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29/03/2013 | FRANCE | N°12/00296

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre speciale des mineurs, 29 mars 2013, 12/00296


ARRET No 13/ 090
du 29 Mars 2013

ASSISTANCE EDUCATIVE

Killian X...

Date de la décision attaquée : 20 SEPTEMBRE 2012 Décision attaquée : JUGEMENT Juridiction : JUGE DES ENFANTS DE RENNESCOUR D'APPEL DE RENNES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2013 par la chambre spéciale des mineurs

COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats à l'audience du 22 Février 2013 et du délibéré : Madame Karine PONTCHATEAU, conseiller délégué à la protection de l'enfance désignée par ordonnance du Prem

ier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 13 juillet 2012, présidant l'audience, Mme Raymon...

ARRET No 13/ 090
du 29 Mars 2013

ASSISTANCE EDUCATIVE

Killian X...

Date de la décision attaquée : 20 SEPTEMBRE 2012 Décision attaquée : JUGEMENT Juridiction : JUGE DES ENFANTS DE RENNESCOUR D'APPEL DE RENNES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2013 par la chambre spéciale des mineurs

COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats à l'audience du 22 Février 2013 et du délibéré : Madame Karine PONTCHATEAU, conseiller délégué à la protection de l'enfance désignée par ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 13 juillet 2012, présidant l'audience, Mme Raymonde LETOURNEUR-BAFFERT, présidente de chambre, M. Pascal PEDRON, conseiller,

MINISTERE PUBLIC : hors sa présence

GREFFIER : M. Bruno GENDROT lors des débats et du prononcé de l'arrêt par mise à disposition au greffe

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

Madame Thiphaine Y......35830 BETTON

Appelante, comparante en personne, assistée de Me Béatrice HUBERT, avocat au barreau de RENNES et de Me CONQUY Matthieu, avocat au barreau de PARIS
ET
Monsieur Fabrice X......35310 MORDELLES

Intimé, comparant en personne, assisté de Me Christine TRAVERS, avocat au barreau de RENNES
LE CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE SERVICE PROTECTION DE L'ENFANCE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX

Intimé, représenté par Madame A..., assisté de Me Sabrina BAUDET, avocat au barreau de RENNES

Monsieur Killian X......35830 BETTON

Intimé, non comparant, représenté par Me Anne-marie QUESNEL, avocat au barreau de RENNES

*

Mme Tiphaine Y...est appelante d'un jugement du tribunal pour enfants de Rennes du 20 septembre 2012 qui a :

ordonné le placement de Killian, né le 21 juillet 2004, à l'Aide sociale à l'Enfance d'Ile et Vilaine, dans un lieu neutre, jusqu'au 20 septembre 2013, instauré un droit de visite médiatisé pour le père au minimum tous les 15 jours, avec évolution possible, instauré un droit de visite médiatisé pour la mère tous les 15 jours,

L'affaire a été appelée à l'audience de la chambre spéciale des mineurs du 22 février 2013 ;

Mme Pontchateau a été entendue en son rapport ;
Mme Y...Tiphaine a comparu assistée de ses conseils ; elle a été entendue en ses demandes, ses conseils en leur plaidoirie ;
Monsieur X...Fabrice, intimé, a comparu assisté de son conseil ; il a été entendu en ses observations, son conseil en sa plaidoirie ;
Le service gardien était présent, assisté de son conseil ; il a été entendu en son rapport, son conseil en sa plaidoirie ;
Le mineur n'a pas comparu ; il était représenté par son conseil qui a été entendu en ses observations ;
Mme le Président a rappelé le visa du Ministère public ;
L'affaire a été mise en délibéré au 29 mars 2013 ;
*******

Mme Y...Tiphaine sollicite l'infirmation de la décision entreprise, souhaitant un retour du mineur à son domicile ; elle fait valoir l'existence d'inquiétudes selon elle légitimes relativement à la situation de son fils et aux conditions de sa prise en charge par Monsieur X..., affirmant qu'elle ne souhaitait que la sécurité de Killian et qu'elle ne s'opposait pas aux visites avec son père ; elle rappelle toutefois l'existence des divers avis médicaux figurant au dossier qui justifient selon elle l'organisation d'une médiatisation dans les rencontres père-fils ; elle indique vivre en couple avec un compagnon enseignant, père de deux enfants ;

Ses conseils ont déposé des conclusions et versé des pièces à la Cour ; ils font observer que le placement en lieu neutre, tel qu'ordonné dans la décision attaquée, est une mesure d'une exceptionnelle gravité qui doit être décidé en dernier recours ; ils exposent que Killian souffre de la séparation, qu'il va mal et qu'un constat d'échec doit être posé, nécessitant que soit envisagée une autre mesure et un retour du mineur auprès de sa mère ; ils sollicitent la mainlevée des mesures éducatives et, à titre subsidiaire, demandent à la Cour d'ordonner le placement du mineur au domicile de Mme Y...et d'ordonner un changement de service gardien ; ils rappellent les contradictions pouvant exister entre les différentes décisions de justice relativement à l'appréhension des relations de Killian avec son père ;

Monsieur X...indique vivre seul et exercer un emploi régulier ; il indique subir les attaques de Mme Y...depuis deux années, ne faisant que s'en défendre et constatant la souffrance de son fils ; il relève que le placement en lieu neutre est difficile à vivre pour Killian et demande à la Cour d'ordonner le placement à son domicile et d'accorder à Mme Y...un droit de visite dans un cadre médiatisé ;
Son conseil a déposé des conclusions en ce sens et a entendu produire un certain nombre de pièces à l'appui de ses développements ;
Le service gardien rapppelle que le placement avait pour but de mettre le mineur à l'abri du conflit parental ; il mentionne que Mme Y...se positione toujours dans l'opposition des droits pouvant être accordés au père de l'enfant ; il sollicite la confirmation de la décision entreprise, évoquant qu'un projet de placement au domicile du père pourrait utilement être travaillé ; il relève que Killian s'est d'abord apaisé sur son lieu de placement avant de manifester à nouveau des signes de souffrance, le mineur restant tiraillé par l'envie de satisfaire ses deux parents et ne parvenant pas à s'extraire du conflit les opposant ; il indique que des sorties à la journée ont pu être accordées à Monsieur X...et que des accueils en journée à son domicile sont mis en place, outre des hébergements qui ont pu être ponctuellement organisés ; il mentionne que Killian manifeste un enthousiasme certain lors de ces rencontres et qu'il n'a jamais montré de signes d'insécurité en présence de son père ; s'agissant de Mme Y..., le service précise que des visites médiatisées sont mises en place, outre des contacts téléphoniques ; il ajoute que selon Mme Y..., l'accentuation des troubles observés chez Killian serait à mettre totalement en lien avec l'ouverture des droits de Monsieur X...et l'autorisation de sorties libres ;
Le conseil de Killian mentionne que le mineur a pu verbaliser qu'il voulait voir ses parents un week-end sur deux, hors présence des services éducatifs ;

SUR CE, LA COUR,

En la forme,
Considérant que l'appel a été interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi ; qu'il y a lieu de le recevoir ;
Au fond,
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 375 du Code civil, que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées ;

Considérant qu'en application des dispositions des articles 375-2 et 375-3 du code précité, chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel ; que si sa protection l'exige, il peut être confié à un service de l'aide sociale à l'enfance ; que le juge peut subordonner le maintien de l'enfant dans son milieu à des obligations particulières ;

Considérant en l'espèce qu'il ressort des éléments du dossier qu'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert a été ordonnée au profit de Killian le 22 juin 2010 dans un contexte de relations très conflictuelles existant entre ses parents, le plaçant dans la plus grande insécurité et générant chez lui un état de souffrance manifeste ; qu'il faut rappeler que Monsieur X...lui-même avait saisi le juge des enfants en 2009 sur la base d'un rapport d'enquête sociale ordonnée dans le cadre de l'instance pendante devant le juge aux affaires familiales ; que ce rapport, qui relevait que la séparation du couple était intervenue en 2007, pointait déjà des troubles du comportement de Killian que Mme Y...considérait comme antérieurs à la séparation mais accrus dans ce contexte ;

Que la mesure était reconduite courant septembre 2011 face à l'absence d'évolution de la situation et du conflit parental exacerbé ; que les parents étaient invités à se mobiliser sérieusement et durablement dans l'intérêt de leur fils, l'éloignement du mineur étant alors évoqué à défaut de changement ;
Que le 6 février 2012, un placement à domicile était ordonné, chez Mme Y..., le magistrat accordant en outre à Monsieur X...un droit de visite tous les 15 jours en lieu neutre, avec évolution possible ; que Killian était alors décrit comme un petit garçon présentant des signes de souffrance massifs ; qu'il était relevé que le placement à domicile était priorisé compte tenu de la rupture à l'époque trop brutale que pouvait représenter un placement en lieu neutre ;
Que courant juin 2012 et alors que Mme Y...ne respectait plus le cadre posé relativement aux visites de Killian avec son père, le placement à son domicile était maintenu ; que Killian apparaissait dans un état de conditionnement psychologique tel qu'un départ vers un lieu de placement neutre apparaissait difficile ;

Que ce placement au domicile de Mme Y...était toutefois conditionné à diverses obligations, celle de mettre en oeuvre un suivi psychologique pour Killian, celle de rencontrer régulièrement le service éducatif et enfin celle de respecter le droit de visite de Monsieur X...; que le magistrat mentionnait expressément qu'à défaut de respect de ce cadre, le placement en lieu neutre serait ordonné ;

Que par une note de juillet 2012, le service gardien informait le magistrat de l'absence de contact avec Mme Y...depuis plusieurs semaines, celle-ci n'honorant pas les rendez-vous fixés ; qu'il apparaissait en outre qu'elle n'avait pas davantage respecté les droits de visite du père de l'enfant ;
Que le 18 juillet 2012, le placement en lieu neutre était ordonné ;
Que sur recours formé par Mme Y..., la Cour d'appel suspendait l'exécution provisoire ;
Que le juge des enfants organisait une audience en urgence le 20 septembre 2012 ; que Mme Y...ne s'y présentait pas, faisant savoir, par son conseil qui sollicitait alors un dessaisissement, qu'elle avait quitté la région avec Killian pour aller vivre dans les Vosges ; que Monsieur X...demandait alors à titre principal que le mineur lui soit confié, sollicitant le maintien du placement en lieu neutre à titre subsidiaire ; qu'il était relevé que l'accueil de Killian chez son père apparaissait prématuré ; que le juge des enfants refusait de se dessaisir et maintenait le placement en lieu neutre ;
Que le placement était finalement mis en oeuvre par le service social d'Epinal, le mineur étant accueilli au Centre de l'Enfance à Chantepie, après transfert, le 2 octobre 2012 ;

Considérant qu'au delà des divergences des uns et des autres relativement aux droits pouvant être attribués à Mme Y...et Monsieur X..., le constat du mal-être de Killian est unanimement partagé ; qu'il peut manifester des comportements violents, se montrer dispersé et en difficulté à se centrer sur les apprentissages scolaires ;

Que ce jeune garçon de 9 ans vit, depuis la séparation de ses parents, dans un conflit dans lequel il est totalement englué, apparaissant noyé par les injonctions des uns et des autres et présentant des troubles anxieux importants ;
Que s'il est difficile en l'état de déterminer précisément l'origine des troubles repérés, force est de constater que le climat de conflit n'est pas de nature à les apaiser ;
Considérant que cette situation caractérise un danger avéré justifiant la poursuite de l'intervention judiciaire ;
Considérant que la décision frappée d'appel a en réalité renouvelé le placement à l'Aide sociale à l'enfance ordonné dès février 2012 ; que durant près de 7 mois, le juge des enfants a maintenu un placement à domicile, chez Mme Y..., en fixant à celle-ci des obligations ;
Considérant qu'il ressort des éléments de procédure que Mme Y...apparaît en grandes difficultés pour prendre conscience des conséquences de ses prises de position sur son fils ; que si son attachement à Killian ne saurait être remis en cause, elle n'est pas toujours en capacité de s'extraire du conflit l'opposant à son ex-compagnon et d'en préserver Killian, en assurant, le respect de la place qui doit être celle de Monsieur X...;
Considérant qu'elle a fréquemment évoqué les violences dont elle aurait été victime de la part de Monsieur X...; que les accusations qu'elle porte relativement à des faits de nature sexuelle qui auraient pu être commis par Monsieur X...sur Killian ont fait l'objet d'enquêtes qui ont été classées sans suite ; que malgré ces éléments, elle se maintient dans une position de conviction telle, qu'elle n'est pas disponible psychologiquement pour envisager l'existence de relations équilibrées et sereines entre Killian et son père ;
Considérant que dans ce contexte, elle ne peut que ressentir comme une profonde injustice les décisions prises, pourtant dans l'intérêt du mineur ; qu'elle peut ainsi qualifier de « vengeance » les demandes de placement formulées par les services sociaux, se maintenant dans une position de conflit et de rejet à leur égard ;
Considérant qu'elle n'a pas respecté les obligations fixées dans le cadre du placement à domicile, s'agissant notamment de ses rencontres avec le service mais aussi relativement au droit de visite de Monsieur X...; que son départ vers les Vosges et sa demande de dessaisissement dans le courant de l'été 2012 sont à ce titre significatifs ;
Considérant qu'en application des dispositions légales susvisées, le placement en lieu neutre pouvait intervenir dès le constat de l'irrespect des obligations qui lui avaient été imparties ;
Qu'en outre, ses différentes carences ont alimenté le danger déjà caractérisé en ce qu'elles ont privé le mineur de toute relation avec son père mais aussi avec les services éducatifs en charge de sa situation ;
Considérant que dans un tel contexte, le placement en lieu neutre est donc intervenu à bon droit ; que si une telle mesure occasionnant une séparation d'avec le milieu naturel doit en effet rester exceptionnelle, force est de constater qu'en l'espèce les obstacles répétés de Mme Y...à la mise en oeuvre des décisions de justice prises dans l'intérêt du mineur ne pouvaient permettre le maintien de celui-ci à son domicile ;
Considérant que les récentes informations transmises par le service gardien et les développements à l'audience permettent de constater l'absence d'évolution de la situation ; que Mme Y...se maintient dans une attitude d'opposition pouvant aller jusqu'à des dépôts de plainte à l'égard des services ; qu'elle formule en outre une demande de changement de service qui ne peut être accueillie favorablement ;
Considérant que Monsieur X...apparaît davantage en capacité d'entendre les recommandations du service ; qu'il est en tout état de cause capable de préserver la place de Mme Jan à l'égard de Killian et ce, dans l'intérêt du mineur ; qu'un accueil de l'enfant à son domicile est en revanche tout à fait prématuré en l'état ;
Considérant que Killian a pu dire, en lieu neutre et auprès de professionnels, qu'il se sentait bien en foyer ; que si la séparation peut être difficile à supporter au quotidien pour un enfant de son âge, son conseil relève qu'il demande à pouvoir rencontrer ses parents un week-end sur deux sans éducateurs ; qu'il a aussi besoin d'être rassuré sans vivre comme un abandon cette décision ; qu'il importe qu'il puisse se poser sereinement en bénéficiant d'une prise en charge structurante, adaptée à ses besoins ; que les adultes doivent entendre qu'il est impératif aujourd'hui qu'ils se recentrent sur Killian, ses besoins et son intérêt et qu'ils parviennent à dépasser leur conflit ; que la situation ne pourra évoluer que sous cette condition ;
Qu'il n'y a pas lieu d'envisager une mainlevée de la décision avant l'échéance ;
Que les modalités de rencontre accordées à chacun des parents sont conformes à l'intérêt du mineur ; qu'elles doivent être confirmées ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
En la forme :
DECLARE l'appel recevable ; Au fond :

Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,
LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER

Bruno GENDROTLE PRESIDENT
Karine PONCHATEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre speciale des mineurs
Numéro d'arrêt : 12/00296
Date de la décision : 29/03/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-03-29;12.00296 ?
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