COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 07 FEVRIER 2012
6ème Chambre A
ARRÊT No 323
R. G : 10/ 01202
Mme Marguerite X...
C/
M. Alain Y... Mme Corinne Z... Melle Amélie Y...
Copie exécutoire délivrée le :
à :
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Pierre DILLANGE, Président, Madame Dominique PIGEAU, Conseiller, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller,
GREFFIER :
Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur François-René AUBRY, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions
DÉBATS :
En chambre du conseil du 12 Décembre 2011 devant Monsieur Pierre DILLANGE et Madame Dominique PIGEAU, et magistrats rapporteurs, tenant l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Février 2012, date indiquée à l'issue des débats.
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APPELANTE :
Madame Marguerite X... née le 17 Août 1960 à YAOUNDE (CAMEROUN)...... 56100 LORIENT agissant en son nom personnel et es qualité de représentante légale de ses quatre filles mineures, Amélie, Jessy, Marguerite, Balbine
représentée par la SCP BREBION CHAUDET, avoués, assistée de Me Sabrina PREDOUR, avocat
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 2533 du 28/ 02/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉS :
Monsieur Alain Y... né le 06 Août 1955 à CHATEAU-THIERRY (02400)...... 56100 LORIENT
représenté par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avocats et assisté de Me REGENT, GROULT, PILVEN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielleà 55 % numéro 2010/ 3342 du 28/ 02/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
Madame Corinne Z...,... 56000 VANNES ès-qualités d'administrateur ad'hoc des enfants mineurs Jessy, Marguerite et Balbine X...,
représenté par la SCP Jean-Loup BOURGES-Luc BOURGES, avoués et assisté de Me BERGER-LUCAS, avocat
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
Mademoiselle Amélie Y... née le 08 Août 1993 à YAOUNDE (CAMEROUN)... 56000 VANNES
représentée par la SCP Jean-Loup BOURGES-Luc BOURGES, avocats et assisté de Me BERGER LUCAS, avocat
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 13 avril 2004, Alain Y... a reconnu en mairie de LORIENT les 5 enfants de Marguerite X..., tous nés à YAOUNDE (Cameroun) :- Dona née le 8 mai 1989,- Amélie née le 8 août 1993,- Jessy née le 29 décembre1995,- Marguerite née le 15 juillet 1996 et Balbine née le 22 septembre 2001.
Ces enfants ont été légitimés par le mariage de leurs parents le 17 juillet 2004.
Le divorce des époux Y... etX... a été prononcé par un jugement rendu le 29 novembre 2009 par le tribunal de grande instance de LORIENT.
Parallèlement, Alain Y... a engagé sur le fondement de l'article 332 al. 2 du code civil une action en contestation de sa paternité, en vue de l'annulation des reconnaissances qu'il avait souscrites.
Le même tribunal par jugement du 4 février 2010, a fait droit à sa demande. En conséquence de l'annulation de ces reconnaissances le tribunal a dit que les quatre enfants encore mineures porteront le patronyme de X..., seule Dona, majeure, conservant celui de Y....
Le tribunal a encore débouté celle-ci de sa demande de dommages et intérêts ; faisant droit à celle des quatre mineures, à chacune desquelles le demandeur était condamné in solidum avec leur mère à payer une somme de 500 €.
Marguerite X... en son nom, comme en celui de ses quatre filles mineures a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 22 février 2010.
Dans le dernier état de ses écritures, elle demande qu'en conséquence des annulations prononcées, les patronymes de ses filles deviennent respectivement : A... pour Amélie, B...pour Jessy, X... pour Marguerite et C... pour Balbine.
Elle sollicite encore que le seul Alain Y... soit tenu au paiement des dommages et intérêts prononcés par le premier juge.
Ce dernier a relevé appel incident, ne sollicitant la réformation de la décision que sur les dommages et intérêts mis à sa charge.
Corinne Z..., ès qualités d'administrateur ad hoc des enfants encore mineurs à la date de la déclaration d'appel, dans ses écritures du 30 novembre 2011, s'en est rapportée à justice sur l'usage du nom patronymique de l'intimé, soulignant néanmoins que le voeu des enfants aurait été de le conserver ; elle sollicite encore en leur nom confirmation de la condamnation de ce dernier à des dommages et intérêts, sous réserve qu'il soit seul tenu de ceux-ci.
Amélie Y..., devenue majeure, par conclusions d'intervention volontaires du 6 décembre 2011, a demandé à conserver le patronyme qui est actuellement le sien. Elle a conclu dans le même sens que ses soeurs sur les dommages et intérêts.
Le Ministère Public a conclu à la confirmation de la décision déférée, en ce qu'elle a attribué aux enfants le patronyme de X....
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'annulation des reconnaissances de paternité du 13 avril 2004,
La cour constatera l'accord de l'ensemble des parties quant à la confirmation sur ce point du jugement du 4 février 2010 dont la décision correspond incontestablement au caractère mensonger des reconnaissances en cause. Les annulations prononcées seront donc confirmées.
Sur le patronyme des enfants,
En application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 61-3 du code civil, il ne pourra qu'être fait droit à la demande d'Amélie Y... qui conservera donc son patronyme, puisque ce texte dispose que « l'établissement ou la modification du lien de filiation n'emporte cependant le changement du nom de famille des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement ».
Le premier alinéa du même article dispose que « tout changement de nom de l'enfant de plus de treize ans nécessite son consentement personnel lorsque ce changement ne résulte pas de l'établissement ou de la modification d'un lien de filiation. »
L'application a contrario de l'ensemble de ce texte conduit à constater que les annulations des reconnaissances mensongères de paternité des trois enfants encore mineures entraînent pour elles le retour à leurs patronymes initiaux.
Seul pourrait se superposer à ce principe « l'intérêt supérieur » des enfants en cause. En l'espèce, il apparaît que les conclusions prises en leur nom par leur administrateur ad hoc exprime seulement « un souhait » et une « peur des conséquences que la perte de ce nom pourrait avoir pour elles pour l'avenir ». Elles affirment encore que leur demande est fondée sur les bonnes relations qu'elles auraient conservées avec l'intimé ; en contradiction avec les écritures de ce dernier.
A défaut d'une argumentation plus précise et de la production de pièces il n'est pas possible de faire droit à un simple souhait et à une crainte qui n'est étayée par aucun élément.
Par ailleurs, si Marguerite X... n'a pas qualité pour représenter ses enfants dans la présente instance, il apparaît que celles-ci perdant le nom de Y..., doivent à nouveau porter leurs patronymes d'origine, conformément aux actes dressés par les services des affaires étrangères de NANTES ; qu'ainsi devront pour Jessy, Marguerite et Balbine être substitués à celui de Y... leurs noms de naissance mentionnés sur les actes précités.
Sur la demande de dommages et intérêts,
C'est à bon droit que l'intimé fait valoir que l'appelante n'a pas qualité pour faire valoir les intérêts des enfants à ce titre, en raison d'un possible conflit d'intérêts.
Alain Y... oppose encore que les enfants de l'appelante n'établissent aucun préjudice du fait de l'annulation des actes de reconnaissance à l'origine de la procédure ; pas plus qu'elles ne prouvent que son comportement aurait été fautif à leur égard. Il expose plus précisément que les enfants n'ont jamais eu de doute quant au caractère fictif de sa reconnaissance de paternité ; qu'aucun lien n'a été créé avec elles, en l'absence de vie commune durable. Il affirme ainsi n'avoir « pu rompre un engagement paternel qui n'a jamais existé ». Il s'abstient néanmoins de faire connaître quel a été son mobile à l'origine de la reconnaissance mensongère de 5 enfants. Il cite une jurisprudence ancienne aux termes de laquelle l'intimée pourrait être susceptible de le garantir d'une condamnation éventuelle pour avoir été associée en connaissance de cause à la reconnaissance mensongère.
Son ex-épouse qui se présente comme « meurtrie » par la procédure en contestation de paternité ne donne pas plus d'éclairage sur le but poursuivi par le couple ni sur son propre rôle.
Il est manifeste qu'au titre de la présente procédure chacune des parties adopte une posture sans rapport avec la réalité d'une histoire que la cour ne connaîtra pas.
Amélie Y... pour demander confirmation de la condamnation à son profit du seul appelant allègue un préjudice moral qu'elle ne précise aucunement (notamment au plan affectif) ; à moins qu'elle ne le confonde avec la crainte à laquelle elle l'associe de ne pouvoir se maintenir en France. Les conclusions d'appel des trois jeunes filles mineures sont rédigées en des termes exactement similaire.
La cour constatera dès lors que le préjudice moral allégué n'a aucun fondement ; que la crainte de devoir quitter la France est une conséquence de la procédure de contestation de paternité en l'état hypothétique, ne relevant que d'une éventuelle décision de l'autorité administrative. Elle ne saurait davantage fonder une indemnisation.
Chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
DECISION :
PAR CES MOTIFS
La cour, après rapport à l'audience,
Confirme le jugement du 4 février 2010, en ce qu'il a annulé les reconnaissances de paternité effectuées par Alain Y... en mairie de LORIENT le 13 avril 2004 et constaté que Dona Y... conservera ce patronyme,
L'infirmant pour le surplus,
Constate qu'Amélie Y... conservera ce patronyme,
Dit que Jessy Y... reprendra le patronyme de B...,
Dit que Marguerite Y... reprendra celui de X...,
Dit que Balbine Y... reprendra celui d'C...
Dit que le présent arrêt sera mentionné en marge des actes de naissance des 5 enfants concernés, dressés par le service de l'Etat civil du Ministères des Affaires Etrangères à NANTES,
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de ces mêmes enfants,
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,