6ème Chambre A
ORDONNANCE No 224
R. G : 16/ 04584
Mme Nadia X...épouse Y...
C/
M. Boucif Y...
Ordonnance d'incident
Copie exécutoire délivrée le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ORDONNANCE MISE EN ETAT DU 25 OCTOBRE 2016
Le vingt cinq Octobre deux mille seize, par mise à disposition au Greffe,
Madame Catherine MICHELOD, Magistrat de la mise en état de la 6ème Chambre A, Assistée de Xavier LE COLLEN, faisant fonction de Greffier,
Statuant dans la procédure opposant :
DEMANDEUR A L'INCIDENT :
Madame Nadia X...épouse Y... ...56100 LORIENT Représentée par Me Justine AUBRY de la SCP GLON/ GOBBE/ BROUILLET/ AUBRY, avocat au barreau de RENNES
APPELANTE
à
DÉFENDEUR A L'INCIDENT :
Monsieur Boucif Y...... 56100 LORIENT Représenté par Me Laurence QUELVEN, avocat au barreau de LORIENT
INTIME
A rendu l'ordonnance suivante :
EXPOSE DU LITIGE
Boucif Y...et Nadia X...se sont mariés le 8 septembre 2011 à BENI-SAF (Algérie).
De leur union est issu un enfant :- Ayoub Y..., le 23 juillet 2015.
Sur requête du mari, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de LORIENT, suivant ordonnance de non-conciliation du 17 mai 2016, a entre autres mesures :- dit que l'autorité parentale sur l'enfant commun sera exercée conjointement par les deux parents-dit que l'enfant résidera à titre habituel chez le père-fixé à 100 € le montant mensuel de la contribution de la mère à l'entretien et l'éducation de l'enfant avec indexation d'usage-ordonné l'interdiction du territoire national de l'enfant sans l'accord des deux parents.
Par déclaration enregistrée au greffe le 14 juin 2016, Madame X...épouse Y...a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 8 août 2016, l'appelante a saisi le Conseiller de la mise en état aux fins de voir transférer la résidence habituelle de l'enfant commun à son domicile.
***** Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 23 septembre auxquelles il est renvoyé pour une exposé plus ample des moyens et prétentions, Madame X...épouse Y...sollicite précisément que le Conseiller de la mise en état-au visa de l'article 771 du code de procédure civile et 371-1 et suivants du code civil : A titre principal :- ordonne le transfert de la résidence habituelle d'Ayoub au domicile de sa mère,- fixe au profit du père un droit de visite et d'hébergement s'organisant comme suit :- chaque fin de semaine paire du vendredi soir 18 heures au dimanche soir 18 heures,- la moitié des vacances scolaires, première moitié les années paires et seconde moitié les années impaires à charge pour lui d'assumer les trajets afférents à son droit d'accueil-fixe à 200 € la contribution mensuelle que le père devra verser à la mère pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, au besoin l'y condamner, A titre subsidiaire,- fixe au profit de la mère un droit d'accueil s'exerçant comme suit :- chaque fin de semaine impaire du vendredi 18 heures au dimanche 18 heures-chaque mercredi de 10 heures à 18 heures,- la moitié des vacances scolaires : première moitié les années impaires et seconde moitié les années paires.- constate l'état d'impécuniosité de la mère et la dispense de toute contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant,
Au terme de ses conclusions en réponse notifiées par la voie électronique le 15 septembre 2016 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions,
Monsieur Y...demande pour sa part au Conseiller de la mise en état de :- déclarer irrecevable l'incident de Madame X...par application de l'article 771 du code de procédure civile-débouter madame X...de ses demandes-confirmer la fixation de la résidence habituelle de l'enfant au domicile de son père-fixer au profit de madame X...un simple droit de visite 1e samedi et le dimanche des semaines paires de 10 heures à 17heures- constater l'impécuniosité de madame X...et la dispenser de contribution alimentaire-statuer ce que de droit quant aux dépens et dispensé la partie non bénéficiaire de 1'aide juridictionnelle de rembourser les sommes avancées par le trésor public **** L'incident a été fixé pour plaider le 27 septembre 2016
SUR QUOI, LA COUR
-Sur la recevabilité de l'incident
Par application de l'article 771 4o du code de procédure civile auquel renvoie l'article 907 alinéa 1er du même code, le Conseiller de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour ordonner toutes autres mesures provisoires, mêmes conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient été ordonnées.
Dans le cas présent, il est acquis que les relations parents-enfant ont été organisées par le magistrat conciliateur sur la base des seuls éléments fournis par Monsieur Y...du fait de la carence de Madame X....
Or, il résulte des pièces versées aux débats que si cette dernière ne disposait pas à l'époque d'un logement autonome du fait d'un hébergement au Centre d'Hébergement et de Réinsertion sociale le Safran depuis le 17 février 2016, elle justifie désormais être locataire d'un appartement de type T4, précisément depuis le 22 juillet 2016.
De même, il est acquis que le juge des enfants de LORIENT, saisi en parallèle le 3 juin 2016 par Madame Y..., a ordonné, par sa décision du 15 juin 2016, une mesure d'investigation dont le rapport doit être déposé avant le 15 décembre prochain en considérant que, si l'intéressée devait être déboutée de sa demande de placement de l'enfant à son domicile en l'absence d'élément nouveau depuis la décision rendue par le juge conciliateur, il devait être tenu compte du danger dans lequel se trouvait nécessairement placé l'enfant du fait du fort conflit existant entre les parents, de ce que l'enfant avait pu successivement être privé de son père puis de sa mère ainsi que de la multiplication des procédures judiciaires.
L'évolution de la situation matérielle de Madame X...et, dans une moindre mesure, l'intervention jugée nécessaire par le juge des Enfants depuis l'ordonnance de non-conciliation du 17 mai 2016 frappée d'appel constituent autant d'éléments nouveaux qui rendent recevables les demandes incidentes formées par Madame X..., ainsi que l'admet d'ailleurs implicitement l'intimé, d'une part, en proposant l'instauration d'un droit de visite au profit de la mère et, d'autre part, en adhérant à la demande de suppression de la contribution maternelle au regard de la situation actuelle de l'appelante notamment sur le plan financier.
Sur le transfert de la résidence habituelle de l'enfant
En droit, lorsqu'il se prononce sur les modalités de l'autorité parentale, le juge doit notamment prendre en considération, selon les dispositions de l'article 373-2-11 du Code civil, la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, les sentiments exprimés par l'enfant mineur, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, le résultat des expertises éventuellement effectuées, les renseignements qui ont été recueillis dans le cadre de l'enquête sociale, les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre. Le juge règle les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant. Dans le cas présent, le juge aux affaires familiales de LORIENT a, dans l'ordonnance de non conciliation du 17 mai 2016, fixé la résidence d'Ayoub au domicile du père.
L'enfant vit donc avec son père depuis plusieurs mois. Il y a ainsi retrouvé, certes de façon brutale, le cadre de vie qui était le sien avant le départ du domicile familial de sa mère.
Or, aucun élément ne permet de remettre en cause la qualité de la prise en charge éducative au domicile de Monsieur Y....
D'une part, les diverses attestations produites aux débats établissent que l'enfant y évolue favorablement, est accueilli régulièrement par une assistance maternelle et est suivi sur le plan médical.
D'autre part, le Juge des Enfants saisi de la situation d'Ayoub n'a pas jugé opportun un transfert de résidence lié au constat d'une situation de danger de l'enfant chez son père mais a jugé nécessaire une mesure d'investigation en raison du conflit majeur existant entre les parents, mesure à laquelle chacun d'entre eux justifie apporter son concours depuis lors.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de créer une nouvelle rupture dans l'organisation de vie de l'enfant commun dont l'intérêt supérieur commande donc de maintenir la résidence habituelle au domicile paternel.
Sur le droit d'accueil du parent non hébergeant
En droit, chacun des père et mère doit maintenir des relations avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ; qu'il est de l'intérêt de l'enfant et du devoir de chacun des parents de favoriser ces relations ; que selon les dispositions de l'article 373-2-1 du Code civil, l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves.
En l'espèce, l'ordonnance de non-conciliation n'a accordé à la mère, absente lors des débats qui l'ont précédée, aucun droit de visite et d'hébergement sur son fils.
Cependant, aucun élément ne justifie que l'enfant soit privé de tous liens avec sa mère et ce, alors même qu'il n'est âgé que de treize mois et qu'il était encore allaité jour et nuit par celle-ci au 30 mai 2016, ainsi qu'en atteste la puéricultrice intervenant au CHRS le Safran, où il a vécu avec sa mère jusqu'à cette date.
Le principe et la nécessité de maintenir des relations étroites et régulières entre Madame Y...et son très jeune fils ne sont d'ailleurs pas véritablement remis en cause par le père qui s'est résolu à confier l'enfant à sa mère les 18 juin et 19 juin 2016 et les 1ers et le 2 juillet 2016 puis à son domicile le 27 août 2016 ainsi que les 10 et 11 septembre derniers.
Pour autant, la proposition présentée par Monsieur Y...dans le cadre du présent incident de voir limiter les droits de la mère à des visites à raison du samedi et du dimanche de 10 heures à 17heures tous les 15 jours (les semaines paires) dans l'attente du résultat de la mesure d'investigation diligentée sur demande du juge des enfants, apparaissent radicalement insuffisantes au regard du très jeune âge de l'enfant et de ses besoins, de la disponibilité totale et personnelle de Madame Y...au contraire du père qui doit recourir aux services d'une assistante maternelle, de l'investissement dont la mère a fait preuve à l'égard de son bébé avant l'exécution brutale et non préparée de l'ordonnance contestée il y a seulement quelques mois et objectivé par la note de situation de l'équipe du Safran au 2 juin 2016 ainsi qu'au regard de l'absence d'éléments de nature à concrétiser les interrogations du père sur l'équilibre psychologique de Madame Y...susceptibles de générer des difficultés pour le développement et l'équilibre de l'enfant commun qui a vécu en permanence avec sa mère jusqu'à fin mai 2016. Au contraire, l'ensemble de ces éléments justifie que le droit d'accueil de Madame Y...soit mis en place de manière élargie en raison du très jeune âge d'Ayoub et des liens privilégiés qui l'unissent à sa mère.
Par conséquent, il convient d'organiser au profit de Madame Y...un droit de visite et d'hébergement qui s'exercera, à défaut de meilleur accord entre les parents, selon les modalités suivantes :- chaque fin de semaine impaire du vendredi 18 heures au dimanche 18 heures-chaque mercredi de 10 heures à 18 heures,- la moitié des vacances scolaires : première moitié les années impaires et seconde moitié les années paires
Sur la contribution maternelle
En droit, l'article 371-2, du code civil dispose que chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant
Dans le cas présent, si Monsieur Y...ne fait état d'aucune évolution de ses revenus salariaux retenus dans l'ordonnance de non-conciliation à hauteur de 1. 300 € par mois, Madame X...justifie percevoir à ce jour de très faibles revenus constitués des seules prestations sociales, particulièrement le RSA servi à hauteur de 461. 72 € par mois et l'APL de 272 €, desquels il convient de déduire un loyer mensuel d'un montant justifié de 581 €.
Preuve est ainsi rapportée de ce que Madame X...se trouve actuellement dans l'impossibilité de contribuer à l'entretien et l'éducation de son fils. Conformément à l'accord des parties, elle en sera nécessairement dispensée et ce, jusqu'à retour à meilleure fortune.
- sur les dépens
Eu égard à la nature familiale et à l'issue du litige, les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.
PAR CES MOTIFS
Le Conseiller de la mise en état
Vu les articles 771, 907 et 1119 du code de procédure civile Vu l'ordonnance de non-conciliation du 17 mai 2016
Déclarons recevables l'incident formé par Madame X...
Au fond,
Déboutons Madame X...de sa demande de transfert de résidence habituelle de l'enfant, Ayoub Y..., à son domicile
Maintenons, en conséquence, la résidence de l'enfant chez le père
accordons à la mère un droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant commun qui s'exercera, à défaut de meilleur accord entre les parents, selon les modalités suivantes :- chaque fin de semaine impaire du vendredi 18 heures au dimanche 18 heures-chaque mercredi de 10 heures à 18 heures,- la moitié des vacances scolaires : première moitié les années impaires et seconde moitié les années paires
Dispensons Madame X...de toute contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant commun et ce, jusqu'à retour à meilleure fortune
déboutons les parties du surplus de leurs demandes
Disons que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.
Disons qu'une copie de la présente décision sera transmise au Juge des Enfants de LORIENT en charge du dossier d'assistance éducative ouvert au nom du mineur, Ayoub Y....
En foi de quoi, la présente décision a été signée par Nous et le Greffier.
LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT