6ème Chambre A
ARRÊT N° 712
R.G : 13/02470
Mme [R] [N] épouse [O]
C/
M. [Q] [O]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Agnès LESVIGNES, Président,
Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,
Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Madame Nathalie DANIEL, lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 10 Septembre 2014 devant Madame Agnès LESVIGNES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Novembre 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats et signé par G. SOCHACKI, Conseiller ayant participé au délibéré, pour le Président empêché.
****
APPELANTE :
Madame [R] [N] épouse [O]
née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Ayant pour avocats : Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant,
et Me Marie-Christine CARLIER-MULLER de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Plaidant,
INTIMÉ :
Monsieur [Q] [O]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Ayant pour avocats : Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET, Postulant,
et Me Catherine MORVANT-VILLATTE de la SELAFA VILLATTE ET ASSOCIES, Plaidant,
M. [Q] [O] et Mme [R] [N] se sont mariés le [Date mariage 1] 1974 à [Localité 4] , sous le régime de la séparation de biens.
Ils ont eu de ce mariage deux enfants:
- [F], née le [Date naissance 4] 1978,
- [M], né le [Date naissance 1] 1979.
Sur l'assignation en divorce délivrée à la demande de M. [O] , le juge aux affaires familiales de Nantes a, par jugement du 15 février 2013, notamment :
- déclaré 'irrecevable' la demande reconventionnelle en divorce formulée par Mme [N],
- déclaré recevable la demande en divorce de M. [O],
-prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal,
- ordonné les mentions de publicité nécessaires aux actes et registres de l'état civil,
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
- dit que dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens l'effet du jugement sera reporté au 18 septembre 2008, date de l'ordonnance de non conciliation,
- débouté Mme [N] de ses demande de prestation compensatoire et de dommages-intérêts,
- condamné M. [O] aux dépens et au paiement d'une somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
Mme [N] a interjeté appel de ce jugement selon déclaration reçue au greffe de la Cour le 4 avril 2013.
Par ordonnance du 27 mars 2014 le conseiller de la mise en état a donné injonction à M. [O] de produire, sous quinzaine, son avis d'imposition 2013 sur le revenu 2012 et rejeté la demande d'expertise de Mme [N].
Par ses dernières conclusions du 29 août 2014 cette dernière demande à la cour:
- de dire qu'elle a droit à une prestation compensatoire,
- avant dire droit sur le montant du capital qui lui sera dû, d'ordonner une expertise en vue de déterminer les revenus de toute nature perçus par M. [O] depuis 2008, de dresser un inventaire et d'évaluer tous les biens propres à chacune des parties, d'estimer la valeur de toutes les sociétés dans lesquelles les parties détiennent des parts et notamment les sociétés financières Arphie, clinique urologique [1], clinouest et la SCI Galuchat, de dire les fonctions qui ont été assumées par elle-même dans les différentes sociétés , les périodes durant lesquelles elles ont été assumées et la rémunération qu'elle aurait du percevoir,
- subsidiairement de fixer le capital dû par M. [O] au titre de la prestation compensatoire à 25.000 000 €, net de droits,
- de condamner M. [O] au paiement de la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
- de l'autoriser à utiliser le nom marital après le divorce,
- de condamner M. [O] aux entiers dépens et au paiement de 100.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures du 5 septembre 2014 M. [O] demande à la cour:
- de rejeter des débats les conclusions du 29 août 2014 de Mme [N],
- de déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes de prestation compensatoire et d'usage du nom marital,
- de déclarer irrecevable la pièce n° 154 de Mme [N],
- de confirmer le jugement du chef du divorce et du débouté des demandes de prestation compensatoire et de dommages-intérêts,
- de débouter Mme [N] de ses demandes d'expertise et d'usage du nom marital,
- de dire que dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens les effets du divorce seront reportés au 1er juillet 2001,
- d'attribuer à titre préférentiel à l'époux l'ancien domicile conjugal,
- de dire que sa valeur est de 500.000 €,
- de débouter Mme [N] de ses demandes,
- de condamner Mme [N] au paiement de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, moyens et prétentions des parties, il est référé aux dernières écritures de celles-ci.
La clôture de l'instruction a été prononcée le jour de l'audience.
SUR CE,
- sur la recevabilité des conclusions de Mme [N] du 29 août 2014:
M. [O] sollicite, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, que soit écartées des débats les écritures signifiées et déposées par Mme [N] le 29 août 2014.
Il convient de constater que M. [O] a conclu en réplique le 5 septembre 2014 démontrant par là-même que malgré la tardiveté des conclusions de l'appelante il a été en mesure d'y répondre et que le contradictoire a ainsi été respecté.
Les conclusions récapitulatives n°4 de Mme [N] seront, par conséquent, acquises aux débats.
- sur le divorce:
Dans les motifs de ses conclusions, Mme [N] s'en rapporte à justice du chef du divorce, ce qui s'analyse, en réalité, en une contestation du jugement sur ce point.
Force est toutefois de constater que dans le dispositif de ses écritures elle sollicite le prononcé du divorce avec toutes conséquences de droit.
En vertu des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions des parties telles qu'énoncées au dispositif des conclusions.
Le jugement sera confirmé du chef du divorce, cette disposition n'étant, donc, pas remise en cause devant la cour.
- sur la recevabilité des demandes de prestation compensatoire et d'usage du nom marital:
M. [O] conclut, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, à l'irrecevabilité des demandes formulées par son épouse devant la cour et tendant à l'obtention d'une prestation compensatoire et l'autorisation d'usage du nom marital.
Il sera rappelé que la demande de prestation compensatoire a été formulée devant le premier juge mais sans être chiffrée et l'épouse en a été, de ce fait, déboutée.
En tout état de cause, ces deux prétentions qui constituent les accessoires de la demande reconventionnelle en divorce formée par l'épouse devant le juge aux affaires familiales, doivent être déclarées recevables en application des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile.
- sur la recevabilité de la pièce n° 154 de Mme [N]:
L'époux soutient que l'appelante a obtenu par fraude l'offre de prêt destinée à la SCI Galuchat, dont leur fille est la gérante, et sollicite que cette pièce soit écartée des débats.
Aux termes des dispositions de l'article 259-1 du code civil, un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu'il aurait obtenu par fraude.
Le courrier étant adressé à une SCI dans laquelle Mme [N] n'est pas associée, c'est par fraude que cette dernière a ouvert ce pli qui ne lui était pas destiné.
La pièce litigieuse, sera, dès lors, écartée des débats.
- sur la demande d'attribution préférentielle de l'ancien domicile conjugal:
En application de l'article 267 du code civil, le juge en prononçant le divorce statue sur les demandes d'attribution préférentielle.
En vertu des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions des parties telles qu'énoncées au dispositif des conclusions.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande d'attribution préférentielle
présentée par l'épouse dans les motifs de ses écritures mais non reprise dans le dispositif.
Il convient , en revanche, de faire droit à la demande de M. [O] qui n'est pas contestée dans les écritures de l'épouse et de lui attribuer préférentiellement l'immeuble situé [Adresse 2] , Mme [N] ne remettant pas en cause la capacité de son époux à lui régler la soulte due.
Le bien sera évalué à 500.000 € conformément aux écritures concordantes des parties sur ce point.
- sur les dommages-intérêts:
Mme [N] revendique l'allocation d'une indemnité de 100.000 € à titre de dommages-intérêts, sur le fondement principal de l'article 266 du code civil et subsidiaire de l'article 1382 du même code.
Mme [N] a présenté devant le juge aux affaires familiales une demande reconventionnelle en divorce pour faute en réplique à l'assignation en divorce pour altération définitive du lien conjugal de son mari. Le divorce ayant été prononcé en application de l'article 237 du code civil, sa demande sera, par conséquent, déclarée irrecevable en ce qu'elle est fondée sur l'article 266 du code civil.
Sur le fondement de l'article 1382 du code civil il appartient à Mme [N] qui revendique la réparation d'un préjudice, d'en prouver l'existence et d'établir un lien de causalité entre la faute établie de son époux et le dommage dont elle réclame l'indemnisation.
A l'appui de sa demande, elle invoque l'abandon du domicile conjugal par son mari, ses relations extra conjugales, son harcèlement, notamment, sur son lieu de travail et le non respect de ses obligations alimentaires.
Elle reprend ainsi les griefs avancés au soutien de sa demande en divorce aux torts de son conjoint mais qui n'ont pas été retenus par le premier juge qui l'a déboutée de sa prétention, étant rappelé qu'elle n'a pas remis en cause le jugement de ce chef.
La demande de dommages-intérêts de Mme [N] ne peut, par conséquent, qu'être rejetée, les fautes alléguées de M. [O] n'ayant pas été admises.
- sur l'usage du nom marital:
Selon l'article 264 du Code civil chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint à la suite du divorce, et ce n'est que s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants que l'un des époux peut se voir autoriser par le juge à conserver l'usage du nom de l'autre.
M. [O] s'oppose à la demande de Mme [N] tendant à être autorisée à utiliser le nom marital après le divorce qu'elle porte depuis quarante ans et qui est également le nom de ses enfants et petits-enfants.
En l'occurrence, Mme [N] qui n'exerce pas d'activité professionnelle ne justifie d'aucun intérêt particulier pour elle ou pour ses enfants majeurs à ce qu'elle conserve le nom de son époux, la durée du mariage n'étant pas, en elle-même, un critère suffisant à faire droit à sa prétention.
Mme [N] en sera, par conséquent, déboutée.
- sur le report des effets du divorce:
Aux termes des dispositions de l'article 262-1 du code civil, lorsque le divorce est prononcé, notamment pour altération définitive du lien conjugal, le jugement prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l'ordonnance de non conciliation. A la demande d'un époux le juge peut, néanmoins, fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer.
En l'espèce, le juge aux affaires familiales a fixé les effets du divorce entre les époux à la date de l'ordonnance de non conciliation du 18 septembre 2008.
En cause d'appel, M. [O] sollicite le report des effets du divorce au 1er juillet 2001, les époux étant séparés depuis le mois de juin précédent et une première requête en divorce ayant été déposée par ses soins le 11 juillet 2001.
Mme [N] s'oppose à cette demande en faisant valoir que les époux ont repris la vie commune postérieurement à cette date.
Dans des conclusions prises dans le cadre d'un incident ayant donné lieu à une ordonnance du 31 août 2007, M. [O] indique que son épouse 's'est invitée' dans son appartement de la fin 2003 au mois d'août 2004.
En outre, dans un courrier adressé par M. [O] aux services fiscaux le 4 février 2005, l'intéressé indique qu' il convient d'écrire à Mme [N] au [Adresse 1] (adresse de l'intimé), qui reste la plus constante et la plus fiable en l'état de leur organisation familiale à ce jour encore.'
Il résulte encore d'un jugement du juge de l'exécution du 24 octobre 2005 qu'un compte courant commun, exclusivement alimenté par le mari, a été maintenu au nom des époux sur lequel Mme [N] disposait d'une liberté d'accès pour les besoins ménagers allant au delà de l'obligation alimentaire.
Il résulte de ces éléments et de différentes factures adressées aux deux époux ensemble que ceux-ci ont cohabité et collaboré postérieurement au départ du mari du domicile conjugal en juillet 2001.
La demande de M. [O] ne sera, dès lors, pas accueillie et le jugement sera confirmé.
- sur la prestation compensatoire:
Avant dire droit sur la prestation compensatoire l'appelante sollicite une expertise aux fins de déterminer les revenus de l'époux, de dresser un inventaire du patrimoine des époux, de dire les fonctions assumées par elle dans les sociétés de M. [O] et les salaires qu'elle aurait dû percevoir.
Il sera rappelé que M. [O] est actionnaire majoritaire (99%) de la SA Financière Arphie, société holding, propriétaire de la SA Clinique urologique de [1] elle-même propriétaire de 55 lits chirurgicaux et d'équipements. Il détient, en outre, la SA Clinouest, propriétaire du terrain et des murs de la clinique.
Alors que l'instance est introduite depuis cinq ans, Mme [N] a attendu de conclure devant la cour pour solliciter pour la première fois une expertise, étant rappelé que les parties avaient renoncé à l'expertise ordonnée en 2007 lors de la précédente procédure de divorce.
Par ailleurs, M. [O] a satisfait aux sommations et injonctions de communiquer ses pièces financières, étant par ailleurs précisé que Mme [N] est associée des sociétés ci-dessus visées et qu'elle est donc à même d'en connaître les résultats.
Mme [N] sera, par conséquent, déboutée de sa demande d'expertise, la cour disposant des pièces nécessaires pour statuer sur la demande de prestation compensatoire tant sur son principe que sur son montant.
Après avoir sollicité, dans des conclusions déclarées irrecevables devant le juge aux affaires familiales, un capital de 3.600.000 €, elle a revendiqué en cause d'appel un montant de 20.000.000 € puis de 25.000.000 €.
Pour fonder sa demande de prestation compensatoire Mme [N] invoque la disparité de ressources et de patrimoine entre les époux, son plein investissement dans la création et la gestion de la clinique de son époux de 1991 à 2003, et ce, sans rémunération. Elle souligne l'opacité de la présentation de sa situation financière par M. [O].
Ce dernier s'oppose à la prétention en faisant valoir la transparence de sa situation qui n'est pas aussi florissante que le prétend son épouse. Il conteste l'implication de cette dernière dans la clinique et précise qu'elle avait choisi de quitter son emploi dès 1991. Il souligne l'importance du patrimoine propre de Mme [N].
En application des articles 270 et suivants du code civil, un époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser la disparité créée par la rupture du mariage dans leurs conditions de vie respectives.
Cette prestation doit être fixée en fonction des besoins de celui à qui elle est versée et des ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible.
Pour en apprécier le montant le juge doit prendre en considération certains critères tels que la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur patrimoine estimé et prévisible, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles et leur situation respective en matière de pension de retraite en ayant estimé autant qu'il est possible, la diminution des droits à la retraite qui aura pu être causé, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa de l'article 271 du code civil.
Les époux, âgés l'un et l'autre de 64 ans, ont eu deux enfants et leur mariage aura duré 40 ans dont plus de 27 ans de vie commune, les parties ayant cohabité à nouveau quelque mois postérieurement au mois de juillet 2001.
La situation des parties telle qu'elle résulte des pièces produites aux débats est la suivante:
M. [O], chirurgien urologue, s'est installé en 1985 à la clinique [2] qu'il a acquise en 1996. Il a ensuite créé la clinique urologique de [1] qui a pris la suite de la clinique [2].
En 2010 M. [O] a déclaré un revenu non commercial de 342. 241 €, soit 28.520 € par mois. En 2011, il a déclaré un bénéfice de 242. 127 € et des revenus de capitaux mobiliers (dividendes) de 181.170 €, soit au total de 35.274 € par mois. En 2012, son bénéfice s'est chiffré à 248. 978 € dont il y a effectivement lieu de déduire les différentes charges sociales et cotisations professionnelles de 112.352 €. Il a donc perçu un revenu de 136.626 € soit 11.385 € par mois. En 2013 il justifie d'un revenu net de 199.079 € soit 16.589 € par mois.
Les droits à la retraite de base et complémentaire de M. [O] seront de 3.643 € brut par mois à compter de 65 ans.
Il ressort de l'attestation de l'expert comptable qu'en 2012 l'intimé n'a perçu aucun dividende de la société Clinouest, propriétaire des murs de la clinique.
Les pièces comptables produites font apparaître que l'intimé bénéficie dans ses trois sociétés de comptes courants créditeurs d'un total de 499.632 € en 2012.
Il résulte des bilans produits que la clinique a accumulé des pertes et par ordonnance sur requête du tribunal de commerce de Nantes du 4 février 2014, un mandataire ad hoc a été désigné pour la SA Clinouest et la SA Clinique Urologique afin d'accomplir toutes démarches permettant à ces entreprises de se restructurer et de régler leurs difficultés ponctuelles.
Un protocole d'accord a été régularisé entre la SA Clinouest, la SA Clinique Urologique et M. [O] d'une part et deux banques, d'autre part ayant abouti au maintien des concours bancaires et l'étalement des dettes, la clinique ayant accumulé des pertes au cours des trois derniers exercices à hauteur de 1.330.000 €.
Malgré les difficultés fonctionnelles et de gestion affectant ponctuellement la clinique et qui devraient disparaître à la suite des mesures de restructuration mises en oeuvre depuis 2012 et de développement du chiffre d'affaires prévu par le protocole de 2014, celle-ci conserve une valeur de marché extrêmement importante et peut intéresser de grands groupes spécialisés, M. [O] ayant d'ailleurs eu une proposition d'achat en ce sens en 2007.
Mme [N] n'est pas expressément contredite lorsqu'elle indique que la valeur d'un lit de la clinique serait de l'ordre de 100.000 €.
Les murs et le terrain sur lequel est implantée la clinique ont une valeur au bilan 2012 de 6.179.684 €, étant précisé que les emprunts et dettes se chiffrent à environ 2.480.000 €, M. [O] étant caution de ces emprunts pour 1.000.000 €.
Mme [N] établit qu'au 31 décembre 2010, M. [O] était propriétaire d'un appartement à [Localité 2], loué selon l'appelante. En revanche elle n'étaye d'aucun élément de preuve la valeur de 3.000.000 d'euros qu'elle attribue aux objets d'antiquités asiatiques acquis par les époux.
M. [O] indique qu'il a acquis avec sa fille un appartement à Nantes via une SCI dans laquelle il détient une part, intégralement financé par un emprunt, selon lui.
M. [O] supporte les charges mensuelles de la vie quotidienne, étant précisé qu'il aide [F] qui poursuit une spécialité médicale au Royaume-Uni.
Mme [N], pharmacienne, a été chef de service au CHU de Nantes jusqu'en 1991, date à laquelle elle a démissionné pour, selon elle, créer la clinique de chirurgie urologique avec son mari, ce que nie ce dernier.
Il n'est pas contesté que Mme [N] a bénéficié d'un mandat de directeur général au sein de la clinique du 14 juin 1996 à juillet 2001 et a exercé parallèlement les fonctions de pharmacien de la clinique. Depuis le 1er janvier 2003, elle perçoit un salaire, s'élevant à 4.704 € en mai 2014, sans exercer de fonctions effectives au sein de l'établissement.
Dans un courrier du 7 juin 1996 adressé à un établissement bancaire, M. [O] indique que la création de la clinique est un projet 'patrimonial et familial' et rappelle que son épouse a 'bien voulu' quitter ses fonctions à l'hôpital pour réaliser un DESS de gestion afin de se préparer à administrer le nouvel établissement.
Mme [N] a créé et géré de 1991 à 1996 l'EURL CLC Aménagements Intérieurs en vue de la construction de la nouvelle clinique. Elle justifie par la production de nombreuses courriers avoir eu un rôle effectif dans la gestion et la représentation de la clinique de 1996 à 2000, puis de façon plus ponctuelle jusqu'en 2003, et ce, sans percevoir de rémunération avant cette date.
Dans un courrier du 4 février 2008, M. [O] précise que son épouse est la conceptrice et la réalisatrice du service pharmacie et de l'unité de stérilisation de la clinique.
Mme [N] justifie de ses droits à la retraite du régime général à hauteur de 472 € brut par mois évalués au 1er mai 2013, mais ne fournit pas d'indications sur ses droits en matière de retraite complémentaire.
Mme [N] qui a reçu par donation plus d'une dizaine de terrains dont certains à bâtir situés dans le golfe du Morbihan, a déclaré au titre de l'ISF un actif net imposable de 1.490.000 € en 2012, ce que M. [O] estime largement sous évalué.
Les époux sont propriétaires indivis par moitié de l'ancien domicile conjugal évalué à 500.000 €.
Il résulte de ces éléments d'appréciation et, notamment, de la durée de la vie commune postérieure au mariage et au régime matrimonial choisi par les époux que le divorce va entraîner une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, et ce, au détriment de l'épouse qui a abandonné une carrière valorisante pour entreprendre des études de gestion et contribuer à la création et à la gestion de la clinique de son époux, et ce, sans être rémunérée durant une douzaine d'années, étant précisé que son âge ne lui permettra pas d'améliorer sa situation actuelle.
Cette disparité justifie qu'il soit alloué à Mme [N] une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 600.000 €.
Au regard de la solution donnée au litige et de la circonstance que Mme [N] n'a pas chiffré devant le premier juge la prestation compensatoire demandée, il convient de dire que chaque partie conservera la charge de ses entiers dépens, sans qu'il y ait lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après rapport à l'audience,
Déclare recevables les conclusions de Mme [N] du 29 août 2014,
Déclare recevables les demandes de prestation compensatoire et d'usage du nom marital après divorce formées par Mme [N],
Rejette des débats la pièce 154 communiquée par Mme [N],
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne M. [O] à payer à Mme [N] un capital de 600.000 €, net de droits d'enregistrements, à titre de prestation compensatoire,
Y ajoutant,
Attribue préférentiellement à M. [O] l'immeuble situé [Adresse 2] dont la valeur vénale est de 500.000 €,
Rejette toute autre demande,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER,POUR LE PRÉSIDENT
EMPÊCHÉ