6ème Chambre A
ARRÊT N° 371
N° RG 17/01553
Mme Z... A... épouse X...
C/
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TGI DE NANTES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Béatrice Y...
parquet général
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 JUILLET 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Madame Catherine LE FRANCOIS, Président,
Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,
Assesseur : Madame Annie BATTINI-HAON, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC
Monsieur TOURET-de COUCY, substitut général auquel l'affaire a été régulièrement communiquée qui a pris des réquisitions écrites et présent lors des débats.
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Mai 2018
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juillet 2018, après prorogation de la date du délibéré, et par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame Z..., Olga, Marie-Jeanne X... née A...
née le [...] à F... E... (Cote d'Ivoire)
demeurant [...] - 04 COTE D IVOIRE
Représentée par Me Béatrice Y..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/003582 du 31/03/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ :
LE MINISTÈRE PUBLIC en la personne du PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TGI DE NANTES représenté par le PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE RENNES
Place du Parlement de Bretagne - CS 66423
[...]
représenté à l'audience par Monsieur TOURET-de COUCY, substitut général.
Par acte en date du 17juillet 2014, Mme Z... A... a fait assigner le procureur
de la République près le tribunal de grande instance de Nantes devant cette juridiction aux fins d'obtenir la transcription de son acte de naissance sur les registres de l'état civil français ainsi que de son acte de mariage en date du 17 décembre 2009 à la mairie de Songon avec M.Aurélien, Steves X... .
Par jugement en date du 2 février 2017 , le tribunal de grande instance de Nantes l'a déboutée de ses demandes de transcription et laissé les dépens à sa charge.
Par déclaration du 3 mars 2017, Mme A... a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 avril 2018 , elle en sollicite l'infirmation , demandant à la cour de donner mainlevée de l'opposition formée le 23 mai 2018 par le ministère public concernant l'enregistrement sur les registres d'état français ou consulaires de son acte de naissance se caractérisant par un jugement supplétif rendu le 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance du Plateau et de dire que cet acte de naissance doit être transcrit sur le registre d'état civil français, ainsi que l'acte de mariage également transmis concernant son union célébrée le 17 décembre 2009 à la mairie de Songon avec M. X... Aurélien Steves .
Le ministère public concluait à la confirmation du jugement dont appel aux termes de ses dernières écritures notifiées le 1er juin 2017.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
Mme A... soutient qu'elle n'a pas été déclarée à sa naissance car la loi ivoirienne n'autorisait une telle déclaration que par le père ou le grand-père. Or son père avait refusé de la reconnaître et son grand-père maternel était décédé. Elle fait valoir qu'elle n`a pas eu d'existence légale pendant toute sa minorité et que ce n'est que grâce à l'initiative de son oncle, M. A... G..., qui a accepté de la déclarer comme sa fille qu'un jugement supplétif a été rendu le 25 juillet 2005 qui a été transcrit et qui vaut acte de naissance. Elle expose que le jugement supplétif, en raison de son caractère déclaratif établit, même si le prononcé est postérieure à sa majorité, la filiation du demandeur depuis sa naissance et qu'en conséquence, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, c'est à tort que la transcription de ce jugement supplétif est refusée par le ministère public. Elle ajoute que sa mère, de son vivant, a toujours essayé par diverses démarches de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation et précise qu'elle a un demi-frère et une demi-soeur d'un autre père, M. B..., et une autre demie-soeur d'un autre père, M. C.... Selon elle, les quatre enfants ont la même mère, Mme Madeleine H... et ils n'ont que récemment entrepris des démarches en vue de se voir reconnaître la nationalité française. Elle précise qu'elle s'est rendue au tribunal de D... E... pour faire la demande de jugement supplétif et fournir les documents nécessaires , que le tribunal lui a demandé de venir avec ses parents lors du dépôt des dossiers , qu'elle y est allée avec son oncle maternel qui devait assumer la puissance paternelle et sa mère et qu'il y a eu une audience publique , à laquelle elle était présente et au cours de laquelle il a été posé des questions à son oncle et à sa mère.
Le ministère public rappelle que la loi numéro 64-374 du 7 octobre 1964 relative à l'état civil, publiée au journal officiel de la République de Côte d'Ivoire, disposait que les naissances devaient être déclarées dans les 15 jours de l'accouchement et que les déclarations pouvaient être effectuées par le père, la mère, un ascendant ou un proche parent ou toute personne ayant assisté à la naissance, voire même par la personne chez laquelle avait eu lieu l'événement. La loi du 8 novembre 1984 applicable aux enregistrements de naissances non déclarées dans les délais légaux a rendu obligatoire sur tout le territoire national, la déclaration de naissance, cette déclaration étant ouverte à toutes les personnes majeures. Selon le ministère public, Madame Z... A... ne justifie dès lors pas qu'il était impossible de déclarer sa naissance compte tenu des dispositions légale, il est inconcevable que le jugement supplétif de naissance la concernant ait été rendu sur saisine d'un oncle alors qu'elle était âgée de 28 ans, qu'elle ne produit aucun élément sur son identité avant l'âge de 28 ans et résidait en Côte d'Ivoire, qu'elle pouvait saisir elle-même le tribunal et qu'elle n'a pas été appelée à la cause. ll s' oppose en conséquence aux demandes de transcription.
L'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus , des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Pour justifier de sa naissance et de sa filiation avec Mme Madeleine H..., Mme Z... A... produit la copie d'un jugement supplétif d'acte de naissance en date du 25 juillet 2005 rendu sur requête en date du 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance du Plateau.
La loi n° 64-374 du 7 octobre 1964 relative à l'état civil en Côte d'Ivoire dispose en son article 41 que les naissances doivent être déclarées dans les quinze jours de l'accouchement et en son article 43 que les déclarations de naissance doivent émaner du père ou de la mère, de l'un des ascendants ou des plus proches parents, ou de toute personne ayant assisté à la naissance ou encore, lorsque la mère est accouchée hors de son domicile, de la personne chez qui elle est accouchée ce qui dont il résulte que, contrairement à ce que soutient l'appelante, même la mère de l'enfant pouvait déclarer celui-ci , la situation pouvant être régularisée jusqu'au 31 décembre 1987 selon la loi n° 84-1243 du 8 novembre 1984 prorogée jusqu'à cette date .
En application de l'article 19 de cette même loi, la filiation des enfants nés hors mariage résulte, à l'égard de la mère, du seul fait de la naissance. Toutefois, dans le cas où l'acte de naissance ne porte pas l'indication du nom de la mère, elle doit être établie par une reconnaissance ou un jugement. Or aucune reconnaissance n'est produite.
Le jugement supplétif d'acte de naissance a été établi , à la requête de M. A... G... , dont l'appelante dit qu'il est son oncle sans qu'il résulte de la procédure que Mme A..., âgée de 28 ans , ait été appelée à la cause pas plus que Mme H... dont il est indiqué qu'elle est sa mère . Les affirmations de Mme A... à ce titre dans ses écrits n'étant confirmées par aucune des mentions du jugement ni aucune pièce versée aux débats.
Ce jugement est contraire à l'ordre public international français de sorte qu'il ne peut recevoir application en France et que c'est dès lors à juste titre que le premier juge a retenu qu'il ne pouvait être fait droit aux demandes de transcription . Le jugement sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Mme Z... A... aux dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE