la moindre présomption de fraude. Elle précise qu'elle respecte la loi luxembourgeoise, publiant ses comptes et payant ses impôts et taxes au Luxembourg.

Elle fait valoir que son implantation au Luxembourg n'est pas justifiée pour des raisons fiscales (en raison du faible taux appliqué en France aux opérations maritimes) mais pour des raisons pratiques et parce qu'elle y développe 90 % de son activité.

Elle conteste le caractère répréhensible de l'exploitation par la société KERSEA de navires, immatriculés en France, frétés par elle, les contrats d'affrètement coque nue étant disponibles aux Affaires Maritimes et publiés. Elle rappelle que la pratique du portage de la propriété d'un navire à une société qui donne en affrètement coque nue à l'une de ses filiales, est universelle et soutient que l'administration fiscale pouvait obtenir aisément, sans qu'il soit besoin de recourir à des saisies et visites domiciliaires, les informations relatives aux conditions d'affrètement des navires.

Elle observe que l'argumentation et les pièces font état de faits prescrits insusceptibles de fonder les poursuites.

Elle précise que les officiers de police judiciaire qui ont participé aux opérations n'ont pas été désignés par les autorités assignées par le juges de la liberté et de la détention.

Le Directeur Général des Finances Publiques sollicite la confirmation des ordonnances des juges des libertés et de la détention de Quimper en date du 13 mars 2018 et P... en date du 15 mars 2018. Il conclut au rejet de toutes demandes, fins et conclusions adverses et sollicite la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, il rappelle que si seule l'ordonnance est notifiée, le juge est saisi par une requête qui constitue une pièce distincte ce qui, en l'espèce, a effectivement été le cas. Il soutient que rien n'autorise l'appelante à suspecter que les premiers juges se soient dispensés de contrôler les pièces qui étaient soumises à leur appréciation, avant de rendre, dans le délai de délibéré qu'ils avaient décidé, les ordonnances autorisant la mise en 'uvre de la procédure de visite domiciliaire.

S'agissant des erreurs qui seraient contenues dans les requêtes, il rappelle qu'aux termes de la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, cette circonstance n'est de nature à entraîner l'annulation de la décision que si l'erreur a été de nature à remettre en cause l'appréciation des éléments de fraude par le juge. Or, il estime que tel n'est pas le cas des erreurs de faits, concernant notamment l'adresse de la société WICI au Luxembourg, l'activité de celle-ci (maritime et non fluviale et maritime) ou le changement de dénomination sociale de la société FINIST'MER, devenue KERSEA.

Il ajoute qu'il ne conteste pas le respect par la société W.I.C.I S.A, société maritime autorisée, de ses obligations déclaratives au LUXEMBOURG mais qu'il présume qu'elle exerce son activité à partir de la France. Il rappelle, à cet égard, les éléments concordants retenus par les juges des libertés et de la détention dans leurs ordonnances.

Enfin, il fait valoir que la jurisprudence a rappelé qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres modes de preuves mieux proportionnés, son office se limitant à apprécier l'existence de présomptions de fraude.

Il observe enfin qu'aucun moyen sérieux n'est développé s'agissant des procès verbaux de visite et de saisie, les juges ayant désigné les officiers de police judiciaire en charge des visites.

SUR CE :

Il convient d'ordonner la jonction des recours enrôlés sous les numéros 18/02297, 18/02299, 18/02301 et 18/02304 (contestation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Quimper et contestation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention P...) et de ne statuer que par une seule et même décision, ces ordonnances étant relatives au même dossier.

La recevabilité des recours n'est pas contestée et les éléments du dossier ne laissent pas apparaître d'irrégularité à cet égard. Les recours de la société WICI SA seront donc déclarés recevables.

Aux termes des dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable au présent litige, «'I. ' Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support.

II... Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite... Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée... Il désigne le chef du service qui nomme l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement... L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV ...'».

Il convient préalablement de rappeler que conformément à ces dispositions, le juge n'a pas à rechercher si les infractions de fraude sont d'ores et déjà caractérisées et leur preuve rapportée, points qui ressortent de la seule compétence du juge de l'impôt, mais doit, en revanche, s'assurer qu'il existe effectivement des éléments laissant présumer que la personne concernée serait susceptible de devoir effectuer ' ce dont elle s'est abstenue ' des déclarations fiscales en France au titre, s'agissant d'une personne morale, de l'impôt sur le revenu ou de la TVA. La présomption que suppose ces dispositions est une présomption simple.

Sur la critique en la forme des ordonnances rendues :

Il est établi par les pièces produites que les juges des libertés et de la détention P... et de Quimper ont, chacun, été saisis par une requête motivée (27 février 2018 s'agissant du juge de Quimper et 2 mars 2018 s'agissant du juge P...), requêtes auxquelles étaient jointes 49 pièces. Ces magistrats ont statué par ordonnances distinctes des requêtes, respectivement rendues les 13 et 15 mars 2018. Le moyen tiré de la confusion requêtes / ordonnances manque donc en fait.

Il sera rappelé que si les dispositions précitées ne prévoient la notification que de la seule ordonnance (et non celle de la requête), les deux requêtes ont été, dans le cadre de la présente instance, communiquées à la société WICI qui a pu ainsi s'assurer de la régularité de la saisine des magistrats concernés (communication du 31 mai 2018).

Par ailleurs, le fait que les ordonnances rendues soient rédigées dans les mêmes termes et comportent les mêmes erreurs, ce qui démontrerait qu'elles ont été préparées par l'Administration, n'a pas pour effet de les entacher d'irrégularité dès lors qu'elles sont réputées établies par le magistrat qui les a rendues et signées, et que rien ne permet de suspecter que ceux-ci n'ont pas procédé aux vérifications qui leur incombaient.

Il est, en revanche, exact que les requêtes (comme les ordonnances rendues) comportent certaines erreurs. La première, en page 2 des requêtes (et en page 1 des ordonnances), concerne l'adresse de la société WICI ([...] Reuter à Luxembourg). Il convient toutefois de relever que dans le corps de ces actes, l'adresse exacte de la société est précisée ([...], pages 3 des requêtes et 7 et 13 des ordonnances) avec la mention qu'il s'agit de l'adresse de son commissaire aux comptes lequel propose des services en matière de conseil fiscal. Cette erreur est sans incidence sur l'appréciation des faits qu'ont pu porter les juges saisis.

Les ordonnances précisent bien que la société FINIST'MER a changé de dénomination en janvier 2018 pour devenir KERSEA. La référence à FINIST'MER n'est nullement erronée mais renvoie à la dénomination de la société au moment des faits sur lesquels s'est appuyée la requérante. Aucune conséquence ne peut être tirée de cette prétendue erreur.

La société WICI SA fait ensuite valoir à bon droit qu'elle n'est pas l'associée «'majoritaire'» de la société KERSEA, comme mentionné, puisqu'elle ne détient que 45,81 % de son capital. Si le terme majoritaire est employé à tort, les ordonnances rappellent précisément la fraction du capital de la société KERSEA que la société WICI détient. Cette erreur de terminologie est également sans incidence sur l'appréciation des juges.

Enfin, l'article L16 B II n'impose pas au juge des libertés et de la détention de désigner les officiers de police judiciaire qui assisteront aux opérations mais seulement de désigner le chef du service qui nomme l'officier de police judiciaire chargé d'y assister ce qui en l'espèce a été fait. Cette critique est donc infondée.

Au fond :

Il est établi par les pièces produites par l'Administration que :

- depuis la constitution en 2002 de la société WATERWAYS ISLANDS CONSULTING INVESTMENTS SA, son siège social a toujours été fixé dans les locaux soit de ses commissaires aux comptes successifs (Monsieur C..., société A3T) soit d'une société de domiciliation (FINANCIÈRE BELVAL), ainsi qu'il résulte de l'examen des documents publiés au registre du commerce et des sociétés du Grand Duché du Luxembourg,

- la société d'expertise comptable et de conseils A3T (AUDIT ACCOUNTING ADVISORY TAXES SA) dans les locaux de laquelle se trouve actuellement le siège social de la société WICI SA, est le dépositaire professionnel de celle-ci,

- abstraction faite de Monsieur A..., son administrateur maritime délégué (dont le rôle statutaire ' interface avec l'administration luxembourgeoise ' est prévu pour toute entreprise maritime autorisée et qui doit nécessairement être domicilié [...], ses autres administrateurs dont son administrateur délégué à la gestion sont tous domiciliés [...] et, pour les quatre membres de la famille K..., à Nantes, Madame Tania B..., comptable et dorénavant salarié de la société BGL BNP PARIBAS, étant domicilié [...].

Ces éléments permettent de supposer que la société WICI ne dispose, au Luxembourg, ni de personnel ni de moyens lui permettant d'exercer son activité. Cette supposition est confirmée par l'examen de ses comptes (et notamment du compte des profits et des pertes) de la société laquelle, depuis sa création, n'a jamais payé de salaires (pièce 1-1) et n'a donc jamais employé de personnel.

Il résulte, par ailleurs, du dossier présenté par la Direction Générale des Finances Publiques aux juges des libertés que la société WICI a pour activité principale l'acquisition de navires, neufs (dont elle passe commande au chantier GLEHEN à Douarnenez) ou d'occasion, qu'elle frète notamment à sa filiale FINIST'MER / KERSEA qui les exploite, avant de les revendre.

La liste des navires concernés depuis 2010 est précisée dans les ordonnances critiquées ou résulte des pièces produites (NEVER AMZER, ILE D'ARZ, NOUVELLE LOUISE, E... H..., O... G..., F... P..., IROKO, BUFFALO, BLANCHE HERMINE, GUERZIDO, ZOHAR), les différents actes concernant la gestion de ces navires étant passés en France, à Nantes, Concarneau ou Rennes et signés par Monsieur K..., son épouse ou des employés de la société FINIST'MER / KERSEA, mandatés à cet effet.

Il sera également observé que la société WICI a effectué en 2013 et 2014 certaines prestations de service intracommunautaires exclusivement au profit de sociétés françaises et notamment de ses filiales FINIST'MER et MARINE ENERGIE (également dirigée par Monsieur K..., mais aujourd'hui en liquidation judiciaire).

Ces différents éléments sont de nature à laisser supposer que la société WICI, qui ne dispose pas à son siège luxembourgeois des moyens matériels et humains nécessaires à son activité, développe celle-ci sur le territoire français où elle exerce effectivement une activité commerciale et où résident ses administrateurs et plus particulièrement son administrateur délégué à la gestion, Monsieur Marcel K..., dont il convient de relever qu'il est également chargé de fonctions de responsabilité (président de SAS) au sein notamment d'entreprises maritimes de transport de passagers, KERSEA anc. FINIST'MER (dont il détient directement 37,61 % du capital) et compagnie MARITIME ANGLO-NORMANDE, employant respectivement 20 et 29 salariés, et dont les sièges sont situés à Nantes et à Granville. Monsieur K... qui était également, jusqu'à sa liquidation en 2016, président de la société nantaise MARINE ENERGIE.

Si la société WICI a fait plaider que l'essentiel de son activité était à l'étranger, force est de constater qu'elle ne produit à cet égard strictement aucun élément.

Certes, il résulte du dossier qu'elle détient une participation minoritaire (30 %) dans le capital d'une société luxembourgeoise dénommée WESTERN WATERWAYS mais il convient de relever que l'associé majoritaire de cette entité (70 % des parts) est la société française Compagnie Ligérienne de Transport, filiale de la société havraise CFT. Cette seule participation ne permet pas de révéler l'exercice d'une activité économique réelle au Luxembourg.

Le fait, allégué, que la société WICI SA satisfasse à ses obligations fiscales dans ce pays, ne constitue pas un obstacle aux mesures sollicitées dès lors qu'au regard des éléments qui précèdent, elle est présumée se soustraire en France à ses obligations déclaratives et à ne pas procéder à la passation de ses écritures comptables, étant inconnue des services fiscaux français concernés.

Les ordonnances critiquées seront donc confirmées, étant observé que dans les trois lieux désignés pouvaient effectivement être détenues des pièces susceptibles de confirmer l'exercice de l'activité de WICI SA en France.

Partie perdante, la société WICI sera condamnée aux dépens. Elle devra, en outre, verser à l'État représenté par le Directeur Général des Finances Publiques une somme de 1500 euros le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance contradictoire :

Ordonne la jonction des recours enrôlés sous les n° 18/02297, 18/02299, 18/02301 et 18/02304.

Déclare recevable mais mal fondés les recours de la société WICI SA contre les ordonnances rendues par les juges de la liberté et de la détention des tribunaux de grande instance de Quimper et P... respectivement les 13 et 15 mars 2018.

L'en déboute.

Condamne la société WICI aux dépens.

La condamne à verser à l'État représenté par le Directeur Général des Finances Publiques une somme de 1500 euros le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Recours fiscaux
Numéro d'arrêt : 18/02297
Date de la décision : 17/10/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes RF, arrêt n°18/02297 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-17;18.02297 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award