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19/09/2018 | FRANCE | N°16/03888

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch prud'homale, 19 septembre 2018, 16/03888


9ème Ch Prud'homale





ARRÊT N° 141



R.G : N° RG 16/03888













F... E...



C/



M. Henri X...

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:



Président : Monsieur Patrice LABEY, Président,

Assesseur : Monsieur Pascal PEDRON, Conseiller,

Assesseur : Madame Laurence LE QUELLEC, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Michael JACOTEZ, ...

9ème Ch Prud'homale

ARRÊT N° 141

R.G : N° RG 16/03888

F... E...

C/

M. Henri X...

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Patrice LABEY, Président,

Assesseur : Monsieur Pascal PEDRON, Conseiller,

Assesseur : Madame Laurence LE QUELLEC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Michael JACOTEZ, lors des débats, et Mme Loeiza Y..., lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Juin 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

F... E...

Rocade Nord

[...]

représentée par Me Manuella G... & ASSOCIES, avocat au barreau de RENNES

INTIME :

Monsieur Henri X...

5 Stand Louvard

[...]

représenté par Me Catherine Z..., avocat au barreau de QUIMPER

FAITS ET PROCÉDURE:

Lasociété A... E...du groupe CECAB avait pour activité la transformation et la conservation des légumes.

M. Henri X...a été embauché le 19 septembre 1977 par contrat de travail à durée indéterminée (CDI) à temps complet en qualité d'électricien par la société A... E... (l'employeur). Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. X... exerçait un emploi d'électromécanicien, niveau 2, échelon 195 E, sur le site de Rosporden.

La convention collective applicable à la relation de travail est la CCN des industries des produits alimentaires élaborés.

Fin 2013 un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en oeuvre dans la cadre de la fermeture du site de Rosporden et d'un autre site.

Le 28 mars 2014, M. X... s'est vu notifier son licenciement pour motif économique ( sauvegarde de la compétitivité et absence de réponse aux propositions de reclassement).

Le 23 juillet 2014, M. X... a saisi le conseil des prud'hommes de Quimper afin de contester le bien fondé de son licenciement et solliciter le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au titre d'un préjudice d'anxiété, avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Parjugement de départage du 22 avril 2016, le conseil de prud'hommes de Quimper a :

DÉCLARÉ que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse;

CONDAMNÉ la société A... E... à payer à M. X... la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTÉ M. X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété ;

ORDONNÉ à la société A... E... de remettre à M. X... dans le délai de 15 jours suivant la date de notification du jugement un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés ;

DIT qu'à défaut de respecter cette obligation la société A... E... y sera contrainte, par astreinte de 100 € par jour de retard, pendant 90 jours ;

ORDONNÉ le remboursement par la société A... E... des éventuelles indemnités versées par les organismes sociaux à M. X... dans la limite de six mois d'indemnités;

ORDONNÉ l'exécution provisoire du jugement ;

CONDAMNÉ la société A... E... aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le conseil, après avoir rappelé les dispositions des articles L.1233-3 et L.1233-4 du code du travail, a essentiellement retenu que:

-l'existence des difficultés économiques et des menaces pesant sur la compétitivité à la date de la rupture du contrat de travail doit être appréciée au niveau du secteur d'activité du groupe auquel la société appartient, à savoir la branche produits appertisés (D2L).

-il est démontré par les pièces versées aux débats une contraction sensible (environ -8%) de la consommation des légumes appertisés en France mais également sur l'ensemble du marché européen, activité représentant 81 % des ventes de la branche D2L en volume, avec une baisse régulière des volumes de vente de légumes

appertisés de la branche depuis 2001.

-le marché français, principal débouché de la branche D2L, tout comme celui des principaux pays de l'Europe de l'Ouest et aux Etats-Unis ont atteint leur seuil de maturité, ne permettant pas d'envisager une évolution à la hausse des volumes de ventes.

-la progression avérée en parts de marché, des marques de distributeurs, dominant déjà le marché et proposant des prix inférieurs aux légumes des marques nationales constitue une pression concurrentielle réelle.

-la tendance est identique concernant l'activité plats cuisinés appertisés ayant connu une baisse significative depuis 2001.

-la branche D2L connaissait une forte érosion de ses marges sur l'ensemble de ses activités ayant pour conséquence une baisse très importante de son résultat d'exploitation entre 2009 et 2011 (divisé par deux) démontrant, malgré un rebond en

[...] son marché.

-il est établi par l'ensemble de ces éléments, au jour du licenciement, l'existence de signes précis et concrets de menaces sur la compétitivité du secteur d'activité D2L auquel appartient la société permettant de justifier la réorganisation de l'entreprise et s'agissant du motif économique le licenciement de M. X....

-le groupe CECAB constitue le périmètre de reclassement devant être retenu, les activités de celui-ci permettant la permutation de tout ou partie du personnel; pourtant la société à qui incombe la charge de la preuve des recherches de reclassement, ne produit aucun organigramme précis des entreprises constituant le groupe, se contentant de fournir une présentation incomplète de celui-ci effectuée dans le document d'information des instances représentatives au titre de l'article L1233-31 du code du travail.

-de plus, afin de justifier des recherches réalisées, la société s'appuie sur les postes de reclassement proposés à M. X... sélectionnés dans le cadre du dispositif qualifié par celle-ci de "bourse de l'emploi" prévu au plan de sauvegarde de l'emploi et conduit par le service RH du groupe; cependant, elle ne produit pas les réponses des différentes sociétés du groupe aux recherches de reclassement sollicitées par le service RH dans son courriel du 6 novembre 2012 se contentant de fournir le résultat de ces recherches dont la pertinence est donc en l'état invérifiable.

-en ne fournissant pas les moyens d'apprécier précisément le périmètre de reclassement, en ne démontrant pas le caractère exhaustif des recherches effectuées compte tenu de la catégorie des emplois au sein de chaque société du groupe et sans qu'il soit nécessaire d'aborder la question de l'individualisation des offres, la société ne justifie pas du respect de son obligation de reclassement à l'égard du salarié.

La société A... E... a interjeté appel 11 mai 2016 de ce jugement, notifié le 02 mai 2016, limité en ce que le conseil a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a alloué 50.000 € à M. X....

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses conclusions responsives et récapitulatives n°1 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience,la société A... E... demandeà la cour de :

D'une part,

Constater que la rupture du contrat de travail de M. X... est intervenue en raison de la nécessaire réorganisation de l'activité de la société A... E... imposée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient et ce afin de prévenir des difficultés à venir ;

Constater que la société A... E... a respecté ses obligations préalables d'adaptation et de recherche de reclassement ;

En conséquence,

Infirmer le jugement déféré ;

Condamner M. X... au remboursement de la somme de 45 159,87 € versée en exécution du jugement précité ;

D'autre part,

Constater que M. X... ne peut se prévaloir d'un préjudice d'anxiété compte tenu de ses activités au sein de la société A... E... ;

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Quimper du 22 avril 2016 ;

En dernier lieu,

Condamner M. X... au paiement de la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience,M. X... à la cour de :

Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité le quantum des dommages et intérêts alloués ;

En conséquence,

Dire et juger que le licenciement de M. X... est dénué de cause réelle et sérieuse;

Condamner la S.A. A... E... à verser à M. X... la somme de 88 274,23 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

Condamner la S.A. A... E... à une somme supplémentaire de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la S.A. A... E... aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.

M. X... précise renoncer à sa demande relative au préjudice d'anxiété, ayant bénéficié en cours de procédure de l'ACAATA versée par la caisse de Mutualité Sociale Agricole.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures ci-dessus visées, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L' ARRÊT :

Considérant que M. X... s'est vu notifier son licenciement dans ces termes :

«Monsieur,

Nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique dans le cadre de la procédure de licenciement collectif mise en oeuvre au sein de la société.

Cette décision est consécutive à la suppression de votre poste liée à la réorganisation de nos activités mise en oeuvre pour sauvegarder la compétitivité du secteur de la branche D2L du groupe CECAB auquel nous appartenons.

Les causes économiques de cette décision ont été exposées aux représentants du personnel.

Nous vous rappelons ci-après les raisons économiques nous ayant conduit à la mise en oeuvre de cette réorganisation.

Le groupe CECAB auquel appartient notre société est organisé en 5 branches d'activité dont celle des produits appertisés (communément dénommés en interne 'd'Aucy Long Life' ou 'D2L') qui regroupe les activités de transformation et de distribution de produits alimentaires sous forme appertisée. Cette branche 'D2L' constitue le secteur d'activité économique duquel relève notamment la société A... E....

Les principaux acteurs intervenant sur ce secteur d'activité économique ont été confrontés ces dernières années à un durcissement des conditions de marché en raison de :

La baisse continue de la consommation de produits appertisés en Europe, en particulier en France, avec une chute ces dernières années de la consommation de légumes et plats cuisinés et l'effondrement littéral de la vente d'aliments pour animaux,

une forte pression sur les prix de vente provoquée par la domination croissante des marques de distributeur, combinée à une concentration de la distribution,

une intensité concurrentielle accentuée par l'entrée, ces dernières années, sur le marché français de nouveaux concurrents européens et non européens, en particulier sur les légumes appertisés,

la hausse du prix des matières premières (produits agricoles, emballages...) et du prix de l'énergie.

La branche 'D2L' du groupe CECAB n'échappe pas à l'évolution de ces conditions de marché malgré ses tentatives pour s'adapter à ces évolutions par la mise en oeuvre de mesures destinées à enrayer la dégradation de sa compétitivité, mesures qui se sont toutefois révélées insuffisantes pour stopper la dégradation :

Les volumes annuels commercialisés par la branche D'AUCY LONG LIFE en légumes appertisés ont diminué depuis plusieurs années : ils sont passés de 476 000 tonnes en 2006 à 453 000 tonnes en 2013 (étant précisé qu'en 2011, seule une baisse des prix de vente consentis à la distribution a permis à la branche de voir ses volumes remonter, au détriment toutefois de son résultat d'exploitation qui s'est fortement dégradé dans un contexte de hausse du coût de revient des produits).

La branche 'D2L' doit faire face à une surcapacité de production chronique et plus globalement constater une inadaptation de son outil industriel et logistique à cette évolution du marché, étant précisé que cette situation se traduit par des charges de structure élevées qui pèsent sur le coût de revient, ce qui, dans un contexte de forte pression sur les prix, contribue à dégrader le résultat de la branche.

L'activité aliments pour animaux s'inscrit durablement dans une réduction des volumes commercialisés, en phase avec la baisse du marché avec un niveau de prix de vente fortement dégradé, étant précisé que depuis 2007, cette activité génère un résultat d'exploitation déficitaire.

Dans un tel contexte, la branche 'D2L' est confrontée à une dégradation de sa situation économique malgré les mesures mises en oeuvre depuis plusieurs années destinées notamment à développer son offre de produits et à réduire ses coûts de fonctionnement.

Ainsi, la branche d'activité 'D2L' fait face à :

Une dégradation de son résultat sous l'effet conjugué de l'érosion de ses volumes commercialisés (légumes et aliments pour animaux principalement), de la hausse continue de son coût de revient et de son impossibilité à répercuter intégralement cette hausse auprès de ses clients.

Toutes activités confondues, les volumes de ventes ont diminué au [...], passant de 591 000 tonnes à 550 000 tonnes (soit - 41 000 tonnes), ceci tant pour les légumes appertisés, les plats cuisinés appertisés que les aliments pour animaux.

Une hausse continue des coûts de revient face à l'augmentation des prix des matières premières d'origine agricole et ingrédients, des emballages et de l'énergie. Ainsi, le coût variable 'étiqueté départ usine' à la tonne 1/2 brut de légumes a progressé de 20% entre 2007 et 2013 et le coût de revient a quant à lui sur la même période augmenté de 20% également. La hausse du coût de revient en plats cuisinés a été quant à elle de 16% et de 25% pour les aliments d'animaux.

Une dégradation des marges qui impacte le résultat d'exploitation de la branche 'D2L', ceci sur l'ensemble de l'activité. Ainsi, ce résultat est passé de 45 millions d'euros en 2009 à 28 millions d'euros en 2013 (hors Russie et CEI dont les activités industrielles et commerciales ont été cédées en 2012 afin de concentrer les efforts et ressources sur son marché historique de l'Europe des 27).

Ainsi, le secteur d'activité économique 'D2L' dont fait partie la société A... E... ne présente plus les ressources suffisantes à la poursuite normale de son activité.

Dans ces conditions, afin de rester un intervenant majeur à l'échelle européenne sur le secteur des légumes et des plats cuisinés appertisés, le secteur d'activité économique 'D2L' dont fait partie la société A... E... se doit donc de sauvegarder sa compétitivité, qui se trouve gravement menacée compte tenu de l'activité de ses concurrents et ainsi stopper l'érosion de ses parts de marché constatée ces dernières années.

Il a donc été présenté aux représentants du personnel de la société A... E... une nouvelle organisation de cette branche d'activité qui s'appuie sur :

une réduction de ses surcapacités industrielles et l'optimisation de ses rythmes de fonctionnements industriels afin d'améliorer ses coûts de revient,

une optimisation de sa logistique,

un désengagement de son activité industrielle et commerciale en aliments pour animaux, activité déficitaire et non stratégique pour la branche.

Cette organisation doit permettre à la branche de sauvegarder sa compétitivité tout en se concentrant sur les deux métiers sur lesquels elle est reconnue, à savoir les légumes et les plats appertisés, et de dégager les ressources nécessaires à la poursuite de son développement par la réduction de ses frais de structure, l'amélioration de ses coûts variables et l'optimisation de ses frais de logistiques.

Le Comité d'Entreprise de la société A... E... a été informé et consulté sur le projet présenté pour la branche 'D2L' qui s'appuie sur la refonte de l'outil industriel et logistique de la branche avec :

L'adaptation des capacités de production aux volumes actuels et futurs, en massifiant la production sur un nombre de sites plus restreints mais ouverts plus longtemps, permettant d'atteindre sur ces sites industriels la taille critique communément reconnue par la profession, afin de restaurer la compétitivité de la branche sur ces marchés.

L'optimisation de la fonction logistique et du conditionnement pour répondre à l'évolution des exigences des clients, sans dégrader les coûts de fonctionnement. L'objectif est de limiter ainsi les transferts inter sites et de se rapprocher des clients pour répondre plus facilement à l'évolution des demandes logistiques. Car en effet, ces dernières années il a été constaté l'augmentation du nombre de variantes logistiques, chaque distributeur voulant personnaliser ses produits avec une augmentation des demandes en différents types de conditionnement fardeaux et des demandes en lots orientés. De même, il a été enregistré une augmentation de la fréquence des livraisons et des délais de livraison de plus en plus courts avec pour conséquence une taille par livraison qui devient de plus en plus faible.

L'arrêt de toute activité d'aliments pour animaux au sein de la branche avec en parallèle des transferts de production entre les sites industriels, la fermeture à terme du site de fabrication et de conditionnement de A... E..., l'arrêt de toute production sur le site de la société Conserveries du Blaisois et la transformation en plate-forme logistique, l'arrêt du magasin de Maingourd, la fermeture du site de Val d'Aucy, ainsi que la réorganisation du service qualité centrale de la Compagnie Générale de Conserves.

Cette prise de position concernant la société A... E... s'explique par plusieurs raisons : localisation trop éloignée des flux logistiques réguliers, site de la rue Renan non adapté à une activité industrielle rationnelle et source de nuisances sonores, rupture de charges entre les différentes installations, atelier déporté près de Concarneau ne répondant pas aux normes sanitaires, problèmes liés à l'évacuation des eaux usées...

Cette nouvelle organisation conduit donc au niveau de la branche à la cessation à terme de l'unité de conditionnement et du site de fabrication de légumes de la société A... E....

Les fabrications de légumes seront réallouées sur les sites de la Conserverie Morbihannaise et de l'Union Fermière Morbihannaise principalement. Les volumes de conditionnement seront réalloués principalement sur le site de Contres et les lignes de conditionnement seront repositionnées sur les autres sites de la branche.

En ce qui concerne donc la société A... E..., au terme de la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel, il a été notamment décidé de l'arrêt des activités de fabrication et de conditionnement en 2014. La cessation de ces activités emportera la suppression de la totalité des postes au terme du processus à l'exception de 8 postes qui seront maintenus :

* 2 postes pour les opérations administratives (un poste de responsable administratif et financier et un poste d'employé à la facturation)

* 6 postes pour les opérations de stockage et de transport de boîtes blanches pour la branche D2L : 2 postes de chauffeurs poids lourd (à Rosporden), 3 postes de caristes magasiniers (2 à Rosporden, 1 à Carhaix) et 1 poste de cariste (à Carhaix).

Vous occupez actuellement un emploi de ÉLECTROMÉCANICIEN. Dans le cadre de cette réorganisation, il a été décidé de supprimer l'ensemble des postes relevant de la catégorie professionnelle à laquelle appartient votre emploi. Votre emploi est donc supprimé.

Toutefois, conformément à l'article L. 1233-4 du Code du travail, nous avons recherché à vous reclasser au sein du groupe et avons identifié différents postes disponibles correspondant à votre emploi actuellement occupé dans l'entreprise ou à un emploi équivalent.

L'ensemble de ces postes vous a été proposé par courrier en date du 25 novembre 2013.

D'autres postes d'une catégorie et rémunération inférieures vous ont été aussi proposés à cette même occasion.

Vous disposiez d'un délai de réflexion d'une durée de 21 jours pour vous prononcer sur ces propositions de reclassement et vous n'avez pas donné suite à ces propositions.

Ensuite, nous vous avons adressé un nouveau courrier en date du 3 mars 2014 comportant des propositions de postes de reclassement que vous auriez pu occuper. Vous disposiez d'un délai de réflexion de 21 jours pour vous prononcer sur ces propositions de reclassement.

Vous n'avez pas donné suite aux offres transmises.

Dans ces conditions, au regard des éléments développées ci-dessus, nous sommes dès lors contraints de poursuivre à votre égard la procédure et de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique.

Votre contrat de travail ne cessera toutefois qu'à l'expiration d'un délai de préavis de 2 mois dont vous êtes dispensé d'exécution, lequel prendra effet le jour de la première présentation de cette lettre sous réserve des dispositions applicables au congé de reclassement qui vous sont exposées ci-après.

A compter de cette notification, toute éventuelle contestation sur la régularité ou la validité de votre licenciement se prescrit pas douze mois. (...)'»

Sur le motif économique

Considérant que la société A... E... fait valoir qu'il est de jurisprudence constante que, lorsque la société est comprise dans le périmètre d'un groupe de sociétés, le motif économique doit être apprécié au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; que par secteur d'activité, il convient d'entendre un ensemble de sociétés appartenant au même groupe et qui exercent la même activité ; que seuls doivent être retenus les constats effectués sur le seul secteur d'activité de la branche D2L à l'exclusion des autres secteurs d'activité ; que les critiques opérées par l'expert comptable du comité d'entreprise ne sont pas conformes à la position de la Cour de cassation sur le périmètre d'appréciation du motif économique.

Qu'elle ajoute que la réorganisation pour sauvegarde de compétitivité implique l'existence de constats alarmants qui, à défaut de réorganisation, conduirait à l'existence de difficultés économiques avérées ; que sur la période de 2001 à 2011,les ventes en France ont chuté de 100 000 tonnes, soit pratiquement l'équivalent de deux usines de production ; que la baisse constante de la consommation, la position tarifaire des clients et la position agressive de la concurrence ont entraîné un affaiblissement de la branche D2L sur son marché en France et dans l'Union européenne ; que la branche D2L est confrontée à une dégradation de la situation économique malgré les mesures mises en oeuvre depuis plusieurs années destinées notamment à développer son offre de produits et à réduire ses coûts de fonctionnement; que l'existence d'un motif économique réel et sérieux a été validée par l'inspection du travail et les juridictions administratives au regard de plusieurs salariés protégés notamment du site de Rosporden.

Que M. X... rétorque pour l'essentiel que la lettre de licenciement vise uniquement un besoin de sauvegarder la compétitivité ; que ce besoin est inexistant en l'espèce, le document d'information mentionnant un résultat d'exploitation positif à plus de 18 millions d'euros ; que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il était 'établi, au jour du licenciement, l'existence de signes précis et concrets de menaces sur la compétitivité du secteur d'activité D2L auquel appartient la société A... E... permettant de justifier la réorganisation de l'entreprise et s'agissant du motif économique le licenciement de M. Henri X...' ; que si le marché de la conserve de légumes peut être considéré comme mature avec une croissance moindre, il n'en demeure pas moins rentable, ce qui traduit l'absence de menace pesant sur le secteur d'activité du groupe ; que l'existence d'un motif économique susceptible de provoquer des licenciements doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe, y compris les activités réalisées à l'international ; que les différents rapports d'expertises commandés par les institutions représentatives du personnel confirment la pleine santé du secteur d'activité et du marché sur lequel l'entreprise était un acteur majeur.

**

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L 1233-3 du code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression d'emploi consécutive à la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou, si elle appartient à un groupe, de celle du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise.

Que la réorganisation pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, ou de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, rendue nécessaire par des difficultés économiques prévisibles à l'effet d'adapter ses structures à l'évolution de son marché dans les meilleures conditions, constitue ainsi une cause du licenciement économique. Que le juge ne peut se substituer à l'employeur quant au choix que celui-ci effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation de l'entreprise.

Que c'est par une motivation précise et exacte adoptée par la cour que les premiers juges ont retenu que le licenciement de M. X... était fondé sur un motif économique réel et sérieux. Qu'il sera simplement ajouté que le rapport d'examen du PSE réalisé en février 2013 par la société Progexa (pièces n° 24 et 25 du salarié) et le rapport d'alerte établi par celle-ci (pièce n°26 du salarié) ne permettent nullement de remettre en cause la diminution sur 10 ans du volume des ventes et du résultat d'exploitation de la branche D2L malgré un rebond en 2012, étant précisé que les résultats de la branche D2L n'avaient pas en la matière à être comparés à ceux des autres branches du groupe comme souhaitait pourtant le faire la société Progexa; que par ailleurs aucun élément ne permet de retenir que la société ou le groupe ont diminué les investissements dans la branche D2L à l'effet d'en amoindrir artificiellement la compétitivité.

Que dans ces conditions, en présence d'une menace avérée pesant sur la compétitivité de la branche d'activité du groupe, la société pouvait, comme elle l'a fait, procéder à une réorganisation pour sauvegarder cette compétitivité et supprimer le poste de M. X... en conséquence de la fermeture de son usine de Rosporden.

Sur l'obligation de reclassement

Considérant que la société A... E... réplique à M. X... qui conteste le périmètre de recherche de reclassement que ce dernier doit apporter des éléments de preuve à l'appui de sa contestation ; que les recherches de reclassement ont été effectuées, conformément à la jurisprudence, au sein de l'ensemble des sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même si ces sociétés sont localisées à l'étranger ; que la société A... E... a procédé à une recherche exhaustive, individualisée et loyale des postes de reclassement devant être proposés aux salariés en fonction de leurs profil et compétences ; qu'une analyse des postes disponibles au sein du groupe a été réalisée en tenant compte des compétences de M. X... ou des capacités de celui-ci à assumer des postes via une période d'adaptation ou une formation ; que de nombreuses mesures d'accompagnement étaient prévues dans le PSE pour favoriser les reclassements internes; que 7 postes d'électromécanicien ont été proposés à M. X... ; que ce dernier a fait le choix de refuser toutes les solutions qui lui étaient proposées.

Que M. X... expose que fort justement le conseil des prud'hommes a relevé que la société n'apportait ni la preuve du périmètre au sein duquel elle aurait effectué des recherches de reclassement, ni la preuve de recherches exhaustives ; que la société a réduit ses recherches de reclassement aux sociétés entrant dans le périmètre des comptes consolidés ; que, de jurisprudence constante, le groupe au sein duquel les recherches de reclassement doivent être effectuées est plus large que celui d'appréciation du motif économique puisqu'il 's'entend de l'ensemble formé par les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel' ; que le registre unique du personnel des sociétés du groupe produit par la société ne concerne que 31 sociétés ; que, selon un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 18 novembre 2015, le groupe était constitué 'd'environ 85 sociétés'; qu'une recherche personnalisée et individualisée de reclassement dans toutes les sociétés du groupe n'a pas été réalisée en l'espèce ; que les nouveaux éléments produits en cause d'appel par la société A... E... ne permettent pas de remettre en cause l'analyse du conseil des prud'hommes de Quimper.

**

Considérant que l'article L1233-4 du code du travail applicable dispose que «Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.»

Qu' il résulte de l'article L 1233-4 du code du travail que l'employeur est tenu en cas de licenciement économique envisagé d'une obligation de recherche complète et loyale de poste de reclassement dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, sur un emploi relevant de la même catégorie ou équivalent, et même sur un emploi d'une catégorie inférieure sous réserve de l'accord exprès du salarié, les offres de reclassement proposées au salarié devant être écrites, individualisées précises dans leur contenu.

Que le groupe de reclassement au sens de l'article L 1233-4 regroupe donc des entités, qu'elles appartiennent ou non à un même groupe capitalistique ou sociétaire, dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Qu'en l'espèce, le salarié reproche à l'employeur:

-l'absence de définition du périmètre exact des recherches de reclassement qui auraient été effectuées et la production uniquement de ce que la société estime être le résultat de ces recherches, et non du contenu précis de celles-ci.

-l'absence de personnalisation et d'individualisation des offres.

Qu'en premier lieu, la preuve de la consistance du périmètre du groupe de reclassement n'incombe spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction à partir des éléments apportés par les deux parties.

Que le groupe CECAB auquel appartient la société A... E... comprend 5 branches d'activités: la branche produits appertisés (D2L), la branche activités agricoles, la branche 'ufs, la branche porc et la branche produits surgelés.

Que la détermination du périmètre du groupe de reclassement nécessite en l'espèce d'établir, à tout le moins parmi toutes les entreprises relevant des sociétés contrôlées par leCECAB, celles dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Que la société indique en la matière:

-que les recherches n'ont pas été circonscrites au périmètre du Groupe consolidé, mais ont été menées au sein des sociétés suivantes constituant ensemble le périmètre de recherches de reclassement: A... E..., RAVALEC, ALIOUEST, CECAB, COOP DE BROONS, SICA COOP DE BROONS, D... H..., VOLAILLES DE L'ODET, SA PINAULT, AGRO BIO EUROPE, C... B..., GAD, AUBRET, CEDRO, CLAVIERE, CGC, PENY, UFM, VAL D'AUCY )désormais dénommée CMP(, DEPENNE, CONSERVERIE DE BERGERAC, MAINGOURD, CONSERVERIES DU BLAISOIS (désormais dénommée D3L Contres), CONSERVERIE MORBIHANNAISE, PEP, DOMAINE DES GENETS, COBRAL, FERME DE KERVENACH, GIE CECAB ) désormais dénommé GIE Groupe d'Aucy ( incluant les sociétés à l'étranger), GIE INFORMATIQUE, CG COQ ILE DE FRANCE, ELEVAGE SAINT CHERON, TREMOREL CONDITIONNEMENT, FERMIERS DE BRETAGNE, ABCD BRUGNENS, ensemble organisé de telle sorte que la gestion des ressources humaines est centralisée au niveau du groupe avec des relais dans chaque entreprise, lesdits relais étant directement le Directeur d'usine ou les Responsables ressources humaines qui pouvaient avoir en charge une ou plusieurs entreprises; que «l'ensemble des sociétés concernées était donc couvert par cette organisation RH centralisée caractérisant la permutabilité de principe qui constitue la condition essentielle à la détermination de la notion de groupe en matière de reclassement.»; que la centralisation de la fonction RH permettait en outre de garantir la formulation d'offres fermes de reclassement, qui est la conséquence de la notion de groupe en matière de reclassement;

-fournir à cet égard, notamment un organigramme du groupe, le courrier d'interrogation de toutes les [...] et à l'étranger ainsi qu'un organigramme opérationnel RH mentionnant les personnes en charge de transmettre les postes de reclassement pour chaque société concernée. (Pièces 33 à 33 ter et 55 à 60); que le périmètre de recherche de reclassement est dûment justifié par la cohérence des éléments produits comme l'a reconnu notamment la Cour administrative d'appel dans ses arrêts du 4 juin 2018 en reconnaissant que le périmètre retenu répondait aux critères d'organisation, d'activité ou de lieu d'exploitation permettant en raison des liens qui existent entre les société y étant incluses d'y effectuer la permutation de tout ou partie de leur personnel (Pièce n°77).

Que le périmètre de reclassement du groupe inclut donc selon la société A... E... uniquement 35 sociétés auprès desquelles l'appelante indique avoir procédé aux recherches de reclassement concernant le salarié.

Que cependant, M. X... fait valoir à juste titre que:

-à l'occasion d'autres instances, le groupe CECAB se présentait comme étant composé d'un nombre bien plus important de sociétés, le conseil de prud'hommes de Morlaix ayant retenu comme fait constant par jugement de départage du 29 juin 2016 (RG 14/00057) que le groupe «représente 87 sociétés pour 7 000 salariés et 2 mds de Chiffre d'affaires en 2012»(pièce n°68 de la société), et la cour d'appel de Rennes ayant retenu dans un arrêt du 18 novembre 2015 (RG 14 05814) que le groupe CECAB «contrôle environ 85 sociétés et emploie globalement 7 000 salariés pour un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 2 milliards d'euros.», éléments à mettre en relation avec le fait que le document d'information et projet de PSE du 22 mai 2013 (pièce n°5 du salarié) précise qu'«en 2011, le groupe CECAB a réalisé un chiffre d'affaires de 2 Mds € pour un effectif de 6 800 personnes dans le monde, dont 6 300 en France»

-le site internet du groupe CECAB vise la société «MATINES SA» comme y étant intégrée (pièce n°21 du salarié); que la société A... E... fait valoir sur ce point à ses écritures que si la société MATINES «apparaît sur l'organigramme des comptes consolidés, elle n'est pas incluse dans le périmètre de recherche de reclassement car son organisation RH indépendante ne permettait ni la permutabilité du personnel ni la proposition d'offres fermes et en outre ne répond pas aux critères permettant son intégration au Comité de Groupe».

Qu'au-delà de ses affirmations, la société A... E... n'explique nullement en quoi seules les entreprises relevant uniquement des 35 sociétés qu'elle vise au sein du groupe CECAB (qui en comprenait au moins deux fois plus à l'époque du licenciement du salarié) comportaient des activités, organisation ou lieu d'exploitation leur permettant d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Qu'elle n'explique pas, ni ne justifie (par ses pièces 33 à 33 ter et 55 à 60et notamment les organigrammes du groupe et organigramme opérationnel RH) en quoi la mise en place au niveau du groupe CECAB d'une« organisation RH centralisée»,décidée par le groupe lui-même, uniquement 35 des sociétés du groupe caractériserait«la permutabilité de principe» elle se prévaut, alors qu'il existe des entreprises relevant d' autres sociétés du groupe CECAB. Que le simple mode de gestion administrative du personnel au sein du Groupe est insuffisant à caractériser la consistance du périmètre du groupe de reclassement au sens de l'article L1233-4 du code du travail.

Que notamment la société MATINES relève du Groupe CECAB, et le simple fait qu'elle puisse avoir une «organisation RH indépendante» permet pas en lui même d'exclure que la société MATINES, ait des activités, une organisation ou un lieu d'exploitation permettant d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, avec celui du site de Rosporden. Que le fait que la société MATINES n'apparaisse pas dans la liste des 27 sociétés«composant le périmètre du comité de groupe d'Aucy au 20 octobre 2016»établie par «accord de constitution du comité de groupe d'Aucy: détermination du périmètre»entre les organisations syndicales et les sociétés CECAB et Coopérative Agricole de Broons (pièce n°79 de la société) importe peu en la matière dès lors que le périmètre concerné, d'ailleurs établi en 2016, concerne celui du comité de groupe au sens des articles L 2331-1 et suivants du code du travail, distinct du périmètre du groupe de reclassement.

Que dans ces conditions, il résulte des éléments de fait et de preuve soumis à l' examen de la cour tant par l'employeur que par le salarié, que le périmètre du groupe de reclassement n'était pas limité aux seules 35 sociétés du groupe CECAB retenues par la société dans le cadre de ses recherches de reclassement du salarié dont le licenciement était envisagé.

Qu'ainsi, l'employeur n'a pas interrogé toutes les sociétés du groupe en vue du reclassement du salarié dont le licenciement était envisagé, peu important que la société ait pû se référer ou utiliser les critères de détermination du groupe de reclassement dont elle se prévaut dans le cadre des articles L1233-31 et L 1233-61 du code du travail.

Qu'en second lieu, il appartient à la société employeur, dans le cadre de son obligation de reclassement, que ce dernier intervienne ou non avec mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (intégrant l'établissement d'un plan de reclassement), notifier au salarié des offres de reclassement écrites, individualisées et personnalisées, comportant au moins la mention du salaire précis, de la localisation et de la définition précise du poste, des compétences qu'il requiert et de la formation devant être envisagée.

la A... E... fait valoir que:

-la recherche de postes de reclassement a été initiée par l'organisation RH centralisée, chaque société du Groupe interrogée devant transmettre les postes disponibles qui venaient alimenter une Bourse d'emploi du Groupe afin de recenser la liste de postes de reclassements la plus large possible, bourse pour l'emploi jointe au PSE et mise à jour régulièrement;

-la recherche de reclassement loyale, précise et individualisée du salarié, dont la méthodologie n'est pas imposée par les textes ou la jurisprudence, a été effectuée méticuleusement selon des étapes successives, comprenant notamment l'envoi d'un courrier circulaire aux entités du groupe pour identifier les emplois disponibles, l'envoi aux salariés d'un questionnaire de recueil de parcours professionnel sans nécessité de réponse obligatoire, l'analyse et la prise en compte des éléments d'informations spécifiques à chaque salarié; que chaque salarié s'est ainsi vu proposer entre 68 et 154 postes sur les 686 identifiés, M. X... s'en étant vu proposer 153 après analyse précise et personnalisée.

Qu'en l'espèce, la société a envoyé à M. X... un courrier de proposition de reclassement du 25 novembre 2013 (pièce n°25 de la société), puis un second courrier de proposition de reclassement du 03 mars 2014 (pièce n°25 bis de la société), comportant une liste d'emplois de reclassement proposés sous forme de tableaux.

Qu'il apparait concernant la nature des postes proposés, au regard du profil de M.X..., que la mention relative à la formation précise à mettre en oeuvre pour permettre le reclassement effectif fait défaut; qu'en effet sur toutes les propositions de postes de reclassement figure invariablement à la colonne «conditions particulières dont formation d'adaptation au poste si nécessaire»la mention type " actions de formation et d'accompagnement au nouveau poste de travail"; que cette liste ne mentionne pas les qualifications requises, ni les diplômes exigés, ne permettant pas au salarié de connaître le degré de formation nécessaire au regard de postes proposés dont certains sont éloignés de ses compétences; qu'ainsi, M. X..., qui était électromécanicien, s'est vu proposer, sur chacune des listes jointes aux courriers des 25 novembre 2013 et 03 mars 2014 des emplois de chauffeur poids lourds alors qu'il n'est pas titulaire du permis PL, ce qui impliquait une formation lourde que l'employeur aurait effectivement dû en l'espèce expressément proposer dans son principe et ses modalités précises à M. X... pour que celui-ci puisse apprécier utilement la suite à y donner. Qu'il importe peu en la matière que le chapitre 2 du PSE relatif aux mesures d'accompagnement, mentionné aux courriers des 25 novembre 2013 et 03 mars 2014, comporte un chapitre «prise en charge de la formation d'adaptation au poste»qui précise d'ailleurs simplement que les actions de formation nécessaires «seront identifiées par le salarié ou l'entreprise d'accueil et validées par l'entreprise d'accueil»(pièce n°25-1 de la société).

Que dans ces conditions, société ne démontre pas avoir exécuté de manière exhaustive et loyale son obligation de reclassement.

Que le licenciement de M. X... est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement non causé

Considérant que le préjudice subi en conséquence du licenciement non causé, au salarié, né [...], travaillant dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés, dont le salaire brut moyen était de 2 385,79 €, qui avait 36 ans et demi d'ancienneté lors du licenciement, et qui s'est vu attribuer jusqu'à sa retraite (avec exclusion de pouvoir la cumuler avec les revenus d'une activité professionnelle) l'allocation de cessation anticipée des victimes de l'amiante (représentant 65% du salaire brut) sera intégralement réparé, par voie de confirmation du jugement déféré, par l'octroi d'une somme de 50 000 €.

Sur les autres demandes

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail, à la remise par la société des documents de rupture rectifiés et au rejet de la demande de dommages et intérêts du salarié au titre du préjudice d'anxiété (rejet non contesté à hauteur d'appel par M. X...) ;

Que la société succombant, comme telle tenue aux dépens, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à verser à M.X... une somme 2 000 € au titre de sa participation aux frais irrépétible.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré

Y ADDITANT.

Déboute la société A... E... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société A... E... à verser à M. X... la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société A... E... aux dépens d'appel.

LE GREFFIERMme Laurence LE QUELLEC

POUR LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/03888
Date de la décision : 19/09/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 9P, arrêt n°16/03888 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-19;16.03888 ?
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