Chambre du Surendettement
Redressement judiciaire civil
ARRÊT N° 34
R.G : 12/02230
DÉBITEUR :
[X] [Q] DIT [T]
Société CREDIT FONCIER DE FRANCE SA
C/
M. [X] [Q] DIT [T]
Mme [L] [Y] épouse [Q] DIT [T]
Société GE MONEY BANK
Société MEDIATIS CHEZ LASER COFINOGA
Société MONABANK
Société SOFICARTE SA CHEZ LASER COFINIGA
Société CA CONSUMER FINANCE-ANAP
Société CA CONSUMER FINANCE-FINAREF
Société CARREFOUR BANQUE
Société CETELEM CHEZ NEUILLY CONTENTIEUX
Société COFIDIS SA - AG SIEGE SOCIAL
Société DISPONIS CHEZ FRANFINANCE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 AVRIL 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Françoise LE BRUN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Catherine LE BAIL, Président,
Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,
Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller,
GREFFIER :
Marie-Noëlle KARAMOUR, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Février 2013
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 12 Avril 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE - CREANCIERE :
Société CREDIT FONCIER DE FRANCE SA
[Adresse 2]
[Localité 9]
régulièrement représentée par Me Patrick VIDAL de VERNEIX, avocat au Barreau de PARIS
INTIMES - DEBITEURS :
Monsieur [X] [Q] DIT [T]
[Adresse 8]
[Localité 5]
régulièrement convoqué par lettre recommandée avec avis de réception, comparant
Madame [L] [Y] épouse [Q] DIT [T]
[Adresse 8]
[Localité 5]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, comparante
CREANCIERS :
Société GE MONEY BANK
[Adresse 9]
[Localité 11]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société MEDIATIS CHEZ LASER COFINOGA
[Adresse 1]
[Localité 3]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société MONABANK
SERVICE SURENDETTEMENT
[Localité 6]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société SOFICARTE SA CHEZ LASER COFINIGA
[Adresse 1]
[Localité 3]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société CA CONSUMER FINANCE-ANAP
[Adresse 7]
le
[Localité 2]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société CA CONSUMER FINANCE-FINAREF
[Adresse 5]
[Localité 7]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société CARREFOUR BANQUE
TSA 74116
[Localité 10]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société CETELEM CHEZ NEUILLY CONTENTIEUX
[Adresse 6]
[Localité 1]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société COFIDIS SA - AG SIEGE SOCIAL
[Adresse 4]
[Localité 8]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
Société DISPONIS CHEZ FRANFINANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, non comparante
I Exposé du litige :
Par décision du 21 octobre 2010, la commission de surendettement des particuliers du Morbihan a déclaré recevable la demande de Monsieur [X] [Q] dit [T] et de son épouse Madame [L] [Y], au bénéfice de la procédure de surendettement.
Après échec de la procédure tendant à l'élaboration d'un plan conventionnel, sur demande des débiteurs en date du 3 février 2011, la commission de surendettement des particuliers du Morbihan a recommandé des mesures d'apurement du passif des débiteurs, lors de sa réunion du 23 juin 2011.
Par lettre du 5 juillet 2011, la SA Crédit Foncier de France a déclaré contester ces mesures recommandées, en faisant valoir la nature particulière du prêt viager-hypothécaire consenti aux débiteurs, ne générant pas de remboursements leur vie durant et justifiant son exclusion du plan de redressement, en maintenant toutes ses conditions et notamment les intérêts pendant la durée du plan.
Par jugement réputé contradictoire du 8 mars 2012, le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Vannes, statuant en matière de surendettement a :
- Rejeté les contestations formées par le Crédit Foncier de France à l'encontre des mesures recommandées par la commission de surendettement des particuliers du Morbihan au bénéfice de Monsieur [X] [Q] dit [T] et de son épouse Madame [L] [Y] ;
- Donné force exécutoire aux mesures recommandées préconisées par la commission de surendettement des particuliers du Morbihan le 23 juin 2011 ;
- Rappelé que les créanciers auxquels ces mesures sont opposables ne peuvent exercer des procédures d'exécution à l'encontre des biens du débiteur pendant la durée d'exécution de ces mesures ;
- Interdit au débiteur d'avoir recours à tout nouvel emprunt aussi longtemps que les créanciers figurant au plan ne seront pas intégralement remboursés ;
- Dit qu'en cas de défaillance du débiteur et dans un délai de 15 jours après une mise en demeure restée infructueuse, le présent plan de redressement judiciaire civil sera caduc ;
- Rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;
- Précisé les modalités de notification de la décision.
La SA Crédit Foncier de France a déclaré faire appel de cette décision par communication électronique reçue au greffe de la cour le 2 avril 2012. Son conseil a développé les moyens contenus dans ses conclusions déposées à l'audience du 22 février 2013, en demandant à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondé son appel ;
- Y faisant droit,
- Dire et juger qu'en application des dispositions des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation le prêt viager-hypothécaire consenti par la SA Crédit Foncier de France suivant acte reçu le 12 février 2010 par Maître [K], Notaire à [Localité 12], est exclu du plan d'apurement de la dette globale des époux [Q] dit [T] tel que préconisé par la commission de surendettement des particuliers du Morbihan du 23 juin 2011 ;
- En conséquence,
- Infirmer en toutes ses dispositions relatives au Crédit Foncier de France le jugement déféré dans le cadre du plan de surendettement des époux [Q] dit [T] ;
- Renvoyer le dossier devant ladite commission de surendettement afin qu'il soit élaboré un nouveau plan conformément à l'arrêt à intervenir
- Statuer ce que de droit sur les dépens.
Monsieur et Madame [Q] dit [T], présents à l'audience, se sont déclarés favorables à la demande.
Régulièrement convoqués par lettres en recommandé avec accusés de réception signés entre le 18 et le 20 décembre 2012, les autres créanciers n'ont pas comparu.
Des courriers sont parvenus à la cour, adressés par les sociétés Synergie et Cofinoga, demandant la confirmation du jugement déféré.
A l'issue des débats les parties présentes ont été informées du prononcé de la décision, par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2013.
***
II Motifs :
Le 23 juin 2011, la commission de surendettement des particuliers du Morbihan a imposé des mesures de traitement de la situation de surendettement de Monsieur et Madame [Q] dit [T], en retenant une capacité de remboursement de 1.739,11 €, basée sur des ressources globales mensuelles de 3.079 € (2.826 € pour l'époux et 253 € pour l'épouse) et une somme de 1.339,89 € retenue comme nécessaire aux dépenses courantes des époux, âgés de 71 ans et 81 ans.
La commission a pris des mesures permettant le règlement de l'ensemble des dettes déclarées au passif des débiteurs pour un montant de 126.707,74 €, en limitant la durée des mesures à 80 mois compte tenu de l'âge des débiteurs et en réduisant le taux d'intérêt à 0%. Elle a prévu notamment des remboursements mensuels de 270,83 €, sur une durée de 80 mois, pour apurer une dette de 21.666,24 € déclarée par le Crédit Foncier de France.
Le Crédit Foncier de France a en effet consenti le 12 février 2010 à Monsieur [X] [Q] dit '[T]' et à Madame [L] [Y], son épouse, un prêt viager hypothécaire, d'un montant de 19.950 €, au taux de 8,95 % l'an, remboursable au décès du dernier co-emprunteur ou lors de l'aliénation du bien, sur lequel une hypothèque a été consentie, pour une valeur estimée à 95.000 € au 21 décembre 2009. Le prêteur a déclaré un capital restant dû de 21.666,24 € au 14 décembre 2011.
La SA Crédit Foncier de France se prévaut des spécificités du prêt viager pour qu'il soit exclu du plan d'apurement de la dette globale des débiteurs, au motif qu'il ne génère pas de remboursements immédiats et que les mesures prises aggraveraient au contraire la situation des débiteurs, en mettant à leur charge des mensualités que le prêt visait justement à reporter à la date de leur décès ou de la vente du bien.
Il est rappelé que le traitement de la situation de surendettement d'un débiteur englobe l'ensemble de ses dettes non professionnelles et que seules sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement, celles qui sont spécifiquement prévues par l'article L 333-1 du code de la consommation, à savoir les dettes alimentaires, ainsi que les réparations pécuniaires allouées aux victimes et les amendes prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale. Font en outre l'objet de dispositions spécifiques prévues par l'article L 333-1-2 du code de la consommation, les dettes issues de prêts sur gage auprès des caisses de crédit municipal.
Aucun texte ne prévoit un traitement spécifique des dettes issues de prêts viagers hypothécaires, régis par les articles L 314-1 à L 314-20 du code de la consommation. Et seules peuvent être écartées de la procédure les créances dont la validité ou celle des titres qui les constatent n'est pas reconnue, en vertu des articles L 332-2 et R 332-4 du code de la consommation. Par ailleurs dans le cadre de la procédure il peut être tenu compte du comportement du créancier lors de l'octroi du prêt.
L'intérêt du prêt viager hypothécaire consiste pour l'emprunteur à obtenir des liquidités, en différant leur remboursement lors du décès du dernier co-emprunteur, en contrepartie d'une hypothèque consentie sur son bien pour garantir le paiement du prêteur à l'échéance, dans la limite de la valeur du bien.
Le caractère viager est rappelé par le Crédit Foncier de France et il justifie le montant de la somme prêtée ainsi que le taux pratiqué en fonction de l'âge des débiteurs dont la dette s'accroît au fil des années jusqu'à leur décès ou jusqu'à la vente du bien dont la valeur constitue le plafond de la somme pouvant être réclamée par le prêteur.
Le caractère viager du prêt s'efface lors de la vente du bien immobilier qui peut être antérieure au décès du débiteur. Et le prêt consenti par le Crédit Foncier de France à Monsieur [Q] dit [T] et Madame [D] prévoit en outre une faculté de remboursement anticipé, total ou partiel.
Cette faculté peut être exercée par les débiteurs ou être imposée par la commission pour permettre le traitement d'une situation de surendettement à laquelle participe le prêt quelle qu'en soit la forme, étant observé que le prêt litigieux a été contracté le 12 février 2010, en venant aggraver une situation déjà obérée et peu de temps avant une nouvelle saisine de la commission de surendettement des particuliers du Morbihan, qui venait de notifier un refus le 28 octobre 2009.
L'existence du bien immobilier n'empêche pas Monsieur [Q] dit [T] et Madame [Y] de prétendre au bénéfice de la procédure de surendettement, selon les termes de l'article L 330-1 du code de la consommation. Et il est observé que, selon la valeur retenue dans l'acte de prêt litigieux, la vente de ce bien pourrait être de nature à permettre le désintéressement d'une grande partie des créanciers, le surplus pouvant faire l'objet d'un apurement dans le cadre de mesures imposées ou recommandées, avec des mensualités adaptées aux capacités financières aux débiteurs, sur une plus courte durée.
Cette option n'a pas été retenue et la cession n'est pas réclamée par les créanciers. Elle n'est pas indispensable pour traiter la situation des débiteurs, dont l'apurement de l'ensemble des dettes est assuré dans les conditions prévues par la commission de surendettement des particuliers du Morbihan, tenant compte de l'âge et de la capacité de remboursement des débiteurs, en limitant la durée des mesures et réduisant à zéro le taux d'intérêt.
Il convient de confirmer le jugement déféré qui a donné force exécutoire aux mesures imposées pour le traitement du surendettement de Monsieur [Q] dit [T] et Madame [D].
Les frais de la procédure d'appel sont laissés à la charge du Trésor Public.
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Par ces motifs :
LA COUR :
Confirme le jugement déféré ;
Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge du Trésor Public.
Le Greffier, Le Président.